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- Gabriel ?
Je n'osais prendre une voix trop forte. Peut-être est-il aussi tourmenté que moi. Peut-être est-il attristé de la situation, fâché, terrifié... Que sais-je ?! Il serait inutile de remuer le couteau dans la plaie. Ses yeux vidés par la fatigue me regardaient sans me voir. Il réfléchissait. Assis sur sa couchette, sa jambe tremblait, faisant grincer le métal du sommier. J'étais assise sur la mienne en tailleur, ma tête penchée sur le côté, essayant de l'analyser. Je ne pourrais dire que je m'impatientais, mon esprit était occupé. Beaucoup trop même.
- Lara. Mon cœur s'était figé et avait accéléré en l'espace de quelques secondes. Tu mérites des explications, je le sais. Je le ferai un jour. Je te le promets.
J'avais inspiré un grand coup, comme pour avaler toutes les mauvaises énergies de ce lieu et avais bloqué ma respiration. Un réflexe que j'avais développé au fur et à mesure des années, quand les moments devenaient trop complexes, quand j'avais besoin de juste quelques secondes de répit. J'avais expiré, entraînant toute la colère que je pouvais ressentir. Et Dieu sait que j'en avais.
- D'accord.
Je savais que, peu importe ce que je pouvais répondre, mes propos pourraient être mal interprétés. J'avais donc opté pour la réponse la plus simple. Ordinaire. Basique. Le plus possible en tout cas. Je voulais qu'il y comprenne que son silence n'était pas la meilleure des solutions. Je voulais lui faire comprendre que plus il s'éloignerait au niveau psychique de moi, plus je partirai, lassée, désespérée d'attendre encore et encore.
- Qu'est-ce que le directeur t'a dit ?
Mon pouce avait commencé à dessiner des cercles sur ma cuisse. Pour occuper mon esprit. Est-ce vraiment si important ? Comment est-ce qu'il sait ? En quoi cela le concerne ?
Les ronds se faisaient de plus en plus rapidement. La cadence s'accélérait au fur et à mesure que mon âme s'enrageait. Son regard persistant me criait de lui répondre. Il attendait cette réponse. Comme j'attendais la mienne. Mais lui ne me laissait le choix, ne me laissait le temps. En réalité, j'aurais pu lui répondre, tout simplement. La question en elle-même n'était pas particulièrement intéressante ou d'importance majeure à mon avis. Mais je voyais plutôt le rapport de force qui s'installait, sa dominance à mon égard. Elle était insupportable. Je refuse qu'elle s'installe. Non. Non. Non.
En une fraction de seconde, j'avais rompu notre contact visuel et étais sortie de la petite case. Les couloirs blancs me donnaient la nausée. J'avais besoin de m'imaginer l'air sur mon visage. J'avais besoin de sentir les rayons du soleil ou entendre le bruit de la pluie tapant sur le peu de vitres que nous avions en accès. Je rejoignis bien sûr la salle de jeu. Je ne connaissais vraiment l'établissement. Mais je savais pertinemment qu'il s'agirait de mon repère, pour autant de temps que je resterai là.
Un garde, différent de celui rencontré plus tôt, était positionné dans un coin de la pièce. Je n'avais pu m'empêcher de lui faire un sourire. Il s'agissait d'un réflexe que j'avais développé. Ayant un visage très fermé, afficher un sourire aussi vrai que possible me permettait notamment de limiter mes problèmes et inimitiés. Le visage fermé de l'homme fut une réponse assez décevante. Mais attendue quand on y pense.
Alors que je commençais à m'installer auprès de la télévision, sur la route pour justement aller m'asseoir à une table, je sentis une main m'agripper le bras d'une poignée ferme. La personne n'avait même pas attendue que je me retourne, pour me laisser le temps d'assimiler la situation, qu'elle me tirait déjà de force en dehors de la pièce. Le garde de ce matin. Il me reconduisait dans le bureau du directeur. Deux fois en une journée, le quota me parait assez disproportionné...
Toujours à la même place, dans les mêmes vêtements de luxe, avec le même petit regard malicieux et hautain, il me fit un geste de refus alors que je m'apprêtais à m'asseoir. Le garde m'aboya de rester debout, comme pour traduire son patron.
- La conversation que nous avons eu ce matin est strictement confidentielle.
Ce sourire béat m'énervait tout particulièrement. Sans lui répondre ou même lui adresser une moindre réaction, je m'étais empressée de demander au garde de bien vouloir me raccompagner dans la salle de jeux. Il m'avait ouvert la porte et m'avait obéie. Je dois avouer avoir été assez fière de moi à ce moment précis.
Mais je ne pouvais oublier ces propos étrangères. Je ne pouvais qu'en déduire une relation ou un passif entre Gabriel et le directeur. Je ne savais que faire. Je ne pouvais aller demander à Gabriel, je savais déjà pertinemment qu'il ne me répondrait que vaguement, dans le meilleur des cas. De plus, j'avais peur. La conversation doit rester confidentielle. Était-ce une menace ? Suis-je en danger ?
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