𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 ²² : « Dispute de couple. »
— Je ne porterais pas plainte, Martinus ! cria-t-elle.
La demoiselle claqua la porte de la chambre de ce dernier et s'empressa de traverser le long couloir. Le blondinet quitta à son tour la pièce, d'un pas rageur. Ses poings fermés par tant de colère retenue blanchissaient ses phalanges, sa mâchoire était tellement contractée que l'on aurait presque pu entendre ses dents grincer les unes contres les autres et son regard sombre voilé par l'énervement ne présageait rien de bon. Malgré son envie de la secouer par les épaules pour lui faire entendre raison, il se contenta de la suivre, remettant pour la deux troisième fois l'élément principal de cette engueulade sur la table. Elle devait comprendre, quitte à ce qu'elle s'énerve encore plus. Mais il obtiendra une réponse positive de sa part, quoi qu'il en coûte.
— Et tu vas laisser tomber cette affaire ?
— Tu as tout compris, bravo Sherlock ! répondit la brunette avec un faux rire.
Toujours avec cette légère délicatesse pour ne pas la brusquer, Tinus l'attrapa par le bras et l'approcha de lui. Anastasia se retrouva bien vite collée à son torse, mais pour une fois, elle n'était absolument pas intimidée. Même si leurs yeux étaient connectés, aucun ne flancha face à l'autre. C'était un véritable combat de regard qui se produisait là et ni l'adolescente ni le chanteur n'était prêt à céder.
— Mais c'est génial, ça, Ana ! ironisa-t-il sans se départir de cette petite froideur dans sa voix rauque. Franchement, je dis bravo, cette idée est la meilleure que je n'ai jamais entendu.
— Merci du compliment, Tinus, souffla-t-elle, en insistant bien sur le surnom. Maintenant, lâche-moi.
Voyant que son pseudo-copain n'était pas prêt d'exécuter sa demande gentiment, la portugaise répéta son ordre, veillant à mettre l'accent sur chaque syllabe et insufflant au tout, un soupçon de menace contenu dans le son de sa voix.
— Se nettoyer les oreilles, c'est utile et recommandé. Ça permet d'éviter les problèmes d'auditions. Tu devrais essayer un de ces jours.
Le jumeau cadet de Marcus bouillonnait sur place et n'était plus si sûr de se contenir. Flora lui en faisait voir de toutes les couleurs depuis ce matin et sa colère à elle n'était probablement pas mieux que la sienne, alors s'entendre et trouver un terrain d'entente paraissait un souhait inaccessible.
— Alors c'est ça ?! cria le blondinet, depuis le haut des marches. Tu comptes éviter le problème encore longtemps ou tu vas, à un moment donné, te poser pour que l'on en discute ?
S'arrêtant dans sa marche en direction de la porte d'entrée, la fille unique de Jace et Katherine se retourna et croisa les bras sur sa poitrine mise en valeur par un chemisier blanc. Son air sévère était absolument sexy et donnait au fils des propriétaires de la maison des idées peu catholiques pour leur réconciliation future. Mais pour l'instant, il se devait de mettre de côté ses pensées perverses et se concentrer sur la conversation qui se déroulait avec fureur.
— Bah alors, Titi... se moqua-t-elle malicieusement. On pense à des choses pas religieuses ?
Gêné et rouge, le chanteur se tacla la gorge et reprit :
— Ne change pas de sujet, Ana.
— Roh, allez lâche-moi avec ça ! râla la demoiselle. Y en a marre de t'entendre rouspéter sur ça.
— Je rouspète, selon toi ? Je te signale que j'essaie de t'aider, merde !
— C'est étrange, fit-elle trop calme pour l'être réellement, en faisant mine de réfléchir. Je ne me rappelle pas t'avoir demander de l'aide... Oh, mais oui, c'est vrai ! C'est normal, je ne l'ai pas fait !
— Et alors ? Je suis là pour toi, je te l'ai dit un million de fois depuis que l'on se connait. Donc, s'il te plaît, laisse-moi t'aider avec ça et allons tous les deux porter plainte contre cette maudite personne qui t'a fait du mal.
— Et je vais te répéter pour la dixième fois : je ne veux pas de ton aide, siffla Flor rageusement, ne se retenant plus pour faire éclater sa rage.
— Donc c'est ça ? Tu vas faire semblant que rien ne s'est produit ? Comme si rien ne s'était jamais passé ? Comme si tu ne t'étais pas jetée devant notre voiture pour demander de l'aider ? s'emporta le jeune homme. C'est donc ça que tu veux faire, Anastasia ? Oublier pour mieux avancer ?
— Oublier est plus simple que retourner le couteau dans la plaie. Donc ouais, c'est exactement ce que je vais et compte faire jusqu'à ce que j'en ai décidé et y mette un terme définitif. Et ni toi ni personne d'autre ne va m'en empêcher de faire les choses à ma manière !
