CHAPTER 27

⸻ ❝ 𝚂𝙷𝙸𝙽𝙸𝙽𝙶 𝙹𝙴𝚆𝙴𝙻 ❞ ⸻

⸺【 🜲 】⸺































LE SELF DU BLUE LOCK ÉTAIT étrangement animé ce matin-là. Peut-être était-ce l'excitation du match qui approchait, ou simplement la routine qui s'installait dans cet environnement compétitif.

Dojima, lui, était assis entre Baro et Rin, son attention entièrement tournée vers la petite Kojima, installée confortablement sur ses genoux. Avec une patience inattendue, il lui donnait à manger, découpant minutieusement ses morceaux de fruits avant de les porter à sa bouche. La petite, ravie, babillait doucement en attrapant parfois ses doigts, son sourire innocent contrastant avec l'ambiance généralement brutale du Blue Lock.

Autour d'eux, plusieurs joueurs observaient la scène avec une incompréhension totale.

« Attends, attends... » chuchota Chigiri, visiblement perturbé. « C'est qui ce bébé ? »

« Ouais, et pourquoi Dojima s'en occupe comme si c'était le sien ?! » enchaîna Igaguri, les sourcils froncés.

'MON MAÎTRE ME TROMPERAIT-IL DEPUIS TOUT CE TEMPS ?!'

« J'veux pas foutre le bordel mais... Dojima a un gosse ? » demanda Raichi, l'air aussi confus que les autres.

Baro lança un regard noir à la tablée d'imbéciles qui murmuraient.

« Vous êtes débiles ou quoi ?! T'as vu sa gueule ? C'est sa sœur. »

« Oh... »

— « Ah, maintenant que tu le dis, ouais, y'a un air de famille. »

— « Mais elle est trop mignonne... Comment un type comme Dojima peut avoir une sœur aussi adorable ? »

Dojima, bien qu'ayant parfaitement entendu les murmures, ne prit même pas la peine de relever. Le bébé, elle, semblait amusée par tout le bruit et applaudit doucement, ce qui fit fondre une partie de l'assemblée.

Le jeune Itoshi mangeait tranquillement, silencieux comme à son habitude. Pourtant, son esprit était ailleurs.

La nuit dernière...

Il ne savait pas si c'était une bonne chose d'y repenser maintenant, au beau milieu du self. Surtout avec Kojima assise sur lui.

Mais difficile de ne pas se perdre dans ses pensées quand chaque mouvement de ce dernier lui rappelait des images bien plus intimes.

Le contact brûlant de sa peau contre la sienne. Ses mains explorant chaque centimètre de son corps avec cette assurance insolente. Son souffle contre sa nuque, ce frisson incontrôlable qui l'avait parcouru sous ses caresses expertes.

Rin serra son verre d'eau, détournant le regard.

Ce n'était pas le moment.

Mais quand Dojima se tourna légèrement vers lui, son expression toujours aussi calme et indéchiffrable, Rin sentit son propre visage chauffer.

Comme s'il savait exactement à quoi il pensait.

« Coquin...~ »

Il manqua de s'étouffer avec son eau.

Il tourna lentement la tête vers le jeune homme, dont le sourire était aussi taquin que satisfait. Son regard incandescent, rempli d'amusement, contrastait avec son ton bas et suave, comme s'il savourait l'effet qu'il venait d'avoir sur lui.

Rin ouvrit la bouche pour répliquer, mais aucun mot ne sortit. Coquin ? Sérieusement ? Il allait vraiment lui balancer ça alors qu'ils étaient en pleine salle, entourés d'autres joueurs, avec sa petite sœur assise sur ses genoux ?

« Tsk. » il détourna le regard, tentant de reprendre contenance en portant son verre à ses lèvres.

Dojima, lui, se contenta de rire doucement avant de reporter son attention sur Kojima, comme si de rien n'était. Il lui essuya doucement la bouche avec une serviette, la tendresse dans ses gestes contrastant tellement avec l'homme qui, la veille, avait dominé Rin avec une aisance déconcertante.

