Le professeur d'Histoire à peine parti finir son café, après avoir ouvert à ses élèves, Jamari entre dans la salle en cherchant encore Amina. Il ne la trouve pas, mais son regard tombe sur Sebastien. Jamari devient tendu, mais tente de garder un certain niveau de calme. Malgré tout, il approche Sebastien et lui lance avec hostilité:
-Sebastien qu'est-ce que t'a foutu avec Amina? Qu'est-ce que tu lui as fait?

À l'élévation de voix de Jamari, les autres élèves se mettent à les regarder curieux. Sebastien, qui s'était mis à fixer Jamari avec un air impertubé, lui répond comme lassé:
-Moi? J'ai rien fait à Amina, j'en ai juste eu marre d'elle.

Jamari, remonté, réplique:
-Ou dis plutôt que t'es un lâche.

Sebastien ricane et répond:
-Je suis pas celui qui se cachait.

Jamari dit:
-Peut-être, mais, toi, t'avais sûrement peur d'attendre trop longtemps. Vu que le plan tordu que tu devais avoir ne marchait pas avec elle.

Avec un sourire enflammant, la colère de Jamari, Sebastien demande:
-Qu'est-ce que tu racontes? T'as reçu une balle sur le crâne ou quoi?

La tension écrasante dans la pièce, a considérablement réduit, le nombre de rires provoqués par cette question. Avant que Jamari ne puisse faire escalader la situation, Ivan lance:
-Ok, attendez. On a raté une saison entière là. C'est quoi, ce bordel? Il se passe quoi?

Jamari répond:
-Ce qu'il se passe, c'est que ton pote traînait avec elle depuis des mois. Et elle avait trop peur de s'arrêter de le cacher à tout le monde, pour éviter que vous lui fassiez chier. Mais au lieu de juste attendre qu'elle soit prête, ton connard de pote l'a jeté, parce qu'en fait il en avait rien à foutre d'elle. Il a juste pas réussi à avoir ce qu'il voulait vraiment.

Sebastien a maintenant perdu son sourire et gagné une expression, aussi dure que la pierre. Il défie Jamari sur un ton coupant:
-Appelle-moi encore "connard" pour voir.

Jamari sourit avant d'articuler clairement:
-T'es un putain de conna...

Sebastien le coupe en se jetant sur lui et leur bagarre s'ensuit.

Dans l'après-midi, je regarde une vidéo sur l'intelligence des pieuvres en me sentant à nouveau bien. Soudain mon écran change. Je réponds à l'appel d'Aya agacée. Il a fallu qu'elle soit malade quand je sèche. Avec sa voix affectée à la Kurt Cobain, elle me dit:
-Amina, descends vite c'est urgent.

Je grogne et raccroche. J'ai presque eu la maison pour moi toute seule et maintenant je dois me déplacer, pour ce démon surgelé. Quand j'arrive, je vois Aya à la porte d'entrée. La vision de Sebastien devant elle me donne un rush d'émotions. Surtout de la colère. Je sais que j'ai une expression qui la reflète là, mais je m'en fous. Je suis tellement énervée que je me fous même de mon visage démaquillé. De son côté, celui de Sebastien pourrait passer pour maquillé.

Le coin de sa bouche, sa pommette, sa joue et son front ont des teintes roses, qui indiquent des bleus imminents. Il a aussi une petite cicatrice sur l'arête de son nez, qui devrait sûrement être sous un pansement. L'énervement recouvre pourtant mon inquiétude, je me sens bouillir. Il sourit malgré tout et me dit:
-T'as menti, t'as pas l'air mal du tout sans le maquillage pour camoufler ton visage.

-Qu'est-ce qui lui est arrivé au tiens?

-Je me suis battu contre ton ange gardien.

-Jamari? J'irais le remercier. Tu peux partir maintenant et te pointe plus chez moi. D'ailleurs qui t'a donné mon adresse.

-C'est pas important écoute s'il te plaît.

Je soupire et il dit:
-J'ai...avec Jamari on s'est battu à cause de toi, parce qu'il était en colère, vu que je t'ai fait du mal. C'est parce qu'il t'aime Amina.

J'ai l'impression qu'on vient de me mettre un coup dans l'estomac. En fronçant les sourcils, je dis:
-Non...

-C'est une vérité et u...

Avant qu'il ne puisse continuer son bordel, devant Aya qui n'en perd, sûrement pas une miette, je lui dis:
-On sort.

Avec son sourire débile, il dit:
-T'es en pyjama.

-La cabane du jardin.

Aya intervient:
-Ok, je connais pas ce gars et je sais pas ce qu'il se passe. Mais ce que je sais c'est que Papa le connait encore moins, et donc vous allez avoir l'air vraiment suspects s'il vous trouve. Genre, il va vous tuer.

Sebastien suggère:
-Peut-être que je devrais revenir une autre fois.

Je réplique:
-Non, tu m'as fait sortir de mon lit, donc tu vas me dire ce qu'il s'est passé.

Je dis à Aya:
-Papa est censé être là dans 1 heure, on va pas durer aussi longtemps. S'il vient, je compte sur toi pour me prévenir. Tu m'appelles.

Elle soupire et répond:
-D'accord.

Je fais signe à Sebastien de me suivre, il passe la porte et on prend la direction du jardin. Dans la petite cabane à outils, on prend chacun un tabouret. Il commente:
-C'est cozy ici.

-Parle avant qu'on meure.

Il rit et je le fixe pas amusée, donc il se calme avant de dire:
-Il a juste...en gros, il m'a dit la vérité sur ce que je venais de faire et je me suis énervé.

-Quelle vérité hein? Qu'après tout t'en avais rien à foutre de moi?

