〔Une simple discussion〕

Shura s'impatiente affreusement, frappant son pied droit contre le carrelage de la salle d'entraînement de façon redondante. Ce foutu quatre yeux qu'est le cadet Okumura n'est pas là aujourd'hui, juste cette information l'a relativement irrité car elle voulait lui foutre la raclé de sa vie en combat, une vengeance en d'autres termes. Mais alors si en plus l'aîné s'y met en arrivant à la bourg, l'exorciste va véritablement exploser d'agacement. Attendre est loin d'être son fort.

Décidant que les quinze minutes de retard de son élève sont un motif suffisant pour lui offrir des heures supplémentaires, la chevalière utilise la clé de Mephisto pour rejoindre l'école Cram. Sans doute que le gamin discute avec Shiemi ou Shima au point de ne pas regarder l'heure comme d'habitude. La bicolore se fera un plaisir de remonter l'information quant à la négligence de Rin pour son entraînement à Yukio. Entrant dans le cours avec à la fois entrain et flegme, la professeur s'exclame d'une voix pouvant être qualifiée de sadique.

《— Où se trouve ce sale garnement de Rin Okumura ?!

Personne ne lui répondit et en un sens elle fut désagréablement surprise en constatant de l'état des lieux. Tous ses élèves sont présents dans la classe à l'exception du recherché et lorsque son nom a été énoncé, plus d'une personne s'est peint le visage d'un voile de colère, mélangé à de l'amertume. Shura a tendance à oublier que le secret de Rin s'est répandu depuis l'affrontement avec Amaimon, et si l'adulte considère l'action du plus jeune comme extrêmement honorable malgré sa dangerosité, d'autres ne le voit pas ainsi.

Aux yeux de la rose son élève, Rin Okumura, a risqué sa vie, sa sécurité, son secret, ses relations, son contrôle et son humanité pour sauver ses amis ainsi que son frère de la folie furieuse dont Amaimon avait été envahit. Cet acte était aussi stupide que courageux, aussi abruti que téméraire, prouvant en un sens que l'aîné des frères s'avère bien plus humain que beaucoup de pourriture vivant à Assiah. Selon comment son regard changeait, Shura revoyait Shiro à travers Rin et cela ne pouvait que la conforter davantage dans l'idée que jamais le fils de Satan, ne s'en prendrait à ceux qui lui sont chers.

Néanmoins était-ce l'interprétation que tout le monde avait obtenu de cette histoire ? L'adulte n'était pas revenue pour faire quelconque cours, le Vatican n'avait pas un bon avis de sa personne depuis l'incident alors ses possibilités furent fortement restreintes. Cela fait qu'elle n'a pas pu constater en temps réel les changements de sa classe vis-à-vis de son bleu. Cependant, leurs expressions à la simple entente du nom du fils de Satan suffit pour que la rose comprenne aisément la situation.

Avec une légère colère ayant une provenance qui lui est inconnue, ou qu'elle ne veut avouer, la chevalière ferme avec violence la porte, au point ou les élèves eurent peur de la voir s'encastrer dans le mur à son opposé. Ses élèves avaient-ils si peu de considération pour Rin ? Celui qui a tout risqué pour eux ! Shura voyait rouge à cette constatation, il est vrai, sans cette promesse envers Shiro sans doute aurait-elle eu le même regard à un moment. Cependant il faut savoir faire la part des choses et la rose n'a pas eu besoin de longtemps pour le faire, Rin est Rin, pas le fils de Satan ou autres conneries du genre !

Elle s'arrêta soudainement devant une porte qui, grâce à une autre clé de Mephisto, pourrait la conduire en un temps record au bâtiment des frères Okumura. Une simple pensée lui traversa l'esprit, Yukio était-il au courant de toute cette mascarade ? Sans aucun doute, en un sens la question ne se pose même pas, mais cela signifie-t-il que son regard s'avère être le même ? Est-ce que Yukio lui aurait caché le comportements de sa classe envers Rin ? Est-ce que Yukio fait partie de toute cette merde ?!

