22
Je jette un dernier coup d'œil à l'adresse que m'a envoyée Raphaël, pour vérifier que je suis sur le bon lieu. Je repense à Lucie, furieuse, quand elle a appris que je ne rentrais pas chez moi, mais que j'allais chez Raphaël. Elle m'a reproché de la remplacer pour un idiot. Lorsqu'elle a dit ça, j'ai éclaté de rire avant de lui dire qu'elle sera toujours la première dans mon cœur, et en lui rappelant que ce garçon n'était pas « idiot ».
Avant de venir, j'ai attaché rapidement mes cheveux en un chignon pour éviter d'avoir trop chaud, et je porte une combi-short. En ce début d'après-midi, je traverse d'un pas enjoué le jardin de mon ami. Je toque à la porte, et celle-ci s'ouvre sur une femme de taille moyenne, dont le visage s'éclaire d'un grand sourire :
— Oh, Lyane, ça faisait longtemps ! Je suis contente que tu sois là, et je suis ravie de te revoir. Je suis vraiment désolée pour ce qui est arrivé à ta sœur.
— Je suis heureuse de vous voir, aussi, déclaré-je dans un sourire sincère.
C'est la mère de Raphaël, elle a des cheveux châtains coupés au carré, elle a des petits yeux bleus et est vêtue d'une simple robe à fleurs. Je connais cette femme car elle venait autrefois, pour déposer Raphaël à la maison, ou même parfois nous étions invités chez elle. Celle-ci appelle son fils et m'invite à entrer tout en blablatant :
— Je suis vraiment contente que tu sois là pour mon Raphaël. C'est super qu'il ait des gens à qui parler dans ces moments difficiles. Nous sommes aussi très touchés par la disparition d'Eléonore. C'était une fille bien, je me demande ce qui a pu lui arriver... Tu veux boire quelque chose ?
— Non, merci, ça ira.
Raphaël descend rapidement les escaliers, presque en courant. Il porte un short en jean et un t-shirt simple. Sa mère continue de parler, pendant que je souris de gêne en portant une main à mon front.
— Merci, en fait, de passer du temps avec mon garçon, il a besoin d'être entouré, même quand ça va mal. Tu sais, il est très solitaire, et...
— Maman ! Ce n'est pas ma baby-sitter, c'est une amie. Pas besoin de lui raconter tout ça, s'exclame-t-il en soufflant longuement, puis il se tourne vers moi. Viens.
J'adresse un dernier sourire à la mère de mon ami, puis le suis à l'extérieur.
— Je suis désolé, elle est un peu bavarde.
— Y'a pas de soucis, c'est mignon.
Il m'offre un regard reconnaissant, ses cheveux sont toujours ébouriffés sur son crâne, lui donnant un air plus naturel.
— Je voulais te montrer un endroit magnifique. Suis-moi.
— Pourquoi ? Qu'est-ce qui me dit que ce n'est pas un piège ?
— Parce que j'en ai envie, ça faisait longtemps que je voulais amener quelqu'un là-bas.
— Ah oui ? demandé-je en laissant échapper un petit rire. Pourquoi moi ?
— Parce que je n'ai pas d'ami.
Suite à sa remarque, je ralentis, fronçant les sourcils, tandis qu'il continue de marcher jusqu'à ce qu'il se rende compte que je ne le suis plus. Nous sommes dans un chemin terreux, entourés de nombreux arbres et de quelques fleurs. Il se retourne, incompréhensif :
— Pourquoi tu t'arrêtes ?
— T'es pas sérieux quand tu dis que t'as pas d'amis.
Il éclate de rire et reviens vers moi. Je croise mes bras, en arquant un sourcil. J'ai toujours imaginé Raphaël avec pleins d'amis. Au lycée, il était toujours entouré du groupe d'Eléonore, même s'il est vrai qu'il était parfois seul.
