Chapitre 2.2 - Ciara
Impossible qu'il s'agisse de lui, la coïncidence serait énorme. L'envie d'en avoir le cœur net l'emporte sur la politesse, Skye et Aïdan attendront. Je poursuis mon avancée parmi les convives dans la salle du restaurant réservée pour l'occasion, sans montrer d'intérêt à ceux que je croise. Mon attention reste focalisée sur le photographe, figé sur place. Plus je m'approche, plus je reconnais l'animal que j'ai sauvé quelques jours auparavant.
Ses yeux bleu intense qui me fixent, étonnés... Aucun doute possible.
Mes lèvres s'étirent en un sourire amusé.
— Hey ! Vous seriez pas l'ours aux cheveux longs que j'ai dépanné dans les Highlands dimanche, si ?
— Ça se pourrait bien, en effet.
Sa mine penaude, tout comme la main qu'il passe derrière la tête, me rappelle ce moment où je le comparais à un tueur en série. Sa coupe courte, son bouc barbe et sa moustache bien taillée lui confèrent une apparence moins sombre que celle de l'autre jour.
— Merci encore pour le coup de main.
— Je pouvais pas te laisser dans la panade, t'avais l'air au bord de la crise de nerfs.
Sa moue et ses prunelles étincelantes m'électrisent. Moi qui croyais que ce que j'avais ressenti en sa présence resterait éphémère ! Ce spécimen-là ne me laisse pas indifférente. Je pourrais m'amuser un peu avec lui...
Merde, contrôle tes pensées ! T'en as fini avec ça.
Si seulement Mel avait pu venir. Mon garde-fou aurait peut-être été utile.
— J'avoue, cette caisse me cause pas mal de soucis dernièrement. Sans votre... ton intervention, j'aurais pu passer la nuit sur cette fichue route. On m'aurait retrouvé mort de froid quelques jours plus tard.
— Un peu dramatique comme scénario !
— Pas plus que celui où je te découpe en morceaux.
Il éclate d'un rire franc communicatif qui se répercute en moi. De charmantes petites ridules apparaissent au coin de ses yeux. En plus d'être agréable à regarder, l'ursidé semble plutôt sympa.
Embraye donc sur autre chose avant de te perdre en chemin.
— C'est vrai, mais il y avait de quoi se poser des questions. Au fait, que donne cette photo de moi ?
Il retrouve son sérieux et tourne l'appareil pour me montrer le cliché. J'en reste stupéfaite.
— Waouh ! Elle est incroyable !
L'angle choisi ainsi que la lumière mettent ma silhouette en valeur. Il murmure quelque chose bien trop bas pour que j'entende, son regard me sonde. Mes joues chauffent, alors je ne m'attarde pas sur le sujet.
— Tu connais les futurs mariés ou tu as été engagé pour l'événement ?
Un de ces sourcils se lève.
Oups, j'ai peut-être gaffé.
La raison pour laquelle le couple nous a conviés n'a pas été divulguée à beaucoup de gens. Son regard profond s'ancre dans le mien, déclenchant quelques picotements le long de ma colonne.
— Je suis le témoin de Skye. C'est ma meilleure amie depuis l'enfance. Et toi ?
Manquait plus que ça...
— Sérieux ? C'est toi le fameux Niall ? Eh bien moi, je suis la sœur d'Aïdan. Enfin, sa demi-sœur.
Ses yeux s'écarquillent, une expression stupéfaite se peint sur son visage. Je pouffe. Le hasard nous a joué un drôle de tour.
— Comme ça, Skye parle de moi ?
— Quand je les vois, ton prénom revient parfois, oui. Du coup, comme tu n'es pas un parfait inconnu ni un psychopathe, je peux répondre à ta question.
— Laquelle ?
— Ce que je fichais aussi loin de chez moi ! Je ne suis pas originaire d'ici. Je suis née en Écosse et je rendais visite à ma grand-mère.
Je marque une pause, les yeux dans le vague à cause de la vive émotion qui me submerge. Lancée dans ma volonté de lui expliquer, j'ai occulté la peine que j'ai toujours à évoquer ce qui m'a fait quitter mon pays.
— Tout va bien ? T'es pas obligée de me raconter.
Mignon, sympa, compréhensif, me voilà bien.
— C'est rien. En fait, Aïdan est le fils de la femme avec laquelle mon père s'est remarié après... après la mort de ma mère. On a déménagé à Londres pour elle.
— Oh... Je suis désolé.
— J'étais ado. Le temps apaise la douleur, balayé-je sa compassion.
— Aye. De mon côté, j'ai perdu mes deux parents. J'étais surtout désolé que dans cette histoire, tu aies dû te coltiner Aïdan comme frangin.
À mon tour de rire aux éclats. Je suis partagée entre la tristesse de ce qu'il m'a révélé sans s'attarder dessus et l'énormité de sa réplique.
— Pardon. Aïdan est... sympa, reprend-il. Enfin, ça arrive. Des fois.
— T'inquiète, je vois c'que tu veux dire. Mon frère est particulier. Bref, je repartais de chez ma grand-mère quand j'ai croisé ta route. J'essaie d'y aller dès que je peux et j'aime bien rouler. Même si le week-end dernier, ça faisait beaucoup pour si peu de temps sur place.
— Ton pays te manque ?
Tellement...
Ma vie n'aurait probablement pas pris ce tournant si j'étais restée là-bas. Je détourne les yeux un instant et aperçois Aïdan, accoudé au comptoir, qui m'observe, les sourcils froncés.
— Aye. Désolée, je dois te laisser. J'ai pas encore salué mon frère, et vu comment il me fixe... Bref. À tout à l'heure !
— Ça marche.
Mes pas m'entraînent à reculons pour prolonger notre échange visuel. Mon regard le scanne, je repère des symboles tatoués sur un de ces biceps, dévoilés par son t-shirt noir à manches courtes. Son sourire en coin m'accompagne, jusqu'à ce que je fasse volte-face pour me frayer un chemin jusqu'à Aïdan, en compagnie de quelques-uns de ses amis.
— Ah, ma sœur ! Comme c'est gentil à toi de te joindre à nous !
— Ah, ah, ah. Salut, Aïdan.
Ses bras m'entourent pour me presser contre lui, mais je remets vite un peu de distance. Ses marques d'affection en public ne prennent pas avec moi.
— Comment ça se fait que tu sois allée parler à Niall direct en arrivant ?
Son ton agressif me donne envie de me casser, déjà que je n'étais pas enjouée à l'idée de venir, surtout sans Mel à mes côtés. Heureusement que la soirée s'annonce plus intéressante avec la présence de l'Écossais. Néanmoins, pas la peine d'expliquer notre rencontre à mon frère. Lorsque Skye l'évoque, son humeur change radicalement à chaque fois.
— Il m'a prise en photo, j'étais curieuse de voir ce que ça rendait.
— Ah ouais ? Ben t'approche pas de lui, tu me feras plaisir.
Mes yeux roulent tandis que je souffle fort.
— Et pourquoi ça ? m'agacé-je, le ton sec.
— Parce que je te le demande.
Cause toujours...
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