Shura connaît malheureusement déjà la réponse, ce foutu quatre yeux n'a aucune influence sur le comportement de ses élèves, alors aucun doute qu'il est adopté cette haine envers son aîné même si cela doit être factice. La bicolore se trouve à regretter ses paroles envers le plus âgé des frères, ce n'est qu'un enfant après tout, un enfant qui doit supporter un père qu'il n'a pas choisi. Elle jure dans sa barbe inexistante, promettant silencieusement de faire bouffer le sol à ce prétendu génie incapable de faire la part des choses.

Ainsi, l'adulte insère la clé dans la serrure d'une des portes pour finalement arriver dans l'entrée du dortoir des jumeaux. Néanmoins ce n'est pas un Rin surexcité qui l'interpelle ou quoi que ce soit d'autre, seul le silence régit les lieux et cela offre un côté encore plus effrayant à cet endroit délabré. Shura part d'abord pour la cuisine, pensant que le recherché serait en train d'exercer sa passion pour la concoction de bons plats. Cependant elle ne trouve que Ukobach, ce dernier semblant plus attristé que d'habitude. La rose aimerait à cet instant pouvoir comprendre les démons comme le fait si bien son élève, puis cette pensée lui parut égoïste car si Rin peut le faire c'est justement à cause de sa situation toute particulière.

Sa pensée n'eut point le temps de s'éterniser car une boule de poile lui sauta au visage en poussant des cris d'inquiétude. Il s'agit de Kuro le familier de l'aîné des Okumura, et le voir ainsi, fit ressentir à la chevalière une horrible douleur à la poitrine que nulle blessure ne peut égaler.

《— Kuro, ou se trouve Rin ?

Le Cait Sith n'hésita pas une seconde après avoir entendu la question du maître de son maître, courant aussi vite que silencieusement vers une destination ne pouvant qu'être devinée. Shura n'a jamais mis les pieds ici hormis pour l'examen Esquire, ainsi elle ne fait que suivre Kuro tout en imaginant que le familier l'amène à la chambre de l'adolescent. L'absence de bruit provoque toujours une pointe vers les intestins de l'escrimeuse, il s'agit bien de la première fois qu'elle est effrayée pour une chose ne possédant pas de réelle existence. Puis finalement, après quelques minutes, tous deux arrivent devant une porte entre-ouverte.

Le petit démon, par deux faibles miaulements, supplie à son homologue humain de regarder en silence avant d'exercer une solution adéquat. L'adulte, en semblant comprendre la demande, se décide donc à observer la pièce via la légère ouverture à la chambre des frères jumeaux. Cette dernière s'avère éclairée uniquement par la lune brillant déjà d'un éclat nacre dans le ciel sombre, l'endroit est assez classique, une grande chambre séparée en deux avec exactement les mêmes meubles de chaque côté, mais certainement pas la même organisation.

Shura ne comprit point ce que Kuro voulait qu'elle voit, jusqu'à ce qu'un courant d'air provenant d'une des fenêtres ouvertes lui fit retenir son souffle. Sur le parquet en chêne, se trouve un corps dont les mouvements sont imperceptibles, au point de se demander si il est mort ou vivant. En reconnaissant la touffe bleu nuit de son élève le corps de la chevalière dépassa sa pensée, bondissant d'une anxiété nouvelle en ne voyant vraiment aucun mouvement de l'aîné des jumeaux.

Elle s'approche hâtivement, voulant absolument prendre le pouls de Rin pour se rassurer un temps soit peu. Néanmoins ses orbes lavandes s'écarquillèrent d'effrois en voyant les poignets ensanglantés de l'enfant, dont l'inconscience la fit pâlir davantage. Depuis combien de temps était-il comme cela ? Probablement une dizaine de minutes avec un peu chance, un demi-heure dans le pire des scénarios. Un soupir irrité lui échappe inconsciemment tandis que ses compétences de soin s'appliquent à essayer de guérir les profondes entailles ayant très probablement provoquées l'inconscience de son élève, bien que cela s'avère assez incompréhensible vu son statut de demi-démon.

