𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟓𝟖
𖤓
ET DANS LES LARMES DE CEUX QUI
VIVENT, JE LAVE LE SANG DES
▬▬ MARTYRS ▬▬
‣ S03E11
gros spoiler épisode 16
Les lèvres quelques peu pincées, Emeraude affichait une mine soucieuse. La cape de Petra serrée sur ses épaules, elle songeait de nouveau à ce qu’elle avait vu la veille et ne cessait de ressasser ses pensées.
Grâce aux pouvoirs d’auto pétrification d’Eren qui avaient déjà été en mesure de colmater le brèche, Hanji avait mis en place un stratagème usant de poutres de bois lourdes qu’elle lâchait sur la nuque des titans se présentant aux portes du mur et les tuant sur le coup. L’expérience étant aussi farfelue que son amie, la jeune femme n’avait pu s’empêcher d’émettre quelques doutes.
Voulant profiter de son temps libre avec Bosuard, elle avait décliné l’invitation de la scientifique à regarder le spectacle mais, lorsque Levi lui avait ensuite fait parvenir un papier requérant sa présence, elle avait poussé un soupir las. Trop fatiguée pour se disputer, elle s’y était rendue en s’excusant auprès de la moue boudeuse de la fillette.
Au départ, elle n’avait pas forcément compris ce que lui voulait le noiraud. Il venait de la jeter de son escouade après une longue période où ils ne s’étaient pas le moins du monde adressé la parole. Les tensions entre eux étaient vives et elle se trouvait donc surprise d’être conviée à un évènement que tant de soldats convoitaient.
Mais, en prenant place aux côtés de Dan sur le mur, en jetant un coup d’œil à la rieuse Hanji, en ignorant la tentative d’approche d’Eren et affrontant le regard noir du caporal, elle avait compris. A peine le stratagème eut-il réussit que le titan était tombé à genoux, tenant son nez ensanglanté.
Emeraude avait hésité à lui donner un faible coup de pied en lui demandant d’arrêter son cinéma mais, alors qu’elle prenait de l’élan, elle avait senti la large main de Dan se poser sur sa cuisse pour entraver celle-ci. Si Levi avait serré quelque peu les poings face à ce geste, il s’était surtout concentré sur le jeune homme et lui avait tendu un linge propre.
Par la suite, en voyant le coup d’œil appuyé que lui lançait le noiraud en aidant le titan, elle avait compris. Ce n’était pas le plan qu’il souhaitait qu’elle voie, non. Même s’il pouvait la rejoindre sur certains points concernant l’immaturité dont la nouvelle escouade faisait preuve, il sentait qu’il fallait la détourner de sa vision manichéenne des évènements.
Soit, les propos de Jean pouvaient être blessants et la façon de penser d’Eren était particulièrement égocentrique. Mais ils n’en restaient pas moins des atouts pour l’Humanité. Des atouts qui faisaient des efforts, jour après jour, afin de devenir toujours meilleurs, qui mettaient leur souffrance à contribution du bien commun.
Alors, même si elle était en droit de ne pas les apprécier, même si elle pouvait penser qu’elle n’avait rien à se reprocher alors que la réalité était qu’elle se comportait en peste, même si elle préférait haïr les vivants pour se faire à l’idée qu’elle aimait les morts, il fallait qu’elle réalise ce pour quoi tous se battaient exactement autour d’elle.
Et leurs buts étaient les mêmes.
Sous les hurlements de joie d’Hanji, bloquée par la main simplement protectrice de Dan, observée par le regard inquisiteur de Levi, elle avait observé le sang s’écouler du nez du garçon durant quelques secondes, abasourdie de n’avoir pas réalisé tout cela plus tôt. Il fallait qu’elle cesse d’en vouloir à ce point à cette nouvelle escouade sous prétexte qu’elle avait pris la place de ses amis.
Car ils ne les remplaçaient pas, ne les éclipsaient pas. Non. Si elles songeaient assez à eux, rien ne les ferait jamais tomber dans l’oubli.
