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Aïssata en multimédia 👆👆

Zahra

Les vibrations de mon téléphone sur ma table de chevet me réveillent. Je me lève difficilement, probablement avec la trace de l’oreiller sur la joue. Je me dirige directement vers la salle de bain afin de me débarbouiller. Aujourd’hui est un nouveau jour. J’enfile ma tenue composée d'un pantalon noir et d'une chemise bleue et je suis fin prête pour aller à l’école.

Je descends et trouve ma mère en train de nettoyer la cuisine. Ma mère est très matinale, je ne l’ai jamais vue faire de grasses matinées. Je la salue vite fait et me prépare un café en attendant ma sœur.

Quelques minutes après ma sœur arrive, elle fait rapidement la bise à ma mère. 

— Salut, maman, dit-elle.

— Salut, Raïssa. Tu as bien dormi ?

— Oui et toi ?

— Moi aussi, j'ai passé une superbe nuit.

— Tant mieux alors.

Avant qu'une d'entre elles ne parlent, j’interpelle Raïssa en lui disant qu’on doit partir. On sort sous un beau ciel bleu. Je mets mes écouteurs et lance la musique de Selena Gomez, Rare, durant le trajet.

XXX

Arrivées à l'école, je vois mon meilleur ami Brahim et la bande. Je me sépare de ma sœur sans un mot et les rejoins.

— Salut !

— Salut, disent-ils en chœur.

— Baby girl, m’appelle Brahim.

— Sweety !

Nous nous enlaçons, heureux de nous retrouver. Nous sommes toujours comme deux aimants avec Brahim, et ce depuis bien longtemps. Un lien indescriptible nous unit. Nos proches nous voient constamment ensemble. Brahim n’est jamais bien loin quand je suis là. 

— Arrêtez vos mots doux s'il vous plaît, ça me donne la gerbe. Je ne te connaissais pas comme ça, Zahra, blague Moussa.

— Laisse ma petite, Moussa, me défend Ibrahim.

— Les gars, on doit y aller ! nous rappelle Aïssata.

Malheureusement, nous avons été séparés en deux classes. Moussa, Brahim et Ibrahim sont en 1ère S1 tandis qu’Aïssata, Rama, Khoudia et moi sommes en L2. Nos chemins se séparent avant d’entrer en cours. On s'assoie derrière comme à notre habitude. Rama et moi prenons les places devant Khoudia et Aïssata.

— Je veux dormir, se plaint Rama.

— Moi aussi, souffle Khoudia sur le même ton. Si ma mère ne me poussait pas à venir, je ne serais plus parmi vous à l’heure actuelle.

— Arrêtez vos bêtises, les gronde Aïssata. On est près du but, il ne faut pas lâcher maintenant. Cette année est la nôtre, on va s’éclater !

Je ne peux m’empêcher de rigoler ; elles ne changeront jamais. Tous les matins, c’est toujours la même histoire. À les écouter, elles sont déjà déscolarisées depuis trois mois. Or, ce n’est toujours pas le cas.

Le professeur de français arrive pour mon plus grand malheur. Je déteste ce cours. Je sens que la journée va être longue, extrêmement longue.

XXX

J'ai fini les cours depuis au moins une bonne demi heure. J'attends Brahim devant le portail de l'école,énervée. Je poireaute seule, les filles sont déjà parties avec les autres. Je ne sais pas ce qu'il fabrique encore,mais il va entendre parler du pays lorsqu’il viendra.

— Désolé, le surveillant m'a convoqué.

Je me retourne, le visage fermé. Physiquement, Brahim fait à peu près 1m76, il a des yeux marrons, un teint bronzé. Originaire de Guadeloupe, il ne fait pas ses 17 ans, comme les autres garçons de la bande.

— Qu’est-ce que tu as encore fait ? T’aurais pu au moins me prévenir, Brahim. Je t’attends depuis une demi heure, seule. Imagine si quelqu’un m’avait kidnappée !

