Chapitre 19

Louis se tenait derrière le comptoir de la boulangerie locale, avec son filet à cheveux et portant un tablier blanc lui donnant l'air de sortir tout droit d'un laboratoire scientifique. L'uniforme était le principal inconvénient à travailler ici ; à part ça, il appréciait énormément ce boulot. Quand Harry lui avait d'abord suggéré d'essayer de postuler pour le boulot dans la petite boutique, vendre du pain, des gâteaux et de mignonnes petites miches à la croûte épaisse et non transformées à de vieilles dames ou à des bambins roucoulants qui quittaient le magasin avec les mains collantes, Louis n'avait pas été très emballé. Il ne pensait pas que ça ferait beaucoup de bien à son ventre, pour commencer, cependant Harry insistait sur le fait qu'il aimait les 'courbes' de Louis (« Tu me donnes l'impression de ressembler à Betty foutue Boop ou autre, » avait grommelé Louis) et qu'il pouvait manger autant de gâteaux qu'il voulait, il serait toujours la personne la plus sexy dans la pièce. D'autre part, il ne savait pas faire de la pâtisserie. Il avait essayé de faire un gâteau à Anne pour la remercier de le laisser rester chez eux pendant aussi longtemps, et il avait fini par transformer la cuisine en un site d'explosion de bombe à farine et la pâte à gâteau avait inexplicablement fini partout, même sur la poignée de la porte et avait éclaboussé la fenêtre. Elle avait été très gentille à ce propos, et lui et Harry avaient scrupuleusement nettoyé la cuisine, mais pendant qu'ils prenaient le thé ce soir-là, elle avait gentiment suggéré que Louis ne fasse peut-être plus de cuisine dans la maison, et il avait acquiescé avec embarras.

Cependant, Harry avait réussi à le convaincre, Louis avait fini par aller à l'entretien d'embauche et avait réussi à décrocher le boulot avec facilité, vendant à présent du pain et des gâteaux avec un grand sourire. Harry aimait le taquiner à propos du filet à cheveux et le reniflait profondément à chaque fois qu'il rentrait à la maison le soir, enfouissant son visage dans ses cheveux avec un « Mmm, tu sens bon, » savourant l'odeur sucrée des glaçages et celle du pain chaud tout juste sorti du four qui flottaient autour de Louis lorsqu'il rentrait et qui ne semblait ne jamais réellement le quitter. Mais le plus important était que Louis pouvait travailler pendant plein d'heures supplémentaires pour ne pas distraire Harry pendant qu'il étudiait pour ses examens approchant rapidement – « bébé, je t'aime mais je ne peux pas me concentrer sur mes maths ou ma science et tous ces autres trucs qui cassent les couilles pendant que tu me fixes » - et la paie était bonne, alors il gagnait rapidement de l'argent. Ils avaient l'intention d'aller voir quelques appartements plus tard ce mois-ci, quand la mère de Harry pourrait venir avec eux pour s'assurer qu'ils ne se fassent pas duper et pouvoir vérifier certaines choses comme l'humidité, la qualité du papier peint et tous ces trucs dont ils oublieraient certainement de se soucier, et quand Louis aurait assez d'argent de côté pour être capable de payer en toute sécurité plusieurs mois de loyer en avance s'il avait à le faire. Les révisions de Harry semblaient bien se passer ; il était intelligent, avait une bonne mémoire et était convaincu qu'il réussirait la majorité, si ce n'était tous ses examens sans trop de peine. La vie était simple, et c'était agréable de ne pas devoir cacher quoi que ce soit ou avoir honte de qui il était.

A plusieurs reprises, Louis avait vu sa famille en ville. Il avait vu sa mère dans la rue avec les jumelles, qui avaient poussé un cri et essayé de courir vers lui, mais elle lui avait jeté un regard noir et les avait rapidement éloignées. Lottie était venue dans la boutique un jour avec ses amies pour acheter un bonhomme en pain d'épices, et elle fut surprise mais heureuse de le voir là. Felicite lui avait expliqué la situation en privée et elle savait pour Harry, et elle semblait l'accepter, bien qu'elle fut plutôt méchamment amusée que Felicite nourrisse toujours son béguin d'écolière sur le garçon qui sortait avec leur frère. A présent, elle passait assez régulièrement pour acheter quelque chose et le voir.

Felicite avait, elle-même, fait plusieurs sorties avec Louis, Harry et leurs amis, au cinéma ou pour voir quelques groupes locaux, et elle était énormément sortie de sa coquille. Elle était capable de voir le côté amusant de son engouement pour Harry, réussissant même à le taquiner quelques fois à propos du fait qu'il l'attisait dangereusement, et elle s'entendait bien avec Niall et Zayn – Niall parce que Felicite avait l'âge où tout était drôle et elle avait tendance à rire follement toutes les cinq minutes, et Niall trouvait également que tout était hilarant, alors ils s'asseyaient ensemble à rire de tout et rien à la fois. Zayn s'entendait bien avec elle parce qu'il avait plusieurs petites sœurs qui avaient à peu près son âge et il savait comment parler aux enfants, et également parce qu'ils avaient tous les deux tendance à se taire et à ressasser des choses, alors ils pouvaient s'assoir ensemble dans un silence mutuel désiré de tous leurs êtres et ne pas se sentir isolés ou exclus de quoi que ce soit. Louis aimait pouvoir assembler certaines pièces de sa nouvelle et ancienne vies ensemble, et bien qu'il faisait semblant de ne pas se soucier de ne pas avoir encore trouvé une place pour que sa mère et son père puisse s'y rattacher également, il entretenait secrètement le minuscule espoir qu'un jour, peut-être, il y aurait une sorte de petite résolution entre eux. Il ne pensait pas que Jay accepterait pleinement sa sexualité ou sa relation avec Harry, mais il espérait qu'un jour elle s'adoucirait assez pour arrêter d'avoir une mine renfrognée à chaque fois qu'elle le voyait dans la rue, et que ses sœurs arrêteraient de lui raconter tristement les choses méchantes qu'elle disait à son sujet de temps en temps.

Il n'y croyait pas vraiment, mais il espérait.

**

Louis travaillait dernière le comptoir un mardi après-midi grisâtre. Ce n'était pas une mauvaise journée, pour ce qui était du temps, mais le ciel était de la couleur d'un drap autrefois blanc qui avait été lavé un peu trop souvent, jusqu'à ce qu'il soit blanc-grisâtre, et le soleil était caché derrière une couverture de nuages ternes. Ce n'était pas une journée froide, ni même une chaude, mais quelque part entre les deux. Bref, c'était un temps typiquement britannique ; ni particulièrement agréable ni particulièrement terrible, mais les gens continuaient d'acheter du pain, alors c'était une journée parfaitement bonne pour Louis. Deux adolescentes de l'école de Harry, qui étaient venues acheter un muffin aux pépites de chocolat tous les jours depuis une semaine, en avaient à nouveau acheté et étaient restées dans la boutique à grignoter comme des chipmunks, lançant des regards furtifs à Louis et gloussant, elles étaient restées près de la fenêtre, mangeant leurs muffins et chuchotant entre elles. L'une était une blonde avec une queue de cheval et avait de l'eyeliner seulement en dessous de ses yeux, comme si elle avait oublié de faire le reste. Son amie avait des cheveux abîmés et hirsutes qui avait été teints trop de fois pour distinguer la couleur dont ils étaient censés être, cependant les racines semblaient pouvoir être un brun terne, et elle avait l'air d'être en train de muer comme un serpent, bien que son visage était assez beau. Louis avait la vague impression qu'il leur plaisait, et il n'avait pas le courage de leur dire qu'il était un peu trop amoureux d'un certain punk aux yeux verts pour remarquer leurs avances.

En parlant du diable – ou de l'ange, selon l'avis de Louis – la petite cloche au dessus de la porte résonna, faisant un bruit impressionnant pour une telle minuscule chose en argent. La plupart des cloches au dessus des portes des boutiques avait tendance à tinter doucement, mais celle-ci semblait déterminer à défier toutes les règles, en étant à la fois extrêmement bruyante et extrêmement peu mélodieuse, et il était possible de l'entendre même dans l'arrière-boutique quand les fouets électriques et tout étaient en marche, ce qui était peut-être le but. Avant que Louis ne commence à travailler ici, les boulangers à l'arrière devaient courir à travers la boutique pour servir les personnes entrant, ce qui avait abouti à beaucoup de pains brûlés.

Harry passa la porte, son sac en bandoulière pendant à l'une de ses épaules avec sa panoplie de badges brillant comme des bijoux en plastique. Certains d'entre eux étaient à l'effigie de groupes, d'autres de slogans publicitaires pour tout et n'importe quoi, allant de rapports sexuels protégés, aux droits pour les homosexuels, certains avaient des jeux de mots ou de beaux dessins – et le dernier, qu'une Felicite rougissante lui avait offert, était un badge rose fluo décoré par un papillon en paillettes violettes. Les manches de son blazer marron étaient remontées jusqu'à ses coudes, montrant la rose écarlate, la citation de Shakespeare, les symboles des genres, les paroles d'une chanson de Motionless In White sur ses bras et les bords des toiles d'araignée sur ses coudes ressortant tout juste de sous la manche. Il portait un assortiment de bracelets à son poignet droit, fait avec une gamme de perles, de fils ou de métaux, et une montre Thomas et Ses Amis en plastique bleu meurtri au gauche. Louis décida de ne pas poser de question sur cette dernière ; Harry avait toujours été du genre à prendre des accessoires bizarres ici et là et à les porter simplement pour se faire remarquer.

