༄ Chapitre 51
— Le glaive à double lame nomma Aurios en s'en emparant avant de le manier avec souplesse.
Je l'observai faire tournoyer l'arme rapidement, les deux bouts tranchants de celle-ci fendant l'air avec vitesse et précision. Mes yeux se mirent à briller d'admiration et je ne pus m'empêcher de me dire que j'avais fait le bon choix. C'était une arme magnifique, elle avait l'air légère, mais incroyablement puissante aussi. Cependant, maintenant que j'y faisais plus attention, je remarquai qu'aucune des armes présentes dans ce lieu ne possédait de lames cobalt comme j'avais pu en voir jusqu'ici.
— Est-ce normal qu'aucune de ces armes n'ait de lames bleue ?
— Oui, ce ne sont là que des répliques d'armes, elles sont confectionnées uniquement dans le but de s'entraîner. Le jour du duel, on t'en fournira une avec ses lames mortelles.
— Quel genre d'arme manie Veerky ? le questionnai-je dans le but d'en savoir un peu plus sur ma future adversaire.
— Une épée longue et légère comme celle-ci.
Il pointa en direction de l'épée avec l'arme toujours en main. Mes iris magenta se posèrent alors sur l'instrument de combat désigné. Je ne pus m'empêcher de me dire que cela ressemblait fortement aux lames que maniaient autrefois les samouraïs japonais, le katana. Bien que sur cette épée la garde soi bien moins prononcée et la poignée plus... occidentale. Entre de bonnes mains, cette arme devait faire des ravages à n'en pas douter. Cette pensée fit courir une chair de poule parfaitement visible le long de mes bras, je n'avais pas envie de me prendre un coup de cette lame. Surtout que le coup de poignard de la dernière fois m'avait laissé un avant-goût de ce que ça pouvait faire, sans parler de la cicatrice qui restait malgré les bons soins du jeune prince. J'avais encore parfois mal à cet endroit, c'était dire à quel point cela était dangereux.
— Et j'imagine sans mal qu'elle la manie comme une championne.
— Tu imagines très bien.
— J'espère vraiment que tu as un plan en béton armé, Aurios.
— Béton armé ?
— C'est une expression de la surface, en gros il faut que ton plan soi particulièrement solide.
— Il l'est, ne t'inquiètes pas je te dis, je sais ce que je fais.
Un faible soupir me glissa entre les lèvres et je croisai les bras sous ma lourde poitrine. Mais autre chose me trottait dans la tête, je me permis donc, encore une fois, d'assaillir Aurios avec mes interrogation.
— Pourquoi ta mère et Kori ne viennent pas me voir ? C'est à cause de la brillante idée de ta grande sœur de venir reprendre le pouvoir que je me retrouve dans cette merde après tout.
— Parce que tu es leur championne, on pourrait penser, si tu venais à gagner, qu'il y aurait tricherie ou quelque chose qui s'en rapprocherait si elles venaient te voir.
— Ils ne se méfient pas de toi ?
— Mon désintérêt certain pour les affaires politiques et la couronne font qu'ils ne se méfient pas spécialement de moi, je suis le troisième fils, aucun droit légitime au trône de toute façon. De plus, ils sont convaincus que tu vas perdre, alors pour eux tu ne représentes absolument pas une menace, une gêne tout au plus.
— Ouais, donc y pensent même pas à tricher tant ma défaite est évidente à leurs yeux. Je trouvais aussi bizarre qu'ils n'aient pas tenté de m'assassiner dans mon sommeil depuis tout ce temps.
Il m'adressa un sourire désolé. Je n'étais pas forcément une personne avec un égo démesuré, mais j'avais tout de même ma fierté. Bon sang ! J'étais quand même la seule qui était parvenue à s'échapper de cet enfer, je savais quand même me servir de ma tête, la force brute ne faisait pas tout dans ce monde. C'était probablement une pensée puérile de ma part, mais rien que pour leur montrer que je n'étais pas qu'une vulgaire moins que rien, je resterai debout le plus longtemps possible durant ce combat et je ferai en sorte que cette sale rouquine passe elle aussi un très mauvais moment. Je fus arrachée à mes pensées lorsqu'Aurios me lança l'arme que je rattrapai avant que je manche de celle-ci ne m'arrive en pleine figure.
