Chapitre deux.
« Donc, eh, qu'est-ce que tu veux manger ce soir ? » Commença Camila, ses yeux se posant nerveusement sur sa petite amie à côté d'elle, qui conduisait. « Je pourrai faire cuire des patates, et faire du porc si tu en veux. Ou alors des sushis je suis sûre d'avoir assez d'ingrédients pour en faire. »
« Camila. » L'interrompit Lauren sans aucune intonation. La châtain se tut aussitôt. « À quoi est-ce que tu pensais quand tu as pris ce rendez-vous avec cette cinglée ? »
Camila tourna son regard vers la fenêtre, ses mains jouant nerveusement avec la fermeture éclair de sa veste verte kaki. « J'ai juste pensé qu'on pourrait utiliser un peu d'aide, tu vois ? » Marmonna-t-elle, toute trace de sourire ayant quitté son visage. Avait-ce été une erreur d'entraîner Sarane dans leurs problèmes ? Tout ce qu'elle voulait était retrouver son ancienne relation, celle où Lauren lui faisait des câlins et l'embrassait et lui faisait l'amour tous les jours, pas ce glacial semblant de relation qu'elles avaient à présent.
Lorsque Lauren était devenue la leader de l'entreprise quand son frère en avait créé une nouvelle, elle était devenue froide et distante. Elle avait toujours été froide, c'était une particularité des Jauregui, mais elle s'était laissé aller avec Camila, dans la sécurité de leur maison. Elle avait même été souriante, alors.
Maintenant, Camila ne parvenait même plus à se souvenir de la dernière fois où Lauren et elle avait souri. C'était déjà assez horrible qu'elle ne puisse se rappeler du dernier sérieux baiser qu'elles aient partagé. Dieu, ça avait été tellement embarrassant de l'admettre à la thérapeute. Bien que Sarane soit probablement habituée à entendre ce genre de choses, vu sa profession.
Lauren plissa les yeux dans sa direction, mais se concentra de nouveau sur la route, ses mains raffermissant leur prise sur le volant. Si il y avait une chose qu'elle haïssait par-dessus-tout, c'était qu'on se mêle de sa vie privée. Tout allait bien entre elle et Camila, elle ne voyait pas l'intérêt d'aller consulter une thérapeute inutile qui donnait des 'devoirs' aussi ridicules que de s'étreindre pendant cinq minutes. Vraiment, quelle utilité ?
Le dîner ce soir-là fut silencieux, comme toutes les soirées précédentes.
Camila, effectivement, fit cuire des patates, accompagnées de sushis et de porc frit avec du riz blanc.
Après le dîner, Camila rangea sans bruit les restes au réfrigérateur, nettoya méthodiquement les plats et poêles avec du papier avant de le jeter à la poubelle, et procéda ensuite à faire la vaisselle aussi silencieusement qu'elle le pouvait sachant que Lauren détestait qu'il y ait du bruit quand elle tentait de finir du travail.
Son regard se posa avec absence sur le grand jardin du Manoir des Jauregui, visible depuis la fenêtre qui lui faisait face. Même après deux années, elle avait toujours du mal à le considérer comme sa propre maison principalement parce qu'elle avait l'habitude de l'appeler le Manoir Jauregui depuis son enfance, quand elle venait rendre visite à Lauren.
Le Manoir était immense, et possédait de nombreuses chambres, appropriés au haut rang social des Jauregui. Quand Camila y était venu vivre officiellement, elle avait fait sa mission de faire du manoir une vraie maison, et avait acheté des meubles confortables pour chaque pièce, remplaçant les teintes noires et blanches par du bleu foncé, du marron, occasionnellement du gris. Il y avait même une pièce entièrement peinte en orange, avec un bureau en bois foncé et un canapé bleu pâle, une chaise assortie au mur rangée près du bureau. C'était la chambre personnelle de Camila, où personne n'entrait à part elle. C'était ici qu'elle préparait ses classes, imaginait les nouvelles activités qu'elle ferait avec ses élèves, et parfois peignait ce qui lui passait par la tête.
Ce fut seulement quand toutes les pièces semblèrent accueillantes, et que la maison ne donne plus de désagréables frissons à Camila, qu'elle osa y inviter quelques amis. Ces derniers avaient été tellement impressionnés par les changements qu'elle avait apporté à l'endroit, et l'avaient félicité d'avoir transformé le glacial Manoir Jauregui en un chaleureux foyer.
Un léger sourire apparut sur les lèvres de la châtain quand elle se remémora l'expression de Lauren lorsque cette dernière avait passé le seuil du manoir, sa petite amie avait hésité entre l'outrage de la transformation complète de sa maison d'enfance et la reconnaissance envers sa partenaire qu'elle ne soit plus aussi froide. Finalement, Lauren avait fini par lui frapper la tête et l'embrasser simultanément.
Le sourire de Camila disparut et elle soupira en essuyant la dernière assiette, la rangeant ensuite dans le placard. Ces derniers temps elle s'estimait déjà heureuse si Lauren la regardait ne serait-ce qu'un instant.
Pour la énième fois, la femme aux cheveux châtains se demanda quand exactement leur relation avait commencé à péricliter. Est-ce que ça avait été quand Camila s'était soudainement trouvée très occupée, entre ses classes et l'aide qu'elle apportait à Winstone en la remplaçant à l'animalerie ? Ou bien quand Lauren avait reprit la direction de la compagnie ?
Elle ne savait pas. Elle voulait savoir, mais Lauren n'avait jamais été une grande bavarde. Parler de sentiments et de possibles problèmes, en dehors de ceux de relation avec son travail, lui était impossible.