Ses yeux repérèrent finalement la raison de l'état de Rin, légèrement sous le lit se trouve une lame anti-démon recouverte de sang. Shura ne parvient pas à envisager que son disciple, celui ayant toujours cet air idiot ainsi qu'un sourire béat, est pu faire cela. Certes sa situation n'est vraiment pas enviable néanmoins les choses s'avéraient-elles être si horribles ?

La chevalière pour la première fois, angoisse sincèrement pour la vie de son bleu ne tenant à rien. Son esprit lui fait revoir en boucle les dernières semaines, à la recherche d'un quelconque mot, d'une quelconque action, de n'importe quoi qui aurait pu trahir l'état mental de Rin. Cependant il n'y a rien, rien du tout ! Rin était toujours un peu fatigué mais cela s'avère habituel, Yukio lui a dit que l'aîné lisait beaucoup le soir. Sinon c'est le néant, le demi-démon a su jouer habillement de ses capacités initialement médiocres de menteur pour dissimuler son état. Cette constatation fit horriblement grincer des dents l'exorciste.

《— Shura...

Le souffle qu'elle retenait inconsciemment se relâcha durant le sursaut que lui a infligé cette voix, celle de Rin. Ce dernier semble encore plus mal au point maintenant ses paupières ouvertes, ses orbes cérulées habituellement joueuses sont, à cet instant, affreusement ternes. Sa peau s'avère creusée, et ce, bien plus que la normale alors que sa pâleur presque maladive pourrait l'apparenter à un fantôme des contes. Puis ses cernes, ces sortes de valises noirs sous ses yeux comme si sa dernière nuit de sommeil datait d'au moins six jours. Comment ai-je pu être si aveugle sur son état, il existe des limites à la naïveté ! Mon manque de réaction pourrait s'apparenter à de la non-assistance à personne en danger à ce niveau là !

Continuant de réprimer silencieusement son ignorance avec un goût amer dans la gorge, l'exorciste sourit simplement, essayant de ne pas laisser paraître à Rin quelconque sentiments superflus pour ne pas le désorienter davantage. Et puis, imitant Shiro lorsque que ce dernier l'a trouvé il y a longtemps, la bicolore caresse délicatement la tête de son élève avant de prendre une voix taquine et bien plus bienveillante que ce qu'elle se pensait capable.

Bas alors mon cher élève, on se permet de sécher les cours !

En vérité Shura ne sait véritablement pas quoi dire, ses piques habituels lui ont semblé être l'option la plus douce à offrir. Cela s'avère vrai, néanmoins la réaction de Rin fut tout de même douloureuse à voir pour l'adulte. Le demi-démon a simplement détourné les yeux, ses orbes ternes se teintant d'une culpabilité qui fit serrer davantage le cœur de l'exorciste. Avant qu'une réponse ne lui soit offerte, elle renchérit ses propos avec une douceur se voulant réconfortante, mais un peu brusque.

Quatre yeux n'est pas là aujourd'hui, j'ai la flemme de m'entraîner sans lui alors discutons juste tout les deux.

Ce n'était pas une question ou une proposition cela se trouve être une affirmation, Shura a besoin de parler à son bleu et, probablement que ce dernier doit avoir envie de faire entendre ses cris silencieux à quelqu'un. Avec le plus d'attention pouvant être détenu par ses bras robustes, l'épéiste dépose le corps semblant désarticulé de l'aîné Okumura sur son lit tout en continuant de le soigner de manière appliquée. Aucun des deux ne sait que dire, comment expliquer, aborder, une telle chose fut la pensée des seuls présents dans la pièce. Puis finalement, au choc de la plus âgée, Rin s'excusa, implora presque la pitié de son mentor.