Le pantalon gris de son uniforme était plus serré que celui de n'importe qui d'autre, ses boucles teintes en violet tombaient devant l'un de ses yeux, et il avait changé son anneau et ses angel bites argents contre des noirs. Sous sa veste, il portait un pull marron avec le logo de son école, les trois premiers boutons de sa chemise étaient défaits pour laisser apparaître un tee-shirt noir en dessous, et il avait un collier avec des pics en métal en forme de dents de requins. Sa cravate était lâchement nouée et à peine visible de l'endroit où le nœud disparaissait sous son pull, et ses chaussures étaient des baskets noirs éraflées avec des lacets traînants, défaits et beaucoup trop longs. Il avait l'air d'un rebelle sexy typique sortant d'un roman d'amour pour adolescentes, mais avec un peu plus de tatouages et de piercings, et alors qu'il passait le seuil de la porte et s'appuyait contre le chambranle, croissant ses bras et regardant Louis de haut en bas avec un sourire charmeur aux coins des lèvres, les deux filles le fixèrent et toute couleur disparut de leurs visages.

« Je t'ai manqué ? » demanda Harry à travers la boutique.

Louis haussa ses sourcils. « Oh, bon Dieu, c'est toi, » répondit-il, feignant le dégoût, « tu me suis partout, hein. T'as rien de mieux à faire de ton temps ? De vieilles dames à frapper ? Des bonbons à voler à des enfants ? Quelle sorte de voyou es-tu si tu n'effraies même pas quelques petits gamins cette semaine ? »

Haussant ses sourcils, Harry s'avança vers lui et se pencha sur le comptoir, l'un des coins de sa bouche se contractant en un sourire. « En ce qui concerne la dernière, je pense que je peux le faire tout de suite, » dit-il doucement, puis, en haussant sa voix et en tournant son attention vers les filles en train de les fixer, leurs bouches grandes ouvertes, les muffins oubliés dans leurs mains manucurées, « Tout va bien, mes petites ? Vous n'étiez pas en train de faire les yeux doux à mon copain, hein ? »

Il posa ses mains à plat sur le comptoir, puis inclina sa tête et se pencha par-dessus, Louis se tenant sur la pointe des pieds pour l'atteindre. La bouche de Harry rencontra la sienne avec un doux bruit de peau contre peau, sa main prenant en coupe le visage de Louis, son pouce frôlant sa pommette et ses yeux se fermant alors que son nez effleurait la joue de Louis, le baiser s'approfondissant. Louis avait grignoté un biscuit avec un glaçage faisant partie de ceux cassés et jugés impropres à la vente, et sa bouche avait le goût du sucre et du biscuit sablé, pour le plaisir d'Harry, tandis que ce dernier avait le goût du chewing-gum à la menthe. La matière brute du filet à cheveux blanc réglementaire de Louis frôla le front d'Harry, empêchant ses boucles de le chatouiller, et alors qu'ils échangeaient un baiser plein d'affection, ils purent sentir les deux filles les fixer avec consternation.

Avec un rire étouffé, Harry brisa le baiser, tapotant le bout du nez de Louis. « J'arrive toujours pas à dire à quel point j'aime ton filet à cheveux, bébé. Très stylé. »

La cloche au dessus de la porte laissa échapper son tintement bruyant et lorsque Louis leva les yeux, les deux filles ne gloussant plus vraiment à présent se précipitaient hors de la boutique, le teint blême, agrippant leurs muffins tellement fort qu'elles les écrasaient et qu'il pleuvait des miettes sur le trottoir, laissant une traînée de gâteau derrière elles comme Hansel et Gretel.

Harry rit, ses dents éclatantes, tandis que Louis mit ses mains sur ses hanches et fit semblant d'avoir l'air mécontent. « Effrayer mes clients, hein ? » Il fit un bruit désapprobateur mais ne put s'empêcher de sourire.

Avec un haussement d'épaule, Harry dit d'un air contrit, « Je suis désolé, je suppose qu'elles ont simplement été dépassées par mes charmes d'homme musclé. » L'étincelle dans son œil était un témoignage de la sincérité de ses excuses.

« Ou elles ont été dégoûtées de leur nourriture à cause de notre écœurante démonstration publique d'affection, » le taquina Louis. « Comment se sont passés les cours ? »

Harry s'appuya contre le bord de la fenêtre à quelques mètres, le dos contre le verre, regardant d'un air appréciateur l'étalage de petits plaisirs derrière la vitrine alors qu'il fouillait dans les proches de son blazer pour essayer de trouver de la monnaie. « Comme d'habitude, rien de neuf. J'ai eu un B au contrôle de maths de la semaine dernière. Le prof de sport a encore essayé de me faire mettre des bandes sur mon bras pour cacher mes tatouages, mais il a abandonné quand je lui ai demandé si je devais aussi couvrir ceux dans mon dos. » Souriant en coin, Harry passa une main derrière lui et traça avec le bout de ses doigt la zone vague où les ailes s'étendaient dans son dos et ses épaules. « Il a dit oui, mais au bout de quinze minutes, on a manqué de bandes, chaque plume en prenait une à elle toute seule. Oh, et rappelle-moi que je dois à ce bâtard de Jonas Rossiter de mon cours de géographie un coup de pied dans les couilles. »

Louis essayait négligemment d'attraper le gâteau avec la plus grosse cerise confite du présentoir avec ses pinces métalliques, puisqu'il savait déjà que cette variété particulière de gâteau était la préférée d'Harry, mais il s'arrêta et fronça des sourcils, les pinces suspendues en l'air. « Pour quoi ? »

« Parce que c'est ce qu'il m'a menacé de me le faire. Et à toi aussi. »

« Moi ? » Louis était étonné. « Pour quelle raison veut-il me frapper dans les couilles ? Je ne l'ai jamais rencontré. »

« Je suis blessé que tu ne demandes pas d'abord pourquoi il voudrait frapper quelqu'un d'aussi charmant et charismatique que moi dans les couilles, » dit Harry impassible. « C'est l'un de ces cons d'un certain âge qui pensent qu'être gay est l'équivalent d'écorcher la peau de petits bébés et de les manger vivant avec de la sauce tomate, et il nous a vu dehors ensemble et a promis de donner à mon copain 'une bonne leçon'. »

Louis haussa un sourcil. « Aïe. Mauvais choix de mots. »

« Assez. Eh bien, je lui ai dit que j'étais déjà plus qu'apte à faire ça – » Harry sourit en coin, et Louis lui répondit de la même manière, « – mais ça l'a encore plus énervé, parce que les cons n'aiment généralement pas les allusions au sujet de leur intelligence inférieure, et ont tendance à tourner leurs remarques en des insinuations sur le sexe, peu importe à quel point ils te laissent une grande ouverture ... eh bien, tu pourrais tout aussi bien signer ton propre arrêt de mort. Il m'a demandé de me battre avec lui. J'ai rigolé, mais il était sérieux. Comme c'est drôle. »

Il y avait quelque chose dans l'expression de Harry et la façon dont il parlait de la bagarre qui rendirent Louis plutôt nerveux. Bien sûr, il avait conscience que Harry savait comment se conduire et qu'il s'était auparavant battu avec un certain nombre de personne et avait gagné – ça ne l'empêchait pas d'être inquiet. Surtout à l'idée que Harry ait de sérieux problèmes aussi proche de ses examens, parce qu'avec toutes les fois où il avait séché, les cours où il avait arrêté d'assister par principe, son attitude envers l'autorité et toutes les autres bagarres dans lesquelles il avait été impliqué. Ça serait vraiment le pire moment pour être renvoyé temporairement, ou exclu définitivement.

« Tu ne vas pas le faire, hein ? »

« J'sais pas. Peut-être. » S'appuyant paresseusement contre la fenêtre, Harry étira ses jambes. « J'ai une réputation, tu sais. Et je ne vois pas d'un bon œil que les gens t'appellent 'ce con de chrétien snob' au moment où j'ai le dos tourné. Même s'ils font ça simplement pour m'énerver, parce qu'ils savent que je vais leur sauter dessus pour défendre ta vertu. »

« Ma vertu a disparu depuis longtemps maintenant, chéri, » dit sèchement Louis, « mais honnêtement. Je m'en fous complètement de comment ils m'appellent, tu sais que j'en ai plus rien à foutre. S'il te plaît, ne te bats plus. Je ne veux pas que tu sois blessé. »

« Je suis un grand garçon, Louis. J'ai donné plus de coups que je peux en compter – à la fois dans des balles qu'autre chose. »

« Je m'en fous, » lui dit obstinément Louis, « tu ne te battras plus, et surtout pas à cause de moi. Je ne suis pas d'accord avec la violence en premier lieu, mais as-tu une idée d'à quel point je me sentirais mal si tu revenais à la maison avec rien qu'une seule blessure à cause de moi ? »

Harry renifla. « Il ne pourra pas poser un doigt sur moi. Je suis rapide, je donne des coups en traite, et je suis pleinement conscient de mes points faibles. Je protège mon visage, comme ça ils ne peuvent pas atteindre ma bouche ou mes angel bites, et je ne laisse jamais personne attraper mes cheveux. Et puis, il faut opter pour les genoux, les mettre à terre et s'assoir dessus. »

« S'assoir dessus ? » demanda Louis, l'incrédulité gagnant sur la désapprobation.

