𝐂𝐇𝐀𝐏𝐓𝐄𝐑 𝟎𝟒











— 𝐄 𝐋 𝐃 𝐎 𝐑 𝐀 𝐃 𝐎 —

𝐌𝐨𝐧𝐚𝐜𝐨 - 𝐏𝐚𝐫𝐭 𝐈 











𝐅𝐀𝐂𝐓

𝐋𝐞 𝐩𝐥𝐮𝐬 𝐠𝐫𝐚𝐧𝐝 𝐧𝐨𝐦𝐛𝐫𝐞 𝐝'𝐞𝐧𝐟𝐚𝐧𝐭𝐬 𝐧𝐞́𝐬 𝐝'𝐮𝐧𝐞 𝐬𝐞𝐮𝐥𝐞 𝐟𝐞𝐦𝐦𝐞 𝐞𝐬𝐭 𝐝𝐞 𝟔𝟗, 𝐜'𝐞́𝐭𝐚𝐢𝐭 𝐮𝐧𝐞 𝐩𝐚𝐲𝐬𝐚𝐧𝐧𝐞 𝐑𝐮𝐬𝐬𝐞, 𝐕𝐚𝐥𝐞𝐧𝐭𝐢𝐧𝐚 𝐕𝐚𝐬𝐬𝐢𝐥𝐲𝐞𝐯.











𝟐𝟕 𝐌𝐚𝐢 𝟐𝟎𝟐𝟑

𝐂𝐢𝐫𝐜𝐮𝐢𝐭 𝐝𝐞 𝐌𝐨𝐧𝐚𝐜𝐨

𝐌𝐨𝐧𝐭𝐞-𝐂𝐚𝐫𝐥𝐨 – 𝐌𝐨𝐧𝐚𝐜𝐨



Charlie n'est pas allé en Italie.

Elle avait déjà pris la route cependant, lorsque le communiqué annonçant l'annulation du Grand Prix d'Imola a été publié sur tous les réseaux sociaux de la FIA.

Aussi, plutôt que de faire demi-tour et rentrer chez elle en Normandie, elle a décidé de filer directement jusqu'à Monaco et de patienter là-bas jusqu'au prochain Grand Prix devant se dérouler la semaine suivante.

Idée brillante si l'on ne tient compte que des aspects positifs et que l'on oublie que Charlie se déplace avec son camping-car Peugeot des années 90, qu'une place de stationnement prolongée dans la principauté coûte approximativement un bras et que le budget de la jeune fille est très loin d'être extensible.

Aussi, elle prend son temps pour descendre dans le sud et repousse un maximum son arrivée dans la richissime principauté. Elle trouve enfin un parking accessible aux camping-cars proche du port le vendredi suivant, en fin d'après-midi et se met immédiatement en quête d'un moyen de payer ses exorbitants frais de stationnement.

C'est ainsi que le lendemain midi, Charlie prend ses premières commandes à la Rascasse, mythique bar Monégasque. David, le gérant, trop heureux de trouver en la jeune Normande une personne motivée, dynamique et surtout bilingue en anglais, lui propose rapidement un contrat court jusqu'au vendredi suivant.

Le salaire n'est pas incroyable, mais Charlie signe sans hésiter. Il lui permet de couvrir toutes ses dépenses durant son escale à Monaco et les heures sup qu'elle fait pendant la semaine lui permettent même de mettre un peu d'argent supplémentaire de côté pour la suite du voyage.

La semaine qui suit passe en un battement de cils pour la jeune fille qui virevolte entre les tables et les clients toujours plus nombreux et exigeants à mesure que les jours passent et que le début du Grand Prix approche. Charlie se sent dans son élément au milieu des touristes et de leurs requêtes plus farfelues les unes que les autres.

Elle qui enchaîne les jobs d'été depuis ses quinze ans afin de mettre un maximum d'argent de côté, fait toujours de son mieux pour fournir un service personnalisé de qualité, moyennant de généreux pourboires.

Elle se retrouve donc plusieurs fois à courir dans tous les sens pour dénicher des alcools spécifiques ou des mets exotiques si bien qu'elle a à peine le temps de relever la tête pour regarder passer les pilotes qui effectuent leur tour de repérage non loin du bar.

Charlie à cependant tout le plaisir de laisser traîner ses oreilles curieuses lorsque des membres des différentes écuries s'arrêtent boire quelques verres en fin de journée et elle s'assure de toujours être la première pour les servir, avec à chaque fois un grand sourire.

