Chapitre 3 - Johanna
Les anglais ont une expression qui veut littéralement dire « tuer les gens avec de la gentillesse ». Jusqu'ici, je ne l'avais jamais réellement comprise. Mais maintenant, j'ai la certitude qu'elle a du être inventée tout spécialement pour Cathy Meier. Non contente de me gaver de chocolats et autres friandises pour je cite « remplumer tout ça », la gouvernante semble résolue à mettre ma santé mentale à rude épreuve. Elle s'est mis en tête que mes pauvres petits bras tout frêles (qui ont tout de même survécu à trois expéditions dans la jungle équatoriale et une expédition en Alaska, soit dit en passant) risquaient la rupture de fatigue si je m'occupais seule du tri des innombrables cartons du grenier. Mais comme Madame la gouvernante n'a plus un dos de la première jeunesse, elle n'a rien trouvé de mieux que de forcer (oui oui, je n'exagère pas !) Elliot à m'aider. Elliot. Mon ex. Est-ce que j'ai eu mon mot à dire en tant que grande patronne autoproclamée de la maisonnée ? Absolument pas ! Au moins, maintenant, je sais pourquoi Mamé et Cathy se sont si bien entendues pendant toutes ces années : elles ont le même caractère de cochon devant lequel personne n'ose moufter, pas même un mec de 1m88, 90kg de muscles ultra dessinés. Muscles que je me surprends à admirer un peu trop souvent à mon goût.
Comme à l'instant présent d'ailleurs. Est-ce que ça me donne mauvaise conscience ? Absolument pas ! Comme me l'a si souvent répété Ginny, « si on a des yeux, c'est bien pour s'en servir » ! Et ce n'est pas de ma faute si la lucarne qui perce le toit d'ardoise, bien que couverte de neige, laisse pénétrer une lumière étouffée qui donne pile sur l'endroit stratégique où se tient Elliot, accroupi, et légèrement penché en avant. Il se baisse pour apposer avec délicatesse le bras du phonographe qu'il vient de dénicher quelques minutes plus tôt. Son t-shirt beige remonte sur son dos, laissant entrevoir une portion de peau non négligeable. Portion qui comprend une chute de reins disons... intéressante. Vraiment, à ceux qui disent que les plombiers devraient investir dans des ceintures, je rétorquerai que s'ils ressemblaient tous à Elliot Bauer, ça fait longtemps que les femmes auraient éradiqué tout accessoire permettant de maintenir en place les pantalons de ces messieurs.
Un air de swing se répand bientôt dans la grande pièce encombrée de toute part, et résonne sur la charpente en bois nu. Elliot se baisse à nouveau et je crois qu'à ce rythme là, le tri n'est pas prêt d'être terminé car je n'ai pas jeté un œil à mon travail depuis une bonne demi-heure. Je ne suis pas aussi multitâches que j'ai toujours bien voulu le croire, on dirait. Quoique, mater, et baver en même temps, c'est déjà pas mal. ça mobilise des fonctions cognitives et sensorielles dans plusieurs parties du cerveau. C'est thérapeutique en fait !
- Je te le mets où celui-là ? m'interroge l'objet de mes tourments en me désignant du menton le carton qu'il tient dans les mains.
Je me râcle la gorge pour chasser les pensées pas du tout chastes qui m'emplissaient l'esprit, et résiste à la tentation de lui répondre les trois mots qui fusent systématiquement entre Ginny et moi chaque fois que l'une d'entre nous ose poser une question dans laquelle se trouve le mot « où ». Trois mots qui commencent par « dans » et qui finissent par la chose que je matais sans vergogne encore quelques minutes plus tôt.
- Tu peux le poser là-bas, désigné-je les cartons que je destine au dépôt vente du village.
Comme chaque fois, les yeux dorés d'Elliot s'attardent quelques secondes de trop sur mon visage, et je dois me résoudre à détourner les miens. Dans mon enfance instable, ballotée entre mes deux parents qui se sont déchirés pendant des années pour obtenir ma garde, Elliot avait toujours été mon point d'ancrage. A chaque vacances scolaire, je savais que je le retrouverai, lui, son sourire, et sa bonne humeur immuable. On ne parlait jamais de nos existences en dehors des congés. Et ces moments à croquer la vie à pleines dents, à juste profiter de l'instant présent, avaient quelque chose de salvateur. Que s'est-il passé pour que le garçon si jovial devienne l'homme fermé, presque triste, qui se trouve devant moi ? Notre relation allait au-delà d'une simple amitié. Chaque fois que nous nous retrouvions, c'était comme si nous ne nous étions jamais quittés. Jamais je n'ai retrouvé qui que ce soit, pas même Ginny, avec qui tout me paraissait à ce point naturel, sans effort. Et pourtant, aujourd'hui, j'ai l'impression de marcher sur des œufs. Je tourne et retourne toute phrase que je pourrais lui dire, les interprète, hésite, avant de me résigner au silence. Deux personnes peuvent-elle seulement changer à ce point ? Une relation peut-être être brisée de manière si irrémédiable au point que deux êtres si fusionnels deviennent des étrangers l'un pour l'autre ?