Toi... toi aussi tu vas m'abandonner car mes actes sont horribles... que ma vie est un blasphème..? Désolé... désolé d'être faible ! Désolé d'être le fils de Satan ! Désolé d'avoir hérité des flammes bleu ! Désolé d'être une nuisance ! Désolé d'être irréfléchi ! Désolé de ne pas parvenir à me contrôler ! Désolé d'être né ! Mais... je t'en supplie ne me laisse pas tout seul ! Je ferai ce que tu veux, vraiment tout et n'importe quoi mais je t'en supplie ne m'abandonne pas toi auss-

Les larmes inondaient son visage déformé par la douleur et la tristesse, ce qui l'a arrêté s'avère être les bras de Shura entourant son corps dans une étreinte rassurante, protectrice ainsi que bienveillante. Toutes ces histoires font si mal, je ne crois pas que la mort de Shiro me fut si douloureuse ria amèrement et discrètement l'exorciste. Putain Rin... malgré notre début de relation complexe, en ce jour je suis véritablement prête à tout pour revoir ton sourire, un vrai sourire ne cachant plus ton malheur. Et tu veux savoir pourquoi je veux tellement cela ? Tout simplement parce que, qu'importe ton ascendance, qu'importe ce que les autres pensent de toi, tu es l'être qui mérite le plus au monde d'être sincèrement aimé.

Bien sûr ces pensées restèrent simplement dans la tête de l'exorciste confirmée, une certaine fierté refusant de dévoiler ses sentiments, même à son élève. Alors que les sanglots se voulant étouffés de l'aîné s'apaisent difficilement, la bicolore termine discrètement les soins tout en maudissant ses compétences. En temps que soigneuse elle devrait pouvoir faire disparaître de si faibles blessures mais Rin est à moitié démon, et les plaies ont été causées par une lame anti-démon. Savoir ses compétences de qualités mais pourtant inefficaces se trouve être horriblement irritant et désagréable. La seule chose utile qui peut être faite dans ce cas de figure, c'est de mettre des bandages en espérant que le corps semi-démoniaque de son élève guérisse convenablement.

Les deux se séparent doucement, aucun mot ne s'échangeant entre eux malgré que l'une le veuille, l'autre le redoute. Finalement, et contre toute attente, c'est la voix de Rin qui retentit à nouveau d'une façon bien plus calme et posée que précédemment.

《— Désolé de m'être lâché... tu n'aurais pas dû voir ça...
Et pourquoi pas ? Tu penses qu'agir de cette façon s'avère être la meilleure chose ?

Il y a eu un moment d'hésitation avant qu'une réponse positive ne résonne, faisant légèrement grincer les dents de Shura. Ce gamin préfère souffrir en silence que de parler, en un sens, c'est un de ses rares points communs avec l'autre quatre yeux pensa-t-elle ironiquement. L'épéiste parvint à la conclusion que ces deux frères sont de véritables idiots voulant se protéger mutuellement, néanmoins leur affreuse négligence l'un envers l'autre pourrait les conduire droit dans un profond précipice. Reprenant une grande inspiration calme, la bicolore questionne doucement le jeune adolescent.

Ces pensées, depuis quand les as-tu en tête ?
Peut-être... depuis la mort de pap-Shiro ?
Ça fait longtemps, où as-tu récupéré cette lame ? renchérit-elle.
Yukio, je lui ai piqué pendant qu'il corrigeait des copies.
Est-il au courant de la situation ?

Silence. Évidemment qu'aucune réponse ne vint étant donné que tous les deux la connaissent plus que bien. Rin redoute tellement ce que Yukio pourrait penser de lui après ça, pourrait-il le haïr encore plus ? Le trouverait-il répugnant et ignoble pour ses pensées sombres n'ayant pas lieu d'être vu sa chance d'être encore en vie ? Rin ne sait pas, et sans doute cela restera ainsi tant que ses sentiments seront tut à tous, mais cette solution s'avère être sa préférée. Les émotions sont une notion si abstraite qu'elles s'opposent souvent à la pensée, les paradoxes en résultant sont soit futiles, soit horriblement déchirants et douloureux.