Sociable par nature, elle n'a aucun mal à créer des liens avec ses collègues, principalement des Niçois qui lui donnent quelques tips pour profiter du Grand Prix à fond.

Car c'est la première fois que Charlie assiste à la mythique course urbaine de la principauté, trop chère et inaccessible pour le petit budget de ses parents qui devaient à chaque fois se procurer six billets pour leur famille nombreuse.

Lorsqu'elle n'est pas trop occupée à animer les différentes soirées à thème du bar où à grappiller des heures supplémentaires par-ci par-là, Charlie profite de la semaine pour explorer le deuxième plus petit pays du monde et autant dire que lorsque l'on n'a pas l'équivalent d'un SMIC à dépenser en sac à main, le tour est vite fait.

Malgré tout, la jeune fille, qui ne s'interdit jamais une bonne blague, profite un midi de sa pause pour commander un Monaco, boisson iconique à base de bière, de limonade et de grenadine parce que : boire un Monaco à Monaco, quand même, incontournable.

Elle s'étouffe devant le prix faramineux et sirote lentement le reste en se jurant de ne plus jamais être un tel pigeon.

La blonde a tellement la tête dans le travail qu'elle pense à peine à la F1 de toute la semaine, qu'elle est presque étonnée lorsque David vient lui remettre son tout dernier chèque le vendredi suivant et qu'elle se rend compte qu'elle n'est même pas déçue d'avoir raté la première partie des essais libres.

Charlie a quand même profité de son temps libre entre deux services pendant la journée du vendredi pour arpenter la zone autour du Paddock, faire le tour du circuit accompagné de centaines d'autres supporters et guetter les pilotes qui se risquent en ville.

Le fait de ne pas avoir accès au paddock, contrairement à Bahreïn, lui fait ressentir une légère déception. Elle aurait aimé se sentir de nouveau aussi privilégiée surtout que la différence entre les deux Grand Prix est très palpable étant donné le Paddock réduit et ultra VIP de Monaco.

Malgré tout, Charlie n'arrive pas à regretter son choix d'avoir fait une croix sur les essais libres, surtout quand son patron l'invite à revenir travailler pour lui quand elle le souhaite. Si Charlie peut revenir à Monaco l'année prochaine, ça sera grâce à cette semaine qu'elle a passée à la Rascasse.

Tard dans la nuit, après la fin de son service, elle se fraye difficilement un chemin à travers la foule de clients qui attendent toujours pour rentrer à l'intérieur du bar et prend la direction de son van stationné à quelques rues de là.

En tournant dans la rue, la blonde fronce immédiatement les sourcils en voyant une silhouette, à moitié dissimulée par l'obscurité, adossée à la porte de son véhicule. De là où elle est, elle ne peut pas voir le visage de l'homme qui semble l'attendre patiemment.

- Je peux savoir qui vous êtes ? Elle gronde.

- Salut belle brune !

Charlie marque un temps d'arrêt.

- Je ne suis pas brune.

- Et t'es pas belle non plus !

Une grimace vexée apparaît sur le visage de la jeune fille alors qu'elle reconnaît la voix de l'homme qui se redresse, dévoilant son visage à la lumière des réverbères.

- Petit con, elle grimace.

Pourtant, elle se laisse enlacer sans faire la difficile, refermant ses bras autour de l'une des trois seules personnes au monde à s'être approprié le droit de l'insulter.

- J't'ai cassée !

- Va te faire foutre, Benjamin.

Au-dessus d'elle, son grand frère éclate d'un grand rire d'otarie et Charlie ne retient pas un sourire heureux avant de s'écarter.

- Maman sait que tu es là ? Elle demande.

Le grand blond qui lui sert de frangin à l'air gêné lorsqu'il répond, non sans avoir passé une main dans ses cheveux avant, signe d'appréhension.

- Disons qu'elle ne devrait pas tarder à l'apprendre, il ricane maladroitement.

- Elle va tellement te tuer.

- Pour avoir rejoint ma petite sœur toute seule à l'autre bout du pays ? Mais non.

- Tu sais qu'elle va le faire. Et puis qu'est-ce que tu fais là ? Tu sais que je n'ai pas de place pour toi, pas vrai ?

- Bien sûr que j'ai ma place, tu me prends pour un idiot ou quoi ?