Elle s'installa sur le canapé, un plaid blanc étalé en travers de ses jambes, et commença à regarder un genre de programme naturel sur les renards. Ces malignes créatures avaient toujours réussi à fasciner Camila, mais ce soir elle ne parvenait pas à maintenir son attention sur l'écran.
D'innombrables pensées parcouraient son esprit, et toutes étaient centrées sur une certaine femme aux cheveux bruns à l'étage supérieur.
Camila mordit sa lèvre, fixant sans la voir la télévision, où une maman renard s'occupait de ses petits. À nouveau, elle se demanda si aller voir une thérapeute sexuelle avait été la meilleure des idées pour résoudre leur problématique relation. Peut-être aurait-elle dû attendre plus longtemps ? Voir si ça allait changer ?
Elle secoua aussitôt la tête de gauche à droite, elle avait attendue assez longtemps. Elle avait gardé le silence dans l'espoir que ça s'améliorerait avec le temps, mais ça n'avait pas été le cas. Et si elle ne faisait pas quelque chose maintenant, ça sera trop tard, et elle voulait éviter ça à tout prix. Elle ne voulait pas perdre Lauren. Elle avait eu du mal à l'avoir, et ne la laisserait pas si facilement. Si elle le devait, elle menotterais Lauren et la traînerait aux rendez-vous avec Sarane.
Levant les yeux vers l'horloge accrochée au mur, elle remarque qu'il était déjà plus de onze heures. Grand temps d'aller se coucher, alors.
Avec un profond bâillement, Camila s'étira et éteignit la télévision, repliant le plaid et le posant sur le canapé. Elle se glissa dans la salle de bain et se brossa rapidement les dents, décidant qu'elle se doucherait dans la matinée.
Elle entra ensuite dans la chambre principale, qu'elle partageait avec Lauren, et passa le placard en revue jusqu'à ce qu'elle trouve un t-shirt noir et un jogging gris -son pyjama.
Prenant une profonde inspiration, elle se dirigea sur la pointe des pieds en direction du bureau de Lauren, frappant doucement sur la porte close. Un grognement lui fit savoir qu'elle pouvait entrer, et elle entrebâilla la porte, jetant un coup à l'intérieur.
Sa petite amie était assise à son bureau, la lumière de son ordinateur créant des ombres sur son visage. Elle était en train de taper quelque chose, regardant de temps à autre un document à côté d'elle sur le bureau. Le bruit de ses doigts sur le clavier emplissait la pièce autrement silencieuse.
« Eh, Laur, tu viens te coucher ? » Demanda Camila, frottant ses yeux qui commençaient à la brûler dû au manque de sommeil qu'elle avait accumulé depuis quelques jours. Damnés soient ces stupides bulletins.
« Pas maintenant, Camila. » Fut la réponse, marmonnée avec absence. Elle farfouilla une pile de feuilles avec des mouvements agacés.
« J'ai encore des choses à faire. »
« Oh. » Camila mordit sa lèvre inférieure, se souvenant de leur 'devoir' s'approcha de Lauren, retenant sa respiration quand ses yeux vifs, perçants, se fixèrent soudainement sur elle la figeant comme si elle était une biche face à des phares de voiture.
Ne soit pas aussi foutrement effrayée, se fustigea-t-elle. Ce n'est pas comme si Lauren allait me tuer. Enfin j'espère.
« Quoi ? » La voix irritée de Lauren la sortit de ses réflexions.
« Eh bien, nous sommes censées nous faire un câlin, tu te souviens ? » Interrogea Camila avec un sourire forcé, liant ses mains dans son dos. « Sarane a dit que nous avions à le faire tous les soirs et tous les matins, pendant au moins cinq minutes. »
Lauren massa ses tempes douloureuses.
« Devons-nous le faire maintenant ? Ce travail ne se fera pas tout seul. » Grinça-t-elle.
« Juste cinq putain de minutes, connasse ! C'est tout ce que je demande. » Renvoya Camila sur le même ton.
Bien, c'était un bon début.
« Très bien ! » Lauren repoussa violemment sa chaise et se dirigea vers Camila, entourant froidement la taille de cette dernière de ses bras.
Lentement la châtain mit les siens autour de Lauren, craignant à chaque secondes que l'autre n'en ait assez et se détourne. La brune n'avait jamais été du genre à faire des câlins, après tout.
Avec précaution elle posa la tête sur la ferme poitrine de Lauren, entendant son cœur battre lentement et sentant sa respiration soulevant sa poitrine et la quittant rythmiquement. Elle ferma les yeux et réduisit l'écart entre elles, collant leurs deux corps l'un à l'autre.
Lauren ne se relaxa pas un instant durant leur étreinte, mais Camila se sentit néanmoins bien dans ses bras, en sécurité. Les bras chauds reposaient fermement sur le bas de son dos et Camila ne put s'empêcher de sourire. C'était tellement agréable. Après des mois sans qu'elles ne se touchent, vivant presque l'une à côté de l'autre plutôt que l'une avec l'autre, c'était bon d'étreindre Lauren de nouveau. Elle avait presque oublié à quel point sa petite amie était chaude.
Camila sursauta quand la chaleur l'entourant la quitta abruptement, et elle cligna des yeux en voyant Lauren retourner à son bureau, ses mains parcourant le clavier noir avec adresse.
Je suppose que nos cinq minutes se sont écoulées, se dit-elle tristement avant de se détourner. « Bonne nuit, Lauren. »
« Hn. » Fut la seule réponse qu'elle obtint avant qu'elle ne ferme la porte et ne retourne dans leur chambre.
Bon, pensa Camila alors qu'elle grimpait dans l'immense lit et éteignait la lampe, s'enfonçant profondément dans les moelleuses couvertures, au moins nous nous sommes fait un câlin pour la première fois depuis des mois.
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