Chapitre 25 Clara

Je grogne en entendant du tapage venir de l'entrée de l'appartement de Yakim. Les voix bruyantes d'une femme à la voix claire et d'hommes aux différents timbres me font grincer des dents. Je pousse un soupir et jette un regard à mon cadran.

Sept heures et demie.

Bon sang! Qui est-ce qui manque de tac et vient baragouiner chez les gens à une heure pareille!

Je me traine jusqu'à l'entrée, à moitié endormie, en pestant contre les gens qui nous dérangent de si bon matin. Le fait que je n'ai pas réussi à fermer l'œil de la nuit (pour la raison que mon cerveau surchauffait d'idées macabres que je ferais à mon ami l'assassin lorsque je lui aurais bousillé sa vie de criminel), n'aide en rien à améliorer mon humeur sombre.

– Pourquoi il y a un vacarme agaçant dès le matin, ai-je grogné en frottant mes yeux gonflés et rougies du manque de sommeil. Je ne m'imagine même pas comment ça doit être agressant pour Keven et Mya...

Je cligne plusieurs fois des yeux en voyant Yakim avec une femme, un homme et deux gamins qui doivent aller tout autant au secondaire que moi. Leur carrure imposante me laisse perplexe et pendant une microseconde je me demande qui ils sont.

– Euh... bonjour...

La femme, qui est un peu plus grande que moi, mais beaucoup plus costaude, s'approche de moi avec entrain, un énorme sourire barrant son visage joliment maquiller. Elle me prend les mains en me détaillant de la tête au pied.

Soit dit en passant, je me contente d'un long t-shirt de mec et d'un minuscule short en guise de pyjama. Cet fois-ci, tout en noir.

– Tu es la zhena de Yakim, me demande-t-elle avec des yeux pétillants d'espoir alors qu'elle louche entre le chandail que je porte et Yakim... torse nu...

J'ignore complètement ce qu'elle veut dire par zhena.

D'ailleurs, je dois avouer que la vue du torse nu de mon beau coloc et de son ventre plat est très agréable à regarder.

Mama, grogne celui-ci en la tirant doucement loin de moi, puis en passant une main dans ses cheveux en épi. Elle est simplement une amie à Keven.

Je rougis malgré moi en ayant maintenant une petite idée ce que ça veut dire avec la précision d'ami tout en les regardant tour à tour alors que la mère de Yakim semble très déçu.

– J'aime beaucoup votre fils, euh... madame... nous ne nous connaissons pas beaucoup, mais euh...

Je ne sais pas trop quoi dire pour alléger le malaise qui règne.

– Enfin... c'est quelqu'un de bien...

Je jette un regard vers Yakim qui me fixe des yeux. Je n'arrive pas à comprendre pourquoi il reste autant de marbre face à moi. D'un côté, la distance qu'il impose entre nous m'attriste, mais je crois comprendre la raison. Je suis un boulet pour lui en ce moment. Il a accepté à contre-cœur de m'héberger.

– Bien sûr que c'est quelqu'un de bien, ajoute la mère de Yakim en me souriant. C'est mon syn.

Le plus vieux des deux gamins grogne comme s'il trouvait le commentaire de sa mère ridicule.

– Je suis désolé Clara, dit Yakim en envoyant un regard lourd à sa mère. Mon père et ma mère allait bientôt répartir...

Il fait un signe de tête à son père qui s'empresse de me saluer avant de tenter de tirer sa femme hors de l'appartement, mais celle-ci ne semble pas vouloir partir.

– Mes parents m'ont dit qu'ils avaient gagné un voyage... donc mes frères vont rester ici... pendant quelque temps.

Yakim me parle sans même me regarder. Je lève un sourcil et fais un pas vers lui.

– Et tu n'as pas penser à l'endroit où ils allaient dormir, pas vrai?

Il fait la grimace, confirmant ainsi mes dires.

– Elle connait parfaitement bien mon grand garçon alors, s'exclame joyeusement la femme avec de nouveau un énorme sourire qui fait pétiller ses yeux brun foncé.

– Maman, soupire Yakim. Elle n'est pas plus une potentielle petite-amie. Elle... s'intéresse déjà à quelqu'un.

Je le regarde en fronçant les sourcils. A-t-il perçu mon attirance physique par rapport à Keven? Ou... par rapport à lui... Je secoue la tête pour chasser les idées qui apparaissent dans celle-ci.

– Et désolé, les gars... mais vous allez devoir camper dans le salon.

Chto, s'exclame le plus vieux des jeunes frères de Yakim. Eto nepravda!