— Aller, ce n'est pas le moment de rêvasser, mademoiselle.
— Je sais, je sais, on a encore beaucoup de boulot.
— Tout à fait ! s'exclama-t-il en allant chercher une lance. On va commencer par le maniement, ce n'est pas aussi simple que ça en a l'air, mais si tu fais confiance à ton corps, 4a devrait aller.
Faire confiance à mon corps... j'allais essayer, c'était certainement la partie la plus compliquée, même si j'avais compris comment il me fallait user de ma force plus au moins correctement – il y avait encore parfois des ratés – ce n'était pas dans la même veine que manier une arme. Aurios se plaça devant moi, bien qu'à une certaine distance tout de même, il tendit la lance devant lui avant de la faire souplement se mouvement dans sa main, avec des gestes bien précis, c'était hypnotisant, la faisant faire des demi-cercles de part et d'autre de son corps. Puis il cessa et fit claquer le bout du manche de la lance contre le parterre en pierre, à la suite de quoi, il m'adressa un petit mouvement de la tête qui signifiait : « À toi ».
J'étais vraiment incertaine quant à la suite, je sentais déjà les bleus qui allaient colorer ma peau parce que je me serais bêtement frappée avec un bout ou l'autre du glaive en tentant de le manier. C'était peut-être une arme incroyable, mais j'aurais peut-être dû choisir quelque chose de plus facile à manier et donc plus à ma portée. J'hésitais à en changer, mes yeux se remirent à parcourir le mur décorer d'armes, mais j'avais beau toutes les regarder, aucune d'elles ne me faisait vibrer comme celle-ci. Je soufflai un grand coup avant de me saisir de l'arme par le milieu, il fallait que je fasse confiance à mon corps. Je fermais les yeux quelques secondes pour tenter de me calmer et chasser le stress que je ressentais, ma poigne se resserra sur le manche et je sentis une étrange sensation me parcourir, un sentiment venu du plus profond de mes entrailles.
Avant que je n'aie clairement eu le temps de réaliser ce qu'il se passait, mon corps se mit à se mouvoir de lui-même, maniant habilement l'objet comme si j'avais fait cela toute ma vie. La surprise fut si vive que je le lâchai et il tomba sur le sol en pierre, provoquant un bruit de métal qui raisonna entre les murs qui nous entouraient. Je pus clairement lire sur l'expression d'Aurios qu'il était tout aussi choqué que moi de la scène qui venait de se jouer un instant plus tôt. J'observai mes mains agitées par de faibles secousses, on m'avait dit d'écouter mon corps, mais je ne m'attendais pas à quelque chose de si radical. Comme si tout ce que j'avais contenu si longtemps cherchait à se montrer au grand jour.
— On a peut-être une chance que ça se passe mieux que prévu finalement.
— Comment ça ? lui demandai-je pas sûre de comprendre.
— Ramasse-la.
Décidément, cette manie qu'il avait, parfois, à ne pas dire les choses me fatiguait. Mais je m'exécutai et ramassai l'arme qui reposait toujours à même le sol. Mais à peine eus-je le temps de me redresser convenablement, je parais une attaque directe d'Aurios. Mes yeux s'ouvrirent grand alors que je le dévisageais comme s'il avait perdu la raison. À nouveau ce sentiment d'avoir quelque chose qui remontait du plus profond de mes entrailles me prit, je le repoussai alors rudement à quelques mètres de là.
– Bordel, Aurios... AH !
