→ 𝐃𝐫𝐚𝐫𝐫𝐲 𝟑 - Tᴜ ᴍ'ᴀs ʀᴇɴᴅᴜ ᴀᴄᴄʀᴏ ᴀ̀ ʟ'ᴀᴍᴏᴜʀ

Un pas, puis un autre...

Encore un pas...

Mettre un pied devant l'autre et continuer d'avancer. Il le fallait. Absolument. Pour ne pas flancher face à toutes ces idées noires...

Drago continuait d'avancer, haletant, couvert de sueur, les mains moites et tremblantes. Il n'en pouvait plus, il ne pouvait plus continuer comme cela...

Durant la Guerre, il avait tout perdu. Son père, sa tante folle, ses amis. Plus personne ne l'admirait comme durant le temps où il n'était encore qu'un gamin insupportable, arrogant mais innocent. Il avait toujours été désagréable avec tout le monde, même ceux qui l'aimaient un tant soit peu, même s'il n'avait jamais prêté attention aux jérémiades de ses acolytes Crabbe et Goyle, aux épuisantes crises de nerfs de l'hystérique Parkinson ou bien aux conseils loufoques du sage Zabini. S'il avait été un peu plus compréhensif avec les autres élèves, peut-être n'en serait-il pas là aujourd'hui ?

Peu importe. On pouvait toujours refaire le monde avec des « si », cela n'affecterait en rien l'écrasante réalité.

Malheureusement.

Drago avait grandi enfermé entre les immenses murs du lugubre manoir Malefoy, n'ayant le droit de mettre le nez dehors qu'à de rares occasions. Drago avait grandi avec sa mère timide et effacée et son père dominateur et colérique, dépourvu de toute forme d'amour. Il voyait parfois sa tante Bellatrix, mais elle lui faisait si peur avec son air illuminé qu'il préférait souvent s'enfermer dans sa chambre pour ne pas avoir à subir une nouvelle fois les habituelles litanies de ses parents et sa tante sur la supériorité absolue des Sang-Pur et la nécessité absolue d'éliminer un à un les Sang-de-Bourbe et les Moldus de la manière la plus cruelle qui soit. Quand il n'était pas enfermé dans sa chambre, le plus souvent, Drago subissait les crises de colère de son père et les pluies de coups paternels. Sa mère n'osait jamais s'interposer, elle préférait se retirer dans son bureau pour y pleurer la malheureuse vie qu'elle menait. À plusieurs reprises, lorsque Bellatrix leur rendait visite et que Lucius interdisait formellement à son fils de partir, il entendait les trois adultes mentionner une certaine « Andromeda », sans parvenir à savoir qui elle était réellement.

Lors de son entrée à Poulard, Drago s'était d'abord senti libéré, et s'était même fait des amis. Mais n'ayant jamais connu l'amour parental, il ne savait pas comment réagir. Et il s'était vite rendu compte que ses prétendus « amis » ne le suivaient qu'à cause de la renommée de sa famille. Mais il avait gardé la tête hors de l'eau, et avait continué de jouer son rôle de gamin arrogant et détestable durant la journée. En revanche, le soir, il éclatait sans cesse en sanglots. Il avait été populaire, d'abord à cause du nom Malefoy, qu'il faisait semblant d'aimer mais qui lui rappelait les insultes de son père, puis à cause de sa stupide envie de se faire remarquer. Il détestait son père, mais ç'avait été le seul modèle qu'il avait connu, alors il avait décidé de faire pareil que lui. Il s'était mis à persécuter les élèves. Il avait décidé de prendre un groupe en grippe afin qu'on le reconnaisse comme « celui qui avait le pouvoir ». Ce groupe n'était autre que le trio formé par la belette à la famille plus pauvre encore que l'esprit de Crabbe et Goyle, l'insupportable Miss-Je-Sais-Tout aux dents de castor et l'Elu en Chef, le Saint-Potter Aux Mille Catastrophes.

