À la maison

Contrairement à ce que Spider lui avait affirmé la veille, il ne reparlèrent pas de sa future maison le lendemain. Ni le jour d'après, ni le suivant. Quaritch finit par comprendre qu'il s'agissait d'un sujet particulièrement délicat et que le plus jeune n'avait pas envie d'en parler. Il se promit néanmoins de réessayer bientôt, car il n'en pouvait plus de son étroite salle de détention.

À la place de construire sa maison, le colonel occupait ses journées à s'entraîner avec le blond. Il s'exerça d'abord à améliorer ses talents d'archer et de grimpeur d'arbre. Il s'essaya ensuite à la pêche, discipline dans laquelle il découvrit qu'il était plutôt doué. Tandis que ses progrès se faisaient peu à peu visibles, il se mit à sentir un regard scrutateur dans son dos qui semblait toujours l'épier discrètement.

Un jour, il prit Jake sur le fait en train de l'observer à la dérobée. Ne sachant pas trop comment réagir, il l'ignora, mais l'autre homme ne cessa de l'espionner pendant les heures qui suivirent. Agacé, il finit par se retourner violemment et s'écria d'un ton ironique:

— Tu veux ma photo ou quoi, Sully?

Le traître serra les dents et cracha sur lui avant de détaler entre les arbres.

— C'est ça! Dégage fils de pute, cria Quaritch, bien que seul le silence lui répondit.

Quant au Monkey Boy, pendant ce temps, il profitait de l'absence de l'avatar pour s'amuser avec Lo'ak. Kiri était de plus en plus occupée avec la Tsaìk du village, puisqu'elle voulait apprendre le métier. Hélas, ce faisant, elle ne passait presque plus ses journées avec ses frères ou sa soeur et ceux-ci s'ennuyaient d'elle.

Lorsque le crépuscule s'invita, Spider prit finalement son courage à deux mains et murmura à Lo'ak qu'il devait lui parler de quelque chose d'important. Ce dernier haussa un sourcil dans sa direction, curieux de savoir ce qui le tracassait.

— Est-ce que Quaritch peut venir vivre avec nous, lâcha-t-il de but en blanc afin de ne pas tourner autour du pot.

Il détestait quand les adultes ne lui avouaient les choses qu'à demi-mot et s'était promis de jamais devenir comme eux. Son frère réfléchit sérieusement à la question, l'air mitigé.

— Tu sais que je le déteste?

C'était réthorique, alors le blond s'abstînt de commentaire.

— Si c'est ce que tu veux, j'vais pas t'en empêcher, mais...

Il laissa sa phrase en suspens quelques secondes puis ajouta:

— Je vais retourner vivre avec papa, maman, Tuk et Kiri. Désolé.

༺༺༺

Bien sûr que Spider était déçu. Il avait enlacé longuement son ex-colocataire, le lendemain, quand celui-ci était venu ramasser ses affaires avant de quitter la maison en silence. Puis il s'était roulé en boule sur son matelas pour s'apitoyer un instant, en se traitant intérieurement de nul. Par la suite, il s'était asséné une belle claque mentale et avait brusquement relevé son cul du sol pour aller annoncer la nouvelle à Quaritch.

Il le trouva non loin du village en train de s'entraîner à l'arc et se permit de l'observer à la dérobée quelques instants. En sentant un regard insistant lui chatouiller la nuque, le colonel cru qu'il s'agissait de Jake et se retourna brusquement afin de braquer la pointe de la flèche qu'il venait d'encocher vers l'intrus. Le plus jeune eut un mouvement de recul.

— C'est juste moi, s'annonça-t-il aussitôt. Tu devrais pas menacer les gens comme ça.

Ce dernier marmonna des excuses et vint à sa rencontre. Il vint si près que Spider put sentir son odeur. Il avait beau prétendre n'être nullement intimidé et sûr de lui, quand le géant bleu se tenait face à lui du haut de ses neuf pieds cinq... il se sentait vraiment minuscule, presque insignifiant.

— Qu'est-ce qu'il y a?

— Je t'ai trouvé une maison où habiter.

L'avatar voulut protester, mais le blond ne lui en donna pas l'occasion.

— C'est chez moi.

