CHAPITRE 9

Marylin

Démoralisée par mes pensées, je juge du regard chaque couple qui ose se pavaner sous mon nez. Le bonheur qu'ils renvoient me donne la gerbe, me met hors de moi et par-dessus tout me brise le cœur. Pourquoi pas moi ?

Mon menton posé sur mes avants-bras qui encerclent mes jambes, je ne prends pas la peine d'essuyer les larmes qui chatouillent mon nez et mes lèvres, trop accablée par la tristesse pour m'en débarrasser d'un revers de main.

L'amour. Ce n'est beau que dans les romans, dans les films à l'eau de rose, dans notre imagination. Ces Disney qui nous assurent que les protagonistes « vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants » afin de nourrir ce rêve de petite fille qu'est de trouver son prince charmant.

Je leur en veux tellement d'avoir fait croire que cela était véritablement possible.

Ces histoires sont écrites pour que les fillettes voient l'homme comme un être indispensable à leur épanouissement, à leur bonheur, à leur vie.

Alors qu'ils sont une calamité indéniable et que chaque femme sur cette terre se porterait bien mieux si ses yeux ne croisaient jamais ceux du sexe opposé.

Mais j'ai très vite découvert et cerné ce bas monde : être bercé de doux mensonges est bien plus réconfortant que de faire face à des vérités amères et violentes.

Et comme je regrette de le constater à un si jeune âge ; mes yeux d'enfant me manquent maintenant qu'ils doivent affronter la cruauté de l'humanité.

Ce n'est pas en te lamentant sur le perron que tu montreras à la gent masculine la femme époustouflante que tu es.

Ma capuche se fait tirer en arrière afin que mon visage soit à découvert.

Montre-moi ce joli sourire qui n'a pas besoin d'être provoqué par un homme pour voir le jour.

Face à mon silence assourdissant, ma tante s'installe à mes côtés, son attention scrutant à son tour les passants tendrement amoureux sur le trottoir.

Tu te fais du mal volontairement à observer la rue un quatorze février...

Pourtant c'est le meilleur moment pour remarquer à quel point le reflet d'un couple peut être trompeur.

Je me fais peut-être du mal, mais en attendant, parmi ces dizaines de couples, il y en a un qui a une maîtresse, un autre qui se lasse, un autre qui envisage de quitter sa partenaire d'ici peu... Tout n'est que façade, tout n'est qu'une question de temps. Parce que rien ne dure éternellement.

Je ne relève pas le long soupir expiré par ma tante, bien trop préoccupée à dévisager le monde extérieur.

J'ai mûri à l'aide de ses sages paroles et, plus je grandis, plus je constate leur véracité.

Tu veux en parler ?

On sait que les hommes sont juste des incapables. Alors je ne suis pas sûre qu'il y est quoi que ce soit d'autre à ajouter. Je renifle.

Marylin, ça suffit.

Ses chaudes mains saisissent mon visage afin que mes yeux rougies découvrent les siens, à la fois attristés et consolants.

Comment peux-tu, à seulement quinze ans, être si faible d'esprit ?

Malgré sa voix dure à mon encontre, l'émotion qui se dégage de son visage s'avère bien plus douce.

Ne pleures pas parce que tes sentiments ont été rejetés. Ne perds pas confiance en toi parce que ta valeur n'a pas été reconnue. Ne faiblis pas parce que ton honnêteté n'a pas payé.

Ses pouces viennent sécher et réchauffer mes joues qui n'en demandaient pas plus.

Au contraire, nourris-toi de toutes ces épreuves que tu penses être des échecs et deviens cette femme fatale qui parviendra à faire tomber chaque homme à ses pieds.

C'est elle. Mon exemple, la femme à laquelle je souhaite le plus ressembler. Cette femme déterminée, épanouie, qui n'a pas besoin de s'accaparer l'attention d'un homme pour exister.

Un homme ne sera jamais un besoin dans ma vie, et encore moins une nécessité.