Haussant des épaules, Harry repoussa ses boucles teintes en violet de son front pâle. « Ce n'est pas assez, et ce n'est pas dans les films de combat, mais ça fonctionne. J'ai pris des cours d'auto-défense il y a quelques années, et le gars m'a regardé, alors que j'étais un petit gamin de quatorze ans tout fin avec un air menaçant perpétuellement hargneux et aucun muscle où que ce soit, et il m'a directement dit que je ne pourrais pas mettre assez de force dans un coup de poing pour qu'il soit assez bon, alors il m'a conseillé de 'donne un coup à l'arrière des jambes et ne le laisse plus se relever'. C'était un bon conseil. »

« T'as pris des cours d'auto-défense. »

« J'étais obligé. Un tas de gens ont commencé à me prendre en grippe quand mon apparence a changé. Les gars à l'école ne pouvait pas le supporter ; à quatorze ans ce sont encore des bébés, un coup de poing dans le nez et ils sont par terre en train de pleurer leur maman, peu importe le peu de force que tu mets dedans, mais il y avait des hommes plus âgés qui me suivaient en ville en me menaçant, ils m'ont coincé en groupe quelques fois... j'ai pensé que je devais savoir comment me protéger. »

Louis mordilla sa lèvre inférieure. « Merde, » finit-il par dire.

« Ouais. Des gens charmants, n'est-ce pas ? » S'écartant du rebord de la fenêtre, Harry traversa la pièce et retira le filet de sur la tête de Louis, laissant ses cheveux en un bordel doux. Puis, il se pencha par-dessus le comptoir et appuya son front contre celui de Louis, ses yeux se fermant alors qu'il soufflait doucement. « Wow. Rien que d'y penser, ça me met en colère. J'ai pas été énervé depuis un moment. J'peux pas dire que ça m'a manqué. »

« Je t'aime, » lui dit Louis.

Un sourire narquois crispa les coins de la bouche d'Harry. « Tu ne m'aimerais pas quand je suis en colère. »

« Peut-être pas. Ça ne veut pas dire que je ne t'aimerais plus. Et j'ai compris la référence, espèce de gros naze. » Entrelaçant leurs doigts, les petits bronzés aux longs blancs, Louis caressa le dos de la main de Harry avec son pouce et dit doucement, « Pas de bagarre, d'accord ? Tu me le promets ? »

La pause dura pendant un long moment alors qu'Harry mordillait son piercing à la lèvre, ne voulant clairement pas donner à Louis une réponse franche. Explicitement, ça signifiait qu'il n'avait pas encore rejeté la possibilité de se battre avec ce Jonas, ce qui voulait dire que le boulot de Louis n'était pas encore fini. Il serra plus fort la main de Harry, puis, se souvenant de l'anecdote triste de Harry à propos de donner des coups en traite, il cligna ses yeux bleus, essayant de les faire briller pour avoir un peu l'air au bord des larmes. Il n'était pas contre un peu de manipulation si c'était ce qu'il fallait pour empêcher Harry de se battre.

« Promesse du petit doigt, » demanda solennellement Louis, démêlant leurs doigts et tendant son auriculaire.

Un sourire maladroit apparut sur le visage d'Harry, bannissant l'inquiétude, et il enroula son petit doigt autour de celui de Louis et le serra.

« Décroisse tes doigts, espèce de tricheur. »

Rigolant, Harry posa sa main libre à plat sur la vitrine, l'air penaud. « Coupable. D'accord. Pour de vrai cette fois. Je jure que je ne frapperai pas ce connard de Jonas dans les couilles comme il le mérite. Même s'il utilise le mot en p. Ce qui habituellement me fait frapper les gens par simple principe. »

« Bien. » Louis ne retira pas sa main ; ils restèrent à se sourie, leurs petits doigts liés. « Maintenant, que dirais-tu de ce gâteau avec la cerise ? »

« J'ai déjà enfoncé la cerise dans ton gâteau, » dit Harry d'un air suffisant, remuant ses sourcils.

Louis rigola. « Oh mon dieu, ferme-la ! » Puis, sans plus attendre, il fourra le gâteau qu'il avait pris directement dans la bouche d'Harry, coupant court à toutes autres insinuations.

Harry était incapable de parler à ce moment-là, toute sa grande bouche remplie de gâteau, mais Louis compris le vrai sens de « tout est dans les yeux », parce que Harry n'aurait pas pu étouffer une déclaration d'amour mièvre même si sa vie en avait dépendu. Ses iris verts étaient aussi brillants qu'un diamant de la taille du Koh-I-Noor, débordant d'adoration ; s'il avait été un personnage de dessin animé, ses yeux auraient été d'énormes cœurs rouges écarlates, et même qu'il suintait autant de tendresse que de confiture coulait de sa bouche. Il y avait quelque chose dans la façon dont il regardait Louis qui fit serrer sa poitrine et il sourit à Harry, dont la bouche rejetait plein de gâteau et avec du glaçage blanc sur les lèvres semblant décidément mauvais et drôlement familier, et il était tellement amoureux de cet idiot qu'il fut surpris que son cœur ne soit pas déjà devenu tellement lourd et rempli qu'il s'arrêterait de battre.

**

Louis partit de la boulangerie plus tôt ce jeudi, parce que la journée était passée lentement et ils avaient décidé de fermer la boutique avant l'heure habituelle. Puisque plusieurs pâtisseries et biscuits avaient à présent passé leur durée de conservation, il rentra à la maison avec un sachet plein des délices qui n'étaient pas encore rassis, mais ne pouvaient plus être vendus le lendemain. Il était content de la tournure des événements ; il ne pouvait peut-être pas faire lui-même un gâteau pour Anne, mais il pouvait lui ramener tout un sachet du travail. Il avait pris plusieurs des gâteaux à la framboise que Harry préférait, et quelques bonhommes en pain d'épice pour Robin, ainsi qu'un assortiment d'autres choses que son patron lui avait offert, parce que Louis ne travaillait pas à la boulangerie depuis assez longtemps pour que l'attrait des gâteaux lui soit passé. Après avoir mangé beaucoup de gâteaux, vous en aviez étonnamment marre, alors aucun des autres membres de l'équipe n'avait râlé pour en réclamer, mais pour Louis, l'idée d'une quantité presque illimitée de gâteaux était toujours une perspective intéressante. C'était également pour Harry et sa famille.

Il passa la porte d'entrée à précisément treize heures trente, portant son sachet plein de pâtisseries et souriant radieusement d'une oreille à l'autre. Sa blouse blanche pendait autour de lui, lui donnant l'impression d'être dans une sorte de film. Bien sûr, il savait que Harry ne serait pas déjà rentré, mais sa mère finissait tôt les jeudis, et elle et lui s'asseyaient souvent ensemble pour parler, généralement de Harry, se moquant légèrement de lui, même si ce n'était que des taquineries amusantes. Harry ne semblait pas s'en soucier, ou même trouver ça embarrassant ; en fait, une fois en rentrant il avait trouvé Louis et Anne en train de partager une bouteille de vin rouge et de rire ensemble des photos de lorsqu'il était bébé, il avait rigolé, les avait tous les deux étreint avant de s'assoir à côté de Louis et de continuer à regarder les photos avec eux.

Mais aujourd'hui, lorsqu'il rentra, Anne se tenait dans la cuisine, une main sur le téléphone comme s'il venait juste de raccrocher, mordillant sa lèvre inférieure. Son front était plissé avec anxiété, et alors que Louis posa le sachet sur la table avec un doux bruit sourd, elle sursauta légèrement, comme si elle venait de remarquer qu'elle n'était pas seule.

« Oh, Louis, » dit-il, se forçant à sourire et retirant une mèche de cheveux de son front. « Tu rentres tôt. »

« Qu'est-ce qui ne va pas ? » demanda Louis, se dirigeant immédiatement à ses côtés. Elle partageait certaines des petites manies de Harry, se tenant dans la même position que lui lorsqu'il était stressé, mordillant sa bouche comme lui, bien qu'elle n'avait aucun métal avec lequel jouer. Louis reconnaissait les signes de son inquiétude aussi facilement qu'il aurait vu ceux d'Harry, puisqu'il cherchait les mêmes indicateurs.

Anne enfouit son visage dans ses mains, se cachant de lui pendant un moment. Anxieusement, Louis tendit une main comme pour toucher son bras, mais retira sa main à la dernière minute, pas certain de savoir si elle accueillerait bien le contact.