- Oui, totalement.

- Sale peste.

- Crétin.

Tout en parlant, il enroule un bras autour des épaules de Charlie qu'il domine d'une bonne tête et elle déverrouille la porte du van avant de le laisser entrer.

Comme s'il était chez lui, le garçon blond file vers le frigo où il prend deux bières et Charlie lève les yeux au ciel avant de s'asseoir autour de la petite table.

- Basile n'est pas venu avec toi ?

- Il voyait sa copine ce week-end, marmonne Benjamin.

- Camille ?

- Non, il a largué Camille, c'est Julia maintenant.

Charlie ne dit rien, l'air ennuyé de Benjamin lui apporte suffisamment d'informations et elle n'a pas vraiment envie d'entendre les détails.

Basile et Benjamin sont jumeaux, de deux ans plus âgés qu'elle, ils fêtent cette année leurs vingt-six ans et autant dire qu'il est difficile de faire plus identiques et à la fois plus différents que ces deux-là. Tous les deux grands, blonds aux yeux bleus perçants et aux sourires charmeurs, ils sont indéniablement beaux. Benjamin est le plus introverti des deux, concentré sur son groupe d'amis là où Basile est un vrai tombeur extraverti qui profite allègrement de sa belle gueule.

- Donc tu repars dimanche ?

Benjamin acquiesce silencieusement.

- Dès la fin de la course, j'ai une réunion importante lundi matin.

- C'est gentil d'être venu, elle sourit.

- Je veux un autographe de Gasly, je me suis dit que tu allais me porter chance, il ricane.

Charlie lève les yeux au ciel et la soirée se poursuit tranquillement, les deux veillent à ne pas aller se coucher trop tard, histoire de pouvoir tenir toute la journée du lendemain sans difficulté.

La blonde râle faussement lorsqu'elle doit partager sa petite couchette en hauteur avec le géant qui lui sert de frère et ils finissent tous les deux par s'endormir, conscients qu'une longue et palpitante journée les attend le lendemain.

Le lendemain ils ont du mal à arriver à temps pour le début de la dernière séance d'essais libre, Charlie ayant dû attendre de longues minutes devant la porte de la minuscule salle de bain que son frère termine de se préparer parce que : « Imagine si on croise Lewis Hamilton, je ne peux pas être habillé comme un sac ! ».

Ce à quoi elle répond qu'elle le croyait fan de Pierre Gasly et il rétorque qu'il y a suffisamment de place dans son cœur pour deux pilotes, surtout s'ils sont aussi charismatiques.

Les deux Normands assistent donc à la troisième séance d'essai depuis leur place dans les gradins, s'aidant des écrans géants disposés tout autour du circuit pour suivre. Pour Charlie, l'expérience est bien différente de Bahreïn, la langue déjà, presque tous les gens autour d'elle parlent Français et il est plus facile de s'horrifier des commentaires de certains.

L'ambiance ensuite, il y avait à Bahreïn une certaine pression, l'extase de la première course après des mois sans Formule 1, tout le monde semblait pressé, extatique à l'idée de la reprise, Monaco est plus lent, plus chic, plus élégant, les apparences ont beaucoup d'importance.

L'espace enfin, à Bahreïn le circuit était immense, au milieu du désert, ici à Monaco, tout est minuscule, compressé, les gens marchent les uns sur les autres pour pouvoir apercevoir l'ombre d'un pilote. Charlie est presque mal à l'aise, intimidé par cette concentration de personnes réunie en un seul et même endroit.

À côté d'elle, Benjamin hurle sans discontinuer les noms de Gasly et Hamilton, agitant à intervalle régulier sa casquette Alpine fétiche, un cadeau de leur père, et Charlie le trouve ridicule.

Quant à elle, elle ne peut s'empêcher d'accorder une attention particulière à Charles et Lando.

Elle sait, le monde entier sait, à quel point cette course est importante pour le Monégasque et elle ose à peine imaginer la pression qui doit peser sur ses épaules à chaque fois qu'il monte dans sa monoplace.

Quant à Lando, après sa dix-septième place à Miami et son début de saison en demi-teinte, elle se doute qu'il doit avoir beaucoup de choses à se prouver à lui-même ainsi qu'à son écurie. Charlie se sent proche de ce garçon qu'elle n'a, finalement, rencontré que deux fois. Elle ne peut s'empêcher de ressentir de la compassion à son égard et d'espérer qu'il parvienne enfin à concrétiser ses ambitions de réussite.