Je suis tirée de mes réflexions lorsqu'une tête à la chevelure blanche émerge dans le petit escalier qui mène au grenier. Quand j'aperçois le plateau rempli de tasses et de biscuits que Cathy porte dans les bras, je ne peux m'empêcher de grommeler.
- Bien, s'exclame la gouvernante d'une voix joviale, je vois que vous ne vous êtes toujours pas entretués, tous les deux ! Merveilleux !
Elliot et moi nous lançons un regard , et nos yeux roulent dans leurs orbites de concert. Il semble qu'aucun de nous deux n'ait été en mesure de cacher la joie, que dis-je, l'allégresse, que nous procurait le fait de travailler l'un avec l'autre.
- Je vous ai apporté un petit remontant ! poursuit Cathy.
Elle frissonne, et dépose le plateau sur le sol poussiéreux avant de frictionner ses bras.
- Brr, il fait un froid glacial dans cette pièce ! Nous devriez vous couvrir un peu plus, tous les deux, vous allez finir par attraper la mort ! Je vais aller vous chercher des pulls bien chauds.
Et, avant même que nous puissions donner notre avis sur la question, elle a déjà tourné les talons.
Nous échangeons de nouveau un regard avec Elliot, et ses commissures se dressent en même temps que les miennes avant que nous ne partions dans un petit rire.
- Elle a toujours été comme ça ? m'interroge-t-il en déplaçant un nouveau carton.
Je m'étire comme un chat, et jette les photos que j'étais en train de parcourir dans la boîte ouverte devant moi avant de répondre :
- Elle a toujours été aux petits soins, mais là, si tu veux mon avis, elle devient carrément flippante !
Il se marre. Je m'empare d'un gâteau en forme de croissant de lune, et le désigne avec la pointe de celui-ci.
- Ne te moque pas, sérieux, à tout moment elle va m'enfermer dans la cave, m'attacher avec des chaînes, et me gaver avec un entonnoir jusqu'à ce que j'ai retrouvé un IMC satisfaisant pour elle.
Il secoue la tête, son sourire ne quittant pas ses lèvres, avant de se laisser tomber en face de moi et de s'emparer de l'une des tasses. Il avale une grosse gorgée du breuvage, et essuie une moustache de mousse de lait du dos de sa main. A une époque, c'est moi qui réalisait ce geste chaque fois que nous partagions une boisson chaude. Je réprime cette drôle de sensation qui n'arrête pas de me harceler depuis que je suis ici, à la croisée entre un mal de mer et les affres d'un bon repas d'huîtres avariées.
- Pas d'inquiétude à avoir, lâche Elliot en se penchant légèrement vers moi, c'est moi qui ait les clés de la cave !
Je hausse un sourcil.
- Et c'est censé me rassurer ?
Il rigole, et ramasse ses grandes jambes en tailleur. Sa carrure est si massive que la pièce paraît minuscule tout à coup. Elliot s'adosse à la pile de carton derrière lui, et me chuchote telle une confidence :
- Crois moi, si je t'attachais avec des chaines dans une cave, ça ne serait certainement pas pour te gaver avec un entonnoir !
Merde. Elle ne va jamais toucher terre quand je le lui dirais, mais... je crois que Ginny avait raison ! J'ai vraiment un problème : je vois des allusions sexuelles dans tout ce que les gens me disent, alors qu'il doit très certainement faire référence à son envie dévorante de me découper en petits morceaux avant de m'enterrer dans le jardin. Après tout, il a déjà réduit mon cœur en miettes, alors il veut certainement finir le travail.
Vite ! Mayday Mayday ! Nous avons besoin d'une diversion !
Je me râcle la gorge, et cale mes mains entre mes cuisses pour les maintenir au chaud. Elliot se redresse et commence à dire quelque chose qui ressemble à « Ce n'est pas ce que je voul... », mais je ne lui laisse pas le temps d'achever sa phrase.