— Si, je suis sérieux. Je n'ai pas de vrai ami. Bon, ok, j'en ai, mais peu. Du genre, Nicolas, deux garçons du lycée, toi ?
— Ben, oui, si tu le veux bien, soyons de vrais amis, dis-je en riant. Mais... Je ne comprends pas...
Il insiste, en me coupant, pour que je le suive sur « le lieu magnifique », je continue donc d'y aller en silence.
Après dix minutes de marche, nous arrivons près d'un cours d'eau, en hauteur. D'ici, nous pouvons apercevoir le dessus de la forêt, et au loin, la maison de mon ami, entourée de champs. Mon regard se porte vers l'eau transparente, laissant apercevoir les cailloux au fond. De nombreuses fleurs de toutes les couleurs nous entourent, c'est magique. Emerveillée, je reste bouche bée, puis me retourne vers Raphaël, l'enlace, et déclare :
— C'est... Juste magnifique.
— Je savais que ça te plairait.
Il s'assoit au bord de l'eau, ayant retiré ses chaussures pour y mettre les pieds. Je fais donc de même et m'assois à côté de lui, un grand sourire collé aux lèvres.
— Du coup, toute à l'heure tu disais ne pas comprendre quelque chose...
— Ah oui. Je... Je ne comprends pas pourquoi tu dis que tu n'as pas d'ami alors que tu es toujours avec pleins de gens au lycée.
— Ton cerveau il doit marcher mal car ce n'est pas compliqué à comprendre.
Je lui donne une tape sur l'épaule et il m'éclabousse. J'ai beau tourner le visage, je reçois tout de même des gouttes. Nos éclats de rire brisent le silence de ce lieu.
— Donc, oui, je peux bien traîner avec des gens, ça ne veut pas dire que je les adore, dit-il en reprenant son sérieux. Y'a aucune complicité entre moi et les amis d'Eléonore. Ça a toujours été compliqué, et même un sujet de disputes.
— Ah bon ?
— Ouais. Je ne suis pas le genre de gars à se confier, tu sais, mais le soleil veut bien que je te fasse confiance, alors...
Les rayons chauds du soleil traversent les grands arbres verts, dessinant sur l'herbe et dans l'eau. Mon regard se porte vers les yeux bleus de mon ami qui s'éclaircissent sous la lumière, et les taches de rousseurs qui apparaissent.
— J'ai toujours eu du mal avec les relations, peut-être que c'est dû à un manque de confiance... Je n'en sais rien, en tout cas, je n'ai jamais eu l'impression d'être vraiment intégré, tu vois.
— Je vois... C'est le contraire d'Eléonore. Comme pour les fêtes...
— C'est ça, murmure-t-il. J'ai toujours eu très peu d'ami, voire pas du tout par moments. Ça ne me dérangeait pas, j'aimais la solitude. Avant j'étais vu comme le gars discret au fond de la classe, qui ne parle jamais et que personne ne connait. Depuis que je suis avec Eléonore, je suis seulement vu comme son copain, rien d'autre.
— C'est horrible...
— Je sais, mais ce n'est pas grave. Parce que je l'aime.
— Je... Désolée, mais, je ne comprends pas pourquoi elle t'a choisi toi, déclaré-je timidement, avec un sourire de travers. Je veux dire... Son style était plutôt les gars populaires...
— Je n'en sais rien... Je me pose aussi cette question parfois. Pourquoi moi ? Au début, en seconde, je la voyais briller, entourée de pleins de gens. J'avais eu un vrai coup de cœur, puis j'ai tout fait pour me rapprocher d'elle. Et ça a marché. C'est merveilleux, mais parfois je me dis que peut-être elle cherchait juste quelqu'un, n'importe qui...
— Non. Elle t'aimait vraiment.
Une brise rafraichissante arrive, et quelques oiseaux s'envolent. Je plonge mon regard dans l'eau pure.