Shura n'est pas très axée niveau psychologie, cependant cela ne l'empêche pas de comprendre son élève. Sans doute a-t-elle déjà ressenti cette peur quand l'ancien Paladin lui a témoigné pour la première fois de la colère. Dans le fond, le seul moyen d'être en paix est la parole, discuter avec ceux qui nous ont blessé pour pouvoir se comprendre mais cela peut être bien plus dur qu'on ne le croit.

L'exorciste ne doute pas un instant que Rin aurait pu essayer de parler, néanmoins l'a-t-on laissé parler ou être écouté ? Connaissant la situation actuelle et les caractères de ceux concernés, le plus probable est que personne n'a vraiment dû chercher à le comprendre. Dans ce cas de figure, pas étonnant que l'on se referme au point ou juste un simple mot peut tout faire basculer en un rien de temps. Ne sachant que faire, la hargne habituelle de l'épéiste ressortie pour essayer d'améliorer la situation, depuis quand réfléchit-elle autant après tout ?

Ce quatre yeux à deux balles t'engueulerait tellement de lui cacher ça et j'imagine même pas le vieux Shiro, il doit se retourner dans sa tombe !
Ouais... je fais que des bêtises...
Nan t'as pas bien compris Rin, tu n'as strictement rien fait de mal dans cette histoire. Shiro t'aime si fort, tu crois vraiment qu'il pourrait te renier pour une chose aussi futile ? Et puis Yukio, le binoclard le cache à la perfection mais il est constamment mort d'inquiétude pour toi. Il t'engueule pour te faire réagir, assiste à ton entraînement pour te motiver et n'agit pas en public car son statut d'exorciste l'y oblige. Bon j'avoue qu'il peut être de temps en temps -tout le temps- absolument abruti mais cela n'empêche en rien qu'il t'aime énormément.

La jeune femme sait qu'elle ne devrait pas être la porte parole des sentiments, évidents, de l'autre idiot à lunettes. Néanmoins la santé de l'aîné n'est-elle pas plus importante ? Bien évidemment que si alors tant pis si le cadet s'énerve contre elle, Rin doit absolument redevenir le même gamin bagarreur et joyeux qu'avant. Elle pensait par ailleurs que ses mots soulageraient l'aîné Okumura un temps soit peu, mais au contraire son expression devint d'avantage douloureuse sans savoir pourquoi.

Pour le demi-démon, savoir son cadet inquiet pour lui et toujours sur son dos pour le protéger provoque en son sein un horrible sentiment d'impuissance. Face à cela, sa voix décide indépendamment de lui d'exprimer pour la première fois depuis longtemps les émotions, et pensées, se cachant dans son cœur, et qui sont prêtes à imploser si aucun mots n'est échangé.

J'ai toujours été un cancre, enfin il s'agit des nombreux avis appartenant aux parents et déteignant sur leurs enfants. La seule chose que j'ai fait, s'est protéger Yukio ainsi que mes valeurs. Quand on me remerciait d'avoir aidé, j'avais l'impression d'être utile, que mes actions avaient un sens autre que celui d'être un démon avide de sang. Mais surtout je vivais, et j'ai toujours vécu pour voir Yukio réussir quitte à me mettre les pires crapules à dos, ou à échouer lamentablement à tout ce que je faisais. Cependant... maintenant, je ne suis qu'un poids mort qu'importe que je veuille bien faire ou non. Quand je veux aider Yukio ou que je lui sauve la vie, il m'engueule, depuis que j'ai libéré mes pouvoirs pour combattre Amaimon tout le monde me hait. Je préfère mourir que de voir mes proches blessés.

Shura réalisa quelque chose en entendant les paroles de son élève, une chose qui en expliquait tellement d'autres. Pendant ses observations, l'exorciste s'était toujours demandée comment son bleu pouvait être si inconscient du danger lors des missions des Esquires. Elle mettait cela sur le compte de son caractère fonce dans le tas et irréfléchi mais finalement il ne s'agit absolument pas de ça. En vérité Rin se fiche du danger, il considère que ses blessures seront moins douloureuses à supporter que de voir souffrir ses proches. Il préférerait mourir plutôt que de laisser des personnes proches à son cœur souffrir. Ce gamin... mérite vraiment plus que quiconque sur Assiah d'être heureux, pensa-t-elle douloureusement alors que le demi-démon continue son monologue.

