𝐏𝐑𝐎𝐋𝐎𝐆𝐔𝐄
𖤓
ET DANS LES LARMES DE CEUX QUI
VIVENT, JE LAVE LE SANG DES
▬▬ MARTYRS ▬▬
La nuit avait progressé à un point tel que les étoiles commençaient à s’effacer sous le lever du soleil. L’immensément profond violet du ciel déclinait doucement en nuances plus claires qui ne tarderaient pas à revêtir une teinte rougeâtre que tous appréciaient grandement en ces lieux.
Mais nul parmi eux n’étaient présentement occupés à regarder la voûte céleste. A vrai dire, en cette soirée —ou plutôt matinée— rythmées de rires et autres célébrations, l’attention de tous était portée sur une seule et même chose. Ou plutôt enfin détournée de celle-ci après trois longues années.
— ON EST LIBRE ! ENFIN ! hurla une jeune femme pour la énième fois depuis quelques heures en enserrant le cou d’une de ses plus proches collègues passant à côté d’elle.
Bien que peu habituée aux contacts physiques ni même friande de ceux-là, Mikasa n’opposa aucune forme de résistance lorsque la surnommée Extralucide l’empoigna de la sorte. Elle était de toute évidence ivre et, en cette chaleureuse journée marquant la fin de leur période d’entrainement et le début d’une vie de soldat, elle ne voyait pas l’utilité de se montrer très sévère avec cette femme qu’elle peinait à croire, en la voyant ainsi, être l’ainée de l’entièreté des personnes présentes entre ces murs.
En cette soirée, elles et leurs collègues de la 104ème Brigade d’Entrainement que les années ensemble avaient particulièrement rapprochés buvaient joyeusement à la santé du bataillon d’exploration qu’ils rejoindraient sous peu.
Sous l’étonnement de la majorité des brigades d’entrainements, les dix premiers de leur promotion qui auraient pu accéder aux postes tant convoités et reposants de soldats des Brigades Spéciales avaient, pour la majeure partie d’entre eux, décidé de se détourner de l’offre et suivre deux fortes têtes s’étant démarquées ces dernières années et que tous s’étaient amusés à surnommer respectivement le Suicidaire et l’Extralucide.
Ces derniers étaient d’ailleurs plutôt bien placés dans le classement des « élus », comme se plaisaient à les surnommer ceux situés en dehors.
En dixième place, une jolie frimousse ronde adoucie par une queue de cheval touffue nommée Sacha avait su rester dans cette fine élite de justesse grâce à son extraordinaire instinct. La suivant de près en neuvième position, son fidèle ami Conny avait utilisé ses aptitudes en matière de déplacement rapide et improvisation sur le terrain pour se démarquer. Puis, en huitième et septième position, un duo aux parties antithétique composé du joyeux Marco et grincheux Jean précédait celui que tous aimaient à surnommer le suicidaire, Eren Jäger, le numéro six.
Entre ces deux derniers existait d’ailleurs une compétition aussi puérile que divertissante dont leurs collègues s’abreuvaient régulièrement depuis trois ans pour se divertir. Mais le fait que le brun ait dépassé le châtain avait mis celui-ci dans un tel état qu’il avait passé la soirée à broyer du noir. Du moins, jusqu’à ce que l’éternelle gentillesse de Marco ne pointe le bout de son nez et que celui-ci lui remonte le moral.
Les candidats ayant suivis, même s’ils demeuraient dans le même classement, n’avaient rien à voir avec ceux les précédents. A vrai dire, leur propre instructeur avait souvent mis en relief le fait que les cinq personnages occupant le haut de ce classement semblaient tout droit sortis des bataillons eux-mêmes tant leurs aptitudes se différenciaient du restant des brigades d’entrainement.
La mystérieuse Annie et ses impressionnantes tactiques de combat lui avaient permise de se hisser à la cinquième position, suivie de près par Marcel et Reiner. Ce trio énigmatique s’était si bien débrouillé au cours des dernières années que, à plusieurs reprises, Keith leur avait demandé s’ils avaient déjà été confronté dans leur enfance au monde militaire, ce à quoi ils répondaient souvent d’un air absent et distrait que non.