— Arrête d'être chiante, baby girl. Ce n'est pas de ma faute. Et tu sais très bien que le téléphone est interdit ici, encore plus devant un surveillant.

— Oui c'est ça, dis-je en tirant la tronche.

Il met son bras autour de mon cou pour me ramener contre son torse. Je ne bouge pas d’un poil, énervée. C’est trop facile de me prendre par les sentiments.

— T’es vraiment têtue, Zahra, renchérit-il en me donnant une petite tape sur le nez.

— Hé ! rouspété-je, un fin sourire aux lèvres.

— Madame a retrouvé le sourire, ça fait plaisir.

Je peste intérieurement : je ne peux jamais être énervée contre lui. Un moindre geste de sa part me fait fondre. Argh ! Il faut que j’arrête d’être aussi faible quand il s’agit de mon meilleur ami.

— Viens, on va à la salle de sport.

— Ah non, pas aujourd’hui !

— Avec ou sans ton accord, on y va, répond-il avec un sourire en coin.

On file à la salle qui se situe près de la maison de Brahim à Mariste. Brahim et moi habitons à quelques pas l’un de l’autre, non loin de l’école.

XXX 

Je suis dans les vestiaires en train de me changer. J’ai revêtu mon cycliste noir et mon haut moulant de la même couleur. Mes longs cheveux couleur ébène sont attachés en une queue de cheval haute afin de ne pas me gêner dans l’exécution de mes mouvements.

Quelques minutes plus tard, je sors des vestiaires et retourne dans la salle où se trouve Brahim. Je regarde autour de moi , il n'y a pas beaucoup de monde hormis quelques filles qui sont en train de baver sur les mecs. Je secoue la tête de droite à gauche, on dirait qu’elles n’ont jamais vu de garçons de leur vie. Les écouteurs vissés dans les oreilles, je débute ma séance par des squats.

XXX

— Brahim, je suis fatiguée, soufflé-je entre deux respirations.

— Plus vite, plus vite, m’encourage-t-il en accélérant la vitesse du tapis de course.

— Je n’en peux plus, je vais m’évanouir, couiné-je. Pourquoi tu es connard comme ça ? fais-je à deux doigts de pleurer de nerfs.

Il s’esclaffe avant d’arrêter définitivement la machine. Je me rattrape de justesse aux poignets du tapis, essayant de reprendre un souffle convenable.

— Je croyais que tu étais une guerrière, ricane-t-il.

— Va te faire foutre !

— Tu as fait des progrès, baby girl. Regarde, tu commences à prendre des fesses, dit-il en se moquant toujours.

Je ne lui réponds même pas, vexée. Brahim a toujours été très taquin avec moi. Il me pousse souvent dans mes retranchements afin de me faire des électrochocs. Je sais qu’il ne dit pas ça en mal, c’est un vrai compliment venant de sa part, mais je ne peux m’empêcher d’être blessée. Depuis ma plus tendre enfance, j’ai toujours eu du mal à accepter mon corps tel qu’il est. J’attache énormément d’importance à mon apparence physique, ce qui peut parfois me causer du tort.

D’ailleurs, physiquement, je suis de petite taille : je mesure environ 1m 62. Mes cheveux sont frisés, j’ai des yeux noirs et un teint café au lait. Je suis américaine de père et sénégalaise de mère. Niveau morphologie, j'ai des fesses mais disons normales et une poitrine moyenne qui rattrape en quelque sorte l'affaire.

Je me lève en boudant et observe l’heure sur ma montre : 18 heures. Je n'ai pas vu le temps passer. Brahim me suit, essayant de se faire pardonner.

— Allez, Zahra, boude pas. Tu sais très bien que je jouais.

— Ce n'est pas sincère.

— Mais si !

— Alors pourquoi te retiens-tu de rire, idiot ?

