Chapitre 3 : Les premiers amis
Mai 2005
Les deux meilleurs amis étaient assis sur un banc, côte à côte, dans un silence reposant. Seul le brouhaha des autres élèves criant, riant, discutant, dans le reste de la cour résonnait autour d'eux.
Chenle somnolait, sa tête dodelinant de droite à gauche au rythme de sa respiration pendant que Jisung lisait tranquillement le dernier roman qu'il avait acheté. Son ami ne cessait de lui répéter qu'il fallait qu'il arrête de s'en procurer car il n'aurait bientôt plus de place dans sa chambre. Il faut dire qu'il n'avait pas tort, un mur entier de la pièce était caché derrière une immense bibliothèque quasiment remplie de toutes ses lectures.
L'adolescent soupira, ayant du mal à se focaliser sur son livre. Il attrapa son sac posé à côté de lui et en sorti un sachet de gaufrettes à la fraise, qu'il ouvrit tout doucement. Une main se posa brusquement sur sa cuisse alors qu'il allait croquer dans la première.
— Bon sang Chenle, tu m'as fait super peur, souffla-t-il.
— J'ai senti une odeur de nourriture.
Jisung eut un petit rire avant de tendre son casse-croûte vers le plus vieux, désormais bien réveillé.
— Oh, ce ne serait Jeno là-bas ? demanda le coréen en fourrant une gaufrette dans sa bouche.
Il pointa un endroit un peu plus éloignés, du côté de l'entré du collège et Chenle grogna, comme pour confirmer ses dires.
— On s'en fiche, c'est un crétin.
— C'est toi le crétin. Tu devrais aller t'excuser.
— Mais ! Il s'est vengé, on est quittes maintenant.
Le plus jeune se tourna vers lui, un air ennuyé sur le visage. Il remarqua que le plus vieux avait réussi à avoir une miette sur la joue et eut du mal à contenir un sourire. Il empoigna délicatement le menton de son ami et à l'aide de son pouce, fit tomber la petite miette, avant de se lever.
— Dans ce cas je vais le voir.
Chenle resta immobile, le visage brûlant. Il ne le regarda même pas s'éloigner et plaqua violemment ses mains, heureusement fraîches, contre ses joues. Au contact de la main de son ami, il s'était senti léger, le coeur battant plus vite, et maintenant qu'il l'avait relâché, c'était comme si une pierre était tombée au fond de son estomac.
Ses yeux balayèrent la cour tristement grise. Il n'y avait que deux arbres, faiblement fournis en feuilles, dans un coin. Tout le reste n'était que bitume, avec quelques bancs en bois foncé placés un peu partout. Avec les uniformes scolaires bleu marine et gris des élèves tous bruns, on ne discernait que peu de couleur et Chenle se répétait sans cesse qu'il trouvait ça trop triste. Il ne comprenait pas qu'on puisse étudier dans un lieu si terne et qui lui donnait plus envie de fuir.
Ses pupilles se posèrent finalement sur le dos de Jisung qui discutait avec leur aîné. Il fronça les sourcils. Pourquoi avait-il éprouvé le besoin d'aller à sa rencontre ? Ils n'avaient plus rien à se dire. Lorsqu'il vit son ami tendre une gaufrette à Jeno, son sang se mit à bouillir dans ses veines et il serra les poings, enfonçant ses ongles dans les paumes de ses mains.
Il dut attendre encore une bonne minute avant que le jeune Park ne revienne à côté de lui, lui disant que Jeno avait été très heureux de recevoir un peu de nourriture et qu'il ne lui en voulait plus du tout. Chenle resta silencieux, les yeux braqués sur un groupe de filles discutant bruyamment à quelques mètres devant eux.
Jisung scruta son visage, surpris de ne recevoir aucune réponse. En suivant la direction de son regard, il tomba sur les adolescentes. Perplexe, il se reconcentra sur son ami, toujours muet. Du coin de l'œil, il vit ses poings sur ses cuisses, encore serrés, la jointure de ses doigts anormalement blanche. Instinctivement, il posa une main dessus, comme pour l'inciter à se détendre et cela fonctionna, Chenle perdant la rage qui dansait dans ses iris.
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Février 2006
— Et surtout ne reviens pas nous voir.
— Haha ! toi aussi tu vas me manquer mon petit Chenle ! s'exclama joyeux Jeno en coinçant la tête de son cadet dans le creux de son coude pour lui frotter vigoureusement le haut du crâne.
Les vacances de printemps s'achevaient et Chenle et Jisung allaient faire leur rentrée en dernière année au collège tandis que Jeno s'envolait pour le lycée.
Suite à l'altercation des deux turbulents, Jisung avait décidé de se rapprocher de Jeno, pensant qu'il était quelqu'un de bien. Il avait vu juste, le plus vieux était adorable et prenait vraiment soin des deux plus jeunes, les aidant même souvent dans les matières où ils avaient des faiblesses. Malgré les réticences de Chenle, il devint finalement ami avec lui, oubliant son amertume première. Il continuait d'être grincheux uniquement lorsque Jisung et lui devenaient trop proches à son goût ou pour cacher son réellement attachement envers lui, comme à cet instant où il se sentait triste de ne pas faire une nouvelle année en sa compagnie.
— Mais ne vous en faîtes pas, continua-t-il en relâchant le chinois. On pourra toujours se voir pendant un weekend ou des vacances, je ne compte pas vous effacer de ma vie si facilement.
Il fit un clin d'œil à Jisung qui avait observé calmement leurs chamailleries, trop habitué.
