Participation à une animation anniversaire d'un groupe sur Discord !

Consigne : En 600 mots, racontez une histoire cohérente en plaçant les 20 mots imposés suivants (ou leur dérivé) : Câble ; Têtard ; Écriture ; Inondation ; Autopsie ; Continent ; Essence ; Trou ; Parler ; Hébergement ; Désir ; Planeur ; Lunettes ; Jambes ; Frère ; Bataille ; Vampire ; Brésil ;Source ; Savon.

Le jour où tu Devins Grenouille :

Mes lunettes d'aviateur sur les yeux, je plane depuis une heure entre les montagnes. Le courant idéal dans cette vallée me permet de faire de longues boucles aériennes, portée par le vent, sans jamais remettre le pied à terre. Fermement accrochée à l'armature métallique de mon deltaplane, la toile qui me surplombe forme des ailes spectaculaires. Depuis le continent, je ressemble à un oiseau. C'est ce que tu m'affirmes, mon frère, à chacune de mes redescentes, lorsque je me pose à tes côtés. Tu adores me regarder voler. Je suis une source d'inspiration pour tes contes que tu écris à longueur de journée. Tu es un rêveur, plus par nécessité que par réel choix. Cela fait trois ans que la bataille que tu as perdue contre la vie t'a privé de tes jambes. Une maladie incurable qui a pompé ta vitalité comme un vampire pomperait le sang. L'amputation avait été notre seule option, mais cela n'avait qu'affaibli le virus, alors que notre espoir se portait sur son annihilation. Incapable de marcher depuis, tu as troqué tes heures de nage quotidienne par une plume et un carnet. Ton handicap t'a inspiré une histoire, que tu as nommé « Un têtard qui ne deviendra jamais grenouille ». Nous parlons peu de toi, tu n'as jamais aimé cela. À chaque fois que je t'ai encouragé à retourner dans l'eau, tu me tournais le dos. J'ignore encore pourquoi tu te punis ainsi.

De mon perchoir, je te vois assis dans ton trou d'herbe, les yeux levés vers le ciel.

Une idée me vint.

Je tire sur le câble pour me faire perdre de l'altitude. La manœuvre m'est aisée, je suis habituée. Lorsque j'atterris à quelques mètres à peine de toi, tu m'offres un large sourire. Je me détache et, laissant mes ailes derrière moi, je m'approche de toi. D'un regard par-dessus ton épaule et, avec autant d'application que lors d'une autopsie, j'observe les feuilles que tu as inondé de mots. Elles sont tout ce que tu veux bien partager de toi.

« Noren, me fais-tu confiance ?

Tu hoches simplement la tête. Alors, sans en demander davantage, je te prends dans mes bras et retourne à mon deltaplane. Étonnement, tu ne dis rien, et fermes les yeux pendant que je te sangle contre ma poitrine. C'est la première fois que je vais voler à deux. Je suppose, plus que j'en suis certaine, que mon véhicule aérien supportera notre poids, tu es si léger.

- Pourquoi aujourd'hui ? me questionnes-tu alors que je m'apprêtais à me lancer.

- Car le têtard doit devenir oiseau. »

Ma réponse a dû te convenir puisque tu serres la barre métallique en face de toi, m'imitant.

Et je m'élance.

Voler était-il un désir que tu hébergeais en fond de toi depuis longtemps ? Car je te sens apaisé, en harmonie, alors que nous sommes enfin dans les cieux. Nous planons, ensemble. Je peux te montrer le monde vu d'en haut. Le monde comme moi je le vois. C'est comme si nous n'étions qu'un, que mes yeux étaient les tiens. Nos cœurs battent à l'unisson alors qu'un groupe de martinets nous rejoint dans notre danse. Leurs petits cris stridents accompagnent nos rires qui s'envolent dans le vent. Nous passons ensuite au-dessus du lac dans lequel tu avais passé tant de temps, et alors que nous rions de bonheur, tu lâches la barre. Ton poids me tir vers le bas. Mais je fais face, car tu dois te sentir pousser des ailes. Ton bonheur est le mien.

Pourtant, sans m'en douter une seconde, tu te détaches.

Et je te vois, les bras déployés tel un oiseau, chuter jusque dans le lac, trois cents mètres plus bas.

Et c'est ainsi, mon frère, que tu devins grenouille.