Il aurait dû s'y attendre. Le noiraud adorait jouer avec lui. Et encore plus quand il pouvait le pousser dans ses retranchements.

Mais ce qui l'agaçait le plus... c'était que ça marchait.

Laissant Rin dans sa torpeur de la nuit torride passée, il discutait tranquillement avec Reo du programme à venir, détaillant les entraînements et les séances de récupération prévues, Kojima trouva une toute nouvelle distraction : Baro.

Installée sur les genoux de son frère quelques instants plus tôt, elle s'était mise à fixer l'homme-lion avec une fascination évidente. Ses grands yeux ronds le détaillaient avec curiosité, et avant que quiconque ne puisse réagir, la petite grimpa sur lui, l'escaladant tandis qu'elle tendit ses petites mains potelées vers ses cheveux hérissés, attirée par leur forme sauvage et leur couleur frappante.

Le grand noiraud, en pleine dégustation de son plat royalement garni, sentit soudain quelque chose agripper ses mèches, en plus d'un petit corps l'escalader. Son expression passa de la neutralité à l'incompréhension, puis au pur agacement lorsqu'il réalisa que ce n'était autre que le bébé de Dojima qui venait de saisir une poignée de ses cheveux.

« Oi, c'est quoi ça ?! » grogna-t-il, lançant un regard noir à la petite intruse.

Mais Kojima, absolument pas impressionnée, émit un petit rire ravi en tirant un peu plus fort.

« Tch. » Il fronça encore plus les sourcils, mais contre toute attente, il ne l'écarta pas immédiatement. Il fixa la petite noiraude, qui continuait de jouer avec ses mèches comme si elles étaient les choses les plus intéressantes du monde, et un silence pesant s'installa entre eux.

Raichi, assis non loin, observa la scène, bouche bée.

« Attends... elle vient de toucher ce gars là et il l'a pas encore envoyée valser ?! »

Gagamaru étouffa un rire tandis qu'Isagi observait la scène avec un mélange d'amusement et de prudence.

Dojima, lui, était toujours plongé dans sa conversation avec Reo, totalement inconscient de la petite scène qui se jouait à côté. Et étrangement... personne n'osa l'interrompre. Peut-être parce que voir Baro se faire dominer par un bébé était une expérience unique en son genre.



















































__________
⸻ 𝙲𝙷𝙰𝙿𝙸𝚃𝚁𝙴 27 ⸻
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Avant Match : Ressemblances






















Dans le bureau d'Ego, l'ambiance était bien différente de celle animée du self. Ici, seule une tension pesante régnait, entrecoupée par les sanglots silencieux d'une jolie fille aux cheveux de jais.

Assise sur une chaise, elle s'efforçait de reprendre son souffle, mais ses yeux rougis et gonflés trahissaient le torrent d'émotions qui l'avaient submergée. Son nez coulait encore légèrement, et d'un geste maladroit, elle essuya ses joues trempées avec la manche de sa veste.

« C'est... c'est injuste... » murmura-t-elle, la voix brisée.

Anri, accroupie à ses côtés, lui caressa doucement le dos pour la réconforter, tandis que Ritsuko, visiblement mal à l'aise face à la détresse de la jeune femme, lui tendait un mouchoir avec une expression compatissante.

Le noiraud aux lunettes, lui, restait impassible derrière son bureau, ses doigts croisés devant son visage, comme s'il pesait chaque mot à venir.

« Himejima, » finit-il par dire, sa voix tranchante brisant le silence. « Je comprends ton émotion, mais il est hors de question que tu le lui dises. »

Elle releva les yeux vers lui, sa mâchoire tremblant sous l'émotion.

« Mais c'est son droit de savoir ! »

« Non. » Ego la coupa net, son regard acerbe fixé sur elle. « Dojima n'a pas besoin de distractions avant ce match. C'est une information qui peut bouleverser son état d'esprit et mettre en péril tout ce pour quoi il s'est battu jusque-là. »

Himejima secoua la tête, refusant d'accepter cette logique froide.

