Scène IX.

 Allongés, enlacés dans le lit, Louis fume et Harry écoute sa respiration. Bercé par son rythme lent et calme, il commence à s'endormir. Ses paupières sont lourdes, ses membres noués par une douce fatigue, sa peau encore chaude. Une chaleur qui ne le quittera jamais. Qui s'accroche toujours.

Du bout des doigts, Harry retrace les tatouages de Louis, les plis soyeux de ses courbes au niveau de ses hanches, de son ventre.

La tête d'Harry posée sur son épaule, Louis tente de ne pas penser à leur proximité. Même si cela semble naturel, comme s'ils l'avaient toujours fait, il ne peut pas s'empêcher de se dire que cette nuit a tout pour être différente.

Plus aucun vêtement ne recouvre leurs peaux, ils sont nus à nouveau. Ils ont laissé leur corps s'aimer une nouvelle fois. Spéciale. Au goût d'adieu.

Ce sera certainement la dernière.

Le silence.

La chaleur.

La nuit.

Puis, Harry parle, la voix basse mais brûlante.

Harry : J'ai peur. J'ai peur du jour qui va se lever.

Louis : Il ne faut pas.

Harry : J'ai peur de ne plus rien ressentir après toi.

Louis : Ne dis pas ça, ne dis pas n'importe quoi. C'est impossible. Ne plus rien ressentir, c'est être mort.

Harry : Peut-être que je le suis. Peut-être que je suis au paradis même.

Louis : Ce serait ça, ton paradis ?

Louis a envie de lui dire qu'il a l'air bien triste, gris et froid. Mais, il se contente de fumer sa cigarette. Muet.

Toutefois, il remonte doucement son index contre la nuque d'Harry. Il sent sa peau frissonner et la naissance de ses cheveux, quelques mèches qui bouclent déjà. Et son souffle chaud contre son torse. Qui réchauffe tout son corps.

Harry : Oui (hoche la tête et regarde Louis). Oui ce serait ça.

Ils se détachent à peine, mais assez pour se regarder. Le regard d'Harry n'a jamais été aussi clair, limpide et l'air sur son visage aussi déterminé.

Louis le regarde, un long moment, sans rien dire. Il se demande même s'il n'oublie pas de respirer. Puis, il tend son autre main et passe son pouce contre la pommette d'Harry. La chaleur de la cigarette créée une effusion nouvelle contre sa peau.

Louis : Tu n'es pas mort, Harry. Tu es tout ce qu'il y a de plus vivant, crois moi.

Harry ne réfléchit pas. Il lève la tête plus encore, rapproche son visage et l'embrasse.

Pour le faire taire.

Pour ne pas oublier que ce baiser là sera peut-être le dernier.

Pour se souvenir ce que cela fait de se sentir vivre le temps de quelques heures.

Louis ne résiste pas. Il n'essaie pas de se dégager. De s'éloigner. Il appuie doucement sur la nuque d'Harry et rapproche leurs corps.

Parce qu'Harry est vibrant de lumière, de soleil, de vie, de couleur. Il repousse le noir, le triste, la solitude. Il occulte tout ce qui fait peur à Louis.

Peut-être que c'est ça, le goût du bonheur. Que c'est là, l'endroit précis où il peut le trouver. Sur les lèvres d'Harry. Encerclé par ses bras. Perdu dans ses yeux.

Leurs bouches ne se décollent que pour respirer. Que pour s'apprécier davantage encore quand elles se retrouvent.

Ils s'embrassent longtemps. Ils n'ont pas forcément besoin de se parler pour se comprendre.

C'est étrange. Louis n'a jamais connu ça.

Cette confiance.

Cette facilité à laisser quelqu'un entrer dans son espace et glisser sous sa peau.

Maintenant, ce sont leurs fronts qui se touchent. Les yeux fermés, ils reprennent leurs souffles. Les joues d'Harry sont rosées, Louis a oublié sa cigarette qui se consume entre ses doigts.

Harry : Je n'ai pas envie de retourner à la réalité. Je n'ai pas envie d'affronter le monde.

Ils restent ainsi. L'un contre l'autre. Plus proches que jamais.

Leurs nez se frôlent, leurs lèvres se cherchent mais ne se rejoignent jamais.

C'est une sorte de jeu. Un jeu dont ils ne connaissent et ne contrôlent pas les règles.

Les doigts de Louis descendent le long de sa colonne vertébrale, retracent la forme aiguë et saillante de ses os.

Louis : Qu'est-ce qui te fait si peur ?

Harry : De me retrouver tout seul.

Louis : Tu ne le seras pas. Jamais.

Harry : Comment tu peux savoir ?

Harry se recule et ouvre les yeux. Son corps ne quitte pas celui de Louis, sa chaleur, sa douceur. Mais il le regarde, les sourcils froncés.

Louis tend le bras, écrase sa cigarette dans le cendrier et se recouche correctement. Il passe un bras derrière sa tête, observe le plafond et puis pose ses yeux sur Harry.

Quand il le regarde, Louis se dit qu'Harry ne peut pas avoir peur.

Parce qu'Harry aime.

Vit.

Brille.

Sourit.

Espère.

Rit.

Il ne peut pas avoir peur de la vie. Il la croque à pleines dents. Il la savoure. Il l'embrasse et l'affronte.

Louis la subit, la porte lourdement sur son dos. Il la repousse, la déteste, l'évite. Il n'en veut pas.

