.Chapitre 10.
Bronwyn regarda par les fenêtres du gratte-ciel. On pouvait voir le monstre à travers les vitres. Elle prit Ayden et Moïra par le bras.
- Qu'est-ce que tu fais ? demanda le garçon, perplexe.
- On retourne voir les autres, répondit elle.
Ils marchèrent pendant un petit moment. De longues secondes passèrent, puis Ayden reprit enfin la parole.
- Quand vous courriez tout à l'heure vers la maison de poupée... Pourquoi es-tu partie vers le gratte-ciel finalement ? demanda-t-il à Moïra d'un air suspicieux.
- Vous allez me prendre pour une folle, répondit elle.
- C'est déjà le cas, persifla Ayden.
Bronwyn lui adressa un regard noir, même si il était vrai que c'était une fille étrange.
- Quand je suis arrivée ici, reprit Moïra, cet endroit m'a parut familier, alors que je n'y avais jamais mis les pieds ! Pourtant, quand j'ai entendu le monstre, j'ai directement su qu'il ne fallait pas se diriger vers la maison en premier. Je n'ai pas eu le temps de le dire aux autres...
- Comment l'as tu su? demanda Bronwyn.
- J'ai... j'ai comme récupéré un souvenir quand le monstre a grondé. C'était quelqu'un que je connaissait, un homme qui portait un chapeau assorti à sa tunique, et qui disait " La maison de poupée est la plus proche, le groupe 4 se dirigera vers là en premier. Envoyons le monstre vers eux... On verra comment ils se débrouillent! " Et le souvenir s'est arrêté là. Je le connaissais ! Je connaissais cet homme. Je le sais. Seulement, je n'arrive pas à me rappeler qui il est exactement.
Pourquoi leur partageait-elle tout ça alors qu'ils étaient de parfaits inconnus ? C'est parce qu'ils étaient à présent dans le même panier, parce qu'ils l'avaient sauvée ou alors parce qu'elle n'avait aucune raison de mentir tout simplement ? Et puis il fallait être fou pour inventer une anecdote pareille, la mémoire ne devrait pas s'effacer volontairement normalement. Et c'est ce qui rendait le tout suspect. Si c'était vrai, Moïra pourrait déclencher de nouveaux souvenirs juste en se baladant un peu partout sur la map. Bien que Bronwyn trouvait répugnant de se servir de quelqu'un, elle fut obligée d'admettre que Moïra pourrait bien être importante pour sortir d'ici.
Moïra partit prendre l'air, elle la regarda s'en aller.
- On ne peut pas lui faire confiance, fit Ayden.
- On ne peut faire confiance à personne, répondit-elle en le regardant longuement. Mais elle se trouve dans le même pétrin que nous.
- Ça n'a pas empêcher Roxane de vouloir te tuer.
- Elle nous a révélé des informations qu'elle aurait pu garder pour elle, elle aurait pu juste gagner seule. Elle nous fait confiance.
- Ce souvenir qu'elle a récupéré... elle l'a vécu. Il n'a pas été implanté dans son esprit, elle était là, en personne, elle travaillait avec l'homme de cirque. Peut-être bien qu'elle veut juste que nous soyons dans son camp pour nous planter par derrière.
- Et qui te dit qu'elle n'a pas fait ça contre son gré ? Et si on l'avait forcée ? Et puis, si elle travaillait avec eux, pourquoi lui avoir effacé la mémoire et l'avoir l'intégrée dans ce jeu? Peut-être bien qu'elle ne nous voit pas comme une menace mais juste comme des victimes. Si tu y tiens, tu pourras rester sur tes gardes mais moi j'aimerais lui montrer que je suis de son côté.
Peut-être bien qu'elle devrait faire gaffe, mais ça faisait du bien de pouvoir avoir une nouvelle personne à qui faire confiance. Pour l'instant, Alex, Ayden, Lou', Lola et Mohamed étaient les seuls. Ils étaient à présent 17 joueurs en vie, ce qui faisait 11 ( sans compter Moïra ) inconnus. Elle ne savait pas ce dont ils étaient capable, si même le groupe 1 était au complet ou non. Même Ayden commençait à lui faire peur, toujours sur la défensive elle comprenait, mais ce qu'il lui avait dit... "Tu aurais peut-être dû" . Il était prêt à laisser les gens mourir pour pouvoir survivre, à 15 ans. D'un côté, il était impossible de lui en vouloir mais quand même, ça la rendait inquiète.
- Arrête, je sais à quoi tu penses.
Elle porta son attention sur Ayden, il semblait triste.
- Je regrette ce que j'ai dit. Je ne le pense plus. Tu trouves pas que c'est si facile de mourir ? Il suffirait d'un peu inattention et un pas de travers et ce serait fini. Au final, j'essaye de me dire que ça reste un jeu.
Mohamed, qu'elle n'avait pas vu venir, prit la parole.
- Et si on allait à la recherche du groupe 1 ?
Les yeux de Bronwyn s'illuminèrent, elle tourna la tête pour regarder Ayden droit dans les yeux. Il pensait à la même chose qu'elle. Alex...
Moïra revint en trottinant.
- A part Lola, il n'y a plus personne dans la maison de poupée, nous avertit-elle.
Hein ? Pourquoi est-ce qu'ils sont partis sans nous, ils se sont dit qu'on était morts ? Le pire c'est que Lou' soit partie avec eux... Où sont ils ?