Il est un peu plus petit que son grand frère, mais tout aussi impressionnant. Comme Yakim, ses deux frères ont les cheveux bruns de leur mère, mais les yeux noisette de leur père. D'ailleurs, c'est très étonnant qu'ils soient tous des Forès, car c'est très rare qu'il n'y ait aucun démarqué dans une famille à plusieurs enfants.

– J'avais dit à mama que je pouvais m'occuper de Ruslan pendant leur absence!

– Net, dit catégoriquement le plus jeune qui est à peine plus petit que moi. Tu n'aurais fait que préparer et acheter des plats congelés. Et en plus, le ménage serait mal foutu, ce qui ferait qu'au final, c'est moi qui m'aurais occupé de tout.

Un sourire étire mes lèvres. Je sens que je vais apprécier ce gamin.

Keven et Mya décident de sortir de leur trou à ce moment précis, aussi endormie que je l'étais quelques minutes plus tôt. Keven porte un short de piscine vert et un t-shirt blanc tandis que Mya porte un ensemble de pyjama avec des têtes de mort et des fleurs imprimer sur celui-ci.

– Ah... c'est bein juste vous, dit Keven en manquant total de tac.

Mya lui donne une tape sur le bras en lui faisant un regard noir, puis elle se tourne vers les parents de Yakim avec un large sourire qui veut tout dire.

– Bonjour. Je suis ravie de vous revoir en pleine forme.

Yakim et moi levons simultanément les yeux au ciel.

– Moi aussi, dit la mère de Yakim en lui rendant son sourire avant de reporter son attention sur son plus vieux fils, puis en faisant des va et vient entre lui et moi.

Le père de Yakim se racle la gorge avant de prendre la parole.

– Comme nous partons pour un long moment, nous nous sommes arrangés pour que Pavel et Ruslan aillent à la même école que Mya. Nous devrions être de retour pour la semaine de relâche, à la mi-mars.

Je n'imagine même pas comment Mya doit se sentir minuscule face à cette famille de grande personne.

Chto, s'exclame de nouveau Pavel en regardant son père, puis sa mère. Vous ne nous l'aviez pas dit!

Le couple hausse les épaules puis sort à l'extérieur.

– Faites nous rapidement des petits enfants, s'exclame la femme à la dernière seconde en me faisant un clin d'œil.

Je tente tant bien que mal de ne pas rougir alors que Yakim grogne en se passant une main sur sa nuque. En jetant un regard à Mya, je vois sur son visage qu'elle croit que ces derniers mots lui est adressée. Elle jette un regard brillant à Yakim, les joues rougies, avant de s'éclipser dans sa chambre, imité par Keven. Pavel bougonne et me bouscule même s'il y a assez de place pour qu'il se dirige vers le salon.

– Salut, moi c'est Ruslan, dit le plus jeune en me tendant une main qui fait la même grandeur que la mienne. Et désolé pour Pavel, il est tout le temps comme ça.

– Ce n'est rien, dis-je en observant ma main dans la sienne alors que Yakim reste là, les bras croisés, à nous regarder. Moi c'est Clara.

– Tu n'es vraiment pas la petite-amie de Yakim?

Je pince les lèvres pour ne pas éclater de rire devant son regard curieux alors que son grand frère lui ébouriffe les cheveux.

– Nan... mais ça ne serait pas désagréable.

Je fais un clin d'œil à Yakim alors qu'il se renfrogne comme si je venais de dire quelque chose qui le dégoûte.

– Ah! C'est sûr! C'est quand même mon grand frère, plaisante Ruslan en prenant le ton de sa mère, ce qui me fait rire pour de bon.

Je mets ma main sur ma bouche alors que Ruslan me fait un grand sourire. Il me fait un signe de tête avant de partir vers le salon, sa valise et celle de Pavel tiré dernière lui.

– Quel âge ont tes frères déjà?

– Pavel à le même âge que toi, mais dans un mois il aura dix-sept. Ruslan a eu douze ans il n'y a pas longtemps.

– Ah... et il est né à quelle date, Pavel?

Yakim me jette à peine un regard avant de marché vers le couloir.

– Le 27 décembre.

– Il a quatre jours de plus que moi.

Yakim m'ignore et part dans sa chambre comme s'il voulait se sauver loin de moi.

Son attitude froide m'agace tellement!

Je finis par déjeuner seule.

Yakim ne fût pas long avant de partir rapidement pour son travail alors qu'il est exactement huit heures. En essayant de refoulé mon agacement par rapport à son attitude envers moi, je pars dans ma chambre pour me préparer, c'est à dire, mettre mon uniforme, me maquiller, empocher un tricot noir, mon coat d'hiver en cuir, mon sac et mes clés. Je sors au moment même où Mya déjeune à la va vite, qu'un Pavel grognon et qu'un Ruslan souriant patientent pour que nous les accompagnons jusqu'au bahut... enfin... plus Mya que moi vu que j'y vais à moto. Je passe à côté d'eux en jouant avec mes clés sous le regard noir de Pavel. Je l'ignore et sors à l'extérieur alors qu'il commence à se faire de plus en plus frisquet. Faut dire que même à la mi-novembre, on se croirait en hiver. Il y a même une minuscule couche de neige. Sans doute tomber pendant la nuit.