Il n'avait pas attendu pour m'attaquer à nouveau et à nouveau, je parais le coup. Virent d'autres ensuite, ils étaient intenses et précis, je paniquai, mais... je parvins à suivre le rythme. Mes gestes n'étaient pas aussi précis que ceux de mon adversaire, mais je parvenais tout de même à ne pas tout encaisser, même si certains firent mouche. La pièce était remplie du bruit de nos armes qui s'entrechoquaient, parfois naissait des faibles pluies d'étincelles dues à la friction des lames. Un violent coup de pied dans le plexus solaire me fit entrer en collision avec le mur derrière moi, celui-ci se fracturait légèrement alors que je ne pus m'empêcher de crachoter. Le bout de la lance contre ma gorge me fit instinctivement tendre le cou dans le but de la fuir, ma poitrine se soulevait rapidement et dans d'amples mouvements alors que mes yeux étaient braqués sur mon instructeur.
On se toisa ainsi quelques secondes avant qu'il ne place son arme de manière diagonale contre mon corps tandis que le sien se rapprochait.
— Tu vois, quand je te dis que tu devrais t'écouter et pas seulement ton esprit, ton corps réclame lui aussi à s'exprimer.
— T'es un putain de fourbe, sache-le.
— Je le sais.
Le bout de son nez frôla le mien avant qu'il ne se recule et me laisse enfin respirer. Il me prit le glaive des mains et alla le remettre à son emplacement d'origine, ce qui me laissa un tantinet sceptique.
— On arrête ?
— Oui, répondit-il en se retournant vers moi, va te reposer, tu as bien travaillé aujourd'hui, très bien même.
— Ne me flatte pas trop, je pourrais y prendre goût, fis-je d'un ton taquin.
Pour toute réponse, le blond m'adressa un clin d'œil et un rictus. Mais je ne me fis pas réellement prier, je sentais tout de même la fatigue de tout cela même si elle était encore faible pour l'instant, une fois que l'adrénaline serait retombée, elle me frapperait de plein fouet. Je regagnais la chambre qui m'avait été attribuée, non loin de celle d'Aurios, deux gardes étaient postés devant la porte, comme tous les jours depuis l'annonce du défi. Je ne leur fis aucun cas, ils ne représentaient rien de plus que des statues pour moi, ils n'agissaient que si besoin était. Bien qu'à la différence des statues, eux étaient en mesure de lancer des regards qui trahissaient tout leur dégoût pour ma personne.
Je pénétrai dans la pièce, refermant derrière moi, le grand lit aux draps blancs et à la tête décorée d'or formant un large demi-cercle me semblait plus accueillant que jamais. Un des avantages à être Atlante résidait dans le fait de ne pas transpirer et heureusement, parce qu'il y avait beau avoir des salles de bain, il n'y avait pas de baignoire, seulement des espèces de douches qui fonctionnaient... d'une manière que j'ignorai. À ne pas croire, j'allais faire des sauts dans l'océan quand même parfois, même si je ne transpirai pas, l'idée de ne pas me laver m'était particulièrement déplaisante. Mais ici, j'avais juste envie de m'allonger, le lendemain j'aurais de nouveaux hématomes à compter. Ça avait été une journée riche en émotion, même si une question me taraudait encore.
Me redressant en position assise sur mon couchage, les genoux légèrement pliés et les avant-bras sur ceux-ci, je m'interrogeai sur cet autre pouvoir. Cela fonctionnait-il comme avec l'eau, pouvais-je faire confiance à la même sensation ? Je soupirai doucement et fermai les yeux avant de me concentrer assez, j'entendis soudainement quelque chose battre... cela allait au même rythme qu'un cœur. Relevant mes paupières, je ne pus m'empêcher de sursauter en distinguant parfaitement la silhouette des gardes postés devant ma chambre. Je pouvais distinguer leurs cœurs qui battaient, le sang qui circulait dans leur veine, c'était une vision perturbante, surtout que cela était visible au travers des murs. Je ne pus pousser mon expérience plus loin, je sentais mon sang bouillir dans mes veines et ma vision se troubla alors que je me laissai choir sur ma couche, le souffle haletant et la sensation désagréable du sang qui coulait de mon nez.
Je ne pourrais pas compter sur ce pouvoir pour m'aider face à mon ennemie, c'était maintenant une certitude.
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