- Alors, comment t'en est arrivé à devenir l'homme à tout faire de Mamé ? demandé-je en osant enfin le regarder à nouveau.
Voilà, parfait ! C'est ce qu'on appelle un coq à l'âne superbement négocié, sans même passer par la case lapin de Pâques. Je suis fière de moi, vraiment !
Elliot reste interdit quelques secondes. Le petit sourire qui faisait pétiller ses yeux disparaît.
J'ai tout fait pour cacher ma surprise lorsque j'ai découvert qu'il était mon employé. Lui qui avait tant de rêves tels que devenir prof de lettres, ou écrivain de fantasy, j'aimerais juste comprendre. Il frotte sa nuque comme il le fait chaque fois qu'il est embêté, et ramasse ses genoux jusque sous son menton. Un court instant, j'ai l'impression de retrouver le jeune homme que j'ai connu. Il hausse les épaules, et ses yeux se perdent dans la charpente au-dessus de nous.
- Mon père m'a foutu à la porte le jour de mes 18 ans. Il a bien fallut que je m'en sorte par moi-même.
Doucement, ma bouche s'entrouvre d'incrédulité. Je m'attendais à beaucoup de choses, mais certainement pas à ça. Mon cœur se serre. Certaines femmes file acheter une poupée vaudou et se déchainent sur le pauvre jouet à peine leur ex a passé le seuil de la porte. Mais pour ma part, même lorsqu'il m'a quittée, je n'ai jamais été capable de souhaiter du mal à Elliot. Après tout, c'est moi qui ai tout gâché entre nous en voulant plus que notre amitié. Et de savoir qu'il ne sera jamais en mesure de réaliser ses aspirations les plus profondes, contrairement à moi, me rends profondément triste. Ces paroles jettent aussi une lumière toute nouvelle sur sa phrase de la veille. « Tout le monde n'a pas la chance de jouer aux apprentis explorateurs », avait-il dit, « certains doivent gagner leur vie ».
Ma main droite s'extirpe de l'espace entre mes deux jambes et se tend vers lui, mais j'arrête bien vite mon geste. J'avais presque oublié que nous n'étions plus amis. Que nous n'étions plus rien.
- Je suis désolée, soufflé-je.
Ses pupilles s'arriment aux miennes, et son expression a retrouvé la détermination que je lui ai toujours connue. Ses lèvres se pincent.
- C'est pas grave, t'inquiète, répond-il. C'était y a longtemps.
Les mêmes mots que ceux que j'ai prononcés hier lorsqu'il m'a interrogée sur ma mère. ça ne se fait pas ça, j'aurais du mettre un copyright !
J'aimerais l'enlacer, et déposer sa tête sur mes cuisses pour caresser sa chevelure jusqu'à ce qu'il s'endorme, comme au bon vieux temps. Mais tout cela n'est plus possible.
Elliot ébouriffe sa chevelure, et dépose sa tasse sur le plateau avec une lenteur exagérée, comme s'il cherchait ses mots.
- Ta grand-mère m'a sauvé la vie, souffle-t-il. Elle m'a tendu la main, là où tous les autres m'avaient tourné le dos.
Mes lèvres s'entrouvrent. Il est si proche de moi que je peux presque sentir la chaleur de ses doigts tout prêt des miens lorsque je repose ma tasse également. Je hoche doucement la tête.
- Je la reconnais bien là, glissé-je dans un demi-sourire. Malgré son sale caractère et ses abords de porte de prison, Mamé a toujours eu à cœur d'aider ceux qu'elle pouvait.
Elliot baisse la tête avec humilité. Je cherche quoi dire d'autre, mes capacités de diversion visiblement altérées, quand il se lève, et époussète ses mains avant de lancer :
- Bon, je m'y remets. Ces cartons ne vont pas se trier tous seuls.
Je m'apprête à lui dire qu'il peut prendre plus de cinq minutes de pause, tout de même, je ne suis pas une patronne si horrible que ça, quand son coude heurte une pile à sa gauche. Des dizaines de boîtes se cassent la figure, et, si le manoir ne se trouvait pas à plusieurs kilomètres du voisin le plus proche, on aurait certainement réveillé tout le quartier avec ce boucan.
- Lequel a assassiné l'autre ? nous parvient la voix de Cathy depuis l'étage inférieur.
Je ne peux empêcher un soupir amusé de quitter mes lèvres.
- On est toujours en vie, Cathy, l'informé-je.