Quelques instants plus tard, elle réapparut, tremblant légèrement. Son rouge à lèvres bavait légèrement aux coins de sa bouche. « Harry s'est battu à l'école, » dit-elle d'une voix tremblante.

Le cœur de Louis tomba dans son estomac avec un éclaboussement d'acide gastrique, dans lequel il commença ensuite à se noyer.

« Q-quoi ? »

« Ils viennent de m'appeler. C'était avec un garçon de sa classe. Le garçon l'a chahuté, a fait des commentaires, tu vois le genre. Harry a fait semblant de ne pas être atteint par tout ça, mais il était de plus en plus en colère, et il a finit par craquer et – » Elle s'arrêta, prenant de profondes respirations. « Oh, bon Dieu. Il ne s'était plus battu depuis si longtemps. Je pensais qu'on en avait fini avec ça. Il est tellement heureux dernièrement, plus rangé, ça fait des mois qu'il ne s'est plus enfermé dans sa chambre pour écouter sa musique et ne parler à personne. Qu'est-ce que je fais ? Je ne veux pas le contrarier, et quand il est dans ce genre d'humeur je pourrais tout faire empirer. »

« Je vais y aller. »

Elle le fixe. « Tu ne l'as jamais vu comme ça. »

« Non. »

« Tu ne voudrais pas le voir dans cet état. Il est dans un tel désordre. Il n'est pas comme il est d'habitude, je sais qu'il a toujours été très doux avec toi, et c'est exactement comme ça qu'il est, mais quand il se met dans cet état, quand il est énervé, c'est une personne différente, Louis. Tu ne veux pas le voir comme ça. Je doute qu'il veuille que tu vois, également. »

« Ecoutez, » lui dit farouchement, « vous ne me dites rien qu'il ne m'ait jamais dit pour essayer de me dissuader, et je vais vous dire exactement la même chose qu'à lui ; je l'aime, heureux ou énervé, peu importe dans combien de bagarres il a été impliqué ou à quel point il est abîmé. Vous me laissez y aller ? Il a besoin de moi. »

Un sourire commença à se répandre sur le visage d'Anne, petit au début, mais devenant de plus en plus grand jusqu'à ce qu'elle lui fasse le genre de sourire éclatant que son fils avait si souvent. Il était légèrement entaché par la fatigue et le stresse, mais néanmoins radieux.

« Vas-y, » lui dit-elle doucement. « Tu as raison. Il a besoin de toi. Et il est chanceux de t'avoir. »

Comme si ça avait été une sorte de signal, Louis lutta pour enlever sa blouse blanche ample et réglementaire, la drapant à la hâte sur le dossier de l'une des chaises de cuisine, son filet à cheveux pendait toujours de la poche de cette dernière. Abandonnant son sachet de gâteaux, il fila vers la porte d'entrée, puis il se rendit compte que c'était une journée assez froide et qu'il n'avait pas beaucoup de tolérance au froid. Un grand pull à capuche large et noir d'Harry, avec le logo d'un groupe légèrement craqué, était suspendu sur la rampe de l'escalier, et il le passa par-dessus sa tête, se pelotonnant dans la chaleur, l'odeur familière de Harry, et le confort du tissu usé qui caressait sa peau comme les doigts d'Harry courant le long de ses bras. Prenant une profonde respiration, Louis se précipita dehors et commença à courir, ses pieds semblant voler sur le gravier et les trottoirs, touchant à peine le sol. Il n'avait été que quelques fois à l'école d'Harry, mais il était certain qu'il connaissait le chemin. La seule question était en combien de temps pourrait-il arriver là-haut.

**

Sept minutes, ce fut le temps dont il eut besoin, pour ce qui aurait dû être une marche d'au moins quinze minutes, cependant il perdit une autre minute ou deux lorsqu'il chancela pour s'arrêter devant l'école, plié en deux et à bout de souffle. Il était raisonnablement en forme, mais ça faisait un long moment qu'il n'avait pas autant couru à une telle vitesse. Les grilles étaient un bon endroit pour s'appuyer, et il reprit son souffle assez rapidement. Enlevant d'un coup de mains quelques peluches de son pull défraîchi et aplatissant ses cheveux à l'arrière, espérant qu'ils n'aient pas été trop mis en désordre à cause du filet, il mit ses mains dans ses poches et marcha droit à travers les grilles ouvertes, se dirigeant vers le bâtiment principal.

Quand il passa les portes automatiques menant la salle d'attente, il vit immédiatement Harry, assis dans un fauteuil moelleux avec son visage enfoui dans ses mains et les coins d'une compresse froide dépassant d'entre ses doigts. Le genou gauche de son pantalon était déchiré de façon spectaculaire jusqu'à la moitié de son mollet, et l'autre genou semblait plutôt en lambeaux. Il avait enlevé son pull et sa veste, les laissant en une boule sur le sol à côté de lui, et il manquait plusieurs boutons à sa chemise blanche, cependant le tee-shirt gris en dessous avait l'air relativement indemne. Ses jointures étaient écorchées et il lui manquait plusieurs bracelets. Dans le fauteuil à côté se trouvait Zayn, bien qu'il fût en grande partie couvert par un blond maigre assis sur ses genoux, un bras enroulé avec une possessivité décontractée autour de son cou. Niall avait une marque rouge sur une pommette et plusieurs tâches rouges foncées dans son cou (Louis essaya de ne pas trop penser à leur origine), et Zayn avait une manche déchirée et les cheveux en désordre, mais à part ça, ils semblaient aller parfaitement bien.

La gorge sèche, Louis lécha ses lèvres, essayant d'arracher les mots de l'endroit où ils étaient sinistrement accrochés au fond de son œsophage, mais ils refusaient de se déloger d'autour de ses amygdales douloureuses, alors il finit par simplement se laisser tomber à genoux devant Harry avec un doux gémissement, ses doigts caressant le dos de l'une de ses mains ensanglantées.

Surpris, la tête de Harry se releva brusquement et il s'éloigna du contact, mais ensuite ses yeux s'accommodèrent, ses orbes vertes et brillantes entourées de tâches ébènes, scintillantes et sensibles à cause de l'intensité de ses pleures, et il fixa Louis. Sa bouche était très enflée, parsemée de superbes perles rubis, et bien qu'il semblait toujours avoir l'air épuisé, les cernes sous ses yeux étaient visiblement plus foncées que celles causées par la fatigue du côté droit. Ces yeux verts brillants encerclés de noir étaient comme les yeux d'un chat le fixant dans les profondeurs de la nuit. Tout aussi sauvage, inaccessible, indompté.

Le coin le moins meurtri de la bouche de Harry se contracta en un bancal sourire dénué de joie. « Je n'ai pas brisé ma promesse, Lou, » dit-il, sa voix craquant à la moitié de la phrase. « J'ai pas frappé ce connard dans les couilles. » Puis son sourire se fana et il laissa échapper un petit gémissement, le sang dégoulinant de sa bouche maltraité comme des gouttes d'eau tombant doucement d'un glaçon en train de fondre.

Louis l'étreignit, d'abord et avant tout. Il tira Harry dans ses bras et glissa ses doigts dans ses cheveux, les ancrant dans les boucles couleur chocolat et soyeuses, et ses lèvres firent également leur chemin jusqu'à ses cheveux, murmurant des mots de compassion, de tendresse et n'ayant essentiellement aucun sens. Tandis que Harry tremblait et pleurait dans son cou, laissant des traces de larme sombres et grasses sur son pull, les gouttes tombant des yeux ressemblant à des nuages orageux, plus gris que verts maintenant qu'il pleurait, comme si sa souffrance avait aspiré tout leur couleur.

« Tout va bien, bébé, allez, je suis là, » l'apaisa Louis. « Allez. Qu'est-ce qu'il s'est passé ? » demanda-t-il à Zayn.

Puisque tout ce que Zayn aurait dit aurait été étouffé par le dos osseux de Niall, le blond parla pour lui, ses yeux bleus se voilant à la vue de leur leader dans une telle détresse. « Ce gars qui s'appelle Jonas est sur son dos depuis des jours, en essayant de le mettre en colère. Il fait des commentaires, tu vois le genre. La plupart sur ses vêtements, sa sexualité et tout ça, mais ensuite il a commencé à parler de toi, à te traiter, à dire que t'étais une salope en chaleur et que si tu te faisais Harry, tu te ferais n'importe qui etcetera, etcetera. Tout un tas de trucs pathétiques, et si ça avait été sur lui, Harry n'aurait même pas sourcillé. Bref, tu pouvais voir que ça l'énervait, mais il ne mordait pas à l'hameçon – alors Jonas a renforcé un peu son jeu en commençant à lui faire des menaces. »

« Il a découvert où tu travailles, » dit Harry, relevant sa tête et la voix étouffée par le gonflement de sa bouche. « Il a des photos de toi dans son téléphone, venant de la boulange. Il a dit qu'il allait t'attendre, te faire mal, te renverser et te frapper jusqu'à ce que tu ne puisses même plus crier. » Il fixa nerveusement Louis, comme s'il s'attendait à moitié à ce que la simple menace ait causé un préjudice à Louis.