Leur maitrise du système tridimensionnel avait été quelque peu fastidieuse mais leur technique au combat rapproché, endurance, capacité de survie et adaptation en milieu hostile étaient si accrues qu’on eut dit qu’ils avaient déjà connu ce genre d’épreuves. Et ce fut ces points-précis qui leur permirent de s’assurer une place si confortable dans ce classement.
Finalement, le duel des titans.
Tel était le nom que les adolescents avaient attribué à la compétition féroce et acharnée s’étant déroulée durant ces trois dernières années entre celles qui n’étaient autre que les meilleures soldates que l’œil avisé de Keith n’ait jamais croisées. Adroites, agiles, vives, intelligentes et capables de réflexe hors du commun, elles avaient su démontrer des capacités telles, au cours des dernières années, que l’homme —pourtant pragmatique— avait quelque fois remis en question leur nature humaine.
Il ne connaissait, dans l’histoire de l’Humanité, qu’un seul soldat aux compétences plus développées que les leurs. Mais cela ne signifiait pas qu’elles n’étaient pas exceptionnellement douées. Au contraire. Le soldat dont il était question n’ayant jamais intégré les brigades d’entrainement, Keith n’avait pas eu l’occasion de le superviser.
Ainsi, à ce jour, ces deux jeunes femmes demeuraient les combattantes les plus avisées qu’il lui ait été donné d’entrainer. Et, même si le classement tant attendu était tombé, il n’était toujours pas sûr de pouvoir affirmer que l’une des deux était meilleure que l’autre. A vrai dire, elles excellaient simplement dans des qualités qu’elles avaient différentes.
D’un côté, Mikasa Ackerman savait exploiter au mieux ses cinq sens. Aussi vive que l’éclair, elle parait et renvoyait chaque attaque la menaçant avec une force démesurée, faisant de sa simple personne l’équivaut de cent soldats. Sa capacité d’adaptation l’avait menée à s’épanouir au contact des sabres ainsi que du système tridimensionnel. Mais son défaut était aussi sa plus grande force : son attachement au jeune Eren Jäger la poussait souvent à des actions irréfléchies qui, en tant de guerre, mettraient en danger le plus grand nombre.
En face, la soldate Sans-Nom que tous avaient eu vite fait de renommer l’Extralucide. Ce surnom venait de son instinct particulièrement développé qui, à bien des égards, frisait le surnaturel. Sa capacité accrue à anticiper les attaques l’avait menée à faire d’elle une combattante hors-pair. Là où Mikasa savait riposter, elle, elle savait anticiper. Ainsi, lorsqu’il s’agissait des combats singuliers, il avait été bien vite admis qu’aucune d’elles ne surpassait l’autre. Par ailleurs, la jeune femme s’étant déjà entrainée depuis de nombreuses années sans relâche au maniement des armes et du système tridimensionnel, ceux-là n’avaient jamais eu aucun secret pour elle. Alors, aussi sur ce point, rien n’avait pu départager les jeunes femmes. Mais son défaut majeur était son incapacité à se soumettre à une quelconque autorité.
Que ce soit au long de leurs trois années d’entrainement ou lors des épreuves physiques finales, toutes deux avaient toujours obtenu la note maximale. Et, n’ayant jamais vu cela auparavant, cette anecdote avait rapidement fait le tour des hauts-placés de l’armée, les rendant désireux de rencontrer ces deux femmes si efficaces qui, en plus, avaient clairement fait connaitre leur désir d’intégrer les bataillons.
Le major de ceux-là, Erwin Smith, avait alors conseillé l’homme face à la complexité des résultats. Selon lui, le mieux était de procéder à un retrait de points basé sur les valeurs défendues par l’armée que les soldates auraient enfreintes. Chacune de leurs fautes se verrait sanctionnée d’une baisse de la note.
Ainsi, Mikasa ayant privilégié Eren à la survie de leur groupe seize fois au cours des dernières années, le résultat final de l’asiatique avait beaucoup chuté à cause de ses intérêts personnels qu’elle faisait primer sur la majorité.
Mais, de l’autre côté, l’Extralucide ne comptait pas moins de cinquante-deux rapports à son actif pour mauvaise conduite, ces deux derniers mots n’étant que de très larges termes englobant bien des valeurs défendues par l’armée qu’elle avait enfreintes. Le respect. L’honnêteté. L’obéissance. Majoritairement. A vrai dire, ses infractions étaient si nombreuses que, d’ordinaire, elle aurait dû être renvoyée des brigades d’entrainement depuis très longtemps.