- Ah, tant mieux, crie-t-elle, ça serait fâcheux de devoir trouver un nouvel emploi dès demain si c'est vous qui aviez succombé, mademoiselle !
J'ouvre la bouche, outrée, et me tourne pour prendre Elliot à témoin de l'indélicatesse de ma gouvernante, quand je m'aperçois que son attention est rivée sur tout autre chose. Je m'approche, et aperçois un petit coffre blottit au creux de ses mains. Sur ce dernier, une enveloppe a été scotchée grossièrement. 6 lettres y sont inscrites, formant le prénom d'Elliot.
- C'est pour toi ? l'interrogé-je en m'accroupissant à ses côtés.
Il me jette un bref coup d'œil avant de reporter son attention sur la lettre, et de la décoller délicatement du couvercle.
- A moins que tu connaisses d'autres Elliot dans l'entourage de ta grand-mère, ce qui m'étonnerait beaucoup vu le nombre de fois où elle s'est gentiment moquée de mon prénom, on dirait bien, oui.
On m'a toujours dit que la curiosité est un très vilain défaut. Mais tout comme avec la petite voix dans ma tête, je n'ai jamais écouté personne d'autre que moi-même. Et je n'ai jamais été aussi curieuse qu'en cet instant.
Je donne un petit coup d'épaule dans celle d'Elliot.
- Allez, ouvre-le ! l'encouragé-je.
Il s'assoit, et déplie la lettre se trouvant dans l'enveloppe en se détournant pour ne pas que je puisse lire ce qui y est inscrit. Il se met à lire. Et ça me paraît interminable.
- On peut lire ensemble ? gémis-je au comble de l'impatience.
Il me lance un coup d'œil par-dessus le papier, et ses iris pétillent d'amusement.
- Si Bernadette avait voulu qu'on le lise ensemble, elle aurait marqué « Johanna et Elliot ».
Pas faux. Je déteste quand les gens m'oppose leur sacro-sainte logique. Où est la magie, le naturel, dans tout ça ?
- Allez, s'il te plait ! supplié-je en plaçant mes mains en prière.
Il replie le document en quatre et le glisse dans la poche arrière de son jean.
- Désolée, Brindille, c'est personnel.
Je papillonne des yeux. Est-ce que j'ai bien entendu ? Ce surnom, il ne l'a plus employé depuis si longtemps. Et à son expression aussi choquée que la mienne, il n'avait aucune intention de le faire sciemment. Ses joues rosissent, et il reporte son attention sur la boîte, dont il ouvre le couvercle avec prévenance.
- C'était pour ton grand-père, explique-t-il toujours sans me regarder.
Cette révélation détourne un court moment mon esprit de la façon dont il vient de m'appeler.
- Comment ça ?
Il sort plusieurs petites enveloppes du coffre, et les étale sur le sol. Chacune d'entre elle est annoté d'un chiffre.
- Quand elle a apprit que Joseph était atteint d'un cancer agressif et que le Noël à venir serait leur dernier, elle a voulu que cette fête soit particulière.
Je saisis l'une des petites enveloppes, celle qui porte le numéro 1, mais Elliot me la prend des mains.
- Dans sa lettre, elle m'explique qu'elle a fait une liste de 24 choses à faire lors de leur dernier mois de décembre ensemble. Des choses un peu folles, ou des choses qu'ils ont toujours rêvé de faire en les repoussant sans cesse à plus tard. Des choses qui leur rappellent leur histoire.
Ma gorge se serre. Parce que je sais déjà ce qu'il s'apprête à dire. Papé est mort un 28 novembre.
- Mais elle n'a pas eu le temps de lui offrir... soufflé-je.
Il hoche doucement la tête. Sa langue pointe entre ses lèvres, et je ne comprends pas pourquoi il est ému à ce point. Mais après tout, je ne sais rien de la relation qu'entretenaient Elliot et Mamé. Peut-être qu'il était plus que son homme à tout faire. La connaissant, je ne serais pas étonnée qu'elle l'ai accueilli chez elle comme un fils, ou comme un petit-fils.
Elliot referme le coffre, et le dépose à côté de l'escalier. Je pose une main sur son avant-bras avant de la retirer immédiatement en me ravisant.
- Attends, qu'est-ce que tu comptes en faire ? interrogé-je.
Il soupire, comme s'il redoutait cette question. Il me lance un regard en coin, et semble hésiter à répondre à ma question.
- Bernadette voulait que je le fasse à leur place, finit-il par lâcher.
Je fronce les sourcils.