Malgré son dégoût et son léger énervement envers ce parfait étranger professant un désir aussi intense de le blesser, Louis réussit à sortir un grognement moqueur. « Ouais. Bien sûr. Dis-moi que tu n'as pas cru cette merde, bébé, ce gars a clairement qu'une grande gueule et aucun cerveau. »

« Eh bien, qu'est-ce que j'étais supposé faire ? » demanda Harry avec une teinte d'hystérie colorant son ton. « Lui dire d'y aller ? Le laisser te faire du mal ? »

« Oui, parce qu'il n'allait évidemment pas le faire ! » dit impatiemment Zayn, se penchant sur le côté de Niall, une main posée dans le bas du dos du blond, « Je te l'ai moi-même dit ! »

Se pliant sur lui-même comme un hérisson se mettant en boule, Harry se tut.

Louis commença à frotter le dos d'Harry en des petits cercles, essayant de le clamer. « T'es vraiment dans le pétrin, » dit-il de façon désapprobatrice.

Harry fit un petit rire qui était également un sanglot. « Tu devrais voir l'autre gars. »

« Ouais, mais lui ne te verras pas, » marmonna Zayn, « ni n'importe qui d'autre d'ailleurs, du moins pas tant que le gonflement diminue. »

Harry rigola à nouveau, un peu plus fort et un peu plus haut, puis il tressaillit et porta une main à sa bouche. Quand il la retira, ses doigts étaient colorés avec des tâches rouges fraise.

« Regarde ta bouche, » s'inquiéta Louis, inclinant la tête de Harry en arrière pour avoir une meilleure vue. « Bon Dieu, regarde-vous tous les trois. »

« Ouais, il m'a directement attaqué à la bouche... j'suppose que je vais pas pouvoir te sucer pendant une ou deux semaines, bébé. » Il réussit à faire un faible fantôme de son sourire habituellement radieux.

« Je suis sûr que tu te rattrapera plus tard. Alors, quels sont les dégâts ? Quel degré de problème as-tu ? Et n'essaye pas de me refiler une insinuation, parce que tu sais exactement ce que je veux dire. »

Harry soupira. « Une semaine de renvoi. En attendant d'autres punitions. Je suis à l'ordre du jour pour le prochain conseil d'administration afin qu'ils puissent décider si ça vaut la peine ou non de me renvoyer définitivement, aussi proche de la fin de l'année et de mes examens, s'ils peuvent prendre les mesures nécessaires à temps et si je suis assez mauvais pour être considéré comme un danger pour les autres élèves et ainsi de suite... »

« Eh bien, s'ils n'ont pas encore décidé de te renvoyer définitivement alors c'est un bon point, je suppose. Allez, rentrons. Je veux regarder d'un peu plus près cette bouche. »

« Oh, je parie que t'en as envie, » dit Harry, presque avec son sourire en coin habituel.

Louis soupira.

« D'accord, d'accord. » Il se leva avec raideur et commença à rebondir expérimentalement sur la pointe de ses pieds. Il grimaça à son genou exposé. « Aïe. Je suis un peu écorché. Une chance pour que tu enfiles ton déguisement d'infirmière et l'embrasse pour me guérir, chéri ? »

« Aucune chance du tout, » répondit vivement Louis, glissant son bras sous celui de Harry et le mettant autour de ses épaules comme soutien. « Tu peux marcher ? »

« Ouais, » souffla Harry, « ça fait un peu mal, cependant. »

« On va y aller doucement, » promit Louis.

« Où est-ce que j'ai déjà entendu ça avant ? » chuchota Harry avec un autre sourire malicieux, et Louis décida sur le tas qu'il allait parfaitement bien, s'il recommençait déjà à faire de terribles blagues sexuelles.

Ils commencèrent à se diriger vers les grilles de l'école – ou plutôt, Louis marchait et Harry boitait, pâle et moite de poser son poids sur sa mauvaise jambe. Louis soupçonna qu'il s'était foulé la cheville plutôt que l'avoir simplement éraflée, mais il ne voulait pas dire quoi que ce soit. Les doigts d'Harry s'enfoncèrent dans l'épaule de Louis, agrippant fermement le tissu du pull à capuche qu'il avait emprunté, et il se nicha contre son flanc alors qu'ils faisaient doucement leur chemin vers la rue.

« Est-ce que Niall et Zayn se sont décidés à faire un autre essai, alors ? » demanda-t-il comme moyen de distraction.

Depuis plusieurs semaines à présent, Niall et Zayn avaient résolument refusé de mettre une étiquette sur leur relation, qui était quelque part entre petits-amis et copains de baise, dans le sens où ils étaient exclusifs et étaient d'accord de ne pas voir d'autres personnes. Ils passaient la plupart de leur temps ensemble, flirtaient constamment et couchaient beaucoup ensemble, mais ils n'admettraient pas qu'ils sortaient ensemble ou ne diraient pas précisément que ce n'est pas le cas, malgré les taquineries incessantes et le harcèlement de Harry et Louis pour qu'ils arrêtent d'être des salauds maladroits et admettent qu'ils sortaient à nouveau ensemble. Mais l'affichage câlin auquel ils venaient d'assister laissait entendre qu'ils avaient peut-être pris une décision.

« Ils sont toujours en train de trainer des pieds à ce sujet, leur soutirer des réponses c'est comme obtenir du sang d'une pierre. Sauf que j'en viens presque à penser qu'un caillou serait plus enclin à être moins têtue à ce sujet. Mais ils sortent ensemble, tu peux le dire en les regardant. Niall s'en tient juste à sa personnalité toute 'vagabonder sauvagement et libre comme le vent', et Zayn aime penser qu'il est mystérieux et tout... »

Louis rigola, gloussant plus qu'autre chose, et il entendit un rire aigu haut perché l'imiter quelques secondes plus tard, suivi par plusieurs rires railleurs désagréables. Irrité, il leva les yeux et les détourna de Harry – il savait que sa voix pouvait être un peu aiguë parfois, ce n'était pas sa faute s'il avait une voix douce et il ne pensait vraiment pas être ridiculisé pour ça – et il se retrouva confronté à un large groupe de personne en uniforme scolaire, la plupart des garçons mais également deux petites-amies gloussante là pour les encourager, et aucun d'eux ne semblait particulièrement sympathique ou même intelligent. L'un d'eux avait un spectaculaire œil au beurre noir et une lèvre presque aussi enflée que celle de Harry, sa chemise était déchiré à l'avant pour révéler plusieurs longues et profondes griffures allant de son torse à son ventre. Louis reposa son regard sur les ongles rongés courts de Harry et puis repéra la bague en forme de lion de Niall ornant toujours son index, et il fit un plus un. Harry ne pouvait pas griffer, mais la bague avait des dents.

Il rencontra le regard du gars avec le visage tuméfié sans flancher, surpris qu'il ne puisse toujours pas contorsionner son visage en cet air menaçant sans douleur considérable, compte tenu de la force avec laquelle Harry l'avait apparemment frappé. Sa prise sur Harry se resserra et il caressa son épaule avec son pouce, à la fois pour le rassurer et parce qu'il était secrètement fier que Harry se soit clairement bien défendu contre ce Jonas, qui, incidemment, était bâti comme un tank et semblait avoir le même talent pour écraser les personnes, et Harry était un grand et fin garçon qui semblait dur mais qui était aussi effrayant qu'un petit chaton tout doux et dix fois moins violent. Puis, Louis se redressa pour se donner l'air plus grand et essaya de se souvenir qu'il avait presque trois ans de plus que ce con, et était définitivement nettement supérieur en intelligence, Harry était toujours un bordel physiquement et émotionnellement et Louis n'allait laisser personne se mettre sur son chemin.

Il avait prévu de dire d'un ton autoritaire (et légèrement malpoli) 'dégagez !' pour qu'ils bougent de leur chemin, mais les années pendant lesquels il lui avait été dicté de traiter les autres de la façon dont il voudrait qu'eux le fassent et sachant qu'il n'aimerait pas qu'on lui parle de cette façon, il finit par dire un petit « Pardon, » sans conviction.

Des rires suivirent.

« Pardon ! Pardon ! » se fit entendre après lui en des voix stridentes et grinçantes, comme une horde de perroquets atteints de démence, bien que le gars qui regardait Louis ne s'y joint pas. Il se contenta de sourire narquoisement.

« Ouais, c'est juste, j'ai 'pardon', ce qui est quelque chose que les personnes n'étant pas débiles et avec des manières ont tendance à dire aux autres pour leur indiquer qu'ils veulent qu'ils dégagent de leur chemin, » dit calmement Louis, avec une grande portion de sarcasme et de condescendance, espérant ne pas avoir l'air aussi énervé qu'il l'était, parce que si c'était le cas, alors son teint devait probablement ressembler à celui d'une fraise.