Sur ce, la brunette reprit sa route et finit par claquer la porte d'entrée de la demeure des Gunnarsen. Seulement, à peine eut-elle fait un pas qu'elle se retrouva tirée en arrière pas une poigne solide. Décidément, son ancien colocataire n'était pas prêt de la laisser tranquille et s'obstinait à rendre le sujet encore plus douloureux. Bien évidemment, ce n'était pas l'envie de l'écouter qui lui manquait, mais si elle réagissait trop vite dans réfléchir aux conséquences, tout son plan tomberait à l'eau. Il lui fallait donc d'abord réunir assez de preuves pour inculper sa génitrice, retrouver la trace de son père miraculeusement encore en vie, discuter avec les témoins dont Marisa avait parlé et ensuite, elle pourra tout balancer aux autorités de Trofors. C'était sa technique et tout fonctionnait comme sur des roulettes, sauf pour le cas de Carl Holland qui n'avait pas l'air de comprendre ce à quoi il risquerait de faire face s'il ne suivait pas les ordres à la lettre. Et bientôt, tout son monde à lui s'écroulera sous le claquement de doigt de la jeune Ioans.
— Non, je refuse de te laisser partir sans que l'on ait discuter de tout ça, gronda le norvégien.
— Martinus ! Lâche l'affaire, ok ? Tu perds ton temps, je ne céderai pas !
— Mais, merde, Ana ! Tu viens de passer une nuit entière à être torturée par un ou une psychopathe que tu as l'air de connaître, mais dont tu t'obstines à le garder secret, et cette preuve ne te suffit pas pour que tu ailles porter plainte ?
— C'est beaucoup plus compliqué que celà, Tinus, souffla-t-elle d'une petite voix.
— Ça, c'est ce que tu te fais croire à toi-même et que tu veux faire avaler aux autres, mais sur moi ça ne fonctionne pas. Tu pourrais mettre fin à ce calvaire, là tout de suite, il te suffirait de déposer ton témoignage auprès du Lieutenant Thompson et tout serait régler.
— Cette histoire ne se réglera pas de cette manière, mets-toi ça dans le crâne, mini-Gunnarsen ! Maintenant arrête de remettre en question mes choix, tu veux bien ?! J'ai passé ma vie à en faire pour éviter de faire le mauvais pas qui pourrait faire écrouler tout mon château de carte, alors n'essaie pas de me donner des leçons sur comment procéder pour me sauver la vie ! Des plaintes, j'en ai porté des tonnes de fois et aucune n'a été retenue ! Je refuse de retomber dans les mains de la justice pour une chose pareille !
Cette fois-ci, il garda le silence à court de mots. Mais bien vite une question s'échappa d'entre ses lèvres que, secrètement, Anastasia rêvait d'embrasser encore et encore. Le baiser d'hier soir, sous la douche, bien que la situation soit différente, l'avait rendue folle de désir et elle avait passé une bonne partie de la nuit à lutter contre ses démons, mais aussi contre son envie de se jeter sur lui pour passer une nuit aussi endiablée que dans ses rêves.
— Comme ce choix que tu as fait pour notre relation ?
— De quoi tu parles ? demanda la portugaise, peu certaine de la tournure que prenait cette conversation.
Le jeune homme l'observa un moment, avant de relâcher son bras et de reculer. Il souffla un léger « laisse tomber, ce n'est pas important », se grattant l'arrière de la tête en signe d'incertitude et finit par disparaître du palier, laissant derrière lui son amie qui elle se retrouvait totalement perdue. Cette dernière, après quelques secondes, quitta définitivement la maison de la petite famille et se dirigea vers le cimetière, là où, soi-disant, son paternel reposait en paix.
Ayant tout entendu et vu depuis leur position, Anne et Erik s'échangèrent un regard et un froncement de sourcils. Pour rigoler, le père dit :
— On dirait toi et moi quand on se dispute, chérie.
— Ne nous compare pas à ça, mon cœur, répliqua la blonde. Je ne suis pas aussi têtue que l'ait Anastasia et tu n'es pas aussi... Eh bien disons que quand tu te mets en colère, tu es encore plus ridicule que Martinus.
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Face à la tombe de Jace Ribeiro Ioans, la fille de ce dernier soupira bruyamment. C'était absurde pour elle de continuer à parler à cette tombe en sachant très bien que son père n'était pas à l'intérieur. Lui raconter sa vie ne servait plus à rien, à moins que l'homme qui avait aidé à la concevoir ne soit dans les parages pour l'écouter chaque fois qu'elle venait se recueillir ici. Cette pensée fit naître une bouffée de chaleur dans sa poitrine. Est-ce-qu'il l'entendait lui décrire sa journée merdique dans cette école toute autant merdique ? Savait-il à quel point il lui manquait indéniablement ? Lui soufflait-t-il aussi un petit « je t'aime » depuis sa cachette, même si progéniture ne pouvait le surprendre ? Flor l'espérait de tout cœur, malgré la tristesse que faisait naître chez elle cette tragédie. Mais pour ne rien laisser paraître et ne pas laisser sous-entendre qu'elle avait découvert la vérité, la portugaise s'assit contre la pierre en marbre noir et débuta son long récit, en mentant sur la situation actuelle :
— Bon, par où commencer, papa... Hier, j'ai passé une nuit horrible dans la cave, mais peut-être que depuis là-haut tu l'as vu. Katherine m'a fait beaucoup de mal, mais ce sont ses paroles qui sont restées ancrées, même si avec le temps j'ai appris à les oublier et faire avec. Elle n'arrêtait pas de rigoler sur ta mort et ça a fait remonter beaucoup de souvenirs tristes. Je voudrais tellement que tu sois là et que tu me prennes dans tes bras. Tu me manques énormément, papa...