Les élèves de Serpentard lui vouaient tous une forte admiration, désormais aussi alimentée par le pouvoir qu'il avait. Sa vie avait été confortable durant quelques temps, avant qu'il ne se rende compte que les élèves ne le suivaient pas par amitié, mais par admiration, découlant d'une grande peur. Il n'était pas sensé garder de bêtes moutons, il était le Prince de Serpentard ! Quelle idiotie. Mais fidèle à la peur du regard des autres qui le hantait depuis toujours, Drago avait continué à jouer son rôle d'insupportable gamin arrogant, même si ce fichu rôle le dégoûtait de plus en plus.

Mais il ne pouvait pas se permettre de l'abandonner. Il aurait alors été rejeté de tous : famille, suiveurs moutons, admirateurs. Et à ce moment-là dans sa vie, le regard des autres avait sa petite importance. Drago s'était construit à travers le regard des autres. Mais au fond, il savait qu'il n'était pas lui-même, il était celui qu'on voulait qu'il soit.

Mais quand Lord Voldemort était revenu à la vie, les gens avaient radicalement changé : soit les suiveurs le collaient encore plus afin de se faire bien voir, sachant que l'ignoble famille Malefoy était majoritairement composée de Mangemorts, soit les élèves le fuyaient, posant sur lui des regards fuyants, haineux ou empreints d'un fort dégoût, qu'il n'oublierait jamais, tant cela lui avait fait du mal.

Pendant cette période-là, Pansy Parkinson, une des élèves qui le collait de manière permanente, comme son chien, s'était beaucoup rapprochée de lui, voulant faire officiellement partie de son cercle d'amis proches, ce qu'il n'avait pu refuser devant son insistance insupportable. La jeune fille le dégoûtait, par tous ses aspects : son physique franchement pas avantageux et son visage lui rappelant vaguement celui d'un bouledogue en sueur, sa voix horripilante et hystérique et sa manie de toujours le coller en lui vouant une admiration sans limites. Et elle tentait par tous les moyens de capter son attention, ce qu'il trouvait affreusement pathétique.

Mais alors, était venu une période où il était au plus mal : le Seigneur des Ténèbres avait demandé à le voir. Ses parents l'avaient forcé à prêter allégeance au Lord, et il avait reçu l'ignoble Marque des Ténèbres, qu'il s'efforçait de cacher de la vue des autres. Il s'était vu attribuer une mission aussi importante que détestable, durant les vacances d'été : tuer Albus Dumbledore. Il ne s'en savait pas capable, mais il ne pouvait en aucun cas l'avouer, sous peine de passer pour un lâche, et de voir aussi sec sa vie passer à trépas.

Le soir même où il s'était vu attribuer cette insurmontable tâche, Pansy était alors allé le voir. Cette idiote en avait alors profité pour lui avouer ses sentiments ! Trop éprouvé pour la repousser, Drago avait acquiescé, et Pansy avait pensé le réconforter en couchant avec lui. Il avait d'abord pensé qu'être en couple avec cette idiote ne serait qu'une formalité supplémentaire. Mais il avait été forcé de reconnaître que Pansy n'en était que plus insupportable : elle le suivait comme son ombre et ne lui laissait pas une seule foutue seconde de répit. Seulement, elle s'était vite transformée en admiratrice voulant satisfaire à tout prix, alors Drago avait retourné la situation à son avantage : elle obéissait toujours à ses ordres, aussi loufoques puissent-ils être, et il en profitait pour la chasser quand elle devenait trop envahissante. Elle se mettait parfois en colère, mais alors il suffisait à Drago de coucher une nouvelle fois avec cette imbécile pour avoir la paix. Parkinson n'était qu'une abrutie superficielle, une énième admiratrice en manque de rêves.

Drago avait été malheureux pendant ce temps-là. Il avait une petite-amie idiote dont il se serait bien passé sur les bras, ainsi que toute la pression quotidienne que lui faisaient vivre ses parents et les autres sbires de son Maître.

Mais alors, après la bataille de Poudlard, on avait enfermé tous les Mangemorts suspectés à Azkaban, avant de les juger. Drago y avait passé trois mois. Il n'oublierait jamais le sentiment écrasant de désespoir funeste qui l'avait habité durant toute cette période, la faim qui le tiraillait, cette sensation ignoble de manque de sommeil. Chaque fois qu'un Détraqueur passait devant sa cellule, un frisson glacial lui donnait la chair de poule et le faisait affreusement trembler... cette sensation le hantait nuit et jour. Et même maintenant qu'il avait recouvré sa liberté, son esprit divaguait de temps à autre pour lui faire revivre ces visions de cauchemar.