Elle comprenait maintenant. Oui. Elle réalisait pourquoi Levi ne s’était jamais prononcé sur ses disputes avec le restant de son escouade, pourquoi il avait toujours préféré garder son avis pour lui. Etant son amie, il avait toujours défendu son nom. Mais elle était bien celle ayant le plus de torts à se reprocher.
Alors, sous les yeux ébahis de Dan et Hanji, elle avait saisi le bandana qu’elle avait gardé de la période où elle était serveuse comme un porte-bonheur symbolisant Bosuard et, s’accroupissant devant les yeux écarquillés d’Eren, lui avait ôté le tissu de satin peu absorbant du caporal pour placer celui de coton sous ses narines.
Pas un sourire ni encouragement. Seulement un visage neutre et des yeux droits. Mais le titan avait deviné combien ce geste lui avait demandé d’efforts.
Alors, tandis qu’elle compressait son bandana noir sous ses narines, épongeait son sang en évitant soigneusement son regard, il avait laissé filer quelques mots qu’elle ressassait encore maintenant. Posant sa main sur son épaule et ignorant la mâchoire de la soldate qui s'était contractée à ce geste, il lui avait confié ce qu'il ressentait.
— Je me souviens de tout. De leur voix, de leur visage, de leurs anecdotes. Tu n’es pas la seule à veiller à ce qu’ils ne tombent pas dans l’oubli.
Et, comme si elle avait eu besoin que l’intéressé lui-même formule ses mots, elle s’était alors figée, avait fermé les yeux afin de mieux retenir ses larmes et avait poussé un soupir. Il avait mis les mots sur ce qui la travaillait tant depuis toutes ces semaines. Et, même si son égocentrisme l’agaçait toujours, son cœur était apaisé par l’idée qu’elle ne soit pas la seule à les garder en mémoire.
Lui laissant son bandana entre les mains, elle s’était alors levée sous le regard attentif de Levi qui n’avait pas perdu une miette de la scène et, les mains encore salie du sang d’Eren, avait déclaré devoir s’éclipser. Le caporal avait compris à ce moment-là qu’elle comptait se rendre sur les tombes de l’ancienne escouade et s’était donc tu, prétendant n’avoir rien entendu.
Aujourd’hui, le lendemain de ce moment, alors que l’escouade Levi s’était rendue auprès de l’ancien commandant d’Eren pour avoir des informations sur le passé de celui-ci, elle repensait à cette scène.
Les premières minutes, elle en avait voulu au noiraud de ne l’avoir conviée que pour la sermonner indirectement. Mais maintenant, elle lui en était reconnaissante. Soit, elle conservait son aversion pour la condescendance de Jean et l’égocentrisme du titan mais elle se voyait soulagée par les propos du garçon.
Edward X. Petra Raille. Gunther Schultz. Auruo Bosuard. Erd Gin. Ils n’étaient pas oubliés.
— Emeraude ?
La voix d’Erwin la tira de ses pensées. Levant la tête de la table qu’elle fixait depuis quelques minutes maintenant les bras croisés, elle accorda un regard à l’homme qui venait d’entrer dans le réfectoire.
Après avoir donné un coup de pied dans la chaise devant elle pour l’inviter à s’assoir, il obtempéra et prit place. Dans sa main se trouvait une pile entrelacée de parchemin. Elle reconnut son écriture. Il s’agissait de son rapport sur les attentats menés à son encontre et son départ de l’escouade.
Elle avait vécu cette situation assez de fois pour savoir ce qui motivait sa venue.
— Trop de fautes ?
Posant le dossier sur la table auquel il accorda un coup d’œil rapide, il secoua mollement la tête.
— Non, commença-t-il avait de se reprendre. Enfin oui mais…
Elle eut un faible sourire. Un bon samaritain l’avait corrigée.
— Levi ?
Il nia.
— Hanji ?
— Armin, la coupa-t-il. Mais je ne suis venu te parler de ça.