Comme je l'ai dit.. je ne suis qu'un boulet dont personne ne veut. J'effraie tout le monde, ces derniers veulent ma mort, Mephisto semble s'en amuser un peu et Yukio se comporte comme en classe même ici. Je pensais que... si ma vie apportait vraiment tant de problèmes, eh bien... mourir aurait soulagé tout le monde du fardeau que je leur impose en respirant.

Une claque vola pour s'écraser sur la joue de Rin, il ne s'agit certainement pas de la meilleure action à faire en l'état néanmoins tout le calme de Shura s'est envolé brutalement. Elle est en colère de l'ignorance et de l'égoïsme de son élève en pensant ainsi, cependant sa conscience sait parfaitement que l'égoïste ici s'avère être elle-même. Comment en vouloir au gamin à qui on cache tout ? Comment le trouver égoïste alors que tout le monde lui ment inlassablement sur tout ? Comment en vouloir à celui qui essaie sans parvenir a réussir ? Comment en vouloir à l'enfant qui souffre sans parvenir à trouver d'épaule sur laquelle se reposer ? Mais cette réflexion ne l'empêcha point de hurler ce qu'elle pense vraiment, sans même prendre en compte un seul instant sa foutu fierté mal placée.

Écoutes-moi bien sale gamin si tu passes l'arme à gauche je te fais revivre avant de t'assassiner et de te maudire toute ta non-vie ! Je ne te le dirais pas deux fois alors ouvre grand tes oreilles, je t'apprécie énormément en tant que cadet, qu'élève, mais surtout en tant que personne ! Yukio t'aime sincèrement, et Mephisto ressent probablement une certaine sympathie envers toi sinon il ne t'aurait jamais laissé intégrer son école malgré tout le grabuge que tu pouvais engendrer ! Ne pense même plus à mourir au moins tant que tu n'as pas accomplit ton objectif car des personnes ne veulent pas te perdre !

Au début absolument aucun son, aucune réaction ne se produisit dans la pièce et ce, jusqu'à que les orbes vitreuses du sang-mêlé laissent s'écouler de nombreuses lourdes larmes sans bruyants sanglots. Rin pleure en silence tout en regardant Shura comme la première personne au monde lui disant ces mots, cette dernière toujours partagée par le chagrin et la colère décide d'à nouveau le serrer fort dans ses bras. Cette situation dure un moment, l'adolescent rendant l'étreinte avant de s'effondrer de fatigue sur l'épaule dénudée de l'adulte semblant morte d'inquiétudes et de remords.

Délicatement la professeur vient déposer confortablement l'enfant sur son lit, réajustant les bandages à ces bras avant de brièvement caresser ses cheveux bleutés ébouriffés. Elle couvrit son corps frissonnant, ferma la fenêtre laissant le froid d'automne entrer dans la pièce tout en se promettant plusieurs choses. Plus jamais elle ne laissera Rin tomber si bas, plus jamais elle ne laissera les idiots constituant sa classe s'en prendre à lui de quelconques manières que ce soit, et plus jamais le Vatican ne lui posera une patte dessus.

En paix avec ses résolutions la bicolore quitte la chambre pour laisser le gamin se reposer, offrant un regard noir à sa droite, endroit où se trouve Yukio. A-t-il tout entendu ? Une grande partie cela s'avère certainement, il s'agit de la raison pour laquelle l'exorciste prit la parole en première, avec un amer ressentiment dans la gorge.

Tu lui as laissé avoir cette lame en sachant pertinemment ce qu'il pouvait en faire, accusa-t-elle.
Je n'ai jamais envisagé un tel usage ! Et puis-
Yukio, protéger quelqu'un ne signifie pas forcément l'estamper de quelconque blessures. Rin est fort, Shiro n'a probablement pas demandé à ce que tu protèges ton aîné que physiquement, mais surtout psychologiquement. Désolée de te le dire mais Rin a toujours été aimable envers tout le monde, qu'importe que l'on veuille le tuer et il s'agit de la raison pour laquelle tu ressens du ressentiment. Tu lui reproches d'être gentil ainsi que naïf, de ne pas savoir où comprendre ce que tu lui caches, et cela fait vraiment de toi un piètre protecteur.

