𔘓
C H A P I T R E 3 6
𔘓
Certaines révélations vous choquent plus que d’autres. Assurément, les paroles que James vient de prononcer en font partie.
Pantoise, je l’observe, les bras ballants et la bouche sèche.
— Ta jolie bouche est bien close, pour une fois.
Un frisson parcourt mon échine. Je sens bien qu’au travers de cette boutade, il tente de garder la face, de me faire comprendre qu’il est fort et au-dessus de cela.
Cependant il y a quelque chose, dans la façon qu’ont ses yeux de se plisser, l’éclat de s’assombrir qui me tétanise.
Comment peut-on perdre sa main en s’entaillant les veines ?
Je ne sais si nous sommes connectés ou s’il lit en moi comme dans un livre ouvert. Mais, dans un soupir, il répond à la question que je n’ai pas formulée à haute voix.
— L’entaille était très profonde, trop profonde. Je… J’éprouvais une haine envers moi-même qui m’a poussé à me servir d’un outil très tranchant… Et gros.
Je me noue, ne sachant si je veux en entendre davantage.
Doucement, j'approche du canapé où il est assis. Il ne remue pas d’un cil, se contentant d’observer son crochet qui luit, dans l’obscurité. Ma gorge se serre.
— Que… Pourquoi ? je chuchote, sentant des larmes humidifier mes yeux.
Enfin, il me considère.
Une perle salée coule sur ma joue, qu’il essuie de son crochet. Je le laisse faire, le métal froid me semblant anormalement brûlant.
— Parfois, il est compliqué de vivre. Tout simplement.
Il pousse un long soupir. Ces mots résonnent en moi plus qu’ils ne le devraient. Plus que je n’aimerais bien l’admettre.
— Les jambes sont trop lourdes pour soutenir notre poids et on cherche toujours à s'asseoir. Mais lorsqu’on s’assoit, notre corps hurle pour s’allonger. Et, une fois gisant, il ne veut que dormir. Dormir toujours plus. Toujours plus longtemps.
Un son rauque franchit ses lèvres.
— Dormir, reprend-t-il en fixant le vide, caressant de ses doigts la larme perlant sur le métal. A jamais.
Il se tourne vers moi. Ses yeux ambrés me semblent plus profonds, soudainement. Un puit précieux, mais un puit sans fond.
Depuis combien de temps chute-t-il dans les tréfonds de son âme ?
— James… Est-ce que je peux te poser une question ?
— Bien sûr, tu es même la seule qui puisse en poser.
Mon cœur vacille mais je demeure droite. Je tente de garder une certaine composition, des traits droits, afin de ne rien trahir de mes tourments.
— Comment vas-tu, aujourd’hui ? Comment gères-tu la pression de cette société ?
Il pousse un long soupir.
— Je ne te cache pas que la vie est compliquée… Une routine s’est instaurée, au bout d’un certain temps. Je me disais que dans l’idée, je vivais le rêve, l’idéal de bien des gens.
Le coude plantée dans le dossier du canapé et la tête posée sur ma main, je le contemple.
— Je me lève, le cœur morose. Je m’efforce de manger quelque chose de sain, de courir quelques kilomètres, de me laver à l’eau froide… Selon mes psys, ça booste un tas de bonnes choses… Dopamine, ocytocine, endorphine… Les hormones du bonheur.
Mon estomac se soulève.
— Alors, je fais les choses bien. Et j’essaye d’ignorer le fait qu’à la fin de la journée, quand les lumières s’éteignent, je me sens aussi vide qu’au début.
Sa voix se serre :
— Et je ne peux que me demander “ pourquoi ça ne fonctionne pas, sur moi ? ”
Un brin de désespoir éclate dans sa voix. Je frissonne, le cœur gros. Ma main se pose sur son avant-bras, le caressant.
— Et j’en viens à me demander si je suis fait pour être heureux. Mais aussitôt, je me flagelle de passer mon temps à me victimiser. Et cette dépréciation me heurte davantage encore alors je sombre dans un cercle vicieux.
Son visage se tourne vers moi. Je déglutis péniblement. Mais il m’offre un léger sourire.
— Et puis, il y a toi.