Et qui n'hésitera pas un instant à lui marcher dessus pour encore mieux régner. Termine-t-elle.

Il sera simplement un rocher encombrant que je dégagerais, hors de mon chemin, et ce la tête haute.

Mon regard perdu dans le vide, je fais à peine gaffe à mes céréales qui se noient dans le fin fond du bol à cause du lait. Je m'amuse à l'aide de ma cuillère à trier ma nourriture qui ne demande qu'à être engloutie puis je reprends bien vite mes esprits à cause de la bruyante sœur que je me coltine depuis trop d'années maintenant.

Lara sautille grâce à la bonne humeur qu'émane d'elle, que je ne partage pas du tout en cette fin de matinée.

— J'ai pas vraiment l'impression qu'il pleuve. M'enlève-t-elle ma capuche. Et un pull ? Sous trente degrés ? Peut-être t'es une psychopathe on sait pas.

Je lui lance un regard noir qui la dissuade de poursuivre sur sa bonne lancée ; mon visage fermé suffit à calmer ses pulsions matinales et j'accentue davantage ma mauvaise humeur en soupirant.

— Quelle idée de découcher aussi... Râle-t-elle.

— La ferme ou je t'emmène pas.

— Pas très dérangeant. Je demanderai volontiers à Wesley-

Ma sœur n'a pas le temps de déblatérer la suite de sa sottise qu'elle se fait interrompre par le bruit d'un moteur.

— Estime-toi chanceuse, ce n'est pas ton meurtre qui est prévu au programme.

Je remets ma capuche sur le crâne puis fonce tête baissée prête à en découdre.

Debout sur le seuil de la porte, j'observe Wesley se donner en spectacle en tondant la pelouse. Je ne prends pas le temps de me rincer l'œil – ce n'est pas comme s'il y avait quelque chose à mater, de toute façon – puis m'écrie bien assez fort pour qu'il m'entende malgré le bruit fracassant du moteur :

— T'es l'aide à domicile de ma grand-mère ou un acteur porno ? La différence a du mal à se faire percevoir, désolée.

Ses lèvres s'élargissent aussitôt à la vue de mon agacement et je commence à regretter mes pensées de la veille ; pourquoi m'intéresserais-je à ses problèmes étant donné l'emmerdeur ambulant qu'il se trouve être ?

Plus je l'observe me sourire avec insolence, plus l'envie de le massacrer semble être une bien meilleure idée que de découvrir ce qu'il cache.

Qu'est-ce que je mens mal, c'est affolant.

— Tu disais ? Je n'ai pas pu entendre tes jérémiades grâce à cette tondeuse.

— Bientôt non seulement tu ne pourras plus les entendre, mais en plus tu ne pourras plus t'en moquer.

Ce satané sourire scotché à sa bouche m'irrite plus que je ne voudrais le laisser paraître ; peut-être parce qu'il n'a rien d'angélique comme ma famille m'oblige à le croire.

— Les menaces inlassablement proférées ne font plus effet au bout d'un certain temps, t'en as conscience ? Tu devrais peut-être songer à passer à l'acte.

Sous mon regard meurtrier, cet abruti allume de nouveau le moteur, toujours sans remettre un t-shirt et sans abandonner cet air grossier.

Agacée par le comportement arrogant de cet énergumène, je lui offre mes deux majeurs – puisqu'il n'en mérite pas moins.

— Je regrette vraiment de ne pas avoir plus de mains ! Lui crié-je par-dessus le bruit du moteur.

— Où sont donc passées tes bonnes manières, Marylin ?

Je lâche un hoquet de surprise tout en sursautant légèrement, stupéfaite par la présence de ma grand-mère à ma droite qui me foudroie du regard.

— Désolée mamie, mais tu n'as pas le temps de m'engueuler, avec Lara on est pressées !

Je parviens à m'échapper des griffes du lion sans encombre puis accours jusqu'à la salle de bain afin de me préparer, tout en prévenant ma sœur d'en faire de même.