Seulement Edward, son grand frère, était toujours intervenu pour la protéger sans même qu’elle ne le sache.
Son écart de score entre elle et Reiner était tel que, malgré le retrait de tant de points, elle était restée dans les deux premières du classement. Mais la première place était revenue à Mikasa.
Cependant, ceci n’avait rien changé de la relation amicale que ces deux femmes avaient appris à faire germer depuis trois ans. Tout simplement car elles-mêmes n’avaient jamais réellement pris part à l’engouement suscité autour de leurs capacités. Elles ne s’étaient jamais battues qu’afin d’aider un ami pour l’une et rejoindre les héros de son enfance pour l’autre. La compétition entre elles n’avaient, selon elles-mêmes, pas lieu d’être.
Alors, maintenant que les résultats étaient tombés, ne changeant rien à leur désir d’intégrer les bataillons, elles se contentaient de profiter de cette soirée de trêve avant leur nouvelle vie. L’Extralucide entoura les épaules frêles de Mikasa de son bras droit en brandissant une pinte de bière depuis le gauche dans un rire sonore à l’intention de ses amis.
La matinée commençait à se lever et tous montraient naturellement des signes de faiblesse. Alors les derniers restants venaient de prendre place à une seule et même table tandis que quelques soldats dont ils n’étaient pas proches s’en allaient rejoindre les dortoirs. Le calme était revenu dans la vaste salle auparavant bruyante et le volume de leurs conversations avait baissé.
S’appuyant sur les épaules de la noiraude avec un sourire auquel elle ne répondit pas mais qu’elle apprécia de voir, l’Extralucide entraina sa camarade afin de franchir les quelques mètres les séparant de la table située en face d’eux. Elle était déjà occupée par une dizaine d’adolescents éméchés attendant qu’elles complètent leur habituelle fine équipe nommée 104ème Brigade d’Entrainement.
Avançant à petit pas, Mikasa veilla à ce que la jeune femme vissée sur ses épaules ne s’écroule pas à cause de leurs déplacements. Elle semblait un peu trop guillerette pour que cela soit naturel et son sourire benêt allait de pair avec ses jambes flageolantes menaçant de s’écrouler. Elle était très clairement en état d’ébriété.
Tout en franchissant les deux mètres restant jusqu’au groupe, l’Extralucide se laissa promener un regard ivre sur les alentours, appréciant la beauté de cet endroit déserté. Il s’agissait de leur habituel réfectoire.
Aussi, une dizaine de tables brunes et longues reliées à des bancs de la même teinte étaient disposées en lignes précises séparées par des rangés de colonnes en pierres grises, le même matériau qui constituait les murs les entourant. Une lueur orangé vacillante donnait une allure particulièrement chaleureuse à l’endroit, des bougies et torches trônant sur les tables, colonnes et murs.
Ses yeux, une fois qu’ils eurent finis de détailler la salle l’entourant avec émerveillement, se posèrent sur les soldats restants qui discutaient de bon train au moment où elle et Mikasa parvenaient à leur hauteur. La noiraude profita d’ailleurs de son attention distraite par Sacha qui se tournait vers elle pour ôter délicatement son bras de ses épaules et s’éclipser de l’autre côté du petit groupe, avec Eren, Ymir et Christa.
Sans ne rien remarquer du geste de la jeune femme, l’Extralucide enjamba le banc disposé devant ses genoux, prenant maladroitement place entre Jean et Marco qui protestèrent quelque peu. Elle se pencha vers Sacha qui, en face d’elle de l’autre côté de la table, avait ouvert la bouche pour lui parler.
La jolie brune fit virevolter sa queue de cheval touffue en se penchant vers elle, attirant l’attention de Conny qui s’était détourné de leur habituelle bande de cinq pour discuter quelque peu avec Marcel et se présentait de nouveau à eux maintenant qu’ils étaient complets.
— Les instructeurs ne surveilleront pas les cuisines cette nuit, on fait comme d’habitude ? demanda la jeune femme avec un large sourire.
Au cours des trois dernières années, des groupes d’affinités s’étaient naturellement formés au sein de cette équipe déjà bien soudée qu’était la 104ème Brigade. Et la plus grande bande de tous était sans conteste la leur, composée d’éléments aussi différents que complémentaires.