Sa mère et lui avaient, au prix de longues heures d'attente dans l'anxiété et la détresse, fini par être libérés. Mais après les témoignages effroyables de Drago sur la manière dont son père l'avait traité, la justice magique avait décidé de son incarcération à vie. Mais alors était survenu quelque chose de cauchemardesque... le tribunal avait demandé à Narcissa si elle avait un témoignage à apporter. Elle s'était alors avancée, l'air grave, et avait alors rapporté que son mari la frappait lorsqu'il perdait le contrôle de lui-même, en proie à ses fréquents accès de rage.

Drago avait alors vu rouge. Il s'était précipité à Azkaban, mais sa mère et un groupe d'Aurors l'avaient rattrapé avant qu'il ne mette fin à la vie de l'ignoble Lucius. Il s'était d'abord mis en colère, mais avait fini par comprendre.

Il avait par la suite rencontré la fameuse Andromeda, qui se trouvait être sa tante. Quelle n'avait pas été sa surprise à cette découverte ! Malheureusement, Andromeda n'avait pas eu une grande quantité de temps à lui accorder, endeuillée par la récente mort de son mari bien-aimé, Ted Tonks.

Oui, après la Guerre, Drago s'était libéré de toute cette pression, il avait été honnête avec tout le monde, et ne se souciait plus du regard des autres à présent. Il avait quitté Pansy, qui avait fini par retrouver du réconfort dans les bras d'un autre sorcier au Sang-Pur. Oui, crier haut et fort ses valeurs l'avait libéré.

Il avait cependant volontairement omis un détail.

Un détail crucial.

Mais il ne souhaitait pas gâcher sa vie une nouvelle fois. Il n'allait quand même pas bousiller d'entrée la seconde chance de son existence !

Même s'il en souffrait, il n'en disait rien.

Drago avait vingt-cinq ans maintenant, et il souffrait toujours autant. Mais il parvenait à se rassurer en se disant que s'il tentait sa chance, il souffrirait encore plus. Pourquoi tenter alors qu'il était très bien comme cela ?

Il ne savait pas.

Alors pourquoi Diable s'était-il engagé sur ce chemin boueux, avec un espoir idiot accroché au cœur ? Le destin, sans doute.

Cela venait de se passer.

Il se trouvait attablé avec Andromeda, le nouveau mari de sa mère et cette dernière. Les trois adultes jacassaient, parlant de tout et de rien à la fois. Drago mangeait, en silence, ne souhaitant en aucun cas prendre part à la conversation. Mais alors Narcissa avait demandé à sa sœur veuve si elle souhaitait se remarier. La question avait jeté un froid, mais Andromeda avait répliqué que rien ne remplacerait Ted dans son cœur. Drago avait souri à l'entente de cette réponse. Mais alors son beau-père s'était tourné vers lui et avait demandé :

⸺ Et toi, Drago ? Quand nous présenteras-tu ta bien-aimée ?

Pourtant innocemment taquine, sans être méchante, la question était restée en suspens, semblant immobiliser le moment. Le froid jeté semblait impossible à déloger. Après plusieurs secondes pesantes de silence, Drago, tremblant, avait lâché :

⸺ Les femmes ne m'intéressent pas, vous savez.

Le message, qu'il espérait pourtant clair, n'avait pas fait le chemin jusque dans la tête des adultes. Seule Andromeda semblait avoir compris, et elle lui avait adressé un regard brillant, illuminé par un sourire. Seulement, sa mère et son mari n'avaient pas compris, et avaient continué à manger comme si de rien était, contrariés par l'interprétation qu'ils avaient faite de cette déclaration.

Plus tard, dans la soirée, une chouette était entré par la fenêtre, déposant La Gazette du Sorcier sur les genoux de son beau-père. Pour se faire plus de vues, les journalistes s'étaient spécialisés dans les articles people, laissant filtrer des informations scandaleuses sur les Mangemorts et la vie des Héros de Guerre. Drago n'y prêtait jamais attention. Seulement, quand son beau-père avait éclaté de rire, il avait demandé d'une voix grincheuse :

⸺ Que se passe-t-il ?