« C'est sa mère, Ego ! » s'écria-t-elle, ses poings se crispant sur ses genoux. « Tu ne peux pas lui cacher qu'elle... »

Elle s'arrêta net, mordant sa lèvre avec force pour retenir un nouveau sanglot.

Anri échangea un regard avec Ritsuko, visiblement hésitantes. Elles aussi savaient à quel point cette nouvelle était bouleversante... mais elles connaissaient Ego. Il n'allait pas céder.

« Je peux. » répondit-il, implacable. « Et je vais le faire. Parce qu'ici, nous ne jouons pas avec des sentiments, mais avec l'avenir du football japonais. »

Le silence retomba, lourd, étouffant.

La noiraude baissa la tête, ses larmes coulant à nouveau, tandis que la rose la prenait doucement dans ses bras.

Elle voulait croire que son frère serait assez fort pour supporter cette nouvelle. Mais elle savait aussi à quel point il était fragile, derrière son masque d'assurance et de nonchalance.

Et maintenant, elle n'avait plus le droit de lui dire

Himejima renifla bruyamment, essuyant encore une fois ses joues trempées. Son cœur se serrait à l'idée de devoir cacher une nouvelle aussi importante à son frère. Anri resserra son étreinte autour d'elle, lui caressant doucement le dos pour l'apaiser.

« Je sais que c'est difficile, Himejima... » murmura-t-elle avec douceur. « Mais imagine à quel point ce sera une belle surprise pour lui après le match. »

La jeune femme inspira profondément, essayant de calmer les battements affolés de son cœur.

« Il va être si heureux... » souffla-t-elle, sa voix encore tremblante.

Ritsuko, toujours un peu mal à l'aise avec ce genre de situation, hocha vigoureusement la tête en ajustant ses lunettes.

« Oui, et en plus... » Elle hésita un instant, cherchant ses mots. « S'il l'apprend maintenant, il risque d'être déstabilisé... mais après le match, ce sera une récompense incroyable pour lui. Une motivation supplémentaire. »

Himejima serra les poings, fixant le sol avec intensité.

Elle comprenait. Elle comprenait parfaitement. Mais ça n'enlevait en rien l'injustice de la situation.

Anri lui offrit un sourire compatissant, posant une main sur la sienne.

« Tu veux qu'il gagne, non ? »

Elle hocha lentement la tête.

« Alors fais-lui confiance. »

Un long silence s'installa, puis, dans un souffle résigné, Himejima murmura :

« D'accord... Je ne lui dirai rien. »

Elle releva les yeux vers Ego, qui la scrutait avec son air toujours aussi calculateur. Il n'ajouta rien, se contentant d'un léger hochement de tête, comme s'il avait su depuis le début qu'elle finirait par accepter.

Mais au fond d'elle, elle ne pouvait s'empêcher de se demander...Est-ce que Dojima lui pardonnerait d'avoir gardé un tel secret ?

Son téléphone vibra brusquement dans sa main. Son cœur, encore fragile des émotions précédentes, rata un battement en voyant le nom s'afficher sur l'écran.

PÈRE.

Son sang se glaça instantanément.

Elle avala difficilement sa salive avant de décrocher, portant lentement le téléphone à son oreille.

« Viens à l'entrée du Blue Lock. Maintenant. »

Une voix autoritaire, froide et tranchante. Aucune douceur, aucune chaleur, juste un ordre déguisé en une simple phrase.

Himejima resta figée quelques secondes, le téléphone toujours contre son oreille, comme si elle espérait que ce n'était qu'un cauchemar.

Mais non.

Elle savait très bien que ce n'était pas un rêve.

Les deux femmes la regardèrent avec inquiétude en voyant son visage perdre toute couleur. Même Ego arqua un sourcil derrière ses lunettes, intrigué.

« Himejima ? » osa demander Anri.

La noiraude inspira un bon coup, reprenant contenance avant de ranger son téléphone dans sa poche.

« Je... dois y aller. »

Elle ne leur laissa pas le temps de poser plus de questions et quitta la pièce à grands pas.

Chaque couloir qu'elle traversait lui semblait plus long que le précédent. Son cœur battait à un rythme irrégulier, partagé entre l'angoisse et la frustration.