La gentillesse de Marco adoucissait la rudesse que Jean et l’Extralucide savaient parfois faire devenir étouffante tandis qu’ils pouvaient toujours compter sur Conny et Sacha pour détendre l’atmosphère. Étonnamment, leurs caractères variés et, pour certains, particulièrement aptes à provoquer des disputes formaient une harmonie qui leur avait permis de surmonter bien des épreuves au cours de leurs dernières années. Ils s’étaient trouvés et ne parvenaient à imaginer ce qu’aurait été leur vie les uns sans les autres à présent.
Dans un monde tel que le leur où ils étaient assiégés par des titans et vivaient dans la peur d’être envahis par eux, face à la possibilité qu’un des murs se brise, étouffés par l’horreur des combats pour lesquelles ils avaient pourtant signé, le faible réconfort qu’était leur amitié était particulièrement précieux. Et ils savaient, sans tout de même perdre leur objectif de tête, chérir celle-ci un peu plus chaque jour au travers de différentes actions.
Sacha et l’Extralucide s’étaient sans nul doute rapprochées grâce aux missions tout à fait interdites qu’elles lançaient régulièrement aux cuisines pour récupérer de la nourriture. Patates, pains et même, quand les jours étaient heureux, sucre. Elles avaient des cibles de prédilection.
Mais le St-Graal pour la brune, celui qu’elle tentait par tous les moyens d’obtenir —malgré les restrictions de sa camarade ne voulant que le reste des soldats en pâtissent— demeurait la viande. Ce met aussi rare que cher.
Se réjouissant à l’avance de mener une de leur fameuse mission, l’Extralucide acquiesça vivement en tapant avec un peu trop d’enthousiasme la table à l’aide de son verre encore plein. L’impact fut si grand que de nombreux fourmillements agitèrent d’ailleurs son bras à ce geste.
Un bruit de verre brisé précéda un silence brutal qui vint soudain interrompre le brouhaha ambiant des conversations à la table. Tous les regards se tournèrent en la direction de la jeune femme qui se sentait flotter sous les capitons de l’alcool et vacillait légèrement en une danse enfantine, un sourire benêt fixé aux lèvres.
— Mon dieu, qu’est-ce que t’as foutu ? résonna soudainement la voix de Marcel parmi la soudaine averse de questions similaires qui fusèrent chez Reiner, Eren, Ymir, Conny et Jean.
Mais elle n’écouta pas l’amas de sons indistincts que formaient les demandes de ses camarades inquiets. L’alcool semblait la maintenir éloignée de tout ça.
Ce ne fut que lorsqu’un liquide froid vint s’écouler le long de sa main gauche et brûler vivement sa peau qu’elle daigna porter son attention sur ses doigts. Et ses yeux s’écarquillèrent lorsqu’elle constata que la pinte s’était brisée lors de son coup, rompant le verre en éclats maintenant incrustés dans sa peau. Et, piquant atrocement les plaies fraichement formées, le contenu du récipient se mêlait à son sang et s’incrustait dans ses blessures.
Mais elle ne fit rien.
A vrai dire, dès l’instant où ses yeux s’étaient écarquillés face au spectacle, tous s’étaient tus. Car ses pupilles s’étaient alors figées dans ses orbites, se voilant d’une façon qu’ils ne connaissaient que trop bien. Après tout, elle devait à ce phénomène survenant parfois chez elle le surnom si énigmatique d’Extralucide.
Oui. Ils n’eurent même pas besoin de deviner que son cœur avait commencé à battre dans sa poitrine, que sa langue s’était furieusement engourdie dans sa bouche, que ses paumes s’étaient faites moites, qu’un frisson désagréable avait parcouru sa colonne vertébrale, que ses tympans s’étaient mis à siffler d’une façon insupportable avant qu’un chuchotement terrifiant ne résonne à l’intérieur de sa boite crânienne. Il ne leur avait fallu que ce regard soudain voilé par un mauvais présage.
Dans le silence maintenant complet de la pièce, tandis que tous n’avaient de yeux que pour elle, l’Extralucide releva soudain la tête. Une ombre grave planait sur ses traits, menaçante.
Et sa voix ne trembla pas le moins du monde lorsqu’elle articula ces mots :
— Le Mur Maria s’effondrera dans une heure.
⏂
hey !
désolée d'avoir posté si tardivement !
il ne se passe pas grand chose pour l'instant !
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top