Elle haussa quelque peu les sourcils à ce nom. Armin ? Le petit blondinet toujours flanqué avec Eren qu’elle insultait chaque seconde de son existence ? Voilà qui était pour le moins étrange.
Erwin, devinant sa surprise, fit le choix de l’ignorer. Il se voyait mal lui expliquer que, surprenant une conversation entre la nouvelle escouade encore sonnée des propos de Levi —à savoir qu’Emeraude serait capable de les tuer en mission— Hanji s’était permise d’intervenir, attirant un cri de surprise à ceux qui ne l’avait pas remarquée.
Qu’importe l’affection que portait Emeraude à la scientifique, il n’était pas sûr qu’elle accepte le fait que celle-ci se soit alors permise de révéler aux adolescents l’existence d’Edward. Même si elle était parvenue à calmer quelque peu leur colère envers la femme en citant la mort de son frère, ils savaient tous qu’elle n’aimait pas qu’on se mêle de sa vie privée.
Cette discussion et le moment fraternel qu’elle et Eren avaient échangé sur le mur leur avait suffi à se demander s’ils ne devaient pas, eux aussi, se remettre en question. Elle avait beau être rude et parfois très agaçante, aucun d’entre eux n’avait rien fait pour lui donner le sentiment qu’elle pouvait s’intégrer parmi eux.
Que ce soit Ymir, Jean ou même Levi, ils avaient croisé nombre de fortes personnalités et mauvais caractères. Et jamais ils n’en avaient exclu tels qu’ils l’avaient fait avec la jeune femme.
Sans doute pris d’un sentiment de culpabilité, Armin avait donc tenté de faire un pas en sa direction. Et, même si elle ne savait pas tout de ce qu’il s’était passé, la jeune femme prit note de cet élan de gentillesse.
— De quoi es-tu venu me parler ? demanda-t-elle simplement.
Il eut un rictus. Elle allait toujours droit au but.
— La reconquête du mur Maria.
Elle se redressa sur son siège. Il avait suscité son intérêt.
— Quoi qu’il se passe, je veux que tu restes aux côtés de Levi, dit-il simplement.
Fronçant les sourcils vivement, elle inclina la tête afin de l’interroger du regard. Rester avec le caporal ? Alors qu’elle avait littéralement plus de dix ans d’exercices dans les jambes ? Cette façon de la traiter en enfant était presque insultante.
Et le pire dans cela était qu’elle savait précisément qui avait pris cette décision.
— Dis à Levi que je me placerai au poste auquel tu m’as assignée de base.
L’expression d’Erwin ne changea pas le moins du monde et il n’haussa pas non plus le ton. Emeraude était son amie et il la savait assez réfléchie pour écouter ses propos et se taire. D’autant plus qu’il avait conscience du fait qu’elle accepterait son ordre après la réponse qu’il s’apprêtait à formuler.
Et elle aussi sentit que l’argument qu’il s’apprêtait à avancer calmerait immédiatement ses ardeurs.
— Si je l’écoutais, tu resterais au camp, dit-il simplement. C’est moi qui t’ai placée ici et non pas pour qu’il te surveille mais parce que vos présences sont complémentaires.
Si elle fut rassurée par le début de cette phrase, la fin la dérouta quelque peu. Il s’expliqua en remarquant son vif haussement de sourcils.
— Sur le combat, vous formez une synergie qui sera un atout considérable.
Il marqua une pause.
— Surtout face au titan bestial.
Les pupilles d’Emeraude se dilatèrent subitement. Le titan bestial. Jamais leurs routes ne s’étaient croisées mais les rumeurs à son sujet avaient la couleur écarlate du sang et le bruit cauchemardesque de cris de détresse. Même Hanji n’avait jamais souhaité parler du monstre en détail, visiblement touchée par les actes de celui-ci.
Intriguée, elle avait fouillé les rapports à son sujet et, au travers de nombreuses horreurs trop détaillées qu’elle avait lu, elle avait ainsi appris le décès de Mike, l’homme avec qui elle et la scientifique avaient escorté Eren au tribunal, quelques mois auparavant.