L'homme avait agité le journal en riant :

⸺ Potter et Weaslette ont divorcé. Je ne pensais pas que le Grand Héros se ferait vachement quitter par son grand amour. Tragédie !

Il avait ri. Drago, incapable de se retenir, lui avait arraché le journal des mains pour en contempler le gros titre. « Harry Potter et Ginny Weasley, c'est fini ! Pourquoi donc ? Qu'adviendra-t-il de l'Elu et de la grande joueuse de Quidditch ? » scandait l'article. Drago avait tourné les pages à une vitesse folle, recherchant avec avidité l'information qu'il voulait – souhaitait – voir. S'il ne la voyait pas... l'espoir crédule qui l'habitait avait beau n'avoir aucune fondation, il était là, immanquablement.

« Harry James Potter, l'Elu, le grand héros de la Guerre, le tueur du Seigneur des Ténèbre en personne, s'était marié avec la jeune Ginerva Molly Weasley après la Guerre. Cette relation idyllique semble s'être terminé. Pourquoi ? Nous direz-vous, d'autant plus que nous savons que Potter et Weasley étaient amoureux depuis longtemps... »

Drago avait fait la grimace et avait survolé l'article en diagonale afin d'éviter à ses yeux et son ego un long paragraphe ennuyeux sur la relation entre Potter et Weaslette. Il tomba finalement sur la suite. Et il sentit son cœur imploser.

« Mais après plusieurs années de relation, un grand scandale arriva : divorce ! Potter et Weasley n'étaient plus amoureux. Pourquoi donc ? L'explication est simple : Potter a fait son coming-out homosexuel à sa femme. Celle-ci, outrée qu'il ait passé tant d'années à lui mentir, a alors pris la décision de le quitter sans plus de cérémonie, retournant vivre chez sa mère. Mais alors, nous sommes en droit de nous poser la question : qui est donc le fameux "coup de cœur" de Potter qui l'a enfin décidé à sortir du placard ? Plus d'informations dans le prochain numéro. »

Le journal était tombé sur le sol dans un bruit sourd. Drago n'entendait plus rien, ne voyait plus rien. Il entendait le sang battre à ses tempes et sentait chacun des battements précipités de son cœur. Les seuls mots qui tournaient, en boucle, lancinants, dans sa tête, n'étaient autres que « coming-out ». Alors... risquait-il réellement de gâcher sa vie ? Et pourquoi pas tenter ?

Il avait alors pris une veste et avait couru jusque chez Potter.

Drago avait pris l'habitude de courir durant sa vie. Enfant, il courait dans le manoir pour échapper aux coups de son père. Adolescent, il courait dans les couloirs de Poudlard et dans l'immense parc de l'école pour échapper à la réalité, laissant la fraîche brise matinale lui caresser le visage, libéré de toute contrainte stupide. Jeune adulte, il courait pour accomplir sans accroc les dangereuses missions de son maître. Au moment présent, il se sentait comme l'adolescent innocent qu'il était jadis, à courir dans les couloirs pour fuir la réalité.

À ceci près qu'il ne fuyait pas la réalité. Il courait droit vers elle, quitte à se prendre un retourné facial de la part de la vie.

Autrement dit, accepter de voir la réalité en face et l'assumer, quitte à se prendre les conséquences de cet acte en plein dans la gueule.

Drago haletait, mais gardait le rythme, la tête haute, malgré la brûlure de ses poumons qui manquaient d'air et les larmes qui commençaient à lui brouiller la vue. Les rues défilaient, toute semblables et toutes si différentes à la fois. Parfois silencieuses, parfois bruyantes. Des rues courtes, d'autres longues à n'en plus finir. Des rues sombres, d'autres illuminées par de hauts lampadaires resplendissants. Des rues brillantes de propreté, d'autres sales et délabrées dans lesquelles on pouvait trouver trois chats errants maigres à faire peur en train de déchiqueter les déchets des poubelles cabossées renversées, étonnés par l'unique passant qui courait de plus en plus vite sans faire attention au décor environnant. Enfin, durant sa course effrénée, Drago posa le pied dans un trou sur un chemin terreux. Il tomba en avant.