Arrivée à l'entrée du Blue Lock, une brise glaciale s'engouffra immédiatement dans ses vêtements. L'air hivernal mordit sa peau, lui rappelant qu'elle était bel et bien éveillée.

Et là, devant elle, se tenait son père.

Élégant et imposant comme toujours, son regard tranchant la transperça instantanément. Il n'était pas seul. C'est en entendant des bruits de pas à son arrière qu'elle se retourne, légèrement surprise. Les deux femmes l'avaient suivie, par précaution. Mais ce qui la surprit le plus fut de voir Ego se tenir à ses côtés, les mains croisées dans son dos, son sourire énigmatique toujours plaqué sur son visage.

Le vent mordant s'engouffrait dans les pans du manteau d'Himejima, mais ce n'était rien comparé au froid glacial que lui inspirait la présence de son père.

Il se tenait droit, imposant comme toujours, vêtu d'un manteau long et noir qui accentuait son aura intimidante. Ses cheveux, parfaitement coiffés, ne trahissaient aucun signe de faiblesse, et son regard perçant transperçait sa fille comme une lame affûtée.

Elle serra les poings.

« Que fais-tu ici ? » demanda-t-elle d'une voix qu'elle voulait ferme, mais qui tremblait légèrement sous l'intensité du moment.

Takayuki ne prit même pas la peine de répondre immédiatement. Son regard balaya rapidement Anri et Ritsuko avant de s'arrêter sur Ego.

« Jinpachi Ego. »

Le nommé afficha un agacement, il était évident qu'il n'éprouvait aucune once de respect pour l'homme en face de lui.

« Monsieur Mitsuru. » Il ajusta ses lunettes du bout des doigts. « C'est une surprise de vous voir ici. Je suppose que ce n'est pas une visite de courtoisie ? »

Le grand brun esquissa un sourire froid.

« Tu sais très bien pourquoi je suis ici. Je veux voir mon fils. Maintenant. »

Himejima se raidit. Son cœur battait à tout rompre dans sa poitrine. Elle ouvrit la bouche pour répliquer, mais Ego la devança.

« Dojima est actuellement en plein programme intensif. Il n'a pas de temps à accorder à des distractions extérieures. »

Le regard de l'homme d'affaires influent s'assombrit immédiatement.

« Ne me parle pas de temps, Ego. Ce garçon a déjà trop perdu sous ta coupe. Il est temps qu'il revienne à la réalité. »

La noiraude sentit son corps se crisper de rage.

« Revenir à la réalité ? Tu veux dire, revenir sous ton contrôle, c'est ça ?! »

Son père tourna lentement la tête vers elle, l'air impassible.

« Tait-toi, jeune fille. »

Elle serra les dents.

« Non. Parce que c'est toujours comme ça avec toi. Tu veux dicter nos vies comme si nous étions tes employés. Mais Dojima n'est pas un pion sur ton échiquier ! »

Un silence lourd s'installa. Anri et Ritsuko échangèrent un regard inquiet. Ego, lui, restait silencieux, observant la confrontation avec un intérêt quasi scientifique. Finalement, son père poussa un soupir exaspéré.

« Je suis venu lui parler. Ce n'est pas une demande. C'est un ordre. »

Himejima sentit la colère exploser en elle.

« Et si je refuse ?! »

Il posa sur elle un regard sévère, chargé d'un poids qu'elle connaissait trop bien.

« Tu es bien naïve si tu crois que tu peux m'empêcher de voir mon propre fils. »

Elle sentit un frisson parcourir son échine, mais elle ne céda pas.

« Tu n'as pas ce droit. »

Un sourire dédaigneux se dessina sur ses lèvres.

« Tout ce que possède Dojima vient de moi. Toi incluse. Vous m'appartenez. »

Himejima sentit la rage monter, mais une main se posa doucement sur son épaule. Elle tourna la tête et vit Ego, toujours aussi impassible, mais cette fois, une lueur amusée dans le regard.