J'ouvre le siège avant de prendre mon casque et d'y mettre mon sac. J'enfourche ma bécane alors que Mya s'empresse de barré la porte lorsqu'elle sort après Pavel et Ruslan.

– L'un de vous deux veux une petite balade à moto, ai-je demandé aux deux gamins.

– Non merci, nous allons marcher, me dit Ruslan alors que Pavel m'ignore superbement, se contentant de marcher à la suite de Mya qui vient de me faire des gros yeux.

Son visage veut clairement dire qu'elle trouve Pavel très exaspérant. Je hausse les épaules et mets mon casque avant de partir vers l'établissement.

Je retrouve rapidement Edwin et Salimata qui discutent déjà dans la cafétéria. Enfin... discuté est un bien grand mot, car seul Edwin parle. Salimata se contente de l'écouter d'une oreille, car de l'autre pend un écouteur.

– Salut vous deux.

– Salut!

Salimata se contente d'un hochement de tête en guise de salut.

– Je parlais justement de Murder Nights, tu sais, la nouvelle série policière! C'est trop le top!

Je secoue la tête devant l'expression bouche bée d'Edwin.

– Tu ne connais pas! Faut que tu ailles écouter ça! Les mecs sont trop canon là-dedans!

Je lève un sourcil en le regardant fantasmer et décrire en long et en large tous les séduisants policiers de la série, ajoutant quelques petits détails des femmes policières.

Nous avons tous les trois un cours de l'histoire de notre planète, Nirci (même si personne ne connait le début de notre histoire... les archéologues ont seulement retrouvé des inscriptions datant de l'an trois-cent), dès la première période. Nous nous y rendons à peine quelques secondes avant la deuxième cloche annonçant le début du cours. Mya et Liam se trouvent à être déjà installé dans le fond de la classe. Mya me sourit pendant un court instant avant que son expression s'assombrisse. Je m'installe à côté de Liam, dans la dernière ranger et Edwin et Salimata s'assoient à ma gauche, du côté de la porte. Edwin fait un sourire hésitant à Mya, mais celle-ci le snobe.

– Qu'est qu'il a eu entre vous, lui ai-je demandé en chuchotant alors que la professeure commence le cours sur l'air des chevaliers et des guerres intercontinentaux. Pourquoi elle te regarde comme si elle voulait te vomir dessus?

Edwin pince les lèvres et baisse les yeux pendant une seconde avant de me regarder de nouveau.

– C'est que... Mya et moi... nous sommes sortis ensemble l'an passé... et... c'est en partie grâce à notre relation que je me suis aperçu que je ne m'intéressais pas aux filles.

Je le regarde, surprise, avant de jeter un regard vers Mya.

– Elle m'en veut toujours apparemment

Donc... elle doit savoir que Salimata et lui sont des marqués. Si elle reste rancunière même après autant de temps, c'est parce qu'elle l'avait sans doute profondément aimé.

– Mais tu lui as dit, quand tu t'en es aperçu?

– Ouais, bien sûr. J'ai peut-être l'air d'un mauvais gars, mais je ne suis pas polyamoureux. Ça me dégoute rien que d'y penser.

Ouais... mon cœur fait des siennes pour deux hommes... est-ce qu'on peut me considérer polyamoureuse même si je n'ai aucun relation intime avec eux? J'espère que non...

Et si... Mya avait jeté son dévolu sur Yakim seulement parce qu'elle voulait penser à autre chose qu'à Edwin? Peut-être bien.

Mon cœur gonfle étrangement d'une sorte de soulagement à la suite de cette pensée, comme si je souhaitais réellement que son fantasme sur notre beau coloc soit faux.

Hein! Mais pourquoi je réagis comme ça!

Mon cœur fait des siennes et je ne comprends pas pourquoi. Ou plutôt. Je ne veux pas le comprendre. Je ne veux pas me l'avouer. Pourtant, c'est bien là. Cette émotion. Légèrement différents de ce que j'ai ressenti au premier abord pour Keven quand je l'avais vu faire le paon devant Maggie, puis Aya... mais tout aussi puissant. Plus déstabilisant. Et pourtant, ça fait seulement un mois que je le connais.