Les mots de l'adulte sont durs, plus que ce qui était voulu initialement, néanmoins elle estime dorénavant que Yukio ne doit plus être estampé de reproches. Jusqu'à maintenant la bicolore n'avait jamais fait de remarque sur son aptitude à prendre soin de Rin, les événements d'aujourd'hui constituent une raison suffisante pour lui exprimer ce que cet idiot de quatre yeux aurait déjà dû comprendre. Les choses sont pourtant si simples mais le cadet refuse que cela le soit alors l'aîné se retrouve bloqué sans possibilités quelconques. En un sens cela ressemble à ce que je ressens envers le gamin, est-ce ce sentiment qui nous assaille lorsque l'on s'inquiète pour un petit frère ? Sans doute, avoir un frère n'est pas si contraignant que l'on puisse le croire, murmura-t-elle à sa propre personne tout en quittant la bâtisse.

Yukio, laissé seul avec lui-même alors que les paroles de Shura ne cessent d'agiter ses pensées, pose alors distraitement son regard sur le corps endormi de son aîné. Ne savais-je vraiment pas la raison qui aurait pu le pousser à me subtiliser cette lame anti-démon, se questionna-t-il faiblement. Non, il ne pouvait pas deviner que Rin utiliserait cette arme ainsi, enfin il s'agit de la pensée qui n'a de cesse de l'assaillir alors qu'au plus profond de lui, la vrai réponse raisonne en écho. L'exorciste sait que sa collègue a raison sur toute la ligne. Yukio hait Rin pour être aussi naïf et crédule face à tous les évènements se déroulant, continuant de rire comme un idiot. Yukio hait Rin pour avoir tuer leur père. Yukio hait Rin car ce dernier n'a de cesse d'essayer de le protéger alors que c'est lui le plus accomplit. Yukio hait la promesse faite à son père envers le plus âgé des Okumura. Yukio hait Rin.

Et pourtant en voyant son aîné ainsi désespéré, désemparé et au bord du gouffre, son cœur ne peut s'empêcher de résonner douloureusement comme si il allait exploser d'une seconde à l'autre. Inconsciemment, le seul encore éveillé de la bâtisse s'assit aux côtés de son frère tout en observant tristement son visage humide ainsi que ses bras entourés de bandages. Alors, une pensée le traversa, le faisant mordre sa lèvre presque à sang. Je ne hais pas Rin... je hais la personne que je suis et qui t'infliges ma haine de moi-même. Le constat s'avère violent, mais ce dernier s'avère nécessaire si un autre événement de ce genre ne veut plus être à déplorer.

Yu..kio...

Le concerné sursauta, regardant dorénavant son aîné toujours endormi mais souriant alors que son nom fut prononcé. Les orbes bleutées du plus jeune s'embrumèrent alors de larmes, Rin, bien qu'inconsciemment, a prononcé son prénom avec tant d'affection malgré toutes les fois ou il a menacé de le tuer, que cela lui semble si irréaliste. Yukio fait tarir le plus rapidement possible ses sanglots silencieux, tout en se promettant de nouvelles choses. Je ne me comporterai plus comme les autres exorcistes voulant la mort de mon jumeau. Je le féliciterai quand il progressera sur la maîtrise de ses capacités. Je le gronderai toujours d'agir sans réfléchir, mais seulement pour lui montrer que je m'inquiète sincèrement. A partir d'aujourd'hui, j'agirai en faveur de Rin, comme papa l'aurait vraiment souhaité.

L'exorciste part, sans davantage tergiverser, de la chambre avec pour objectif de placer les points sur les i ainsi que les barres aux t. En espérant que plus jamais, les choses ne se passent ainsi et donc que le dernier membre de sa famille quitte ce monde par sa faute.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top