Chapitre 2
Lorsqu'un matin, Morgan Davis se réveilla dans son petit studio, ses muscles étaient tout engourdis. Elle se leva néanmoins. Elle avait le sentiment de sortir d'un très long coma. Tous ses souvenirs étaient flous et elle ne réalisait pas très bien à quel endroit elle se trouvait. Elle se souvenait de son prénom et de son nom, mais qui était-elle réellement ? Alors, elle contempla son reflet dans un miroir. Elle détailla ses longs cheveux couleur de blé, ses grands yeux de biche, gris, ses pommettes hautes et sa bouche pleine. Cette apparence ne lui semblait absolument pas familière, cependant, elle était incapable de connaître la raison à cela. Elle sursauta lorsqu'elle entendit un bip strident retentir dans la pièce principale, jouxtant la salle de bain où elle se trouvait. Sonnée, elle se dirigea vers l'origine du bruit et découvrit un petit appareil rectangulaire qui s'illuminait et affichait le nom "Matthew". Instinctivement, elle fit glisser son doigt sur l'écran ; néanmoins, elle mit un peu plus longtemps à réaliser qu'elle devait coller son téléphone à son oreille.
— Oui ?
— Ah, enfin ! Morgan, que t'arrive-t-il, bébé ? Cela fait des jours que je tente de te joindre.
Ne comprenant pas vraiment de quoi il était en train de parler, elle répondit :
— Non, tout va bien... Matthew.
— Bien, excellente nouvelle. Je peux te voir ce soir après ton travail ? Tu me manques... En plus, j'ai un truc à te montrer.
Et, puisque c'était ce que cet homme semblait attendre d'elle, elle répondit :
— Euh... Oui, oui, d'accord.
— Je passe te chercher. Fais-toi belle, je t'emmène dîner.
— D'accord, répéta-t-elle.
— Tu sais que je t'aime, ma puce ?
Elle grimaça en entendant cette déclaration, et finit par lui dire :
— J'imagine...
Il rit à cette réponse, ce qui la rassura, et termina par :
— Bon courage pour ta première journée. Je crois en toi.
— Merci.
Et la conversation s'arrêta là. Elle était encore sous le choc de ces quelques mots échangés. Elle devait se rendre au travail, mais quel travail ? Et où se trouvait-il ? Alors, elle commença à farfouiller dans toutes les affaires qui traînaient sur la table basse du salon. Elle trouva un petit carnet, portant l'inscription "agenda". Quel jour était-on ? Heureusement, c'était écrit sur le téléphone qu'elle avait gardé à portée de main : lundi 25 octobre 2021. Une semaine avant Halloween. C'était la seule chose que cela lui rappelait. L'année, quant à elle, ne sonnait pas juste. Enfin, qu'importe. Elle chercha dans ledit agenda et trouva : Seitz Design et Construction, inc. 49A, avenue Benedicte, Norwalk, Ohio, États-Unis 44857. La précision "neuf heures du matin" était entourée au feutre. Ne restait plus qu'à savoir comment s'y rendre. Elle vit sur son petit appareil qu'il n'était que sept heures. Elle avait donc encore un peu de temps devant elle. Tout d'abord, elle devait répondre à un besoin pressant, la faim. Morgan était affamée. Elle chercha dans les placards, dans le frigo, tout était vide.
Elle se dirigea vers la porte de l'appartement, avant de se rendre compte qu'elle était vêtue d'un pyjama et était pieds nus. Demi-tour. Elle rejoignit la penderie et trouva tout un tas de vêtements, dont certains semblaient assez luxueux. Cela était étrange pour quelqu'un vivant dans un si petit appartement. Mais ce n'était pas vraiment le problème le plus important qu'elle avait à régler pour le moment. Elle finit par choisir une robe noire un peu décolletée et arrivant au-dessus du genou, qui lui donnait un air bohème, à laquelle elle ajouta une petite veste en cuir et des bottines beiges à talons plats. Il y avait évidemment des chaussures avec des talons d'une hauteur beaucoup plus vertigineuse ; néanmoins, elle n'était pas certaine de parvenir à marcher avec cela. C'était la mort assurée.
Elle prit une douche et, une fois prête, elle mit la main sur un sac à franges. Elle en examina le contenu et découvrit un porte-monnaie contenant des billets. Nul doute que cela lui serait utile. Elle fourra dans le sac l'appareil qui permettait de parler à l'intérieur, ainsi que son agenda. Elle attrapa même des clefs, les choses lui venant de plus en plus naturellement, même si elle ne comprenait pas bien comment cela était possible. Comme si elle avait développé des réflexes subconscients.
Une fois dans la rue, elle se laissa enivrer par les alléchantes odeurs provenant des restaurants alentour. Le plus dur était de se décider. Mais son appétit gargantuesque fut relégué au second plan lorsqu'elle tomba sur une boutique ésotérique. Devant, une femme avait installé une petite table et était en train de battre des cartes. Elle se rapprocha d'elle avec curiosité. La veille femme portait un voile noir sur son visage, si bien qu'il était impossible de voir ses yeux. Elle tendit une main décharnée vers la petite chaise qui lui faisait face.
— Asseyez-vous, mon enfant. Venez découvrir ce que le passé, le présent et l'avenir ont à vous dire.