Mais il posa ses mains et sol et se releva tant bien que mal, essayant d'ignorer le sang qui commençait à ruisseler sur son genou. Il grimaça puis tira sa baguette pour stopper l'hémoglobine qui tachait son pantalon déchiré. Avant de repartir en songeant à ce qu'il venait de se passer. Ainsi était faite la vie : Essayer. Courir vers ses objectifs. Tomber. Se relever. Continuer à courir en apprenant à faire attention à où on mettait les pieds pour éviter de tomber une nouvelle fois. Mais tomber quand même. Se relever. Et continuer.

Drago courait si vite que sa vue se brouillait, mais il s'en fichait. Il traversa encore plusieurs rues, avant de trouver ce qu'il cherchait.

Une maison sur la colline, entourée par un large jardin aux folles herbes. Le jeune homme s'arrêta devant le portail et pointa vivement sa baguette sur le cadenas en murmurant d'une voix précipitée :

⸺ Alohomora !

Le cadenas se détacha, et le jeune homme rentra précipitamment dans la propriété, faisant voler quelques gnomes téméraires sur son passage. Il courut sur le palier et se mit à tambouriner contre la porte en criant :

⸺ Potter ! Potter ! Ouvre !

Il s'escrima ainsi durant plusieurs secondes qui lui parurent durer des heures, la panique le gagnant un peu plus à chaque coup porté à la porte. Enfin, la porte s'entrouvrit, et Harry passa la tête dans l'encadrement. Il fronça les sourcils puis ouvrit complètement. Il avait des cernes sous les yeux et les cheveux en bataille.

⸺ Malefoy ? Qu'est-ce que tu fais ici ? demanda sèchement l'Élu.

Drago ressentit un pincement au cœur devant cette approche si froide. Il réfléchit à une réponse, mais Harry, ne lui laissant même pas le temps d'ouvrir la bouche, grogna d'une voix sourde :

⸺ Je parie que tu as lu le stupide article de La Gazette du Sorcier... Je me trompe ? Si tu es ici pour te moquer, tu peux partir.

Harry attendit patiemment que Drago ne tourne les talons en maugréant. L'intéressé n'en fit rien. Alors Harry s'effaça en lui montrant l'intérieur du domicile :

⸺ Bon, entre, Malefoy.

Le beau blond entra en murmurant de timides remerciements. Harry le mena jusqu'à la cuisine où il l'invita à s'asseoir.

⸺ Veux-tu à boire ?

⸺ Non merci, Potter. Assieds-toi, je dois te parler.

Harry leva un sourcil et obéit, étonné de devoir subir les ordres d'un autre dans sa propre maison. Mais il ne releva pas et s'assit en face de son invité, qui tremblait déjà.

⸺ Écoute, Potter... Je suppose que tu connais la raison de ma venue. J'ai vu... dans La Gazette... l'article sur toi et la Weaslet... Ginny.

Il ne savait pas comment compléter sa phrase, comment continuer. Mais il prit son courage à deux mains et se força à parler :

⸺ Et alors, je me suis dit... Pourquoi pas lui dire, après tout. Qu'est-ce que j'ai à perdre ?

⸺ Malefoy, Malefoy, Malefoy, l'interrompit son interlocuteur. Je ne comprends pas un traître mot de ce que tu me racontes. Va droit au but avant d'user de ma patience. Je ne suis pas au top de ma forme en ce moment, comme tu auras sûrement dû le comprendre en lisant ce stupide article dans ce journal de bas-étage.

Drago piqua un fard.

⸺ Je voulais juste savoir... depuis combien de temps tu sais que tu aimes les hommes ?

⸺ À ce que je sache, cela ne te regarde pas, Malefoy. Ce n'est pas parce que la Guerre est finie et que nous nous sommes réconciliés que nous sommes les meilleurs amis du monde. Et puis, ce n'est pas vraiment le genre de sujet dont on parle avec un ancien ennemi.

⸺ Ce n'est pas ce que je veux. Je demandais juste, se défendit le jeune homme, piqué au vif par cette remarque désobligeante.

⸺ Excuse-moi de te répondre aussi mal... je suis juste fatigué, soupira Harry en passant sa main dans ses cheveux incoiffables.