Il y eut un battement incertain ; comme Louis l'avait soupçonné, ils ne savaient pas vraiment comment réagir face à quelqu'un à la langue acérée et de quelques années de plus qui refusait de se faire marcher dessus et d'être intimidé par leur nombre ou leurs huées infantiles, et il avait un autre motif que la bravoure pour vouloir gagner ce combat. Harry semblait inquiet et également comme s'il essayait fortement de ne pas avoir l'air inquiet, allant instinctivement mordiller l'anneau à sa lèvre mais essayant de ne pas le faire parce que c'était douloureux, et Louis ressentit une envie étrange de le protéger, même si Harry était tout en longs membres, en os pointus, les cheveux en désordre, que les personnes qui le croissaient dans la rue l'évitaient et qu'il ressemblait à un voyou portant de l'eyeliner extrêmement attirant (ce qui semblait risible pour Louis maintenant qu'il le connaissait, mais quand même). Louis était petit, compact, avec des formes, il portait un chapelet autour du cou et avait des bracelets à l'effigie de Jésus, pour le côté religieux plus que pour la mode, il n'avait pas l'air d'être capable de faire bouger un enfant de trois ans de son chemin, et il ne ferait jamais volontairement du mal à quelqu'un parce que ce n'était pas sa façon de faire les choses (ou celle de Jésus, et contrairement à ce que sa mère et maintenant son école semblaient penser, Louis accordait une grande importance à la façon de faire de Jésus, parce que pour dire les choses simplement, Jésus avait réglé ses merdes même s'il était mort plusieurs milliers d'année auparavant) mais ça ne voulait pas dire qu'il refuserait ouvertement de recourir à la violence.

En fait, si quelqu'un frappait Harry, Louis allait s'assurer de les frapper beaucoup plus fort. Il les frapperait tellement fort qu'ils le sentiraient dans une vie antérieure, si la réincarnation existait réellement.

« Alors. » Le gars avec les yeux de panda parla comme s'il avait la bouche pleine de billes, chaque mot roulant bizarrement hors de sa bouche avec un genre de bruit de cliquetis. Louis ne savait pas si c'était dû à sa bouche douloureuse ou s'il parlait habituellement comme ça, et le bruit de cliquetis sonnait également plus comme le grincement de dents cassées. Il ne pouvait pas décider si l'idée que Harry ait cassé les dents de quelqu'un était satisfaisante ou non. Il savait qu'il n'était pas supposé apprécier la douleur des autres, mais s'il allait devoir trouver en lui la force de pardonner à ce gars alors ce pourrait être sympa d'avoir une petite récompense – comme savoir qu'il allait regretter pendant un long, long moment, le choix d'avoir voulu se battre avec Harry Styles.

« Alors, » répondit Louis.

« T'es le petit-ami. »

« Effectivement, » acquiesça Louis. « Chanceux que je suis. T'es le branleur qui a fait des menaces à mon copain. »

« Effectivem – » à la dernière seconde possible, Jonas se rendit compte ce avec quoi il était sur le point d'être d'accord et il se coupa avec un air menaçant, ruinant l'amusement de Louis. « T'as pas l'air aussi saint que je pensais. Où est ta Bible, alors ? »

« Je l'ai laissé à la maison avec mes fouets et mes menottes en moumoute, » dit Louis de façon impassible, « Harry et moi prenons 'l'enseignement forcé de la Bible' très au sérieux, tu sais. Tu devrais entendre comment il couine quand je le frappe avec la couverture de mon Livre Sacré et lui fait promettre de se soumettre aux lois de Jésus. Petite salope perverse. » Il caressa affectueusement l'épaule de Harry et haussa ses sourcils de façon suggestive, ponctué par un petit sourire en coin.

Il laissa également des excuses silencieuses s'envoler vers le ciel pour le blasphème, espérant que Dieu avait le sens de l'humour et ne s'en soucierait pas. Toujours sous son bras, Harry tremblait avec l'effort qu'il faisait pour ne pas rire, mordant sa lèvre douloureuse tellement fort que Louis avait peur qu'elle recommence à nouveau à saigner, et il décida que même si ça en venait aux mains et qu'il perdait, au moins il avait fait rire Harry, et c'était une victoire en soi.

Il y avait une variété d'expression dans la foule amassée autour d'eux, allant de l'horreur à l'amusement en passant par la confusion. Louis aurait aimé s'assoir avec jubilation pour les admirer tous, voir l'effet que sa petite déclaration avait eu, mais il voulait faire en sorte que Harry s'éloigne d'eux, alors il commença à marcher résolument vers eux, tirant Harry avec lui.

Certain d'entre eux se dispersèrent, mais une grande partie resta immobile. Louis leva les yeux vers Jonas, qui semblait assez inflexible, et dit « Pardon, » avec une telle férocité qu'il aurait tout aussi bien pu lui cracher des jurons en plein visage. Le garçon semblait interloqué. Louis pensait que Harry était également assez surpris.

« Attendez une minute. Où vous pensez aller ? »

« Eh bien, tu n'aimerais pas le savoir. »

« Ouais, en fait, si. »

« C'est une honte, puisque ce n'est en rien ton problème. »

« Hmm. Peut-être bien. Mais tu sais ce qu'est mon problème ? » Jonas se pencha en avant, expirant un souffle à l'odeur du chewing-gum à menthe et celle rouillée et amère du sang, et il ricana, « quel genre de catholique ne va même pas à l'église ? »

Sidéré, Louis le regarda fixement. « Qu'est-ce que c'est supposé vouloir dire ? »

Semblant incroyablement heureux de lui, le garçon défiguré se redressa. « J'ai été attendre devant l'église dimanche dernier. J'avais entendu dire que tu y serais. Sauf que j'ai attendu et attendu, et tu n'étais pas là. On s'est défilé, hein ? »

Le premier instinct de Louis fut de trouver une excuse pour expliquer pourquoi il n'y avait pas été, même si ça semblait un peu pathétique et qu'il n'avait pas à se justifier, surtout auprès de ce gars puisqu'il avait été un pratiquant régulier et que Jonas-sans-dents n'avait probablement jamais mis un pied sur le parvis d'une église de sa vie, ne pouvant certainement pas faire la différence entre un autel et un banc si sa vie en dépendait – mais il finit simplement par croiser les bras et froncer les sourcils.

« Sauf que j'ai demandé autour de moi, j'ai parlé avec quelques personnes, et apparemment elles ne t'ont plus vu à l'église depuis des semaines. Elles sont inquiètes, en fait, apparemment ta mère n'a pas très envie de leur dire où tu es parti. Je me demande bien pourquoi ? Je me demande pourquoi elle a tellement honte de son fils gay. »

Comme s'il était une plaque de cuisson et que quelqu'un venait juste d'allumer le gaz, Louis sentit sa colère faire des étincelles, s'enflammer, et elle commença doucement à attiser un feu. Elle léchait la muqueuse de son estomac, s'enroulait autour de ses intestins, se glissait à travers son sang puis commença à danser sur la pointe de ses oreilles, qui étaient probablement devenues rouges. Sous son bras, il put sentir Harry se raidir, voir du coin de l'œil son expression faciale devenir hostile et il sut que Harry était, si possible, encore plus énervé que lui, et ça l'aida étrangement à se reprendre. S'il s'était laissé aller et avait crié sur ce gars, alors Harry l'aurait suivi, et Louis ne voulait pas l'énerver encore plus aujourd'hui. Il se força à contenir sa colère, la déglutissant comme de l'eau chaude qui brûlait chaque cellule de son corps dans sa descente.

« Elle peut avoir aussi honte qu'elle veut, » lui dit Louis. « Je m'en fous. Et je ne suis pas obligé d'aller à l'église pour être un dévot et pour me soucier de Dieu, et je ne suis pas non plus obligé de rester ici pour parler de ça avec un con dans ton genre. Viens, Harry. »

Il tira Harry derrière lui, ignorant la légère résistance lorsqu'Harry resta en arrière, clairement toujours pas disposé à laisser les commentaires glisser. Le suppliant silencieusement de laisser tomber, que tous les deux pourraient simplement partir à présent et laisser ça derrière, Louis enfonça ses doigts dans l'épaule de Harry, essayant désespérément de lui transmettre sa volonté de passer au dessus de tout ça et de partir, et peut-être parce qu'il était presque en train de faire des trous dans la peau de Harry avec le bout de ses doigts, peut-être parce que Harry le connaissait très bien ou peut-être parce que Harry décida aussi que ça ne valait pas la peine d'avoir encore plus de problèmes – mais peu importe la raison, il devint docile, autorisant Louis à l'éloigner.

Un nuage de sifflets et de moqueries flotta après eux, essayant de les empoisonner avec de la colère, mais Louis prit une profonde respiration et les ignora. Il entendit le doux bruit d'Harry en train de déglutir, ressentit le frisson glacé dû à ses bracelets frôlant sa hanche alors que la large main d'Harry se posa sur sa taille, son pull emprunté remontant légèrement pour exposer un morceau de sa peau dorée.