Il explose de rire et je me renfrogne un peu plus. Qu’est-ce qu’il peut m’énerver ! Il a fait exprès d'accélérer la vitesse juste pour me faire chier. Du Brahim tout craché. Je devrais pourtant y être habituée avec le temps…

— Cette fois-ci c'est sincère, je te présente des excuses.

— Gard…, commencé-je.

Je m’apprête à parler quand on me coupe la parole ; j'ai horreur de ça.

— Brahim ! crie une voix cristalline.

Je me retourne et vois mon pire cauchemar.

— Zahra ? s’exclame-t-elle, choquée.

— Comment va ma chère et tendre amie, Khadija ? demandé-je ironiquement.

La bouche grande ouverte, aucun son ne sort de sa bouche. Tiens donc, on dirait que les rôles s’inversent.

Flashback

J'étais à la cantine en train de manger avec mon amie Khadija. Nous venons d’entrer en cinquième, au collège. C’est ma seule amie fille ici, il faut dire que je n’arrive pas à être très sociable. J'ai pris une brique de lait avec une pomme pour le petit-déjeuner, n’ayant pas d’appétit. En ce moment, j’ai beaucoup de mal avec la nourriture, je ne sais pas pourquoi. Maman dit que je fais ma crise d’adolescence. Je la crois, maman a toujours raison.Khadija a pris des crêpes au jambon avec un jus de fruits,avec en prime une barre de chocolat et une boite de madeleines. Elle ne doit pas faire sa crise d’adolescence avec tout ce qu’elle mange. Dans notre école, les repas sont payés par les parents lors de l'inscription. Que tu manges ou pas, tu paies.

— Ne me dis pas que tu comptes manger ça ? lance t-elle en regardant mon plat avec dégoût.

— Si, réponds-je en baissant les yeux.

Bien que Khadija soit ma seule amie, elle prend sans cesse un malin plaisir à me faire des remarques sur mon physique ou mon poids. Je ne dis rien, au moins je sais que je pourrais toujours compter sur elle quoiqu’il arrive.

— Zahra, ma petite Zahra,chantonne mon amie. Pourquoine manges-tu pas comme les gens normaux ? Regarde toi, tu ne ressembles à rien, j'ai même peur de te toucher tellement tu es maigre. Tes habits ne te vont pas, regarde comment tu y plonges ! appuie-t-elle en me pointant du doigt.

Je ne relève pas mes yeux et continue de boire mon lait.Une boule se forme au fond de ma gorge, il ne faut pas que je pleure. Ses mots me blessent énormément, mais je sais qu’elle fait ça pour mon bien. C’est mon amie après tout, elle ne veut pas que je souffre, elle souhaite seulement que j’ouvre les yeux sur la situation. Rien de plus.

– Désolée, mais si tu continues comme ça je ne vais plus être amie avec une squelette, déjà que tu es démodée, dit-elle sur un ton moqueur.

Je ne réponds pas et me lève en ramassant mon sac. Ça se finit constamment de cette façon. Je la fuis et elle revient en s’excusant de m’avoir fait du mal. Parce que oui, j’ai mal. Elle me répète à chaque fois la même chose, je vais finir par croire que c’est intentionnel. Elle semble adorer me voir dans tous mes états. Je suis maigre, est-ce de ma faute ? Je ne peux pas manger de grosses quantités, est-ce moi qui l'ai décidé ? Non ! Bien sûr que non ! C’est simplement la nature qui en a décidé ainsi. Mais ça, elle ne pourra jamais le comprendre. Si elle pense que je suis démodée c'est son problème, l'habit ne définit pas la personne. Ce n’est pas parce que je ne m’habille pas avec des vêtements de la collection actuelle que je suis démodée. J’ai lu une fois dans un livre que « La mode se démode, le style jamais. » Alors qu’elle me laisse tranquille avec ça !