La journée s'écoule à toute vitesse pour Charlie et Benjamin qui profitent de l'intervalle entre les essais et les qualifications pour flâner le long du circuit. La blonde profite de la profusion de fnas pour exhiber sa nouvelle casquette McLaren qu'elle enfonce sur son crâne avec fierté tandis que son frère lève les yeux au ciel.

- Quitte à être fan des pilotes canons, tu pourrais au moins être fan de Gasly, il grommelle.

- Je ne suis pas fan des pilotes canons, elle rétorque. Je suis fan des pilotes talentueux. Ce n'est pas ma faute s'ils sont beaux, c'est juste du bonus.

Elle ponctue sa phrase d'un clin d'œil avant de fusiller du regard le groupe de filles qui gloussent bruyamment en passant à côté de son frère. Benjamin leur sourit en retour, ce qui ne fait qu'accentuer leurs rires, avant de se retourner vers sa sœur.

- Quoi ?

- N'y pense même pas, elle menace.

- Mais de quoi est-ce que tu parles, il ricane.

- Tu sais très bien de quoi je parle.

- Je te jure que non.

Charlie pousse un soupir désabusé et quitte la boutique en abandonnant son frère derrière elle. Il la rattrape en courant quelques instants plus tard et passe un bras autour de sa nuque avant de lui arracher sa casquette.

- T'es vraiment pas drôle, il remarque. Imagine si l'une de ces filles peut nous avoir des accès paddock ?

Elle fait semblant de vomir avant de lui jeter un regard dégoûté.

- Je ne suis pas sûr de pouvoir vivre en sachant que mon frère est une michto. Imagine la honte sur notre famille quand les gens sauront que mon frère si respectable n'hésiterait pas à coucher pour rencontrer Lewis Hamilton !

Elle fait exprès de crier la dernière partie avant que Benjamin n'écrase sa main contre sa bouche pour la faire taire, la mine horrifiée.

- Tais-toi !

- Seulement si tu promets d'effacer leurs numéros.

- Comment est-ce que tu sais que...

Charlie lève un sourcil et lui fait clairement comprendre qu'elle n'est pas idiote.

- OK ! OK ! C'est promis !

La blonde affiche un sourire sarcastique et n'ajoute rien alors qu'ils entrent de nouveau dans les gradins pour le début de la séance de qualification.

Dire qu'elle serre les dents pendant toute la session est un euphémisme. Avec la sortie inattendue de Perez en Q1 et le drapeau rouge qu'il entraîne, la pôle provisoire d'Ocon qui envoie son frère au septième ciel et l'incident entre Charles et Lando dans le tunnel qui l'empêche de conclure son tour rapide.

Charlie est partagée entre la joie de voir Charles se placer en deuxième ligne pour le départ du Grand Prix et la peine de voir Lando se contenter de la dixième place. C'est donc mitigée qu'elle quitte sa place après avoir regardé les interviews post courses de ses pilotes préférés et s'insère dans la longue file des spectateurs qui tentent de quitter l'endroit.

Alors qu'elle est bousculée pour la troisième fois, la petite blonde attrape la main de son frère pour le guider hors de la foule.

- Je connais un raccourci, elle explique. On va passer par l'arrière du paddock.

- Tu es sûr qu'on a le droit de passer par là ? Il demande.

- Mais oui !

Et, quelques minutes plus tard, alors qu'ils font face à une situation des plus cocasse, Charlie se dit qu'effectivement, ils ne doivent pas avoir le droit de se trouver là.

À quelques mètres d'eux à peine, marchant dans leur direction, se tiennent Lando Norris et Charles Leclerc mais, plus surprenant encore, Lando ne se prive pas de faire un doigt d'honneur à Charles qui le regarde faire, le visage figé par la surprise.

La scène aurait de quoi en choquer plus d'un, à l'image de Charlie et Benjamin, mais les deux Normands n'ont pas vraiment le temps de s'arrêter dessus pour deux raisons très simples :

Problème numéro un : Lando, Charles et leurs équipes respectives se trouvent de leur côté de la barrière, ce qui veut dire qu'elle et son frère sont à l'intérieur du paddock et, le saviez-vous ? Ils n'ont absolument aucune autorisation pour se trouver là.