« Vous avez une drôle de manière de revendiquer une famille, monsieur Mitsuru. Mais malheureusement, Dojima est sous contrat avec Blue Lock. Et ici, c'est moi qui décide qui il voit ou non. »

Le regard de Takayuki s'affûta dangereusement.

« Ne joue pas avec moi, Ego. »

— « Je ne joue jamais. »

Un silence pesant s'installa.

La noiraude sentit son père peser le pour et le contre. Il était puissant, influent, mais ici... il n'avait pas le contrôle. Finalement, il soupira, ajustant les poignets de son manteau.

« Soit. Mais dis à ce garçon qu'il ne pourra pas m'éviter éternellement. »

Puis, sans un regard de plus pour sa fille, il tourna les talons et s'éloigna, laissant derrière lui une tension électrique.

Himejima sentit ses jambes trembler légèrement. Elle voulut inspirer profondément, mais elle n'en avait même pas la force. Ego, lui, la regarda du coin de l'œil avant d'ajuster ses lunettes avec un sourire.

Alors qu'il s'apprêtait à franchir quelques pas de plus, l'homme d'affaires s'arrêta net. Un silence pesant s'installa alors qu'il tournait légèrement la tête, son profil coupé par son expression sombre.

« Oh... et au fait. J'ai entendu la nouvelle...Votre mère s'est réveillée, n'est-ce pas ? »

Ses yeux s'écarquillèrent sous le choc.

Comment... ?

Takayuki eut un léger ricanement en observant son silence.

« Félicitations. Vraiment. J'espère que vous en profitez bien. »

Chaque mot sonnait creux, presque moqueur. Il ne leur offrait pas des félicitations sincères, mais une déclaration enveloppée d'un venin subtil.

« Mais ne vous faites pas trop d'illusions. » Il passa lentement une main sur l'un des boutons de son manteau, comme s'il s'ennuyait. « Ce n'est qu'une question de temps avant que vous ne reveniez miauler sous ma porte. Vous êtes des enfants après tout. Dépendants. Vous finirez par avoir besoin de moi. Comme toujours. »

Himejima sentit une rage noire lui tordre la poitrine.

« Ne nous compare pas à des animaux errants. » cracha-t-elle.

Il lui offrit un sourire dénué d'émotion.

« Alors ne vous comportez pas comme tel. »

Puis, sans un mot de plus, il reprit son chemin et disparut dans l'ombre, laissant derrière lui un silence lourd et un froid plus glacial encore que le vent qui soufflait sur eux.

Himejima resta figée, la mâchoire crispée, son souffle court.

Il savait.

Il savait que leur mère s'était réveillée... et il venait de planter un nouveau doute en elle.



















































































































































Deux semaines plus tard...
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Le temps avait filé à une vitesse déconcertante. Deux semaines d'entraînement intensif, de sueur et de stratégie. Deux semaines à s'immerger dans une seule et unique obsession : ce match contre les U20. Chaque séance l'avait poussé à ses limites, chaque moment l'avait rapproché de cet instant où tout se jouerait sur le terrain. 

Et maintenant, il y était. 

Dojima se tenait dans le vestiaire, son maillot bleu du Blue Lock entre les mains. Le tissu, encore neuf malgré les entraînements, glissait entre ses doigts comme une seconde peau qu'il s'apprêtait à revêtir. Son regard s'attarda sur le dos du maillot. Numéro 5. Un simple chiffre, mais chargé de sens. 

Il inspira profondément avant de l'enfiler, sentant le tissu épouser son torse. Le contact était presque familier, pourtant ce soir, il semblait plus lourd. Pas à cause de la pression du match, ni de l'adversité qu'il s'apprêtait à affronter. 

Mais à cause de celui qui allait observer depuis les tribunes. 

Takayuki Mitsuru. Son père. 

L'homme qui, d'aussi loin qu'il s'en souvienne, n'avait jamais vu un seul de ses matchs. L'homme qui n'avait jamais manifesté le moindre intérêt pour le football, si ce n'est pour le mépriser. L'homme dont la seule présence suffisait à tendre l'atmosphère autour de lui. 

Dojima n'avait pas besoin de se retourner pour savoir que cette pensée lui avait crispé les épaules. 

