https://youtu.be/na8KnxdEn3I

Petite musique d'ambiance que vous pouvez écouter si vous le voulez en lisant le chapitre ;) Bonne lecture!

Fierté. C'est la seule chose que je ressens lorsque je rentre dans la grande salle lumineuse, qui sert de lieu de réception pour la remise des diplômes. Autour de moi, une masse de gens et de chaises. J'arrive entourée de mes grands-parents, ma soeur et Sarah que j'ai pu faire venir. Une fille non loin de moi est escortée par pas moins de 30 personnes, ils avaient dit "les membres proches de la famille" pour limiter l'ampleur et la taille de la cérémonie mais visiblement certains ont une base plus grande que la mienne. Alors bien évidemment j'aurais pu inviter mes cousins/cousines avec qui je suis pour la plupart en assez bon terme mais je n'aime pas être le centre de l'attention. Dans le sens "regardez moi, vous vous déplacez uniquement pour moi, regardez comme je suis géniale" après pour un anniversaire ou autre c'est différent. Pourtant mon public aurait du être plus large. Qu'importe. Il faut aller de l'avant.

Je salue quelques personnes que je connais dont ma seule vraie amie rencontrée ici, Monica une brésilienne exilée en France depuis ses 16 ans. Un point commun entre nous deux. Se retrouver en France sans l'avoir voulu, alors que notre vie était ailleurs, loin des immeubles haussmanniens dans lesquels nous nous trouvons. Mais Monica a plus de mérite que moi. Elle a grandi avec un père violent, sa mère est morte ou du moins disparue 2 ans après sa naissance. Alors c'est une de ses tantes qui lui a payé le billet et qui l'a à mon avis sauvé in extremis de cette fatalité qu'est la mort. Toujours est-il qu'elle était resplendissante dans sa robe bleu pâle.

Pour ma part, robe beige mi-longue en velours Chanel (inspi voir photo illustration chapitre). Classe mais simple. Toujours penser aux photos dans 15 ans quand elles ressortiront.

On s'assoit chacun à sa place attribuée. Le directeur et le président s'expriment chacun à leur tour. Il fait le tour des différents masters et entame un discours sur chacun d'entre eux et sur la renommée de l'établissement. Ma grand-mère fait un signe de tête à Mme Carvier, une de ses amies dont la fille Philippine a aussi entrepris un master à Sciences Po, heureusement pas dans la même filière. Elle est la coquetterie outrancière, je suis l'élégance, elle est la compétition tonitruante et vicieuse, je suis la force tranquille. Sans vouloir me vanter. Lors des différents "rallys" que nous avons fait (rituel initié par mes grands-parents) je ne lui ai jamais parlé vraiment mais elle m'a toujours renvoyé l'image de quelqu'un qui sait se servir des autres. Je n'aime pas ce genre de personnes. Ma réussite et mon mérite doivent venir de moi et seulement moi. Elle elle serait prête à escroquer n'importe qui pour pouvoir gratter quelques points en plus. Dangereuse. Pourtant elle a l'air si naïve et innocente avec ses yeux bleus clairs et ses longs cheveux châtains.

Enfin, le temps est venu d'attribuer les diplômes en main propre. "Roxane Duvallier!". Je sursaute intérieurement et me lève, les jambes en coton, comme si j'allais faire un malaise. C'est vraiment une consécration dans ma vie et même si j'ai pas de relation amoureuse stable et que ma vie c'est n'importe quoi j'aurais au moins le mérite d'avoir réussi pour le moment mes études. Je souris discrètement en récupérant le fameux papier puis je serre la main à de nombreuses personnes haut placées dont le directeur et le président de l'école. Un de mes professeurs préféré de mon master se tient devant moi et me félicite avec un regard appuyé pour me donner confiance. Je me retourne vers le photographe qui est chargé d'immortaliser chacun des élèves pour garder des traces aux archives. Je souris, avec les dents pour une fois, c'est rare sachant que malgré qu'on m'ait toujours complimenté sur mon sourire et ma dentition je n'ai jamais réussi à l'assumer. Mais je me dis tant pis, si on me le dit c'est peut être que ça doit sembler vrai. Après tout. L'assemblée applaudit, je souris encore, j'ai l'impression d'être comme un automate, je ne dois me rater sur aucune bonne manière et doit veiller à conserver la renommée de ma famille en toutes circonstances. J'esquisse un "merci" du bout des lèvres en regardant tour à tour le public et les différents directeurs. Encore quelques flash, que je prends d'ailleurs pour un compliment étant donné que je suis une des seules à avoir été photographié en dehors du cliché officiel. Bon point donc. Ce moment d'euphorie est si vite passé, la joie elle ne retombe pas. J'ai envie de pleurer de joie en revenant à ma place, la démarche élancée, le regard franc et droit. C'est tellement pour moi, une de mes plus grandes fiertés.