Je déteste être en retard, pourtant on dit toujours « le meilleur pour la fin » et qu'est-ce que j'adore me faire désirer ; c'est sans aucun doute pour cette raison que je ne change pas mon manque de ponctualité, n'en déplaise qu'aux autres.

— Lara, on bouge !

J'embrasse ma grand-mère sur le front, posée sur le canapé à regarder une vieille série qui passe à la télévision.

— On risque de passer la journée dehors aujourd'hui, ne nous attends pas pour dîner. Ça va aller ?

— Ne vous en faites pas pour moi. Répond-elle quand Lara fait irruption. J'ai de quoi bien m'occuper moi aussi.

On la salue une dernière fois puis quittons la demeure d'un pas rapide, l'audition de la pièce de théâtre débutant dans moins de vingt minutes.

Moi qui pensais partir l'esprit tranquille et sans embûche, j'avais visiblement oublié que l'autre abruti était toujours dans les parages. Ce que ma sœur ne rate évidemment pas.

— Salut Wesley !

— Hey, Lucky Luke. Comment ça va ?

Je souffle longuement en tirant ma sœur vers moi.

— On n'a pas le temps pour les banalités.

— Comme c'est déprimant de t'entendre. Râle Lara.

Je presse le pas pour sortir de cet enfer le plus rapidement possible, mais je suis forcée de noter qu'avec ces deux-là c'est peine perdue.

— Vous allez quelque part ?

Oui, là où il n'y a pas ta gueule.

Mais comme je suis une personne un minimum civilisée, je m'arrête dans ma démarche pour lui répondre de manière retenue :

— T'as pas des tâches à faire, toi ?

— Parler à une jolie fille en fait partie.

Je le juge un moment, dégoûtée par sa tentative de drague toute pétée, alors que ma sœur apprécie cette remarque impertinente.

— OK, playboy, je pense qu'Ajaccio regorge assez de jolies filles pour que tu laisses ma sœur tranquille.

Un sourire plus que charmeur s'empare de son visage quand il s'amuse à prononcer narquoisement :

— Je n'ai pas précisé laquelle.

Prise au dépourvu, j'ouvre la bouche pour tenter de répliquer quelque chose, n'importe quoi, afin de ne pas montrer que ce commentaire vient de me déstabiliser ; mais je suis trahie par mes joues qui s'empourprent.

Honteuse. C'est ce que je suis. Rougir pour une chose aussi pathétique. Et qu'est-ce que je déteste cette sensation provoquée par la gent masculine.

Je décide de tourner les talons, préférant fuir que d'affronter son regard qui en dit long sur ses pensées.

— Essaie encore. M'éloigné-je. Je suis sûre que tu peux mieux faire.

Je pousse ma sœur vers l'avant sans pour autant couper notre contact visuel.

— J'y compte bien, trésor.

Je me dépêche à détaler de cet environnement étouffant sans tarder davantage, son regard insistant me donnant plus chaud que le soleil lui-même, et je n'ai pas envie de mourir cramée.

Même si ça m'a l'air moins douloureux que mourir de honte.

Je pose une dernière fois mon attention sur sa personne et m'attarde un peu trop longtemps sur son torse. Je relève les yeux pour examiner son visage qui est désormais concentré à effectuer le travail demandé par ma grand-mère.

Et, malgré moi, malgré son côté détestable et mes envies de meurtre à chaque fois qu'il ouvre la bouche, l'envie de déceler un de ses secrets s'installe lentement mais sûrement dans ma curiosité mal placée, que je compte assouvir dans, j'espère, les plus brefs délais.

Lara, silencieuse jusqu'à présent, me fait immédiatement part de son excitation une fois loin de la maison.

— Je rêve ou il vient de te draguer ouvertement ? Hallucine-t-elle.

— C'est un séducteur. Fuis ce genre d'hommes, Lara, et tu verras que ta vie amoureuse ne s'en portera que mieux.