Ses yeux s’illuminent d’un éclat revigorant. Je chancelle presque en voyant que la simple mention de mon nom lui arrache un sourire.
— Avec toi, nul n’a besoin de sport, d’eau froide ou quoi que ce soit d’autre. Ta simple présence suffit. Je ne sais pas de quoi demain sera fait et je ne compte plus les minutes.
Son crochet glacé caresse ma joue.
— Le temps n’existe pas, quand tu es là. Il m’importe peu, n’a plus d’emprise sur ma personne.
Je vacille.
— A vrai dire, plus je te connais, plus je réalise que rien n’a vraiment compté jusqu’à ce que ta route croise la mienne. J’ai pris conscience de la valeur d’un simple dîner ou d’une promenade avec son chien.
Il rit doucement. Un son qui me réchauffe.
— Les couleurs sont plus chatoyantes et il fait plus chaud. L’air est plus doux… Tout est mieux, en ta présence. Différent. Mieux.
Je frissonne, mes yeux se mouillant de larmes.
Jamais quiconque n’a eu de telles paroles pour moi. Des perles roulent sur mes joues. Il les contemple plus en détail avant de loucher sur l’une d’entre elles seulement.
Je réalise qu’il lutte contre l’envie de les essuyer.
— Je…
Il ne termine pas sa phrase. Ses yeux glissent sur un point lointain, tandis qu’il semble perdu dans ses pensées.
Là, il prononce d’une voix rauque, ses yeux s’humidifiant :
— Je crois que tu m’as sauvé.
Mes sourcils se haussent brutalement et je m’étrangle dans mes sanglots.
Me jetant sur lui, j’entoure sa nuque de mes bras. Il me serre aussitôt avec force contre son corps et mon visage s’enfouit dans le creux de sa nuque. Je sanglote bruyamment.
Contre ma peau, je sens ses larmes couler. Je n’avais aucune idée des nuages noirs qui planent dans sa tête. Egoïste, je n’ai jamais songé qu’à le taquiner.
— (T/P)..., chuchote-t-il dans un souffle.
Je le garde contre mon corps.
— (T/P) ! insiste-t-il, prenant mon visage en coupe.
Sa large main se fait brûlante tandis que son crochet glacé me tétanise. Les températures extrêmes font de mon corps un lieu de conduction. Je frissonne.
Lorsque son front se pose contre le mien, qu’il s’abandonne à un instant de sincérité, de fragilité, de vulnérabilité, il me semble que tout s’équilibre.
Mes paupières se ferment.
— S’il-te-plaît, ne change pas ton comportement envers moi. Je t’en supplie. Ta façon de me traiter m’a sauvé alors… N’y change rien. Reste fidèle à toi-même.
J’ouvre les yeux et mon cœur se serre face à la panique noyant son regard. Je secoue la tête doucement.
La terreur qui le saisit, à la simple idée que mon comportement change, m’arrache presque un hoquet. Je nie d’un mouvement sec.
— James ! James ! je chuchote dans un rictus se voulant apaisant. Jamais mon regard sur toi ne changera. Je ne suis que flattée que tu penses cela de moi.
Ma main se glisse par-dessus la sienne, elle-même posée sur ma joue. J’observe ses yeux qui s’agrandissent à mes mots.
Nos nez se frôlent et de la faible distance entre nous jaillit une température des plus douces.
— Tu m’as confié ton cœur et je le garderai précieusement, veillerais sur lui à jamais.
De ma main libre, je couvre la zone où palpite mon propre organe vital.
— Je te suis tellement reconnaissante de t’être confié à moi de la sorte.
Ma poitrine se gonfle d’un air plus pur, léger. Un où les secrets se sont dissipés et seule la confiance règne.
Sans doute est-ce parce que plus rien ne me fait peur, maintenant, lorsqu’il s’agit de lui, que sais que jamais nous ne nous jugerons…
Ce que nous avons est trop pur. Alors je crois que je ne réfléchis pas trop aux conséquences de mes mots lorsque je murmure :
— Je t’aime.
𔘓
j'espère que ce
chapitre vous aura
plu !!
désolée pour le retard,
plaignez vous a ma
collègue 💀
𔘓
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