Je déplie vite fait pour voir si c'est bien le mien, mon côté psychose ça. Le truc horrible dans ce genre d'évènements c'est que t'es obligé de contenir ta joie et même tes émotions de manière générale au risque de passer pour le comédien de service. Etant quelqu'un de très très TRES sensible à tout types d'émotions, comprenez que cette cérémonie n'aura pas été des plus simples à mener.

On sort. Je n'ai quasiment pas touché aux petits fours, j'ai eu une espèce de boule au ventre, je ne saurais dire si c'était mon stress refoulé depuis tout ce temps où la rage de ne pouvoir afficher clairement la joie et le bonheur dans lesquels je nageais.

Sarah- T'as géré ça meuf!

Moi- Merci... vraiment merci! Je réalise pas ce que j'ai réussi

Sarah- Ta soeur m'a parlé de ton projet d'aller étudier à l'étranger

Moi- Oula mais... c'est pas officiel fin je...

Sarah- Arrête je sais que t'en meurs d'envie. Tu les a quand les réponses?

Moi- D'ici 2 à 3 semaines à peu près mais en vrai je sais pas si j'ai envie de quitter Paname tout ça... tu penses pas que je devrais rester?

Sarah- Mais attends tu rigoles? T'es la première à vouloir voyager sans cesse, à vouloir changer d'environnement, bars toi aux States alors!

Moi- Mais je risque de plus vous voir et..

Sarah(avec un air moqueur)- Tu penses vraiment que c'est ça qui va nous empêcher de nous parler?

Moi- Je..

Sarah- Non mais sincèrement?!

Moi- Je...

Sarah- Stop là haut parce qu'à force tu vas finir par rester ici, je te connais Roxane toujours à cogiter pendant 3 plombes!

Moi- Ouais fin c'est quand même mon avenir

Sarah- Mais qui t'aurais dit que t'aurais un jour la chance d'aller étudier à l'étranger, qui plus est dans un pays qui t'es familier! Pour moi c'est pas anodin tout ça, t'as besoin de te ressourcer loin de tout le monde, ici c'est bien mais t'as tout le temps la même routine, les mêmes habitudes et puis cet appart où il s'est passé tant de choses depuis toutes ces années... je vais pas te faire un dessin quoi!

Moi- Tu sais je crois que tu m'as presque convaincue mais...

Sarah- Mais?

Moi- Encore faut il que je sois prise

Sarah- Non mais... c'est fou comme tu crois pas en toi meuf sérieusement! Les premiers qui ne croient pas en leurs rêves sont les premiers à échouer regarde moi!

Moi- Oui mais toi ça a été galère pendant de nombreuses années tu le sais bien

Sarah- Peut être mais aujourd'hui on m'offre la possibilité grâce à ce battle d'intégrer une des plus prestigieuses écoles de danse moderne de la capitale! Tu te rends comptes? Un simple battle sur Youtube!

Moi- Ouais...

Sarah- Et qui aurait dit que j'en serais là aujourd'hui?

Sur ces paroles, je repars en silence après avoir embrassé mes grands-parents et ma soeur et échangé quelques anecdotes. C'est vrai que Sarah elle a pas eu une enfance facile. Je traverse le passage piéton et regarde toute l'effervescence autour de moi, les flux continus de piétons, les motos qui doublent par la droite, les quelques klaxons... Les larmes me montent aux yeux.