Un peu nerveuse à l'idée de se mettre en retard, elle jeta un nouveau coup d'œil à l'heure. Il était bientôt huit heures. Tant pis, au pire, elle arriverait légèrement plus tard. Se décidant tout d'un coup, elle s'assit devant la dame et attendit.
— Que voulez-vous savoir, mon enfant ?
— Tout ! s'exclama Morgan. Je veux savoir qui je suis et ce que je fais ici.
La dame hocha la tête puis se mit à battre les cartes encore plus rapidement. Elle en disposa une dizaine et les lui indiqua des mains.
— Veuillez en sélectionner quatre.
Nerveuse, la jeune femme retourna une première carte... qui s'avéra être une pierre tombale.
— Cette carte représente votre passé.
— Comment une pierre tombale pourrait-elle représenter mon passé ? C'est un non-sens.
— Ce sera à vous de découvrir la vérité cachée derrière les signes. Mais peut-être que les autres vous mettront sur la voie. Continuez.
Elle en tourna une seconde et tomba sur la maladie. Le visage de Morgan était de plus en plus blême. Une troisième, l'amour. Enfin quelque chose qui lui mettait un peu de baume au cœur. Même si apparemment, elle était supposément amoureuse de ce Matthew. Néanmoins, la quatrième carte l'emplit d'effroi puisqu'elle représentait la mort. Affolée, elle s'apprêtait à s'enfuir, lorsque la femme lui saisit la main sans vraiment de douceur.
— J'en apprendrai probablement davantage en lisant les lignes de votre main. Parfois, les cartes ne sont qu'une représentation de ce qui a été, de ce qui est et de ce qui peut être. Elles ne sont pas toutes à prendre au premier degré.
Silencieusement, Morgan la regarda observer consciencieusement les traits de sa paume. Mais les mains de la vieille femme se mirent à trembler. Elle se redressa, laissant tomber son voile. Pendant une seconde, la jeune femme crut voir des serpents sortir de ses yeux, avant qu'ils ne prennent une teinte d'un noir profond et angoissant. Pourtant, c'était elle qui reculait et qui semblait avoir peur.
— Arrière, démon ! Tu n'useras pas de ton pouvoir sur moi. Arrière, Satan !
— Mais... Je n'ai rien fait... Je ne compte pas m'en prendre à vous !
— Arrière, j'ai dit !
Morgan recula, les larmes aux yeux. Serrant son sac contre elle, elle partit en courant et se contenta de s'arrêter à un stand qui vendait bretzels et café. Elle se rattraperait sur le repas du soir avec ce Matthew. Elle était encore toute chamboulée lorsqu'elle parvint à arrêter un taxi, et ses mains tremblaient tandis qu'elle cherchait l'adresse à indiquer au chauffeur.
— Ça va aller, mademoiselle ? lui demanda l'homme, très gentil.
— Oui... Oui, je crois. J'ai peur d'être en retard, prétexta-t-elle. C'est mon premier jour de travail.
— Alors, je suis de tout cœur avec vous. Je suis certain que tout va bien se passer.
— Comment le savez-vous ?
— Vous êtes nerveuse. Les personnes nerveuses se mettent souvent la pression pour rendre le travail le plus parfait possible. Elles y mettent encore plus de cœur que les autres. Et vous, mademoiselle, vous allez briller telle une étoile.
— Merci...
Ces mots lui réchauffèrent le cœur après la rencontre houleuse qu'elle venait de faire. Elle passa tout le restant du chemin à revoir ces cartes, encore et toujours les mêmes. Mais, elle avait beau y réfléchir, elle ne parvenait pas à trouver leur sens caché. Et encore moins à les comprendre. Arrivée devant le siège de sa nouvelle entreprise, elle tenta de mettre tout cela au second plan. Elle paya le chauffeur avec un généreux pourboire et descendit du véhicule.
Face au bâtiment, elle se sentit impressionnée et toute petite. Toutes les personnes qui entraient là étaient sur leur trente et un alors qu'elle portait une tenue bohème. Tant pis, quitte à passer pour une excentrique, autant le faire jusqu'au bout.
Poussant les battants, elle se dirigea vers l'accueil, réfléchissant à ce qu'elle devait dire.
— Bonjour, je suis Morgan Davis...
— Ah oui, la coupa l'hôtesse. Vous êtes attendue au sixième étage. Faites vite, le patron n'aime pas les gens qui arrivent en retard.
— Noté ! Merci.
Elle marcha vers les ascenseurs, puis attendit le sien. Lorsqu'il s'arrêta enfin à son niveau, elle y pénétra et appuya nerveusement sur le bouton, espérant qu'il monterait au plus vite. Cependant, il s'arrêta à tous les étages, ce qui eut le don de l'irriter. Chaque fois qu'il refermait ses portes, elle appuyait de plus belle. Les gens présents la dévisageaient. Elle haussa les épaules et passa devant eux pour enfin accéder à son étage. Un homme d'une grande classe, métrosexuel, se précipita sur elle.
— Darling ! Que faisais-tu ? Nous t'attendions un peu plus tôt que ça.
— Euh... Oui, bonjour ?
— Tu es bien Morgan Davis ?
Elle hocha la tête.
— Je suis Robin Stanford, ton nouveau chef. Les plans n'attendent que toi, alors, au travail !
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