Je suis à bout. C’est trop dur à encaisser pour une jeune fille de mon âge. Je sais que je suis maigre, je pèse seulement 29 kg pour une fille de 12 ans. Mon poids n'a jamais été un problème pour moi, loin de là. Mais, à force de te le rappeler à longueur de journées, on commence à se détester.

Je me dirige vers les toilettes des filles et vomis sur la cuvette le peu que j'ai mangé. Tous les midis, c’est la même rengaine. Je me rince ensuite la bouche et me regarde dans le miroir. Je vois une fille au teint pâle avec de grosses cernes, le visage fatigué et aux lèvres fendues à cause de la douleur que je leur inflige. Je regarde mon sac et y vois une lame ; je l'emmène partout avec moi. Je remonte mon pull et me coupe le bras, comme d’habitude. La plaie saigne et tache le carrelage verdâtre. J’aime cette douleur qui me brûle de l’intérieur. J’aime voir tout ce sang couler. J’ai comme l’impression que chacun de ses mots me poussent à commettre l’irréparable. Ça ne me procure aucun bien-être. Je suis juste sanguinaire. Voir ce liquide rouge recouvrir mon bras entier est une thérapie. Ma thérapie.

Fin du flashback

Je me rappelle de ces moments comme si c’était hier. Elle a participé à ma perte. On s'est connues au primaire, plus précisément en CM1. Khadija a été ma première amie, puis Brahim est arrivé. Hélas si j’avais su, je ne l'aurais jamais côtoyée. Si j’ai autant peu confiance en moi, c’est de sa faute. Elle avait goût de me rabaisser. Au début, je le prenais pour de la rigolade mais avec le temps ça empirait. J’ai dû quitter mon école, c’était devenu un calvaire. Je ne l’ai plus jamais revue jusqu’à aujourd’hui. La roue tourne…

— Quoi ? Tu as donné ta langue au chat, Khadija ? appuyé-je sur son prénom.

— Non, je… bafouille-t-elle.

— Tu ne sais plus parler maintenant ? Pourtant, il me semblait que tu savais extrêmement bien le faire il y a quelques années de cela, renchéris-je en la regardant de haut en bas.

Elle porte un ensemble de sport Nike. Même si je n'ai pas pris trop de poids, je suis mieux foutue qu'elle. Elle a un beau teint noir, un nez fin, une petite bouche, mais malgré sa belle gueule, son corps semble épuisé.

— Regarde toi, tu disais quoi ? réfléchis-je. Ah ! Je me souviens que je ne ressemblais à rien avec mon style, regarde entre toi et moi qui ressemble à nada. Ton corps en a assez de ton métier ou bien il n'est pas assez sollicité, rajouté-je avec un sourire mauvais.

Elle a les larmes aux yeux. Je n'ai fait que le quart et elle pleure déjà. Pauvre petite.

— Ne pleure pas, ma chérie, chuchoté-je en caressant sa joue. C'est bien de faire du sport, mais fais toi un bon massage tous les jours sinon tu deviendras vieille. Je ne veux pas ça pour toi, continué-je avec un sourire narquois.

— Tu as changé, Zahra, dit-elle en pleurant pour de bon.

Ah je n'ai jamais été aussi heureuse de ma vie, elle pleure enfin. Je prends la bouteille d'eau que tient Brahim qui a assisté à toute la scène et la lui jette à la figure.

— Oups, désolée je n'ai pas fait exprès, m’excusé-je en mettant ma main devant ma bouche. Et pour ta gouverne, je n'ai pas changé. Je suis toujours la Zahra d’il y a quelques années. Seulement, j’ai suivi tes précieux conseils.

Je la regarde partir en courant, un poids en moins sur mes épaules. Heureusement que nous étions peu nombreux dans la salle. Je n’aime pas forcément me montrer en public de la sorte. À mes années collège, je pleurais tout le temps. Maintenant, c’est à son tour. Le karma s’est occupé des gens qui m’ont fait du mal. La roue tourne et ce n’est que le début.


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Corrigé par thecatsy


Rita💖👅

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