Au fur et à mesure que la jeune femme contait sa triste existence et déclarait ses sentiments enfouis, caché par les arbres de la petite forêt, un homme encapuchonné écoutait sa mélodieuse voix. La distance entre lui et l'étudiante ne l'empêchait en rien de tout entendre dans les moindres détails, la tombe était à moins de quatre mètres de sa position. Durant son temps de parole, le mystérieux visiteur du cimetière souriait quand elle rigolait, fronçait les sourcils quand elle s'énervait ou se retenait fortement de quitter sa planque quand sa voix tremblante résonnait jusqu'à ses oreilles. Qu'est-ce-qu'il rêvait de pouvoir la revoir et de la serrer fort contre lui pour ne plus la quitter. Depuis sa mort fictive, sa vie était devenu un véritable enfer, peut-être pas autant que celle de la brune, mais tout autant compliquée et semée d'embûches. Il souhaitait plus que tout retrouver son quotidien passé, celui où il était sur le point de signer un divorce avec la sorcière qui lui a volé son bonheur peu de temps après et surtout, celui où, pour la deuxième fois, il allait fonder une famille avec sa petite fille chérie ainsi que celle qu'il aimait de tout cœur : sa journaliste. Malheureusement, le destin ou plutôt la garce qu'il avait épousé lui avait prédit un sort bien funeste, le forçant à vivre dans la peau d'un fugitif recherché par la mère de sa propre descendance et l'empêchant de sortir au grand jour pour retrouver ses êtres chers. Mais une chose était sûre, cet homme n'était définitivement pas prêt à laisser tomber ce pourquoi il s'était battu auparavant et ferait tout ce qui est en son pouvoir pour sauver son enfant du danger. C'était une dangereuse promesse faite, il y a de cela plus de dix années et encore tenue aujourd'hui.
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Couchés chacun de son côté du lit, ni Anastasia ni Martinus n'arrivaient à trouver le sommeil. Ils se ressassaient sans cesse la dispute de ce matin, rêvant de trouver une solution à deux et surtout de se réconcilier pour de bon. Mais pour la jeune femme il était très difficile de s'exprimer, principalement sur ses sentiments et pour le chanteur, bien que fautif également, il voulait qu'elle prenne la parole en premier. Sauf que de son côté, la portugaise voulait la même chose. Décidément, s'entendre était compliqué dans ce pseudo-couple d'amoureux.
Prenant son courage à deux mains, la brunette appela son ami, dans l'espoir d'obtenir une réponse. Seulement, cette dernière ne vint pas. Alors, au risque d'être insupportable et de le mettre en rogne, elle continua, déterminée à réussir sa mission.
— Martinus ?
Le blondinet finit par soupirer bruyamment, se retournant sur le dos et tourna sa tête vers celle de sa colocataire.
— Quoi, Anastasia ?
L'étudiante se mordit la lèvre inférieure, peu sûre de ce qu'elle s'apprêtait à lui dire, mais courageusement, elle déclara d'une traite :
— J'ai froid.
Une constatation bien inutile qui fit sourire le garçon. C'était sa manière à elle, aussi étrange soit-elle, de lui demander de l'attention et aussitôt, sans se faire prier, l'adolescent la tira vers lui. Ses bras musclés la collèrent à son torse dénudé et ses lèvres déposèrent un simple baiser rempli de sentiments inavouables sur son front.
— Ça va mieux maintenant ? demanda-t-il.
— Oui, souffla Ana. Merci, Titi.
— Dors, mon cœur. Demain sera un jour meilleur.
Si des personnes non-désirées ne venaient pas se mêler de leur relation naissante.
✧°•:**:•°✧
Est-ce que ce personnage mystérieux vous dit quelque chose ?
Avez-vous une idée de qui peuvent être ces « personnes non-désirées » ?
𝐉'𝐞𝐬𝐩è𝐫𝐞 𝐪𝐮𝐞 𝐜𝐞 𝐜𝐡𝐚𝐩𝐢𝐭𝐫𝐞 𝐯𝐨𝐮𝐬 𝐚𝐮𝐫𝐚 𝐩𝐥𝐮.
𝐍'𝐡é𝐬𝐢𝐭𝐞𝐳 𝐩𝐚𝐬 à 𝐦𝐞 𝐝𝐢𝐫𝐞 𝐬𝐢 𝐯𝐨𝐮𝐬 𝐭𝐫𝐨𝐮𝐯𝐞𝐳 𝐝𝐞𝐬 𝐟𝐚𝐮𝐭𝐞𝐬 𝐝'𝐨𝐫𝐭𝐡𝐨𝐠𝐫𝐚𝐩𝐡𝐞.
❤️
Claudia M.T.C
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