— Et puis, ce n'est que pour une année. D'ici l'an prochain vous me rejoindrez et on se verra à nouveau toute la semaine.
— Tu n'es pas stressé à l'idée de quitter le collège ? demanda Jisung. Je veux dire... Tu faisais parti des plus vieux, tu étais là depuis plusieurs années, tu avais tes repères. Ça ne va pas te faire bizarre ?
Jeno se pinça le menton et prit quelques secondes pour réfléchir.
— À vrai dire, je suis plutôt impatient. Ce collège commençait à m'ennuyer. Et puis, je vous en ai déjà parlé mais j'avais sympathisé avec deux personnes qui ont un an de plus que moi. Je vais pouvoir les retrouver et ça me rend content. On a pas souvent l'occasion de se voir, ils habitent de l'autre côté du lycée donc je n'ai pas pu souvent les inviter. Et puis j'aurais aimé vous les présenter. Mais bon, on verra ça plus tard. Voyons déjà si vous ne m'oubliez pas durant cette année, termina-t-il en feignant un sanglot, les yeux cachés derrière son avant-bras.
Le plus jeune pouffa pendant que Chenle lui donnait un coup dans le dos en levant les yeux au ciel.
— Qu'est-ce que tu racontes ? Tu sais très bien qu'on te considère vraiment comme un ami alors on pas te jeter comme ça.
— Oh, mon petit Chenle... balbutia Jeno ému.
Il voulu à nouveau le prendre dans ses bras mais cette fois-ci l'autre se débattit, et une nouvelle bagarre éclata entre eux, sous le regard attendri de Jisung.
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Avril 2007
Chenle marchait tranquillement, les mains dans les poches, le sac enfilé seulement sur une épaule, ignorant les quelques regards que lui jetaient ses camarades de classes qu'il dépassait. Il sortait tout juste de son cours d'économie et n'était pas d'humeur à discuter. C'est donc pour son plus grand malheur qu'il tomba sur Jeno, au détour d'un couloir.
— Mon petit Chenle, quel plaisir de te voir !
— Ouais, ouais, moi aussi, répondit le jeune en levant les yeux au ciel.
Il allait passer à côté de son ami sans s'arrêter lorsqu'une main s'abattit sur son épaule, le maintenant fermement et l'empêchant de continuer sa route.
— Qu'est-ce que tu veux ? grogna Chenle en jetant un regard assassin au plus vieux, toujours souriant.
Celui-ci le tira vers lui, l'obligeant à marcher à ses côtés dans le sens inverse de son chemin initial.
— Tu sais, j'ai entendu une rumeur complètement folle, à propose de toi et Jisung.
À l'entente du nom de son meilleur ami, Chenle se raidit sous la poigne de Jeno. Il tourna la tête vers lui et eut envie de cogner son sourire énervant.
— Tiens donc.
— C'est quand même fou, ça ne fait que deux mois que vous êtes ici et pourtant, vous êtes déjà incroyablement populaires !
— À qui la faute ? Vous n'arrêtez pas de parler de nous avec Jaemin et Yeri. C'est à se demander comment vous viviez sans nous l'an dernier.
— Oh, terriblement mal, tu n'as pas idée. Mais pour en revenir à nos moutons... Jisung a une copine ?
Chenle prit une grande inspiration, préférant garder le silence. Après tout, si Jeno lui demandait ça, c'est qu'il était déjà au courant. Il manqua de percuter quelqu'un et se rapprocha du plus vieux pour éviter la marée d'élève qu'ils croisèrent. Discuter dans les couloirs entre deux cours, quelle merveilleuse idée.
— Je vais prendre ça pour un oui. Et donc vous vous seriez disputés à ce sujet ? C'est bien la première fois que j'entends un truc pareil, je vous vois vraiment pas vous prendre la tête, et encore moins pour une fille. C'est quoi le problème ? T'avais des vues sur elle ? Ou alors c'est sur lui que...-
— Ah mais qu'est-ce que tu racontes ? J'ai des vues sur personne, je m'en fiche de cette fille et s'il veut sortir avec, et bien qu'il le fasse. Ce que je n'ai pas aimé c'est qu'il me fasse passer après elle.
Ses joues étaient rouges, de gêne ou de colère, Jeno n'arrivait pas à le deviner.
— C'est vrai quoi... Cette Min sort de nulle part et essaie de prendre ma place alors que ça fait plus de dix ans que je le côtoie. Mais si elle croit que je vais me laisser faire, elle se fourre le doigt dans l'œil, termina le plus jeune, une lueur déterminée dans le regard.
Jeno frissonna, étonnamment effrayé par l'aura qu'il dégageait.
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2049
— Tu es en train de me dire que vous vous connaissez tous depuis la période fin collège, début lycée ?
— Oui. C'est ça d'avoir des amis pour la vie, sourit Chenle.
— Et donc ça... C'est votre première dispute pour une fille ?
— Comment ça "pour" ? s'étrangla l'adulte. "À cause" plutôt !
Moon rit, amusée par l'expression outrée de son oncle. C'était comme s'il n'avait toujours pas digéré cette histoire vieille de plus de quarante ans. Elle regarda la photo où on pouvait le voir, au côté de sa mère hilare, un bras posé sur l'épaule de son fils, alors qu'il avait un œil au beurre noir.
— Donc cette blessure...
— C'est cette pimbêche qui s'est permise de me frapper, tout ça parce que j'avais dit que Jisung aurait tôt fait de la jeter.
L'adolescente repartit de plus belle dans un rire bruyant.
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