« Sympa ton pull, » dit doucement Harry. « J'savais pas que t'aimais bien Death Cab. »

Louis baissa timidement le regard vers le logo craquelé qui, à présent qu'il savait quoi chercher, était à peu plus lisible et disait « Death Cab For Cuttie » avec des lettres en forme de bloc jaunes défraîchis. « Ouais. Je l'ai juste en quelque sorte enfilé. J'ai pensé que ça craignait que je me montre en filet à cheveux et tablier rayé. »

« PD ! »

Les joues de Harry se colorèrent de rose, mais il garda son sang-froid alors qu'il commenta à voix basse, « Pas moyen que je ressemble à une cigarette. » (ndlt : ça n'a aucun sens en français, j'en ai conscience, mais dans la VO, c'est 'Fag' qui veut PD mais également clope)

« Bien sûr que si, bébé. T'es chaud, non ? »

Un petit sourire vacilla sur le visage de Harry.

« Branleur ! »

Ils échangèrent un regard.

Louis haussa des épaules. « J'peux pas nier ça. » Ils rigolèrent tous les deux.

« Espèce de branleur gay emo ! »

« J'suis un punk ! » hurla Harry par-dessus son épaule, « c'est une sous-culture complètement différente ! »

Lui jetant un regard réprobateur, Louis le réprimanda sévèrement, « Ne parle pas avec les ignorants, Harry, ça leur donne seulement l'idée bizarre qu'ils ont gagné une sorte de victoire. »

« Désolé. »

Ils avancèrent un peu plus loin, se faisant toujours insulter, et Louis souhaita de tout son corps pouvoir se retourner et leur faire un doigt d'honneur, mais Harry était niché contre son flanc et pensant que jusqu'à présent la supériorité morale était leur victoire, et sachant que la meilleure façon de faire aggraver les choses était en répondant, il ne dit ni fit quoi que ce soit, et c'était beaucoup plus satisfaisant que nous pouvions l'imaginer.

Après un commentaire particulièrement imagé dirigé vers Harry, qui le décrivait comme étant quelque chose suivant les lignes de 'sale suceur de bites', ou quelque chose d'aussi charmant, Harry rétorqua avec amusement, « Pour un groupe de gars se disant hétéro avec autant d'insistance, ils ont l'air assez préoccupés par les grandes et généreuses aventures de mon pénis. »

« Bien évidemment. Comme c'est le cas de la plupart des ados se disant avec insistance hétéro, ils se cachent derrière tout un tas de fanfaronnades et de commentaires homophobes alors qu'ils se branlent secrètement, caché dans leurs chambres, en regardant du porno gay dans les petites heures de la nuit et en se disant que, bien évidemment, ils détestent les gays dans n'importe quelle forme. Mais ils sont parfaitement dans leur droit de les insulter parce que personne ne sait qu'ils aimeraient vraiment les regarder en train de coucher. »

« Tu parles par expérience personnelle, hein ? »

« Bien sûr que non. Je craignais beaucoup trop Dieu – et ma mère – pour regarder du porno. Et j'ai ma dignité. Cependant, ma dignité est une chose oubliée depuis longtemps, en lambeaux et brisée même, et je ne pense pas que Dieu se souciera beaucoup que je regarde du porno, puisque j'ai déjà pris part à des activités similaires. Est-ce que c'est vraiment bon ? »

« Ça dépend, » admit Harry, « j'ai pas eu l'occasion d'en regarder ces derniers temps, peut-être que ça serait une bonne activée la prochaine fois qu'on sera à la maison un jour de pluie. J'en ai quelques préférés qu'il faut obligatoirement voir, en fait, il y a deux ou trois petites choses qu'on doit vraiment essayer. » Il dit tout ça d'une façon tellement sérieuse qu'il aurait tout aussi bien pu être en train de recommander à quelqu'un de goûter une certaine tarte qu'essayer de nouvelles positions sexuelles, apprises dans des films pornographiques gay, et Louis éclata de rire.

« Je t'aime, » dit-il, secouant sa tête, les yeux dansant avec joie comme des vagues se brisant contre des rochers sur le front de la mer, étincelant comme la lumière du soleil sur l'eau.

« Je t'aime aussi. Maintenant, que dirais-tu de donner à ces amateurs cachés de sexe gay un petit quelque chose pour les remercier du bel accueil qu'ils nous ont donné ? » chuchota-t-il, « Embrasse-moi, c'est pour la science. J'veux voir combien vont avoir la gaule. »

« Oh, eh bien, si c'est à des fins scientifiques, » dit Louis avec le genre de sourire que vous voyez rarement en dehors des mariages, des maternités ou de sur les photos d'un vieux couple qui se regardait avec tellement d'amour dans les yeux que ça serrait le cœur de la personne qui la regardait. Il attrapa Harry par le col de sa chemise blanche déchirée et le tira en avant. Il l'embrassa avec une absence totale de considération pour sa bouche douloureuse, parce que sa colère était toujours chaude et lourde dans ses joues, son ventre et sa poitrine, il avait besoin de l'extérioriser et c'était une très bonne façon de le faire.

Ce n'était pas l'un de leur meilleur baiser, parce que la bouche d'Harry était blessée donc sa technique était malpropre et négligée, et Louis était énervé et distrait, alors sa propre compétence était plutôt réduite. Et pendant les premiers instants, avant que la douce chaleur des lèvres d'Harry prenne le dessus, tandis que Louis pouvait toujours sentir le goût du cuivre métallique sur la bouche de son petit-ami à l'endroit où il avait saigné, et pendant qu'il avait toujours fermement en tête que ce baiser avait pour principal but de faire chier les personnes qui les observaient, ce n'était pas particulièrement agréable. Le baiser était entaché par le fait que c'était une démonstration d'affection en majeure partie dans le but de choquer.

Mais ensuite, Harry soupira dans la bouche de Louis et souffla de la fraîcheur en lui, éteignant les flammes à l'intérieur et ses grandes mains trouvèrent la taille de Louis, s'y posant. Louis appuya son front chaud contre celui froid d'Harry et fondit dans le contact, puis le baiser fut simplement eux. Le simple piquant électrique et glacé du piercing d'Harry sur la bouche de Louis, frôlant le bout de sa langue. La simple pression constante des mains familières le maintenant stable alors qu'il se tenait sur ses orteils. Le simple chatouillement des cheveux bouclés sur son visage et la chaleur à l'endroit où leurs corps s'appuyaient l'un contre l'autre, et oh, s'ils étaient seuls dans une maison avec un lit confortable et pas debout, meurtris et frémissant de colère dans la cours d'une école, observés par une horde de brutes dégoûtés, les choses qu'ils auraient fait. Les choses qui auraient suivi ce baiser.

Mais Louis ne leur donnerait pas la satisfaction d'entendre les doux petits gémissements que Harry faisait pour lui, haletant contre son oreille comme si chaque son était un secret. Il ne voulait pas qu'ils regardent la façon dont la peau des joues d'Harry, blanche et douce comme les nuages, devenait parsemée par des touches couleur rouge cerise. Il détestait l'idée qu'ils regardent les longs doigts d'Harry glisser sous ses vêtements et caresser sa peau, rendant grâce à chaque partie de son corps avec ses mains fines. Ces choses étaient tout à lui, et personne d'autre n'était autorisé à les voir.

Il rompit donc le baiser avec un petit bruit de contentement et resta sur la pointe des pieds pour rencontrer les yeux de Harry, fatigués mais chaleureux et plein d'adoration, brillant comme des morceaux de verre à la lumière d'une bougie, ce qui lui donna l'idée de faire couler un bain à Harry avec des bougies partout, et peut-être qu'ils le partageraient, s'ils arrivaient à caser le long corps de Harry et celui souple de Louis dans la baignoire assez petite de chez Harry. Puis Louis laverait ses cheveux pour lui, parce qu'il aimait ça, et Harry ferait le ronronnement le plus plaisant à entendre quand Louis frotterait son cuir chevelu pour retirer toutes les bulles de shampoing, et Louis aimait le taquiner sur la façon dont le bout de ses doigts se ridaient quand il restait trop longtemps dans l'eau. Les bains étaient une excellente chose à faire immédiatement avant ou après le sexe, pour se nettoyer et se détendre après, ou pour préparer ce à quoi vous allez avoir l'air et sentir merveilleusement bon juste avant, alors il y avait également ça. Quoi qu'il en soit, Louis tira légèrement Harry et ce dernier vint avec lui. Ils eurent enfin le droit au silence alors qu'ils passaient les grilles main dans la main, avec les personnes qui criaient des insultes se taisant finalement, bouché bée et, pour une fois, complètement à court de mots méchants.

**

Il y avait, cependant, une dernière chose qui tracassait Louis.

Il ne voulait pas vraiment revenir la dessus, pas après la merveilleuse soirée qu'ils avaient passée. Il avait fait une fellation à Harry dans la douche, tandis qu'ils luttaient tous les deux pour rester silencieux parce qu'Anne et Robin étaient en bas, et Harry était souvent bruyant. Puis ils avaient pris un bain pour se nettoyer, et maintenant Harry était couché sur le lit, fatigué et heureux, avec sa tête posée sur les jambes croisées de Louis, alors que ce dernier caressait ses cheveux soyeux et fraîchement lavés, appréciant la façon dont les boucles souples glissaient entre ses doigts. Mais quelque chose le tracassait, comme une démangeaison sans égratignure ; une épine enfoncée sous la peau, et Louis ne semblait pas réussir à se le sortir de la tête.