Cela suffit à lui clouer le bec et il emboita docilement la pas à son Monkey Boy.

Arrivé à la maison, Quaritch s'étonna de la présence d'un seul matelas au sol; il y en avait deux la dernière fois.

— Est-ce que Lo'ak, commença-t-il...

Spider le coupa avant qu'il n'ait pu terminer.

— Il est parti. Retourné vivre avec les parents.

— J'suis désolé.

— T'as pas à t'excuser.

Quand le Colonel lui avait demandé s'il pourrait avoir une maison, le blond devait admettre qu'il avait été un peu triste pour lui. Chez les Na'vis, quand les jeunes adultes quittaient le domicile familial, c'était tout le clan qui les aidait à construire leur nouvelle maison. Ils faisaient ensuite une grande fête pour célébrer cette étape du passage à l'âge adulte. Du côté de l'avatar, ce serait tout l'inverse. Non seulement personne ne voudrait l'aider à construire sa maison, mais en plus tous les Na'vis le détestent et il n'a même plus de famille.

Le blond le comprenait et compatissait à sa situation, car lui aussi se sentait souvent rejeté de sa famille adoptive. Neytiri ne lui avait jamais pardonné le simple fait d'être parmi ceux qui viennent du ciel. Quant à Jake, la mort de Neteyam l'avait beaucoup changé et lui avait fait prendre conscience de ses erreurs. N'empêche qu'il n'avait jamais considéré Spider comme l'un de ses enfants contrairement à Kiri qui, elle aussi, avait été adoptée.

Les deux hommes s'évitèrent ainsi pour le reste de la journée, le premier étant de mauvaise humeur et le second n'osant pas déranger le premier. Le malaise s'accrut quand, à la tombée de la nuit, ils firent tout deux face à l'unique matelas au sol.

— Je vais aller en chercher un autre, annonça le plus jeune.

— Pas besoin, contra Quaritch, un sourire mutin aux lèvres. On a juste à dormir collés.

Spider lui jeta un regard noir, ses joues arborant tout de même une teinte écarlate. Il s'apprêtait à refuser, mais le colonel ne lui en laissa pas l'occasion.

— Allez viens là, lui dit-il en le soulevant avec une horrible facilité dans ses immenses bras.

Le blond n'essaya même pas de se dégager sachant qu'il n'avait aucune chance. Il se contenta de faire une grimace mécontente au plus vieux.

— T'abuse de ta grandeur, ronchonna-t-il.

— Absolument.

Ils s'installèrent donc collés ensemble sur le matelas, Quaritch gardant un de ses bras autour de la taille de son Monkey Boy.

༺༺༺

Une nouvelle routine commença ainsi, tout naturellement. La salle de détention fut reléguée dans les oubliettes de leurs esprits. Hélas, le mépris dont Quaritch était victime ne s'atténua pas — pas qu'il ne le mérite, selon Spider — et bientôt, ce mépris s'étendit progressivement sur lui-aussi. Déjà, il faisait partie de ceux qui viennent du ciel. Juste ça suffisait à lui apporter le scepticisme des Na'vis. Désormais, les murmures allaient bon train comme quoi il « pactiserait avec l'ennemi ».

Ce rejet de plus en plus flagrant des autres lui pesait énormément sur le cœur bien qu'il n'aborda jamais la question. Les rayures qu'il avait pris l'habitude de peindre sur son corps lui paraissaient presque dérisoires. Ça ne servait à rien de prétendre être quelqu'un qu'il ne serait jamais, même dans ses rêves les plus fous. Ironiquement, son seul réconfort était aussi la cause même de ses soucis — Quaritch.

L'avatar était insupportablement gentil depuis qu'ils avaient aménagé ensemble. Spider s'était mis à apprécier beaucoup plus que ce qu'il aurait dû de dormir dans les bras du Colonel. C'était un peu différent d'avec Lo'ak; le blond avait réellement l'impression que l'homme comprenait ce qu'il ressentait et qu'il compatissait avec lui.