Problème numéro deux : Le pilote Britannique qui ne les a visiblement pas encore remarqués, se dirige droit vers eux à toute vitesse. Et autant dire qu'être percutée par Lando Norris deux fois dans sa vie n'est pas vraiment dans la To Do List de Charlie.

- Est-ce que Lando Norris vient juste de faire un doigt d'honneur à Charles Leclerc ? Chuchote Benjamin à son oreille.

- Je crois bien.

- Tu ne trouves pas qu'on dirait qu'il marche vers nous ?

- Il va sans doute dans la même direction, elle analyse.

- Non, je veux dire, j'ai l'impression qu'il marche droit vers toi, Charlie.

À y regarder de plus près, c'est bien l'impression qu'elle a aussi.

Aussitôt, une alarme se met à retentir dans le cerveau de la jeune fille qui recule par réflexe alors que le pilote avale l'espace entre eux et se plante devant elle, rouge de colère.

- On se connaît non ? Il demande rapidement.

Elle hésite.

- Heu...Oui ?

Il la dévisage de haut en bas avant qu'une lumière de compréhension ne vienne éclaircir son visage toujours très tendu.

- Tu es la fille de Bahreïn n'est-ce pas ? Celle du tracteur McLaren.

Charlie s'empourpre violemment alors que dans son dos, son frère s'étouffe avec son rire et Norris saute aux conclusions.

- Très bien, pile ce qu'il me fallait !

Il attrape la main de Charlie qui attrape précipitamment celle de son frère et commence à traîner les deux Français loin du Monégasque. Charlie n'a que le temps de jeter un œil en direction de Charles qui n'a toujours pas bougé et qui les regarde, une moue perdue plaquée sur le visage.

Elle lui adresse un pauvre sourire avant de le perdre de vue lorsqu'ils tournent à l'angle d'un bâtiment.

- Heu... Où est-ce qu'on va ? Elle demande au bout d'un moment.

- Boire un verre, j'ai besoin de sortir de là.

Charlie écarquille légèrement les yeux avant de se tourner vers son frère, tout aussi surpris qu'elle.

Elle a du mal à s'imaginer qu'un pilote puisse simplement disparaître du paddock sans que personne ne s'en aperçoive.

Il apparaît cependant très vite à la jeune fille pour que si Lando Norris a dans l'idée de s'échapper, il n'a aucune idée de l'endroit où il veut aller. Qui plus est, s'il n'y a pas encore beaucoup de monde autour d'eux, d'ici peu, ils se trouveront au milieu d'une foule de fans qui n'auront aucun mal à reconnaître le très populaire pilote britannique.

Charlie pince les lèvres et décide, en un quart de seconde, de prendre la situation en main. Si elle ne peut pas lui éviter de n'en faire qu'à sa tête, elle peut au moins éviter que le monde entier ne le voie n'en faire qu'à sa tête.

Décidée à limiter la casse, Charlie passe devant et se retrouve à tirer son frère et le pilote McLaren dans les rues ombragées et exiguës de la principauté.

Dès que la voie semble libre, elle force les deux hommes à s'arrêter dans un coin isolé et passe à l'action.

- Benjamin, donne-moi ton t-shirt, elle ordonne.

- Quoi ?

Son aîné semble s'offusquer et elle le coupe sans faire attention à la mine pleine d'incompréhension de Lando qui les regarde faire.

- Celui que tu as acheté tout à l'heure crétin ! Prête-le-moi.

- Oh !

Il sort de son sac à dos le t-shirt bleu ciel floqué du fameux 10 de Pierre Gasly et elle en profite pour lui arracher sa casquette avant de tendre les deux à Lando.

- Il faut éviter que les gens vous reconnaissent, elle explique simplement.

Il hoche la tête et s'exécute sans sourciller au grand soulagement de la jeune fille, enfilant par-dessus sa son sweat orange, le tee-shirt et la casquette Alpine. Évidemment, cela ne cache pas grand-chose, mais c'est toujours mieux que rien et elle se permet un discret soupir de soulagement.

- Est-ce que vous savez où vous allez ? Elle demande doucement.

Le pilote semble soudainement indécis et elle se doute qu'il doit bien se rendre compte de la situation dans laquelle il se trouve.

Elle sort son téléphone et envoie un message avant de dire :

- Suivez-moi, je connais un endroit.

Délicatement, elle attrape la main de Lando et celle de Benjamin avant de reprendre sa route.