Je me couche sur mon bureau en écoutant que d'une oreille le discours de la prof sur la troisième plus importante guerre de notre planète. Les émotions que j'essaie tant bien que mal à ignorer prennent soudainement trop de place dans ma tête. Ce que je ressens pour Keven et ce que je viens de réaliser se débat dans ma tête pour avoir le plus de place. Beaucoup plus que ma petite pensée pour la personne qui a bousillé ma vie.

Je retiens un soupir, exaspéré par moi-même, car je sais qu'aucun de mes deux colocs me voient différemment que comme une lycéenne morbide pourchassée par un cinglé aux pensées plus folles que les miennes.

Ça dépend du point de vue, me dis-je en soupirant pour de bon.

† † †

Déjà samedi. Je n'arrête pas de penser à mon petit cœur qui fait des siennes à chaque fois que je vois l'un ou l'autre des deux beaux hommes avec qui j'habite. J'étais persuadée que ce que j'avais ressentis était une simple imagination de mon cerveau. J'avais déjà donné mon cœur à Keven! Je ne pouvais tout de même pas le reprendre et le donner à quelqu'un d'autre! Comme ça!

Mais la vraie réponse est :

Oui. Évidemment. Mon cœur c'est coupé en deux (ou plutôt en trois, car la part mauvaise est pour l'assassin).

Mon cerveau n'a rien inventé du tout. Maintenant que j'en ai pris conscience, ça me terrifie... et j'ai l'impression de ne plus connaître mes sentiments. Pour Keven. Une chose est sûre, il bat encore pour lui. Cependant, pas de la même manière que lorsque je regarde Yakim. C'est comme si, sans le vouloir, il m'avait ensorcelé et voler une part de mon cœur qui était à Keven il y a encore quelque temps. Je ne comprends même pas pourquoi. Qu'est-ce qui me plaît chez lui? Oui, je dois l'avouer, il est très séduisant, mais nous ne nous sommes quasiment jamais parlé. Pourtant, j'avais apprécié nos discussions, bien que minime... et j'ai de plus en plus envie de le connaître, de lui parler... et peut-être même oser le toucher. Faut dire que lorsque je le vois, le matin, dans son simple short, ça ne m'aide pas à avoir des pensées logiques. À part me dire qu'il est toujours à couper le souffle.

Comme en ce moment d'ailleurs. Il est là, déjà assit à la table alors que je me traine comme un zombie jusqu'au réfrigérateur tout en me demandant ce que je vais bien pouvoir déjeuner. Faisant semblant de chercher dans les tiroirs, je le regarde du coin de l'œil alors qu'il mange la pomme la plus grosse que j'ai vu de ma vie, tout en étant sur son téléphone. Il dû sentir mon regard car il lève ses yeux bruns aux paillettes lumineuses rouge sang pendant une seconde tout en fronçant les sourcils.

– Quoi, me demande-t-il de son ton brusque qu'il me réserve depuis quelques temps, en reportant son attention sur sa géante pomme.

– Rien, dis-je en m'efforçant de lui sourire en ignorant les battements soudainement rapides de mon cœur. Je... me demandais... euh...

Yakim se lève précipitamment en ignorant ma tentative de lui parler et mon agacement l'emporte sur mon envie de lui demander d'aller quelque part... genre, au gym où nous nous étions déjà rencontré auparavant. Les poings serrés, je me dirige rapidement vers lui avant qu'il n'aille pu disparaître dans le couloir. À sa grande surprise, je lui fais un croche-pied et à la mienne, il tombe au sol de tout son poids. Prenant l'avantage de l'avoir mis à terre, je m'assois rapidement sur son ventre avant qu'il n'ait le temps de se ressaisir et de se relever.

– C'est quoi ton problème, me suis-je exclamée en le fixant dans ses yeux bruns à la lumière rouge sang, les mains sur son torse chaud.

C'est moi ou je sens son cœur battre rapidement sous ma main?

Yakim me regarde, surpris, une lueur dans les yeux, avant que son visage s'assombrisse pour une raison que j'ignore et que son cœur reprend un rythme normal.

À moins qu'il n'ait pas battue plus rapidement et que c'était seulement mon imagination...

– Rien, marmonne-t-il en détournant le regard comme si ma simple vu le dégoûtait.

Devant son attitude, la colère monte de plus en plus en moi.

– Si m'a présence te dérange tant que ça, dis-le-moi, bon sang! Je préférerais aller vivre seule dans un trou à rat plutôt que de devoir endurer ton attitude désagréable en m'ignorant comme si je n'existais pas!

Bon, c'est un peu exagéré, vu que je ne me laisserais jamais de le regarder... surtout en ce moment.

Et je dois l'avouer... de sentir sa peau chaude contre mes paumes. J'en rougirais presque si je n'étais pas aussi en colère contre lui, contre moi et contre le monde entier.


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