Il passa une main dans ses cheveux avant d'attraper son serre-tête noir. Il le glissa autour de sa tête, replaçant ses mèches en arrière, laissant seulement quelques mèches effleurer son front. Un geste mécanique, presque automatique, mais qui l'aidait à se recentrer. 

Son cœur battait à un rythme régulier, mais il sentait une tension différente l'envahir. Pas de la peur. Pas même de l'anxiété. 

Juste cette sensation étrange, dérangeante, de se savoir observé par quelqu'un dont le regard pesait plus lourd que n'importe quel adversaire sur ce terrain. 

Est-ce qu'il allait regarder ce match avec l'œil critique d'un homme d'affaires évaluant un investissement ? Est-ce qu'il allait voir en lui un simple joueur de plus, noyé dans la masse ? 

Ou est-ce qu'il allait, pour la première fois, reconnaître son fils ? 

Dojima ferma les yeux un instant, inspirant profondément. Ce n'était pas le moment de laisser ces pensées l'envahir. Ce soir, il n'était pas là pour son père. Il n'était pas là pour chercher son approbation, ni même pour lui prouver quoi que ce soit. 

Il était là pour le football. Pour ce frisson qu'il ressentait chaque fois qu'il entrait sur le terrain. Pour cette adrénaline qui courait dans ses veines à l'idée d'affronter des joueurs capables de le stimuler. Pour sa mère...

Pour lui-même. 

Un sourire lent, presque imperceptible, étira ses lèvres. 

Si son père voulait le juger, qu'il le fasse. Mais il ne lui offrirait pas la satisfaction d'être perturbé par sa présence. Ce soir, il allait jouer comme toujours. Non... Encore mieux. Il allait briller. 

Comme un joyau aux milles éclats...

Il rouvrit les yeux, et dans son regard incandescent ne subsistait plus qu'une seule chose : de l'excitation.

Alors qu'il serrait une dernière fois son serre-tête, prêt à laisser derrière lui toute distraction, une voix beaucoup trop enthousiaste brisa le silence concentré du vestiaire.

« Maître Dojima ! J'ai quelque chose pour vous ! »

Il ferma brièvement les yeux, sa mâchoire se crispant imperceptiblement. Rien que d'entendre cette voix suraiguë, trempée dans une excitation insupportable, suffisait à lui donner envie de rebrousser chemin et d'attendre sur le terrain, loin de cette présence collante comme une sangsue.

Mais Igaguri ne lui laissa pas cette chance. Il déboula jusqu'à lui en trottinant, les bras tendus comme s'il portait un trésor inestimable. Entre ses mains tremblantes de fierté, une paire de gants bleue nuit, soigneusement pliée.

« Regardez ! Je les ai trouvés spécialement pour vous ! Avec ça, vos mains seront protégées quand vous enchaînerez vos mouvements de génie ! »

Ses yeux brillaient d'une adoration insupportable, comme s'il venait d'offrir une relique sacrée à une divinité.

Le noiraud, lui, resta impassible. Son regard glissa lentement des gants au visage illuminé d'adoration de la châtaigne. Un long silence s'installa alors qu'il tentait de comprendre comment un spécimen pareil pouvait encore exister dans un programme censé forger l'attaquant ultime.

...À quel moment Ego avait jugé bon de le garder ?

Il aurait pu ignorer cette farce et simplement passer son chemin, mais quelque chose dans l'insistance d'Igaguri, cette lueur naïve d'attente et d'espoir, l'agaçait profondément.

« Et je suis censé en faire quoi, au juste ? » demanda-t-il, sa voix froide, presque mécanique.

Le brun eut un petit rire nerveux, mais il ne se démonta pas.

« Eh bien... Les porter ?! Vous savez, pour le style ! Comme un vrai roi du terrain ! »

Dojima le fixa, son expression figée entre l'ennui et le mépris. Puis, sans un mot, il attrapa les gants du bout des doigts, comme s'il s'agissait d'un objet douteux. Il les observa un instant, fit mine d'en enfiler un... avant de les laisser tomber au sol sans la moindre hésitation.