Elle guide les deux hommes jusqu'à l'arrière du Rascasse, dans une ruelle où les attend David, des étoiles plein les yeux et un sourire extatique fixé sur les lèvres.

- Merci de nous avoir trouvé une place, souffle la jeune fille.

- Tu rigoles, je devrais te nommer employé du mois, il rétorque.

Charlie esquisse un pauvre sourire tandis que les trois hommes lui passent devant.

Ils prennent place au fond du bar dans un espace légèrement dissimulé au regard du public, mais pas de ses anciens collègues qui lui jettent de nombreux regards curieux.

Assis tous les trois autour d'une table, un léger silence s'installe et Charlie sent la gêne monter au fur et à mesure.

- Tu connais le patron de la Rascasse ? Demande Lando.

- J'ai travaillé pour lui toute la semaine dernière, elle explique.

- Tu n'es pas allée en Italie ?

Charlie choisit de ne pas relever le fait qu'elle n'a jamais parlé à Lando de son road trip et préfère se concentrer sur l'instant présent et sur le fait qu'il la tutoie naturellement.

- Non, mais j'étais déjà sur la route alors je suis directement allée à Monaco. Je n'avais juste pas prévu que le prix d'une place de parking puisse être aussi cher, plaisante-t-elle.

Lando grimace pour montrer son accord, en tant que résident de la principauté depuis quelques mois, il doit être mieux placé qu'elle pour savoir qu'il faut avoir les moyens pour vivre à Monaco.

- D'où le travail dans le bar, il devine.

- Exactement, le salaire m'a permis de ne pas perdre d'argent.

Le pilote acquiesce et regarde rapidement autour de lui avant de reprendre :

- Je viens rarement ici, il y a toujours beaucoup de fans et c'est compliqué de passer un moment sans être dérangé.

Charlie hausse les épaules simplement pour montrer qu'elle comprend.

- J'ai demandé à David de nous mettre à l'écart, si tu lui signes un autographe avant de partir, il devrait nous laisser tranquilles.

Le pilote lâche un petit rire avant de se lever.

- Très bien alors, je vais aller chercher à boire et le remercier.

La blonde le regarde s'éloigner en direction du bar peu fréquenté à cette heure de l'après-midi et sursaute lorsque son frère –qu'elle avait totalement oublié– chuchote à son oreille :

- Charlie pince moi, je suis en train de rêver que Lando Norris nous paye un verre.

- C'est vraiment en train d'arriver crétin alors ne me fais pas honte.

- Merde. Je savais que j'aurais dû réviser mon Anglais avant de venir, il râle.

- Je peux savoir de quel Anglais tu parles au juste ? Tu ne connais même pas les jours de la semaine.

- Demande-lui un autographe d'Hamilton.

La Normande se tourne vers son frère, parfaitement outrée et s'apprête à l'insulter lorsqu'il lui enfonce un coude dans les côtes pour lui indiquer que Lando revient vers eux, un grand plateau à la main.

Charlie se contente donc de siffler entre ses dents serrées.

- Souris et tais-toi.

Le pilote dépose devant eux un grand plateau où s'entassent trois grands vers et une carafe de ce qui ressemble à de la grenadine. Pas vraiment le genre de boisson qu'elle attendait, surprenant, mais attendrissant.

- Désolé, pas d'alcool pour moi pendant les week-ends de course, justifie-t-il.

- Pas de problème, de toute manière, il est encore un peu tôt pour commencer à boire de l'alcool, elle approuve.

La scène est si improbable, Charlie a du mal à réaliser que c'est vraiment en train d'arriver. Avec précaution, elle avale une gorgée de sa boisson avec de mettre les deux pieds dans le plat.

- Est-ce que ça va ? Elle demande gentiment. Je veux dire, nous avons vu les qualifications et l'échange avec Charles alors... Est-ce que ça va ?

Le visage du Britannique se crispe légèrement et il passe une main embarrassée dans sa nuque, hésitant sans doute à lui confier le fond de sa pensée et Charlie craint d'avoir été trop intrusive.

- Désolé, elle se reprend. C'était indiscret de ma part de...

- Non, c'est juste... Il soupire. Par où commencer ?

- Ils ne vont pas te chercher, les autres ? Poppy ? Ton équipe ?

