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Sept heure du matin.
Cling. Allumez les lumières. Enfilez un tablier et dressez le couvert.
Dans une ville aussi grande que celle ou Orez logeait, les trois repas de la journée constituent les heures de pointes d'un restaurant. On accueille, on place, on sert, on encaisse. Tout se déroule à une vitesse déferlante pour un maximum de bénéfices.
Dans ce restaurant adjacent à deux boutiques de robes de mariés, Orez est serveur.
C'est lui qui court, qui apporte telle demande à telle table, et qui rentre chez lui le soir accompagné d'une paire de jambes engourdies. Pas très courageux, juste débrouillard.
Une peau mate, hâlée ; indienne de son pays. Coupe de cheveux discrète et regard sympathique. Ouais, Orez est un gars sympathique. Des fois trop dans les nuages, mais vous l'aimez bien.
Un client débarque. La sonnerie s'enclenche, le processus qui s'en suit débute. Orez le place, souriant de part la troisième règle d'or de son contrat "faire bonne impression aux yeux de la clientèle" -les deux premières sont de toujours revendiquer les plats les plus coûteux de la carte et de faire des allers-retours cuisines-tables en moins de trente secondes d'intervalles.
- La rapidité, c'est tout le secret d'un business qui fonctionne mon petit gars, expliquait le patron d'Orez en lui assénant une tape dans le dos.
C'est cette même tape qui le fit tousser, gêné par cet aveux, et aussi par ce qu'il sous-entendait. Une bonne vingtaine de mètres séparait la plus lointaine table de l'unique entrée aux cuisines, sans compter les barrages, les collèges dans le même pétrin que lui et les clients qui l'arrêtaient à chaque voyage pour une carafe d'eau ou une serviette supplémentaire.
Orez prenait alors une grande inspiration, serrait les assiettes sales qu'il tenait entre les mains puis zigzaguait le plus rapidement possible jusqu'à la fin de son service. Le patron, un cigare fourré dans la bouche, l'observait d'un œil attentif, accoudé au comptoir du bar.
Et alors qu'Orez quittait une énième fois la salle, débouchant dans celle des cuisines, Nikki apparut dans le champ.
Vous sursautez, surpris de cette apparition imprévue. Nikki est habillée tout de noir, pour ne pas changer, et détaille un bout de papier dans ses mains ; elle se dirige machinalement vers la table bar. Elle prend place. Vous plissez les yeux pour apercevoir ce qui retient tant son attention.
Un nom, une adresse, un lieu, un numéro de téléphone. C'est l'une de ces quatre options. Vous en êtes persuadé, car l'écriture si prestement dessinée tient en une seule tâche compacte d'encre bleu nuit. Les lettres sont liées les unes aux autres, comme des vagues sur un océan de lettres cursives.
Nikki renifle, se gratte le cuir chevelu de sa main gauche sans lâcher la minuscule feuille coincée entre son majeur et son index.
Orez ressort. Dès cet instant, tout semble s'accélérer. Votre vision se brouille, telle une caméra qui aurait filmé indéfiniment un même endroit et qui passerait à présent la vidéo en accéléré.
La course reprend un rythme normal lorsque Orez soupire, déposant son tablier sur le dessus du comptoir. Les rayons de soleil qui perçaient par la vitre se sont faits remplacer par la lumière des néons suspendus au plafond. Ce lieu qui l'instant d'avant vous paraissait si vivant, est maintenant silencieux au point de vous faire sentir de trop dans la pièce. Votre regard se penche, vous bifurquez en avant.
La chaise de bar est vide.
Nikki n'est plus là. Nikki est partie.
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