- Je suis rentrée, j'ai appelé, mais personne ne répondait.
- Je pense qu'ils sont partis à votre recherche, suggéra Lola qui l'avait suivie.
- Tu connais les gens de ton groupe, Moïra ? demanda Bronwyn.
- Seulement Adèle, répondit elle. Mais ils ne sont pas assez idiots pour risquer leur vies en partant nous retrouver, si c'est ce que tu penses.
Puis elle eut une révélation, c'était forcément ça ! Pourquoi n'y avait elle pas pensé plus tôt ? Ils ne pouvaient pas se cacher indéfiniment, quand même.
- C'est le groupe 1 ! Ils ont rencontré le groupe 1 !
Elle allait presque sauter sur place, ils avaient de plus en plus de chance de les retrouver. Mais soudainement, Moïra tomba à terre, la tête entre ses mains, elle avait les yeux plissés et s'empêchait presque de crier. Bronwyn se précipita vers elle.
- Moïra ! Moïra réponds moi ! qu'est-ce qu'il se passe ?
Elle fredonna quelque chose d'incompréhensible, puis se frotta le crâne en un petit gémissement de douleur.
- Arrête de me secouer comme une malade ! Je vais bien, j'ai eu un autre souvenir... Il était plus intense que les autres.
Elle leva la tête pour me regarder mais ses yeux roulèrent en arrière, elle se mit à convulser sur le sol et s'arrêta d'un coup. Bronwyn, terrorisée, mit deux doigts sur son cou pour vérifier son pouls. Elle était juste évanouie. Elle soupira de soulagement. Elle lâcha le corps doucement et s'allongea. Sa vie n'avait jamais été aussi mouvementée, en seulement 6 heures elle n'avait jamais été aussi confuse, tourmentée, triste, en colère de sa vie. Et pourtant elle ne pouvait pas s'empêcher de sentir son corps brûler d'excitation à l'idée de continuer la partie, bien qu'il y ait des morts. Alors c'était ça jouer à un jeu ? Un vrai jeu ? Aimer réfléchir, élaborer des stratégies, se pousser à sa limite... L'adrénaline qui ne la quittait pas une seule seconde. Elle ne savait pas d'où ça venait mais ça stimulait son cerveau et elle ne pouvait abandonner le jeu. Elle revint vers la jeune fille allongée à ses côtés, elle paraissait apaisée mais peut-être qu'elle ne l'était pas du tout. Qui sait ce qui pouvait bien se passer dans sa tête ? Elle sentit une main se poser sur son épaule et entendit sa voix lui dire bonjour doucement. Elle pouvait la reconnaître entre mille, cette voix ne pouvait appartenir qu'à lui après tout. Il devait sûrement afficher ce sourire en coin qu'il portait tout le temps. Cependant, elle n'eut pas la force de se retourner et se jeter dans ses bras, même si ça faisait six longues heures qu'ils ne s'étaient pas vus. Elle n'eut même pas la force de simplement le regarder.
- Contente que tu sois là.
- Ah bon ? Parce que t'as plutôt l'air de vouloir vomir des chats jaunes à points verts tenant des cœurs d'humains dans la main.
Elle se retourna plissant les sourcils, clairement elle le jugeait.
- Ah tu me regardes enfin ! Tu m'as manqué.
Il lui fit un clin d'œil.
Qu'est-ce qu'il lui faisait là ? C'était bien la première fois qu'il lui disait un truc pareil. Des fois, il ne lui envoyait pas un message de toutes les vacances. Mais là, alors qu'ils étaient séparés depuis seulement six heures, elle lui manquait. Elle eut un petit rictus. Quant à lui, il se rembrunit aussitôt.
-Qui est-ce ? demanda-t-il en désignant Moïra du menton.
- C'est une longue histoire et je te promets de tout te raconter une fois qu'on aura retrouvé Lou', l'équipe 2 et le reste de l'équipe 4.
- Je sais où ils sont. Je peux te mener à eux, si tu veux.
- Oui, merci ! Tu es seul ? Où est le reste de ton groupe ?
- Le monstre.
Il n'a suffit que d'un mot pour qu'elle comprenne. Rien qu'en l'ayant prononcé, Alex affichait une mine de pure dégoût, peut-être une pointe de tristesse, ce qu'elle ne voyait pratiquement jamais sur son visage. Lui aussi il change, pensait-elle.
- Il est venu dans le gratte ciel où on se cachait, celui face aux bois. -Il y eut un silence.- Chloé et Marine sont mortes.
C'était de sa faute si elles étaient mortes. Elle avait fait en sorte que le monstre se dirige vers le gratte-ciel volontairement... Elle jeta un coup d'œil à Ayden. Puis, quand Alex s'éloigna pour partir parler à Mohamed et Lola, il s'approcha.
- Ce n'est pas de ta faute, lui dit Ayden en posant une main sur son épaule.
Elle le regarda peinée, rien de ce qu'il dira ne pourrait faire partir la culpabilité qui l'accablait à présent. Si, bien sûr que si c'était de sa faute.
- Tu ne savais pas, continue-t-il.
Elle tomba à genoux. C'était la goutte qui fit déborder le vase. Elle se laissa enfin verser une larme, une seule, ce n'était pas la première mais elle se promit que c'était la dernière. Alex vint la voir inquiet.
- Emmène-nous voir les autres s'il te plaît, dit-elle.
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