- Comment ça ?
Il désigne la boîte.
- Sa liste.
J'ouvre les mains devant moi, paumes vers le haut.
- La liste qu'elle avait rédigée pour Papé ? répété-je, au comble de l'incompréhension.
Il m'observe un long moment, avant de se détourner, de s'emparer du coffre, et d'entreprendre de descendre les escaliers.
- Laisse tomber, lâche-t-il, amère. Tu ne pourrais pas comprendre.
Il est déjà arrivé à la moitié des marches lorsque je le rattrape.
- Attends, l'apostrophé-je.
Je crochète son coude, et il se retourne, exaspéré. Il passe une main agacée dans ses cheveux châtains déjà défaits.
- Il est tard, Johanna, je crois que j'ai largement fait mes heures aujourd'hui.
Je croise mes bras sur ma poitrine, ne sachant pas comment lui demander ce que je m'apprête à lui demander. J'ai toujours été téméraire dans ma vie, alors la sensation qui me comprime tout à coup les entrailles ne m'est pas familière. Pourtant, je dois me rendre à l'évidence : j'ai peur. Peur qu'il me rejette une nouvelle fois. Peur qu'il ne comprenne pas. Alors, avant que ma raison ne prenne le pas sur mon cœur, je me dépêche de débiter :
- Laisse moi faire cette liste avec toi.
Voilà. C'est dit. Je peux presque voir Ginny rouler des yeux en maugréant « et sinon, t'as prévu, un jour, dans ta vie, de ne PAS faire des choses qui mènent à ta mort ? Non ? Parce que sinon, je le dis comme ça, hein, mais je ne serais pas contre que tu me lègues ta figurine de Geralt de Riv grandeur nature».
Les pupilles d'Elliot s'arrondissent de surprise. Une quantité impressionnante d'émotions chemine sur ses traits. Je ne parviens pas toutes à les déchiffrer, et donc à savoir si c'est plutôt bon signe, ou bien si Ginny pourra réaliser l'intégralité de ses fantasme avec Henry Cavill dès ce soir. Il ferme les yeux quelques secondes, puis soupire.
- Ecoute, Jo...
Je ne le laisse pas finir.
- S'il te plait, Elliot.
Ce n'est plus la Johanna de 28 ans qui parle. C'est la petite fille de 7 ans qui l'a rencontré au bord d'un lac gelé. Cette même petite fille qui s'en veut à mort de ne pas avoir pris le temps de venir rendre visite à sa grand-mère pendant les 11 dernières années.
Les doigts d'Elliot se serrent sur la boîte de bois ouvragée, comme en signe de protection. Il rouvre les paupières, et je sais qu'il va refuser. Alors je tente le tout pour le tout. Mes mains tremblantes se posent sur les siennes. Sa chaleur s'infuse dans ma peau. Je plonge mes yeux dans les siens. Je veux qu'il puisse lire la sincérité dans mes paroles. Qu'il n'ait aucun doute sur mes intentions.
- Je n'ai pas pu lui dire au revoir, gémis-je.
Ses yeux cherchent les miens pendant un long moment. Il hésite. Mais à son expression, je sais qu'il comprend. Comme chaque fois, il déchiffre tout ce que je ne dis pas.
Il extirpe ses mains des miennes, porte l'une d'entre elle à son menton, et caresse sa barbe naissante avant de secouer la tête, comme s'il avait du mal à croire ce qu'il s'apprête à dire lui-même.
- Le 1er décembre, c'est demain, énonce-t-il simplement dans un premier temps
J'attends. Moi qui ai toujours eu autant d'impatience qu'un Mogwai affamé passé les douze coups de minuit, j'attends.
- Tu as intérêt d'être prête à 18h tapantes, finit-il par dire avant de descendre le reste des marches en courant.
Son absence se dépose soudain sur moi tel un voile glacial. Je me rends compte seulement à ce moment là que mon cœur tambourine frénétiquement dans ma poitrine.
J'ai beau avoir été élue « Etoile montante des explorateurs 2024 », j'ai l'impression que demain, je m'apprête à embarquer pour le voyage de ma vie.
----------
J'espère que ce chapitre vous a plu ! On est sur un premier jet de chez premier jet donc désolée pour les éventuelles fautes et inévitables répétitions ! En tout cas je prends beaucoup de plaisir à écrire cette petite histoire et j'espère que vous en prenez autant à la lire
Comme toujours, un petit commentaire et/ou une petite étoile sont fortement appréciées ;-)
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top