- Si, bien sûr qu'ils vont le faire, mais c'était juste, trop. Avoir une mauvaise voiture, travailler jour et nuit pour essayer d'en tirer quelque chose, donner mon maximum en course, raté et finir, au mieux, dans le milieu du classement, débriefer ce qui n'a pas été et tout recommencer à zéro, week-end après week-end. J'ai l'impression que la saison est totalement en train de m'échapper.

Charlie pince les lèvres de compassion, elle ne peut que le plaindre et constater les résultats du pilote en pleine dégringolade depuis le début de l'année. Cela doit forcément jouer sur son moral.

- Et puis quand j'ai enfin l'impression de prendre un bon départ, il arrive des choses comme toute à l'heure, qui m'empêche de performer. Charles à beau m'avoir expliqué que son ingénieur ne l'avait pas prévenu que j'arrivais derrière, je ne peux pas m'empêcher de penser que le sort s'acharne.

La blonde n'a pas grand-chose à dire, elle ne connaît pas les conditions de travail de Lando, elle ne peut qu'imaginer la pression qui pèse sur ses épaules et les objectifs de performance que McLaren doit lui imposer qui n'arrangent rien.

En désespoir de cause, elle lui adresse un pauvre sourire qu'il lui rend tant bien que mal avant d'avaler une autre gorgée de sa boisson.

- Je ne sais pas vraiment quoi dire, souffle la jeune femme. Je n'ai jamais été très douée pour remonter le moral sans dire de bêtise.

Il la regarde un instant, incrédule, avant de laisser échapper un léger rire et de secouer la tête.

- On m'a toujours dit que les Français avaient des proverbes pour toutes les situations, peut-être qu'il y en a un pour la mienne.

Charlie ouvre légèrement la bouche tandis que son cerveau mouline dans le vide à la recherche d'un proverbe quelconque. La concentration doit se refléter sur son visage à en voir la mine hilare du pilote.

- Qui gobe une noix de coco fait confiance à son anus.

Horrifiée, elle tourne la tête vers son frère qui vient littéralement de donner le pire exemple possible.

- Benjamin !

- Bah quoi ? Je n'ai pas dit qui mangeait la noix de coco, il rétorque.

- Mais comment c'est possible d'être aussi con ? Elle s'indigne.

- Je me pose la question à chaque fois que je te regarde.

Ils sont interrompus dans leur petite joute par un éclat de rire de l'autre côté de la table. Lando les regarde, les yeux brillants de larmes amusées et elle n'ose plus crier sur son frère, fasciné par le mélodieux son du rire du pilote.

- Je ne suis pas sûr d'avoir tout compris, rit le Britannique. Mais je pense connaître assez le Français pour pouvoir dire que ton frère est un génie.

- Il ne faut pas lui dire des choses comme ça, soupire Charlie. Il va finir par y croire.

Les trois continuent de rire encore quelque temps et la jeune fille prend plaisir à voir le pilote regagner un peu de bonne humeur à mesure que le sujet de la Formule 1 s'éloigne de leur conversation.

Elle parle beaucoup de son road trip, d'abord parce qu'elle en est très fière et puis parce que le sujet semble intéresser Lando qui lui pose plusieurs questions. Ils échangent aussi sur la vie Monégasque du Britannique et sur ses progrès plus que minimes en Français.

Le temps file et deux heures s'écoulent ainsi, sans qu'elle ne voie le temps passer. S'ils bénéficient encore d'une certaine intimité, la terrasse du bar commence à se remplir petit à petit et Charlie qui fait face à l'extérieur voit de plus en plus de têtes se tourner dans leur direction.

Le téléphone de Lando aussi, retourné contre la table, vibre de plus en plus fréquemment et bientôt, il ne peut plus ignorer les appels de son manager qui lui ordonne, d'une voix où perce tout de même l'inquiétude, de retourner au Paddock sous peine de tortures innommables.

Profitant de l'aide de David, toujours aussi heureux de pouvoir accueillir des célébrités dans son établissement, les trois fugitifs d'un jour ressortent en toute discrétion par la sortie arrière du bar et patientent le temps que la voiture censée passer chercher le pilote n'arrive.

- Merci d'être venu, bredouille Lando. Je ne sais pas si vous aviez autre chose de prévu, mais c'est gentil de m'avoir aidé à relâcher la pression.

- Ne me remercie pas mec, je préfère mille fois passer du temps avec toi qu'avec la rabat-joie qui me sert de sœur. Et si tu croises Pierre Gasly, n'hésite pas à lui faire coucou de ma part.