Autrement dit, c'est tout ce que je déteste chez un homme. Vouloir prouver qu'il peut plaire juste pour booster son égo surdimensionné me répugne au point d'être capable d'en vomir.

Pour s'occuper en chemin, Lara tente de me voler mes lunettes de soleil à maintes reprises sans, évidemment, parvenir à ses fins. Je ne manque pas de riposter par un croche-patte pour la dissuader de recommencer une énième fois, cependant cet acte n'a pas l'air de la décourager pour autant, bien au contraire.

— Je savais que je n'étais pas assez sévère avec toi quand je te menaçais seulement de te faire boire de l'eau de javel ou de te laver avec ton urine.

— Aujourd'hui je prends vraiment conscience de la grande sœur indigne que tu as osé être tout au long de mon enfance...

Je tourne la tête de gauche à droite pour pouvoir nous engager sur le passage piéton que nous nous apprêtons à franchir.

— Je suis persuadée que tu en aurais fait tout autant, malheureusement pour toi je suis née en première. Lui lancé-je un clin d'œil.

J'ai à peine le temps d'avancer que la voiture, qui était à trente mètres de là il y a encore quelques secondes, fonce à vive allure ne respectant ainsi pas le code de la route.

— Gros connard ! Je lui fais un énorme doigt, puis un deuxième, puis quatre en volant ceux de ma sœur. Reviens là que je te fasse bouffer tes pneus et ton essence, pauvre nigaud va !

Alors que la voiture s'éloigne déjà, nous traversons le passage piéton pendant que je continue à jurer dans ma barbe à cause du conducteur. Le jour où un automobiliste respectera le code de la route, je serais déjà six-pieds sous terre et ce depuis belle lurette.

— Tu vois Marylin, c'est exactement pour cette raison que tu resteras seule à jamais.

— Et ai-je un jour dit que cela me dérangeait ? Pas le moins du monde.

S'ils n'existaient pas, la route ne s'en porterait que mieux. Les familles victimes de leur dangerosité également.

La sonnerie du portable de ma petite sœur me sort de mes pensées à temps et je ne manque pas de lâcher un gros soupir quand les premiers mots qui sortent de sa bouche sont « Maman! Papa! ».

Je prends une avance considérable sur ma sœur dès que nous regagnons le trottoir, souhaitant à tout prix éviter cet appel.

Ce n'est pas la première fois que je tente de les esquiver ; à vrai dire, je ne les ai toujours eu au téléphone depuis que j'ai posé les pieds sur le territoire Corse. Et je ne m'en porte que très bien si quelqu'un veut mon avis.

Un avis que ma famille ne partage pas, en l'occurrence.

— Marylin ? Elle ne vous a toujours pas contacté depuis notre arrivée ? Comme ça m'étonne peu, vous savez comment elle est hein...

Cette pétasse articule haut et fort afin de me faire réagir à sa remarque désobligeante, mais je n'y prête guère attention poursuivant ma route jusqu'au théâtre Espace Diamant où nos amis nous attendent avec impatience.

Une dizaine de minutes s'écoulent avant que Lara et moi-même rejoignons, d'un pas discret,  Lennie et Teresa déjà assises sur les sièges.

Je retiens un fou rire quand j'observe Alex et Bastian sur scène qui tentent de faire une audition potable devant les visages décomposés du producteur, du metteur en scène et surtout du directeur de casting qui regrette d'avoir choisi des profils si lamentables.

Je pique quelques pop-corn que les filles ont acheté afin de se foutre de leurs gueules jusqu'au bout. Comme chaque année désormais. Et je crois que, cette fois-ci, ce moment risque d'être plus mémorable que les étés précédents puisque le genre de la pièce de théâtre est la comédie musicale. Ils ont osé tapé fort cette année et je les remercie d'avance pour les nouvelles anecdotes débloquées.