Pour en revenir à Sarah,  elle ne sait pas qui est son père, sa mère était comment dire, exerçait une profession plutôt illicite et précaire... Alors Sarah elle a toujours fait comme elle a pu, elle a eu son bac et puis elle s'est mise à trainer avec des groupes de danse de rue, en tant qu'intermittente du spectacle mais c'était loin d'être aisé. Pour vous la faire courte, il y a à peine 1 mois elle a "percé" sur Youtube grâce à un battle de danse. Elle a donc été contacté par une école de danse moderne qui lui a proposé de venir étudier dès septembre. On peut clairement appeler ça un miracle du destin. Mais faut dire que Sarah elle a ça dans le sang la danse. Mais comme sa mère n'avait pas tellement envie de lui payer des cours de danse, elle s'est formée sur le tas, dans les maisons de quartier principalement. Pourtant sa mère habitait dans un appartement assez joli près de Pigalle mais elle préférait s'acheter les derniers sacs à main ou tout claquer dans des bars ou cabarets. On pourrait se dire que c'est un cliché mais non, c'est bien de là que vient ma meilleure amie. La seule chose que sa mère a voulu c'est qu'elle fasse un minimum d'études, pour ça qu'elle a atterri dans le même lycée que moi. Mais ça n'a jamais été simple pour elle. Ca a été dur pour mes grands-parents quand ils m'ont demandé qu'est ce que ses parents faisaient. Au début, ils m'ont interdit de la voir en dehors du lycée ou de lui adresser la parole en public. Mais, je ne les ai pas écouté. Ca fait bientôt 7 ans qu'on se connait et qu'on est meilleures amies et ils ont fini par l'accepter ou du moins tolérer cette amitié à condition de ne pas l'inviter en dehors des soirées d'anniversaire. Mes grands-parents sont hyper à cheval sur les bons codes de la haute bourgeoisie, de la jet-set parisienne alors pour eux pas question que je traine avec des gamines des rues pour le dire "joliment" selon leurs mots. Mes parents n'étaient pas comme ça. Dans ces moments, je vous avoue que je préfèrerais 1000 fois retourner aux US.

Donc ouais je suis super fière d'elle parce qu'elle va enfin percer après tant de boulots précaires, de loyers impayés, de dettes. Enfin elle va devoir se loger encore pendant 3 ans pour ses études mais l'école lui a proposé une bourse assez garnie. Fin garnie à Paris je ne sais pas ce que ça veut dire. Quand tu paies plus de 800 euros pour littéralement un trou à rats avec un micro Velux en guise de lumière et une petite pièce humide avec pour seul mobilier laissé par le propriétaire un vieux micro-ondes, un petit four et un frigo en piteux état, t'as le seum.

Alors c'est vrai que je la comprends quand elle me dit de partir loin si j'en ai l'opportunité. Elle sait que j'aurais toujours les moyens alors qu'elle a du se payer son permis sur le pseudo "héritage" de sa mère quasi inexistant et galère au quotidien malgré qu'elle n'en laisse rien paraitre. Quand je parle d'héritage, je parle des quelques centaines d'euros cachés en liasse sous le lit de sa mère, que Sarah a récupéré après le meurtre de sa mère. Oui. Le 18 janvier 2008 à 3h et quelques du matin son "patron" a débarqué, comme dans un film sauf que les balles étaient bien réelles. Shot. 1. 2. Sarah se trouvait cachée derrière la porte du couloir mais elle a tout vu. Même si elle détestait sa mère, ça l'a poignardé.

Au fond, je pense juste qu'elle aimerait arrêter d'être en perpétuel décalage avec la société. Sur les formulaires :"profession et prénom/nom du père et de la mère". Rien que ça ça vous fout un coup. Je peux vous le dire. Croyez en mon vécu. En plus, elle n'avait pas encore 18 ans lorsque ça s'est produit alors elle a dormi tour à tour chez plusieurs personnes avant d'être placée en foyer pour 3 mois. Dès qu'elle a eu 18 ans, le 26 juillet, elle n'a pas attendu d'avoir de rendez-vous avec le juge ou l'assistante sociale, elle s'est barée du foyer. Elle a cherché, tâtonné, essuyé bien des peines mais aujourd'hui il semble bien que le destin ait décidé de lui accorder son moment de briller. Et croyez-moi, des moments comme ça, on en a généralement qu'1 dans notre vie, qu'on peut choisir d'attraper voir de faire durer, alors autant ne pas le louper. Sarah est comme moi, malgré son très fort caractère, c'est une force tranquille. C'est pas quelqu'un qui parle beaucoup mais croyez moi quand il faut agir, elle est capable d'écraser quiconque voudrait s'opposer à sa réussite.

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Bon, dites moi qu'est ce que vous avez pensé de ce chapitre?

Assez descriptif mais comme vous avez pu le constater, quelques éléments se décantent dans la vie de Roxane...