Un geste qui fit complètement, et ridiculement, défaillir le cœur de Drago. Le beau Malefoy sourit, encourageant l'Élu à continuer.

⸺ J'aime le même garçon depuis ma troisième année. J'ai commencé à sortir avec Ginny pour tenter de l'oublier, et j'ai quelque peu réussi. Jusqu'à ce que son visage revienne me hanter. Nuit et jour je pense à lui, et je ne sais pas quoi faire. Je me suis assumé, et, bien évidemment, La Gazette en a profité pour répandre toutes sortes d'horreurs et de foutaises plus idiotes les unes que les autres sur moi et Ginny.

⸺ Comme ? demanda Drago, s'efforçant de rester impassible.

⸺ Quand je l'ai annoncé, j'étais à table... personne n'était au courant avant. Je m'en souviendrais toute ma vie : Lily n'a pas vraiment bien compris, et James s'en souciait peu. Albus en a profité pour lancer une discussion très philosophique qui n'a intéressé personne sur le moment, et Ginny...

Ses yeux s'assombrirent un instant, avant qu'il ne reprenne :

⸺ Je redoutais sincèrement sa réaction. Je m'attendais à ce qu'elle se lève, parte en pleurant, me hurle dessus, pulvérise un objet en mille morceaux, me gifle... elle n'en a rien fait. C'était... ça m'a fait plus de mal que si elle s'était mise en colère. C'était horrible. Elle a fermé les yeux durant quelques secondes, a pris une grande inspiration, puis m'a demandé : « Cela fait combien de temps que tu ne m'aimes plus ? ». Cette question, pourtant si légitime, m'a brisé. Parce qu'honnêtement, j'étais incapable d'y répondre. L'amour que je ressentais pour elle était faux ; ce n'était qu'un leurre de mon inconscient pour que je tente d'oublier ce garçon... Les enfants m'ont alors demandé si cela signifiait que nous allions divorcer... Je n'avais pas la force de répondre. Mais alors, quand Ginny a répondu par l'affirmative, James nous a avoué qu'il vivait cela comme une trahison. Il a même affirmé avoir « grandi dans le mensonge ». Il ne voulait pas être méchant, simplement me faire comprendre qu'il aurait du mal à me pardonner le fait de ne pas leur avoir dit plus tôt.

Harry marqua encore une pose, tandis que toutes les informations cheminaient vers le cerveau de Drago, un peu sous le choc de toutes ces révélations.

⸺ Cela s'est passé hier soir. Après de longues explications aux enfants, Ginny les a emmenés chez leur marraine, Luna. Luna Lovegood. Tu sais, elle était en Serdaigle, elle a un an de moins que nous. Elle est ensuite revenue ici afin qu'on ait une bonne explication tous les deux. Elle ne s'est pas mise en colère, elle a très bien compris. Mais elle était malheureuse. Elle m'aimait réellement, elle. Oh, je ne suis qu'un idiot ! Ginny m'aimait depuis son plus jeune âge, et j'ai fini par lui donner une chance. Et je viens de lui retirer tous ses espoirs. Je ne sais pas comment je pourrai encore me regarder dans un miroir sans me détester.

Drago posa une main sur celle de Harry dans l'espoir de le réconforter. À sa grande surprise, l'Elu ne chercha pas à se dégager. Il ne fit que soupirer avant de reprendre :

⸺ Bien sûr, la nouvelle aura circulé dans tout le pays d'ici demain... et je risque de subir plusieurs attaques venant de personnes stupides. Mais après tout, qu'est-ce que j'en ai à faire ? En ce moment même, je sais très bien que le destin va me rejeter. Seulement, j'ai déjà connu des défaites, de la souffrance. Alors, je peux enfin dire une chose... mais avant, promets-moi une chose, Drago.

L'intéressé leva un sourcil et un petit sourire narquois se dessina sur son visage stressé.

⸺ On a dépassé le stade des « Malefoy » hautains, à ce que je vois. J'en suis honoré, crois-le bien.

Harry rougit aussitôt, ce qui doubla indéniablement la vitesse des battements de cœurs déjà bien trop rapides de Drago.

⸺ S'il te plaît... je ne plaisante pas. Promets-moi que tu ne t'énerveras pas. Déteste-moi si tu le souhaites, mais ne rentre pas dans un accès de colère incontrôlable dont tu as le secret.