Ils ne savent pas danser et encore moins chanter. Le fou rire est assuré avec ces deux-là, et je suis surprise qu'ils ne soient pas encore virés du casting car cela se voit comme le nez au milieu du visage qu'ils se foutent ouvertement des gueules des professionnels.

— Dis-moi que j'ai pas raté la meilleure partie. Chuchoté-je à Teresa.

— Ils n'ont pas encore fait résonner leur incroyable talent.

Je me mords l'intérieur des joues pour m'empêcher d'éclater de rire mais nos gloussements attirent tout de même le regard noir du metteur en scène.

On se fait toutes petites au fond de la salle et nous toussons afin de calmer notre fou rire interminable. Compliqué d'être sérieuses quand deux idiots font les pitres sur scène.

— Lucas ne vient pas ? Remarqué-je son absence.

Les filles se regardent un moment jusqu'à ce que Teresa se décide tout de même à me délivrer une réponse honnête :

— Aucune idée. On est rentrés tard hier mais il nous a quitté en cours de route.

Je hoche simplement la tête, déçue. Lucas n'a jamais raté ce moment qui est désormais devenu une tradition au fil du temps.

Lara me donne un coup de coude afin de me remettre les idées en place.

— Ne t'attarde pas sur lui, sinon comment vas-tu réussir la mission de sauvetage ? Reprends du poil de la bête, grognasse.

J'esquisse aussitôt un sourire, ses paroles me réconfortant sur le moment ; tout n'est pas perdu. Je dois simplement raviver les sentiments qu'avaient Lucas à mon égard à l'époque, j'y crois. Et c'est tout ce dont j'ai besoin pour y arriver. J'y crois pour nous deux et j'en ressortirai triomphante.

— Le jeu d'acteur est à revoir... Note le metteur en scène.

— Ça ne sera pas la seule chose à revoir quand il les aura entendu chanter... Pouffe Lennie.

— Et vu danser ! Rajoute Teresa.

Les filles explosent de rire et, malgré mes nombreuses tentatives, je n'arrive pas à me remettre totalement dans l'ambiance.

Mes pensées sont toujours tournées vers Lucas, déçue de noter son absence et anxieuse à l'idée qu'il est en train de faire quelque chose de mieux que de profiter de cet instant avec nos amis.

Leur fou rire résonne dans la salle ce qui provoque les trois regards noirs des professionnels sur nous. La grosse voix ferme du directeur de casting s'adresse aussitôt aux filles à mes côtés :

— Mesdemoiselles, c'est un projet sérieux et qui demande beaucoup de concentration. Si vous vous croyez dans une cour d'école, je vous prie de quitter ce lieu immédiatement.

Alors que leur rire avait redoublé après avoir croisé le regard d'Alex et Bastian sur scène, elles posent une main devant leur bouche pour se calmer.

Je m'en veux de songer aux occupations de Lucas plutôt que de profiter du bon moment avec mes amies, alors je décide de me lever pour quitter la salle.

— Faut que j'aille aux toilettes, je fais vite.

Je sors du théâtre afin de prendre l'air et calmer mes nombreuses pensées qui le concernent ; je ne peux pas continuer à me tourmenter de cette manière jusqu'à la fin de l'été.

Il a embrassé Poema lors de cette soirée. Ils ont peut-être couché ensemble. Pas peut-être.

Mais peut-être était-ce sur le moment, dans le feu de l'action ? Deux êtres qui s'attirent ne peuvent s'empêcher de trouver le chemin vers l'autre.

Il ne cherche qu'à s'amuser – selon ses propres dires – mais ce n'est qu'une phase à laquelle je compte mettre un terme. Parce que je suis persuadée que, même si les sentiments deviennent amicaux, même s'il y a une rupture, même si la personne change, il y aura toujours une partie de notre âme qui aimera une partie de la sienne et ce jusqu'à la fin de notre vie.

Une personne véritablement aimée ne peut s'effacer de notre cœur et pour cause, la sincérité des sentiments.