— J'ai toujours tout fait pour être le meilleur petit ami, continue-t-il, une moue triste sur le visage. Ma plus grande peur est l'abandon. Elle était tout pour moi, alors j'étais prêt à tout pour elle. Je faisais tout pour elle.
— Elle ne profitait jamais de toi ?
Il fronce les sourcils, la bouche entrouverte, puis détourne le regard du côté opposé à moi. Ma question reste donc sans réponse, et, pendant que le silence occupe l'espace une ou deux minutes, je pose ma main sur la sienne en guise de compassion.
— Pourquoi l'abandon est ta plus grande peur ? demandé-je subitement.
Il tourne la tête rapidement et pose ses yeux sur les miens. Il se mort la lèvre, et déclare :
— Tu sais que je te raconte des choses que je n'ai jamais dites à personne, là ?
— C'en est un privilège pour moi, très cher, affirmé-je.
— Ça a commencé par... Le divorce de mes parents.
Il prend une grande inspiration, ses pieds battent rapidement l'eau.
— Ça m'a fait beaucoup de mal, continue-t-il. Ma mère aimait mon père, mais il la battait et la trompait. Je l'ai toujours détesté. Il est inhumain...
Il sert les points, je retire donc ma main de la sienne pour la poser sur ma cuisse. Les battements de mon cœur accélèrent, je comprends sa souffrance. Nous avons beaucoup de points communs, finalement.
— Mais ce n'est pas tout. Après leur séparation, ma mère est tombée en dépression, alors avec mon frère, on était là pour elle, jusqu'à ce qu'il parte. A ses dix-huit ans, il a décidé de partir, de tout plaquer. Je me suis retrouvé seul avec ma mère, à essayer de la rendre heureuse... Aujourd'hui, elle va mieux. Je n'ai plus aucune nouvelle de mon frère...
— Je suis tellement désolée, soufflé-je, tremblante, en baissant les yeux.
— Ça va, c'est du passé, maintenant. Ce qui trotte dans ma tête en ce moment, c'est seulement Eléonore, je n'arrive pas à savoir si on la retrouvera ou pas, et ça me fait peur.
— Je suis dans le même cas que toi. Faudra que t'arrêtes de me copier et d'être exactement pareil, hein !
— Eh ! C'est toi qui me copies ! s'esclaffe-t-il.
Nous rions, ainsi, pendant quelques secondes, puis Raphaël s'arrête pour me dire :
— Lyane... Merci, de rendre ces moments beaux. Rien ne serait pareil sans toi.
— La même de mon côté. Je ne sais pas comment j'aurais surmonté la disparition d'Eléonore sans toi. Merci. Mais elle me manque terriblement.
— Moi aussi, tu ne peux pas savoir combien je l'aime.
— Tu ne peux pas savoir combien elle m'a sauvé la vie.
Il se redresse, fronçant les sourcils, un air interrogateur sur le visage.
— Ça a été très compliqué en primaire, on va dire... Je n'avais pas encore rencontré Lucie, j'étais seule.
— Tu veux bien m'en parler ?
Je soupire, puis retire mes pieds de l'eau pour les sécher à l'air libre. Est-ce que j'ai vraiment envie d'en parler ? Après tout, il m'a fait confiance, lui aussi. Alors je pourrais...
— Je... Désolée. Ce n'est pas que je ne te fais pas confiance, je n'ai juste pas envie de raviver des souvenirs.
— Je comprends, pas de soucis.
Je lui offre un sourire reconnaissant, puis nous nous levons, remettons nos chaussures, et il me raccompagne chez moi. Je me retrouve donc seule à nouveau.
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Salut. Je viens de remarquer que ce chapitre est beaucoup plus long que les précédents et j'en suis désolée.
Que pensez-vous de Raphaël ?
De Lyane et son passé ?
En tout cas, merci de me lire :) N'hésitez pas à voter ou à commenter, ça me fait plaisir ^^
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