Drago serra la main d'Harry dans la sienne en lui souriant. Il voyait une faible lueur d'espoir au bout du chemin, et il était bien décidé à s'y accrocher jusqu'au bout. Mais si cette lueur s'éteignait... alors il se ferait emporter par la tempête et il finirait probablement par se noyer dans son propre océan de larmes.

⸺ Tu prendras sûrement mal ce que je vais te dire. Si tu le souhaites, tu peux quitter la maison dès que j'aurai fini de me confier et ne plus jamais me parler. Je ne t'en voudrai pas.

Il marqua une pause et prit une grande inspiration, se mordant la lèvre. Pour Drago, l'attente était insupportable. Il allait enfin savoir s'il allait pouvoir vivre heureux ou bien si le destin déciderait de lui faire quitter cet enfer et succession d'échecs en faisant passer sa vie à trépas. L'attente était si longue, si insupportable, qu'il sembla à Drago, durant une simple poignée de secondes que le temps s'était arrêté. Jusqu'à ce qu'Harry ne reprenne la parole d'un air grave :

⸺ Je n'en peux plus de garder ça pour moi... le... le garçon que j'aime, depuis ma troisième année... le garçon qui hante mon esprit à chaque seconde... le garçon dont le visage m'apparaît alors que j'essaie de l'oublier pour ne pas avoir à souffrir inutilement... le garçon que j'aime...

Il s'arrêta puis lâcha dans un souffle :

⸺ C'est toi.

Cette fois-ci, le temps s'arrêta pour de bon. Transporté ailleurs le temps d'un instant, Drago crut avoir mal entendu...

Et pourtant. Il revint à la réalité lorsque Harry grimaça :

⸺ Dis quelque chose, je t'en prie. Ne reste pas là à me fixer avec ce regard incrédule.

⸺ Je... Je ne sais pas quoi te dire... murmura Drago, ébahi.

⸺ Ne dis rien, alors. Oublie. Oublie-moi. Oublie-moi, moi et mon stupide amour ! Cela vaudra mieux pour nous deux.

Harry retira sa main de celle de Drago, qui reprit ses esprits à ce moment-là.

⸺ Non ! Certainement pas... Je t'aime aussi. C'est ce que j'étais venu te dire.


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⸺ Alors ? Comment te sens-tu ? murmura Harry à l'oreille de son bien-aimé en se glissant dans son dos, lui passant un bras autour de la taille.

⸺ Je ne me suis jamais senti aussi stressé de ma vie, lui avoua le beau blond.

⸺ Détends-toi, lui intima le jeune Potter. Cela devrait être le plus beau jour de ta vie.

⸺ Je sais, sourit Drago en déposant ses lèvres sur celles du jeune homme.

⸺ Enfin... je ne pensais pas que ce jour arriverait. Tout est arrangé. Ginny et moi sommes redevenus amis. Hermione et Ron sont très heureux pour moi et vivent l'idylle parfait. Luna... Je pense que cela l'impacte peu. Ta mère s'est remariée et vit sa meilleure vie. Et dire que dans une poignée de minutes je pourrai enfin t'appeler mon mari...

⸺ Il n'y a que cela qui te préoccupe ? se moqua gentiment Drago. Ne penses-tu pas à notre lune de miel ?

⸺ Comment ne pourrais-je pas y penser ? répondit Harry, narquois, en posant ses paumes sur les joues de son amant. Ce soir-là, quand on s'est avoué nos sentiments... c'est là que j'ai commencé à ne plus penser qu'à toi. Tu m'as rendu accro, Drago. Accro à tes lèvres. Accro à ton corps. Accro à tes yeux. Accro à l'amour. Accro à toi, l'homme de ma vie. Et pour que j'en arrive à débiter de telles niaiseries, c'est que je t'aime beaucoup.

Alors Harry déposa ses lèvres sur celles de Drago pour illustrer son propos. Jusqu'à ce que la fanfare résonne. Le jeune Malefoy prit Harry par la main.

⸺ Viens. Maintenant, à nous d'entrer en lumière pour démontrer que notre amour ne peut pas être plus sincère.


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