Concentrée à mettre de l'ordre dans mes pensées, je percute quelqu'un à force d'avancer et de reculer en plein milieu du trottoir.

Je me retourne vivement afin de m'excuser auprès de l'inconnu mais je soupire avant d'afficher un air ennuyé devant cet abruti. Encore lui, purée.

— Décidément, tu es toujours sur ma route. Rétorque-t-il.

— Malheureusement serait l'adverbe le plus adapté.

  Un rire mesquin sort d'entre ses lèvres avant de prononcer :

— Le malheur des uns ne fait-il pas le bonheur des autres ?

Je croise les bras, nullement décontenancée mais plutôt exaspérée par sa tentative de flirt.

— Toi qui m'avais assuré t'améliorer, tu régresses.

— Déçue, trésor ?

Son sourire moqueur me tend alors je balance sèchement :

— Arrête ce petit jeu, ça ne marche pas avec moi.

— Pour le moment.

Je sais que je perds mon temps à lui répondre étant donné qu'il possède, visiblement, réponse à tout.

Cependant, je me surprends à apprécier cet échange – il ne faut pas se méprendre, c'est seulement parce que, pendant ce court instant, mon cerveau ne se soucie pas de Lucas et mon cœur l'en remercie.

— On peut savoir ce qui t'amène ? Changé-je de sujet. Il me semble que ta place est aux tâches ménagères.

— Il faut croire que ta sœur n'arrive plus à se passer de moi. Secoue-t-il son téléphone sous mes yeux attentifs.

Cette pétasse. Qu'elle profite tant qu'elle le peut, je n'autoriserai jamais que cette relation puisse voir le jour.

Wesley me devance et entre à l'intérieur en premier. Tel le gentleman qui sommeil en lui, je manque de me prendre la porte dans la gueule.

— Quelle enflure ce mec.

Remontée contre cet acte déplorable – je jure qu'il ne mérite pas qu'une femme tombe amoureuse de lui – je parle dans ma barbe, toujours devant la porte.

Évacuer me fait un bien fou, étant donné que toute cette frustration ne vient pas seulement de son comportement discourtois, de toute évidence.

— Qu'est-ce que cette porte t'a donc fait pour mériter tant de haine ?

Je me raidis à l'entente de cette voix masculine si proche de mon oreille. Le reflet de sa personne sur la porte m'indique que je ne fais pas erreur, puisqu'il recule avec toujours le même sourire angélique placardé sur son doux visage.

Cependant, mon corps cache une silhouette qui se tient à ses côtés ; je leur fais face et j'ai presque un haut-le-cœur quand je m'attarde sur leur proximité.

Poema, au bras de Lucas, agissant comme s'ils sortaient vraiment ensemble. Ce qui n'est pas le cas, pas vrai ?

— C'est maintenant que vous arrivez ? Lâché-je nonchalamment.

— Pas facile de réveiller un paresseux comme celui-ci. Ricane-t-elle.

— Pas ma faute si tes bras sont si confortables.

Je ne parviens pas à me retenir de faire une grimace de dégoût, des frissons me parcourant l'échine.

— Vous pouvez discuter ailleurs ? Vous gênez le passage.

Un groupe de trois mecs apparaissent derrière mon dos et, quand ils arrivent à notre hauteur, je me mets à les fixer intensément.

— Vous aussi vous avez assistez à l'audition d'un ami ? Questionne Lucas.

— Elle espère avoir le rôle principal, mais comme elle n'est ni chanteuse ni danseuse, on est venus voir le fabuleux fiasco qui s'annonçait.

Ils rient tous à l'unisson tandis que je reste stoïque, des pensées m'envahissant tout d'un coup.

Je croise le regard du premier qui s'avance, et mon cerveau ne réfléchit pas à deux fois aux futures conséquences de mes actes.

— Je t'attendais. Souris-je.

Je l'ai attrapé, et je l'ai embrassé.

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