Ainsi, comprenant le douloureux deuil que devait faire son amie, ressassant la cruauté de cette bête, sa haine n’en ressortait que plus grandissante. Et c’est la raison pour laquelle, lorsqu’elle réalisa qu’Erwin lui confiait la tâche de le tuer aux côtés de Levi, elle esquissa un sourire.
Elle lui ferait la peau.
Voyant ce rictus assez effrayant qui avait toujours eut le don de le mettre mal à l’aise et sachant que le sujet qu’il souhaitait aborder était clos, son ami se leva. Ce qu’il appréciait chez les traits statiques de Levi était que sa folie demeurait cachée. Or celle d’Emeraude ressortait souvent. Trop souvent. Et trop visiblement.
Repérant son corps se mouvant, elle le suivit du regard. Il lui montra le dos afin de se diriger vers la porte et termina alors son propos :
— Nous prendrons donc ensemble la tête du groupe dans deux jours, tous les trois.
Là, Emeraude ne sut pourquoi, son sang se figea dans ses veines et elle se raidit. Erwin, dos à elle, ne le remarqua pas et poursuivit sa route. Mais elle reconnaissait la façon dont son cœur se mettait à battre furieusement dans sa poitrine et sa langue s’engourdissait.
Tous les trois, se répéta-t-elle intérieurement en sentant une nausée la prendre.
Levant sa main vers la poignée de la porte, le major s’apprêtait à s’en aller. Mais elle l’interrompit.
— J’ai un mauvais pressentiment.
Aussitôt, il se figea. Bien des soldats se sentaient maladifs avant une mission. Mais Emeraude fonctionnait différemment. Son sixième sens ne se trompait jamais. Il ne put donc empêcher la vague de sueur froide qui le prit soudain.
Sans se retourner, il força un rire de sorte à ce qu’elle ne se doute pas du malaise soudain dans lequel elle l’avait plongé. Il fallait qu’il garde la face. Cette mission ne pouvait tout simplement pas être avortée.
— La guerre n’est jamais…, commença-t-il.
— Je parle de toi, le coupa-t-elle.
Il se retourna alors vivement, dardant son regard d’acier sévère sur le visage d’Emeraude. Ses yeux étaient brillants et ses bras croisés tremblaient. Elle tentait de se contenir mais il voyait bien qu’elle était dans un état de panique profond.
Il fit alors le choix de la rassurer. S’autorisant un trait d’humour —ce qui était particulièrement rare venant de lui— il tenta de calmer son amie. Mais rien n’y faisait.
— Perdre un autre bras rendra le maniement des sabres compliqués mais je resterais un fin stratège.
Elle leva ses yeux brillants sur lui, rendant leur couleur vacillante car baignée d’une eau salée. Jamais il ne l’avait vu tenter de contenir si vivement sa peur. A vrai dire, jamais il ne l’avait vue ainsi, tout simplement.
— Tu ne comprends pas, murmura-t-elle dans le silence de plomb de la pièce. Si tu pars…
Une larme roula sur sa joue.
— …tu ne reviendras pas.
Il déglutit péniblement. L’instinct d’Emeraude était hors du commun et les chances qu’elle se trompe étaient infimes, quasiment nulles. Mais ce qu’elle ne savait pas était combien il avait perdu dans sa quête de vérité. Et celle-ci s’achèverait à Shiganshina. Il ne pouvait pas se permettre d’être absent.
Alors, levant ses yeux bleus sur le visage tordu de douleur de son amie, affrontant son regard qui avait tant vu, tentant d’oublier sa réticence à amputer un peu plus le cercle restreint de ses proches, il lui déclara simplement :
— Le jeu en vaut la chandelle.
Puis, sous son regard baigné de larmes, il quitta les lieux.
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afin de vous remercier pour les 4k de vues, je vous met en ligne ce chapitre, début de la dernière ligne droite de la partie 3 !!
merci énormément de lire cette histoire !!
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