« Peut-être qu'il a raison, » finit-il par dire. Il avait voulu se le dire à lui-même, mais c'était en quelque sorte sorti tout seul, et les yeux d'Harry s'ouvrirent, sa tête se penchant en arrière alors qu'il levait le regard vers Louis, ses iris assombris par le bonheur et la fatigue.

« Mm ? » Sa voix profonde était lourde, aimante et épuisée. Louis souhaitait ne pas en avoir reparlé, il savait que ça allait les énerver tous les deux, mais Harry savait toujours comment le faire se sentir mieux, et il avait désespérément besoin d'être rassuré.

« Jonas. Peut-être qu'il avait raison. »

Le front d'Harry se plissa. « Bébé, ce gars n'a jamais eu raison de toute sa vie. Chaque mot qui quitte sa bouche est automatiquement faux, simplement parce qu'il l'a dit. Sur quoi exactement tu sembles penser qu'il a effectivement réussi à avoir raison ? »

Louis déglutit. « Je ne suis pas un bon Chrétien. »

Harry se redressa immédiatement, retirant sa tête des mains de Louis ce qui devait avoir été douloureux, en gardant à l'esprit à quel point les doigts de Louis étaient entremêlés à ses cheveux. Se retournant, il dit d'une voix suppliante, « S'il te plaît. Ne te fais pas ça. Ne me fais pas ça. Tu sais que Dieu se fout de qui tu tombes amoureux, tu le sais. Je vais tuer ce Jonas, » il bouillonnait, « tu sais que Dieu s'en fout ! N'écoute pas ce gars. Ne t'avise pas à le faire. S'il te plaît, ne le laisse pas te faire changer d'avis à ce sujet. S'il te plaît. »

Il semblait être sur le point de pleurer, et Louis était horrifié. « Pas à propos de ça ! A quel point crois-tu que je suis stupide ? »

Harry eut l'air tellement soulagé qu'il donna presque l'impression qu'il avait ressenti une horrible douleur qui venait juste de disparaître. « Oh. Bien. Si tu écoutes un seul mot de ce qu'il a dit alors tu es assez stupide, sans vouloir t'offenser, mais vas-y. Continue. » Ses doigts caressèrent le dessous de la mâchoire de Louis, et ce dernier se pencha dans sa main, les paupières flottant jusqu'à se fermer.

« Quel genre de Chrétien suis-je si je ne vais pas à l'église ? » demanda-t-il lamentablement.

« Louis, plein de Chrétiens ne vont pas à l'église. Certains ne peuvent pas, à cause problème de mobilité et tout. On ne peut pas. Ça ne fait pas de toi un mauvais Chrétien. »

« Si. Je pourrais aller à l'église, je ne le ferai tout simplement pas parce que, malgré toutes les fois où j'ai insisté sur le fait que je ne me soucie plus de ce que les autres pensent de moi et que je ferai ce qui me plait, je m'en soucie. Je déteste recevoir des commentaires sarcastiques et des regards en coin, j'ai peur de ce que ma mère dirait si je retournais à l'église, et toutes les choses que les autres diraient, parce qu'elle a sûrement comméré à mon sujet – ou si ce n'est pas le cas, alors c'est encore pire, parce qu'ils vont supposer beaucoup de choses horribles et me détester d'autant plus. J'ai peur, Harry. On s'est promis d'arrêter d'avoir peur et je n'aime pas te laisser tomber. Mais j'ai peur de ce que les gens vont penser. De ce qu'ils vont dire. »

« N'aies pas peur. »

« Je peux pas m'en empêcher. »

« N'aies pas peur. » Harry le regarda dans les yeux. « Louis. S'il te plaît. Je sais que c'est dur. Je sais que c'est effrayant d'avoir l'impression que tout le monde déteste qui tu es, et même encore plus effrayant de savoir que c'est réellement le cas. Mais je suis là. Toujours. S'il te plait, n'aies pas peur. »

« Le pire, c'est que je veux être un bon Chrétien. Je sais que je ne suis pas une mauvaise personne. Mais je deviens une mauvaise personne parce que j'ai peur de faire les bonnes choses. Je suis le pire genre de mauvaise personne, le genre avec de bonnes intentions mais qui n'a pas de courage. »

« Tu n'es pas une mauvaise personne ! » La main d'Harry se posa brusquement dans ses cheveux, les ébouriffant en un vrai désordre. Il déglutit. « Tu veux que je vienne avec toi ?"

« Hein ? »

« A l'église. »

« Toi ? Aller à l'église ? »

« Si tu veux de moi. »

« Mais... tu détestes l'église. »

« Je ne déteste pas l'église en elle-même, je déteste tous ces connards pleins de jugement qui y vont. Mais je m'en fous de ça. Parce que tu as raison, c'est dur. C'est tellement, tellement dur. Mais tu sais ce qui rend tout plus facile ? C'est quand quelqu'un d'autre est là pour te tenir la main. On l'a prouvé tout à l'heure. Parce qu'avec toutes ces personnes disant ces choses, et l'état dans lequel j'étais, je n'aurais pas pu le faire sans toi. »

Louis fit un sourire larmoyant à Harry et essaya de faire semblant qu'il n'était pas sur le point de pleurer.

« C'est important, » lui dit Harry, « parce que ça compte pour toi. C'est pourquoi c'est la chose la plus importante au monde à cet instant. Je ferais n'importe quoi pour toi. Alors, je vais te le demander encore une fois. Veux-tu que je vienne avec toi ? »

« J'ai l'impression d'être un bébé, » marmonna Louis. « J'peux rien faire sans te tenir la main. C'est une réflexion sur moi, pas sur toi. Mais j'ai l'impression d'être pathétique parce que je suis seulement plus fort lorsque tu es avec moi. »

« Ce n'est pas une mauvaise chose. La solidarité n'a jamais été une mauvaise chose. Je suppose qu'on est comme deux moitiés, qui fonctionnent séparément mais le font encore mieux ensemble ; on est simplement chanceux d'avoir trouvé notre pièce manquante. Mais ce n'est pas vrai, Louis. Qu'en est-il de cette fois où tu as découvert ta sœur dans la boîte, et que tu as réussi à l'éloigner de ces filles ? Je n'étais pas là, hein. Quand ta mère te criait dessus et que tu lui as dit que tu choisissais la personne qui allait te laisser être qui tu es, j'étais là, mais tout venait de toi. Tu crois simplement que tu as besoin de moi pour être fort, Louis. C'est ton erreur fatale. »

« J'aimerais être plus comme toi, » Louis baissa le regard vers le sol. « Tu... peux être fort par toi-même. Tu n'as pas l'impression d'avoir besoin de quelqu'un d'autre pour t'aider à te défendre. »

Harry sourit avec nostalgie. « C'est drôle parce que j'aimerais être plus comme toi. J'aimerais ne pas avoir passé autant de temps à devoir être fort par moi-même. »

Le silence se fit. Ils s'observèrent tous les deux, les yeux de Louis errant sur la peau pâle et les tatouages sombres d'Harry, les touches de couleurs dansant sur le blanc comme de la peinture tâchant du papier immaculé. Ils se perdirent ensuite dans son enchevêtrement de boucles riches couleur acajou qui s'enroulaient autour de sa tête comme un halo, pas coiffés et incontrôlables. Sa bouche enflée, comme une tâche rouge sur son visage avec un petit scintillement argent dans le coin. Ses yeux verts feuille, plus fatigués mais rêveurs, perdus dans les souvenirs d'autres choses.

Tout ce qu'Harry voyait était le garçon assis en face de lui. Sa frange caramel tombant sur son front. Deux sphères azures étincelant son visage légèrement bronzé. Sa bouche sérieuse, ses lèvres pleines, et Harry voulut faire apparaître un sourire dessus. Un menton de lutin pointu, des pommettes à tomber par terre, le genre de visage que Michelangelo aurait pu sculpter dans le marbre, mais dix fois plus beau – et bien sûr, Louis n'avait pas un sexe aussi petit que les statues avaient tendance à avoir. Cette pensée fit danser un sourire sur le visage d'Harry comme un rayon de soleil vacillant dans une pièce sombre, et Louis lui sourit en retour, se prélassant dans la chaleur du bonheur soudain d'Harry.

« Faut-il se faire un câlin pour briser la tension ? » demanda Louis après une longue pause.

« D'accord, » acquiesça Harry, puis il se pencha en avant et enfouit son visage dans le cou de Louis, respirant l'odeur à la fois du savon, de sa peau et du déodorant, ainsi que celle des gâteaux qui se cramponnait toujours à lui. Louis mit ses deux mains dans son dos, ferma ses yeux et sourit béatement à personne en particulier. C'était un moment agréable – calme, tout à eux, et après cette discussion tout ce dont ils avaient vraiment besoin était dans cette étreinte.

« Je serai toujours là pour toi, Louis, » chuchota Harry.

Louis le croyait réellement. C'était plus important que croire que les gens allaient peut-être le haïr. C'était plus important que tout.

Il ne le dit pas à haute voix, mais il étreignit Harry encore plus fort et il espéra qu'il le savait déjà.

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