Lentement, Louis se tourne sur son flanc. Ils se font maintenant face. Leurs visages séparés par quelques centimètres seulement.

Malgré la pénombre, les yeux d'Harry brillent encore. La lumière jaunâtre de la pièce caresse son épaule, sa hanche fine et courbée, la forme de ses fesses. Louis laisse son regard s'étendre sur lui, sur la superficie de son corps, les grains de beauté qu'il a pu embrasser et toucher un peu partout.

Une mèche bouclée lui tombe sur le côté du visage, presque devant les yeux. Louis la repousse, ses doigts frôlent sa joue et s'éternise dans ses cheveux.

Louis : Parce que tu vas retourner à ta vie. Tu auras du mal au début, peut-être. Mais tu vas rentrer dans ta routine, tu vas rencontrer d'autres personnes, tu tomberas amoureux, tu trouveras ton grand amour (ils se sourient tous les deux)... et tu m'oublieras.

Harry : Non. Non, je ne pense pas.

La voix d'Harry est assurée, certaine. Il secoue la tête vivement. Les lèvres de Louis s'arquent dans un léger sourire. Parce qu'Harry ressemble à un enfant. Parce qu'Harry ne semble pas encore avoir conscience des choses, avoir réalisé.

L'ampleur des mots.

L'intensité de cette seule nuit.

Mais, Louis ne lui dira pas.

Louis ne lui dira pas que ces quelques heures dans la pénombre et l'intimité d'une chambre d'hôtel ne quitteront jamais son esprit.

Que cette nuit, il a compris ce que cela signifiait de vivre.

Louis : Les gens m'oublient, Harry. Je ne suis qu'un corps, qu'un homme parmi les autres. Je ne suis pas irremplaçable, je n'ai rien d'unique, comme tu l'as dit. Tout le monde m'oublie.

Harry : Pas moi. Moi, je garderais éternellement le souvenir de cette nuit en tête.

Louis : Tu dis ça maintenant...

Harry (l'interrompt) : Et je le dirais encore dans vingt ans. Je ne peux pas t'oublier, je le sais.

Louis hausse un sourcil, perturbé et impressionné par son ton résolu.

Il baisse sa main, quitte la douceur de ses cheveux et la ramène contre son corps.

Harry la saisit, noue leurs doigts et les garde entre eux.

Louis : Tu le sais ?

Harry : Oui, je le sens. C'est tout. C'est en moi.

Je t'ai sous la peau.

Mais ça, Harry ne le dit pas à voix haute. Il le garde pour lui. Ce sera son secret.

Cette fois, c'est Louis qui se penche pour combler la distance entre eux et réunir leurs lèvres à nouveau.

Il l'embrasse jusqu'à en perdre le souffle,

il l'embrasse pour lui faire comprendre que c'est réciproque,

il l'embrasse pour lui montrer que s'il le pouvait il lui demanderait de rester,

il l'embrasse pour garder ancré en lui le souvenir de cette nuit.

Unique.

Un goût salé se mêle au baiser. Ce sont les larmes qui coulent sur les joues d'Harry. Parce qu'il n'a pas menti. Il le sent partout en lui.

Il sent Louis.

Ces dernières heures, il a senti le poids de son corps partout sur le sien.

Et là, il sent que cette nuit touche à sa fin.

Ils ne font pas l'amour.

Pas vraiment.

Ils se contentent de s'embrasser au milieu du lit défait, jusqu'à perdre le souffle, jusqu'à voir des étoiles, jusqu'à sentir son cœur pulser sous la peau.

Et c'est suffisant.

Harry pleure longtemps. Louis sèche ses larmes par de tendres baisers, parfois ses lèvres, mais son visage aussi.

Harry s'accroche à lui, à son corps, à ses épaules, son dos, sa nuque. Il le supplie silencieusement de ne pas partir.

Harry laisse Louis l'enlacer, le prendre dans ses bras, calmer ses sanglots et effacer ses peurs.

Louis le berce, il caresse ses cheveux, embrasse sa nuque, son épaule, le haut de son dos entre ses omoplates. Sa peau frissonnante est d'une douceur infinie, celle du coton, et elle a l'odeur de la lavande.

Il se souvient encore avoir lavé le corps d'Harry avec l'un de ces carrés de savon posés sur le bord de la baignoire. La mousse qui a recouvert ses membres et la chaleur de chaque surface où il passait ses doigts.

Tout ces gestes lui étaient inconnus il y a quelques heures encore, et pourtant ils sembles totalement naturels.

Cette nuit, c'est exactement comme si tout cela avait déjà existé entre eux.

Harry (murmure à peine audible) : Je ne t'oublierai pas...

S'il respirait trop fort, Louis n'aurait certainement pas entendu ses mots.

Mais ils sont parvenu jusqu'à ses oreilles, jusqu'à son cœur. Il les enferme là, chaudement, pour ne jamais les oublier eux non plus.

Il ne répond pas.

Il serre simplement le corps d'Harry davantage contre le sien et l'encercle de ses bras.

Pour le protéger du monde.

De l'amour.

Et des premières lueurs du jour qui se lèvent.

Épuisé, Harry ne sent pas ses paupières se fermer.

Elles sont lourdes. Il ne les contrôle pas.

Les caresses et le souffle de Louis le plongent dans un demi sommeil.

Un endroit où tous les plus beaux rêves sont réalisables.

Un endroit où l'amour n'a pas de limites.

Un endroit où cette nuit ne s'arrête jamais.

Et il s'endort.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top