Et puis, Kiri lui manquait terriblement. Il la voyait parfois, partageait un court repas en sa présence avant qu'elle ne disparaisse une énième fois dans l'antre de la Tsaik. Elle deviendrait assurément la meilleure guérisseuse de tous les clans confondus, pensait-il, fier de sa sœur adoptive. Or, pendant ce temps, lui, se contentait de survivre avec le peu de contacts sociaux et physiques dont il bénéficiait. C'était probablement un mélange hétéroclites de tout ça qui mena le blond à faire quelque chose qu'il n'aurait certainement pas imaginé en d'autres circonstances...

Il était assez tard ce soir-là. Spider était chez lui; il avait un petit creux alors il égrenait méthodiquement une pommegrenade qu'il avait cueillie plus tôt. Il adorait particulièrement ces fruits rouges et juteux même s'ils agaçaient la plupart des gens dû au temps nécessaire à les égrener. Son nouveau colocataire l'observait faire très attentivement, captivé.

— Quoi? s'écria le plus jeune, gêné par ce regard scrutateur.

— Pourquoi tu perds autant de temps à manger ça? s'enquit l'avatar, le menton nonchalamment appuyé sur la paume de sa main.

— En général, j'en mange quand j'suis de bonne humeur ou quand j'ai besoin de réfléchir.

— Et aujourd'hui, c'est pour quoi?

— Un peu des deux, je dirais.

Le blond avait inconsciemment laissé une goutte de jus au coin de sa bouche. Quaritch la suivait fixement des yeux; il voulait goûter lui aussi. Sans s'apercevoir qu'il s'était un peu trop rapproché de son Monkey Boy, le colonel intercepta une seconde fois son regard incertain.

— Qu'est-ce que tu me veux!? s'énerva finalement celui-ci. Arrête de me fixer!

Le plus vieux s'avança alors très lentement, l'air hypnotisé — presque comme s'il était en transe — et essuya méticuleusement la goutte de jus oubliée sur les lèvres rougies de Spider. Le garçon sentit les battements de son cœur s'accélérer. Ils l'avaient déjà fait non..? Une fois de plus ou de moins... ça ne changerait pas grand chose, n'est-ce pas?

Lorsque leurs prunelles se rencontrèrent à nouveau, brillantes d'un accord tacite, le blond se retrouva assis sur la table tandis que Quaritch l'embrassait avec une ardeur contenue. Il sentit ses joues s'enflammer sans qu'il ne puisse s'en empêcher. Pour autant, il ne repoussa pas l'avatar. Au contraire, il avait besoin de ça: de se laisser aller, de ressentir du plaisir, de se sentir aimé et désiré. Les bras forts du colonel autour de son corps frêle d'humain lui apportait tout cela.

Il enroula de lui-même ses jambes autour de la taille du plus grand et ce dernier, après avoir respiré quelques secondes dans son masque, le renversa sur la table. Son dos rencontra le bois lisse alors que le corps de Quaritch couvrait agréablement le sien et que leurs lèvres s'épousaient encore. Son désir monta en flèche; chaque cellule de son organisme s'électrisant sous les baisers de plus en plus brûlants qu'ils échangeaient.

Les mains de l'avatar se perdaient entre ses hanches et ses cuisses, effleurant sa peau avec une douceur surprenante. Spider s'accrocha ensuite à ses épaules et celui-ci comprit aussitôt. Il le souleva donc afin de l'amener jusqu'à leur petit matelas. Le confort que lui procura la natte sous lui acheva de l'alanguir. Pourquoi avait-il attendu si longtemps avant de s'abandonner ainsi contre Quaritch?

Submergé par ses caresses qui se faisaient de plus en plus appuyées là où son corps réagissait le plus et leur baiser qui n'en finissait pas, le blond se laissa bientôt complètement envahir par le plaisir. Sa tête retomba soudainement vers l'arrière tandis que l'agréable frisson se diffusait dans chacun de ses muscles. Son faible gémissement fut étouffé par les lèvres du plus vieux qui continuèrent d'explorer la courbe légèrement salée de son cou et de sa mâchoire.

Puis il se mit à papillonner paresseusement des paupières, lourd de sommeil. Quaritch ne cessa jamais de l'embrasser de sa bouche douce et chaude jusqu'à ce qu'il ne s'endorme. Un sourire sincère s'était frayé un chemin sur son visage détendu.

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