« Oups. »

Igaguri blêmit.

« M-Maître Dojima... ? »

Le jeune homme s'accroupit légèrement, plongeant son regard incendiaire dans celui du garçon, sa voix tranchante comme une lame.

« Écoute-moi bien, Igaguri... J'ai déjà du mal à comprendre pourquoi tu respires encore le même air que nous dans ce vestiaire. Alors si tu veux vraiment m'être utile... » Son sourire s'étira, cruel. « Arrête de me parler. »

Le silence qui s'abattit était brutal.

Le garçon ouvrit la bouche, la referma, le rouge lui montant aux joues sous l'effet de l'humiliation. Dojima, lui, se releva nonchalamment, le laissant se noyer dans sa propre insignifiance.

« Tch... Pathétique. »

Il allait partir, un besoin de prendre l'air. C'était inutile de perdre son temps ici.

Mais alors qu'il s'apprêtait à quitter le vestiaire, une légère impulsion l'arrêta. Son regard retomba sur les gants, abandonnés sur le sol.

Un soupir traversa ses lèvres. Il détestait ça. Ce genre de petit détail qui l'empêchait de simplement tourner la page. Avec un agacement non dissimulé, il s'accroupit à nouveau et ramassa les gants, caressant du bout des doigts leur texture, douce, presque trop parfaite pour lui.

Il les enfila lentement, ajustant chaque doigt avec une précision exagérée, chaque mouvement teinté d'une ironie indéchiffrable. Puis, comme s'il exécutait un rituel, il se redressa et se tourna vers Igaguri, encore figé comme une statue.

D'un geste nonchalant, il lui tapota la tête. Le bruit résonna dans le vestiaire. Léger, mais chargé d'une condescendance absolue.

« Regarde bien, Igaguri. » Un sourire narquois passa sur ses lèvres. « Regarde ce que ça fait de réellement jouer. »

L'instant suivant, la châtaigne fondit sur lui. Comme un chiot trop enthousiaste, il s'accrocha à lui, les bras serrés autour de sa taille.

« M-Maître Dojima...! Je savais que vous alliez accepter ! Vous êtes un génie ! Vous êtes le seul à pouvoir nous montrer ce qu'est un vrai match ! Vous allez écraser les U20, je le sais ! »

Dojima serra les dents, tentant de se dégager.

« Tch... Lâche-moi, espèce d'idiot. »

Mais Igaguri s'accrochait toujours, murmurant des éloges ridicules, les yeux embués d'émotion.

« Vous êtes incroyable, Maître Dojima... vraiment incroyable... »

L'exaspération du noiraud atteignit son paroxysme. Il le repoussa finalement avec une brusquerie mesurée, le regard froid.

« C'est bon... tu m'as bien eu. »

Il ajusta ses gants, l'ombre d'un sourire provocateur sur ses lèvres, avant de tourner les talons.

« Mais ne te fais pas d'illusions... Ce n'est pas pour toi que je vais briller. »

Sur cela, il quitta le vestiaire, cherchant un peu d'air loin du chaos ambiant, quand une silhouette familière attira son regard.

Himejima.

Elle était sur le point d'entrer, les mains enfoncées dans les poches d'un long manteau du staff du Blue Lock, son serre-tête noir maintenant sa frange en place. Son regard aiguisé le détailla rapidement, un sourcil légèrement arqué.

« Je rêve ou tu as vraiment accepté un cadeau d'Igaguri ? Ne me regarde pas comme ça, tu sais que j'ai l'ouïe fine.»

Dojima soupira, levant les mains gantées en l'air dans un geste exagérément dramatique.

« Je me suis dit qu'un peu de charité ne me tuerait pas. »

La noiraude esquissa un sourire en coin, amusée par sa propre répartie avant même de la prononcer.

« C'est vrai que t'as un bon fond. Profondément, bien caché sous des couches de sarcasme, d'égoïsme et d'un mépris certain pour la race humaine. »

Le jeune homme glissa ses mains dans les poches de son survêtement, un sourire paresseux aux lèvres.