-Non, non. Ça, c'en est pas une. Le fait que je sois un connard qui t'ai blessé en est une.

Je ne réponds pas donc il poursuit plus doucement:
-Tu sais, tu devrais sûrement être avec lui.

Avec un sourire fade, il ajoute:
-Il est super avec toi.

À l'intérieur je brûle de colère qu'il m'ait juste jetée sur Jamari comme ça, alors que...
J'inspire et dis:
-Ouais, t'es vraiment un connard.

Il fronce les sourcils confus et en descendant de mon tabouret je lui dis:
-Pars.

-Qu'est-ce que j'ai dit?

-Pars.

Il s'exécute et en le suivant je le vois se figer. On est devant la cabane et pas loin, Papa nous fixe en s'exclamant:
-C'est quoi, ça?!

Putain. Je regarde mon téléphone puis, en voyant les appels manqués d'Aya, je me souviens d'avoir oublié le mode silencieux. Je vois déjà ma pierre tombale. Papa s'approche et m'attrape par le bras. Je me débats contre sa poigne douloureuse en criant:
-Lâche-moi!

Sebastien s'approche, mais je lui crie:
-Reste là-bas!

Je me remets à crier plus fort sur Papa:
-Lâche-moi!

Je ne sais pas pourquoi, mais il le fait puis demande à Sebastien:
-Qu'est-ce que tu fais chez moi?! Avec ma fille?!

Sebastien n'a pas le temps de répondre que Papa me crie:
-Et toi?! Qu'est-ce que tu fous avec un garçon?! Et un chinois?!

Ma honte m'enflamme à nouveau de colère, mais je réplique en contenant mes émotions:
-C'est mon ami. Et déjà il est japonais.

Papa répond:
-Ton ami?! Tu mens!

-Non, je te le jure, je le jure.

Je me tourne et implore à Sebastien:
-Pars.

Il hésite, mais finis par s'en aller et Papa ne le suis pas à mon soulagement. Il se tourne plutôt vers moi et me dit:
-Je devrais te casser la gueule.

J'ose répondre:
-Comme avant hein?

À ma surprise, il se contente de soupirer en contractant sa mâchoire. Maman, qui revient de son rendez-vous pour les ongles, s'approche avec Sumai gigotant dans son kangourou. Elle demande:
-Qu'est-ce qu'il se passe ici? Qui est le garçon que je viens de croiser?

Je commence à me sentir encore plus mal en appréhendant la suite. Papa continue de m'enterrer en lui répondant:
-Ce qu'il se passe est ce que je te dis depuis des années! Elle était dans la cabane à faire, je-ne-sais-quoi avec un garçon. Un chinois, en plus.

Je soupire ennuyée. Pourquoi cette partie est aussi importante?! Il n'a pas l'air mieux que les parents de Sebastien là. Maman fronce ses sourcils formés avec précision. Face à son regard je réponds morte de honte:
-Je faisais rien, je le jure!

Elle réplique:
-Tu le jures, mais toutes ces fois où tu me disais que tu allais voir tes amies, tu étais avec lui non?

-Je suis désolée d'avoir menti.

-Et moi je suis déçue, peut-être que ton père avait raison après tout.

Malgré moi, mes larmes coulent et je dis la voix affaiblie:
-J'ai rien fait, c'est juste mon ami. J'avais enfin eu quelqu'un, après tout ce temps...

Papa demande:
-Jamari est revenu non? Ce n'était pas assez?

Je lui fais remarquer:
-Jamari est un garçon aussi. La seule différence, c'est qu'il est noir, donc t'es plus d'accord avec le fait que je lui parle. Mais ça reste un garçon qui pourrait très bien me mettre enceinte comme ça te terrifie.

Il écarquille les yeux et j'ajoute:
-Et c'est encore plus drôle, parce que celui que tu voulais tuer il y a des années, à cause de ce qu'il m'a fait, était noir aussi. Pourtant, ça, tu l'as pas mis sur Jamari. Les origines, c'est un problème quand tu veux.

Je m'en vais et entends Maman dire à Papa:
-Laisse-la tranquille.

Je me suis endormie en pleurant juste après ce fiasco. En conséquence, comme souvent, dans ces cas, je me réveille la nuit. Sebastien m'a envoyé plein de messages que je ne lis pas. Je l'appelle directement, même s'il ne va peut-être pas répondre. Enfin, on est vendredi. Je ne sais pas, je laisserais un message. À ma surprise, il répond d'une voix rauque:
-Amina.

-Désolée, je devrais rappeler.

-Non! Tu m'as réveillée, donc parles.

-Pardon. Je voulais te dire que je suis désolée pour ce qu'il s'est passé. Je me suis sentie mal avec tes parents, donc j'imagine que c'était pas cool.

-J'étais plus mal pour toi. Il t'a rien fait?

-Non, mais ma mère me hait aussi.

-Ils te détestent pas, ils ont juste peur.

Avec un léger sourire, je dis:
-Peur de toi?

Je devine son sourire quand il répond:
-Un peu, les parents s'imaginent toujours plein de trucs.

-Ben la phobie de mon père, est que je devienne une mère ado et avec les idioties que tu m'avais sorties à la piscine, eh bien...

Il rit puis se calme pour me dire sur un ton posé, trop agréable à entendre:
-Je suis désolé pour tout ce que j'ai dit Amina et je suis désolé de t'avoir abandonné.

-Ok...

Il y a un silence et il ajoute:
-J'ai plus de choses à te dire, mais je veux te voir.

-Où? À ce point-là, tout le monde doit savoir pour nous, donc...je me trompe?

-Non.

Je soupire et il propose:
-Ta maison hantée? Comme avant?

Je ris et réponds:
-Ok.