Charlie lève les yeux au ciel, mais ne rétorque pas.

Elle regarde Benjamin lui faire un clin d'œil équivoque puis s'éloigner légèrement pour les laisser discuter tous les deux.

Pitié, que quelqu'un fasse disparaître ce boulet qui lui sert de frère.

- Merci, pour aujourd'hui, souffle le pilote.

Charlie se balance sur ses pieds, soudainement intimidée.

- C'est normal, elle sourit. Qui dirait non à une grenadine offerte par Lando Norris ?

Il esquisse un nouveau sourire et ils attendent silencieusement jusqu'à ce qu'une Mercedes blanche se gare juste devant eux et que la vitre conducteur ne s'abaisse, dévoilant le visage blasé de Poppy qui les regarde tous les deux pendant une seconde avant de soupir.

- Dite donc Shakespeare, je vais vraiment finir par croire que tu es une psychopathe.

Charlie lève les yeux au ciel et Lando fait le tour de la voiture en ricanant.

- Relax Pop's, Charlie n'y est pour rien.

- Tu m'en diras tant, marmonne l'autre.

Lando esquisse un nouveau sourire et relève la tête avant vers elle.

- Merci pour la balade.

- Merde pour demain et fais-toi plaisir surtout, encourage-t-elle.

Il hoche la tête avec le sourire et ferme la portière derrière lui.

Charlie regarde partie la voiture, un sourire idiot plaqué aux lèvres, incapable de réaliser que toute cette journée est bel et bien réelle.

Elle sursaute lorsque son frère –qu'elle n'a pas entendu approcher– chuchote narquoisement à son oreille :

- Si tu pécho Lando Norris tu seras ma sœur préférée.

- Je suis ta seule sœur...

Elle secoue la tête avec désespoir et fait demi-tour, reprenant le chemin de la Rascasse où elle a bien l'intention d'aller faire la fête et profiter de l'ambiance du Grand Prix jusqu'au bout de la nuit.

- Merde ! S'exclame Benjamin dans son dos.

- Quoi encore ? Elle soupire.

- C'est Norris ! Il est parti avec mes vêtements !

Et Charlie à une pensée émue pour Lando, quelque part sur le Paddock, sans aucun doute filmé par des dizaines de caméras du monde entier, arborant fièrement le merchandising de Pierre Gasly.

Oups.



♡♡♡♡♡♡♡♡♡♡



Hey !

Alors ? Le début des péripéties à Monaco ? On valide ?

Dans ce chapitre, nous faisons la connaissance d'un premier frère de Charlie, Benjamin ! Le sujet de la famille de Charlie sera abordé plus en détails dans la suite de l'histoire, mais pour celles et ceux qui seraient un peu perdus : Charlie à trois grands frères, l'ainé (dont le prénom sera dévoilé plus tard) et les jumeaux, Basile et Benjamin.

Je n'ai pas de grand frère alors j'ai essayé de me représenter comment cela pourrait être d'en avoir un et voilà le résultat, j'espère que c'est représentatif de la réalité. N'hésitez pas à me donner votre propre expérience haha :')

Lando tente aussi d'extérioriser son stress et la pression qu'il ressent par rapport à son début de saison et les performances de sa voiture peu concluantes. Pour vous donner une idée, en 2023 après 5 courses, il a marqué 10 points, en 2022 après 5 courses, il était à 37 points avec un podium et un DNF.

Je me suis beaucoup questionné sur la manière dont les pilotes extériorisent leur stress et leur déception pendant la saison et j'aime bien l'idée que Charlie puisse être l'épaule sur laquelle s'appuie Lando.

Et sachez que : Pour l'honneur, pour les besoins de la fanfiction et pour la blague, j'ai été boire ce fameux Monaco de Monaco à la Rascasse (le barre qui donne son nom au virage du Grand Prix) et qu'il m'a coûté la peau des fesses puisque la Rascasse est un bar payant ! Il faut lâcher 15€ juste pour y entrer, ensuite payer sa consommation et autant vous dire (pour les majeurs) que vous ne trouverez pas un cocktail à moins de 20€, je vous laisse faire le calcul :')

Je vous laisse sur cette anecdote qui a mis mon portefeuille en PLS et je vous dis à la semaine prochaine pour suivre Charlie dans sa nouvelle mission : Récupérer les vêtements de son frère !

Bye les copains ! ♡

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