« Je prends ça comme un compliment. »

Himejima roula des yeux, avant de s'attarder un instant sur lui, son regard plus sérieux.

« Tu vas bien ? »

La question était simple, posée sur un ton presque désinvolte, mais Dojima savait qu'elle y accordait de l'importance.

« Évidemment. Pourquoi j'irais mal ? »

Elle ne répondit pas tout de suite, se contentant de croiser les bras, l'observant avec cette lueur d'intelligence perçante qui lui appartenait.

« Disons que tu ne serais pas le premier à sentir la pression monter avant un match aussi énorme. Et avec ta relation compliquée avec Ego... »

Le noiraude eut un petit rire, un mélange de lassitude et de divertissement.

« Ma relation avec Ego n'a jamais été compliquée. Il me veut sur le terrain, je veux voir jusqu'où je peux aller. Rien de plus. Qui plus est, je compte bien gagner notre petit pari~»

La jeune femme le fixa un instant avant de secouer légèrement la tête, un sourire presque tendre sur les lèvres.

« Tu fais le malin, mais je sais que t'es excité par ce match. Et que tu veux gagner. »

Il haussa un sourcil, avant de détourner le regard, un tic nerveux presque imperceptible à la commissure de ses lèvres.

« Peut-être. »

Himejima recula légèrement, ajustant le col de son manteau.

« Dans ce cas, montre-moi ça sur le terrain. Parce que si tu perds, je vais devoir supporter Ego qui fanfaronne en mode "je le savais, je suis un génie, votre frère est une anomalie à polir". Et franchement, j'ai pas envie. »

Dojima laissa échapper un petit rire.

« Noté. Alors regarde bien, Hime. Je vais leur montrer ce qu'un Yomamuki est vraiment capable de faire. »

Elle sourit, satisfaite.

« C'est tout ce que je voulais entendre. »

Puis, sans attendre de réponse, elle passa à côté de lui et entra dans le vestiaire, le laissant seul avec le poids léger mais bien réel de ses paroles.

Dojima s'apprêtait à détourner les talons, décidant de la suivre, quand un détail attira enfin son attention. Son regard glissa jusqu'au sommet du crâne de sa sœur, et il s'arrêta net.

Un serre-tête noir.

Identique au sien.

Il porta machinalement une main à ses lèvres pour étouffer un rire, mais un sourire sincère, léger, étira ses traits.

Elle l'avait encore fait. Comme toujours.

Depuis qu'ils étaient enfants, Himejima trouvait un moyen de montrer au monde qu'ils étaient liés, qu'ils étaient identiques. Il se souvenait des pulls assortis, des accessoires identiques, des petits détails qu'elle adoptait subtilement pour qu'on ne puisse jamais douter qu'ils étaient un tout.

Et aujourd'hui, ce serre-tête.

Peut-être que personne d'autre ne le remarquerait. Peut-être que pour eux, ce n'était qu'un simple choix esthétique. Mais lui, il comprenait. Il savait pourquoi elle l'avait fait. Elle voulait lui rappeler qu'il n'était pas seul. Que peu importe ce que le monde pensait de lui, elle était là.

Elle l'avait toujours été.

Même à l'époque où tout le monde le considérait comme un fauteur de trouble, où on lui collait des étiquettes, où on préférait le voir comme un problème à éliminer plutôt qu'un joueur à comprendre... Elle, elle avait pris sa place à ses côtés. Elle avait fait en sorte qu'il ne soit jamais complètement isolé.

Dojima inspira profondément, sa poitrine se soulevant avec un calme presque apaisé.

C'était idiot. Mais ça lui faisait un bien fou.Un baume sur cette part de lui qu'il n'avouait jamais être blessée.

Il abaissa lentement sa main, un éclat de chaleur encore présent au fond de ses yeux orange. Puis, sans dire un mot, il tourna enfin les talons et s'éloigna, un peu plus léger.

Parce qu'au fond, il savait.

Quoi qu'il arrive sur ce terrain...

Il y aurait toujours une paire d'yeux qui le suivrait, non pas pour le juger, mais simplement pour croire en lui.























TO BE CONTINUE...

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