" - Je peux poser une question bête ? "

Je détourne mon regard vers Jisung qui viens de me parler.

" - Il n'y a pas de questions bêtes remarque. Je t'écoute. "

Cela va faire bientôt un mois que je côtoie Jisung tous les jours. C'est moins pénible que ce que j'imaginais, il fait certes des gaffes de temps en temps, des choses que Bangchan n'aurait jamais faites s'il était encore mon infirmier, mais il compense en étant mon rayon de soleil, la lumière qui me lève le matin et me quitte le soir. Ça fait longtemps que j'ai pas fait de cauchemar, et tant mieux, le propre fait d'en faire m'angoisse, je ne tiens pas à ce qu'il me voit dans cet état, ça serait si humiliant que je pourrais en mourir. J'attends qu'il me pose sa question bête, et même si je m'étais juré de ne pas le faire, je lui ai un peu menti. Si, il y a des questions vraiment très bêtes, et à force d'être coincé dans ce trou, j'en ai entendu des tonnes et des tonnes. Par exemple quand le médecin me demande " comment ça va ? ". J'ai horreur de ça. Premièrement des visites chez le médecin, et ensuite de cette question, parce que j'ai l'impression que ce sont toujours les personnes plus heureuses que vous qui vous demandent comment vous allez. Des fois, j'aimerais bien répondre : " Je suis en fauteuil, coincé ici depuis des années avec la même routine tous les jours, je n'ai aucune nouvelles de l'extérieur et mon esprit est sûrement niqué jusqu'au cerveau, tellement il surchauffe a la moindre petite pensée inhabituelle. Non, ça ne va pas, connard. ". Mais je me contente comme d'habitude d'un hochement de tête timide, alors que si j'avais eu l'usage de mes jambes cet homme serait sûrement mort au moins 6 fois. Je rigole à cette pensée, ce qui ramène également mon nouvel infirmier à la réalité.

" - Bah, c'est bête mais, tous les jours à 14h tu viens dans le parc de l'hôpital, mais pourquoi ? "

Tiens, c'est vrai ça. Des fois je me pose moi-même la question. Ça fait tellement longtemps que je vais chaque jours au parc à 14h que je ne me rappelle même plus.

" - Je vais te donner une réponse bête mais, moi-même je n'en ai pas la moindre idée. J'y viens depuis tellement longtemps au même horaire que j'ai oublié. Il me semble que ça viens d'un souvenir lointain de ma vie d'avant, que je devais venir ici quand j'étais petit, et que j'y reviens toujours parce que c'est plus fort que moi. Je sais que mon esprit se perds, mais y aller me crée une sorte de rendez-vous, un endroit auquel aller, un sens. Comme si ça ajoutait du sens à ma vie, comme si mon esprit revenait a moi. Peut-être parce-que j'ai peur qu'il se perde trop et qu'il me lâche complètement. Peut-être pour ajouter un événement amusant à ma vie monotone. Pour me rappeler qu'un jour j'ai été quelqu'un, pas seulement un malade en fauteuil, mais bien un enfant heureux qui avait des choses à offrir au monde. Maintenant je n'ai plus cette chance, mais au moins je peux me rappeler que je l'ai eue dans ma vie, peu de personne l'ont. "

Wow, je ne pensais pas parler autant. Je ne suis pas quelqu'un qui parle autant d'habitude, au contraire, moins je parle le mieux c'est, mais là, pour une raison inconnue j'ai fait la vraie pipelette. C'est assez gênant car Jisung me regarde avec un air perdu, en même temps je viens de lui balancer tout ça à la tronche, il ne doit pas vraiment apprécier.

" - Pardon, je ne sais pas pourquoi j'ai parlé autant...

- Ah non mais t'excuses pas ! Tu m'impressionnes de plus en plus dis donc !

- Vraiment ?

- Bah oui ! Quand Bangchan m'a expliqué comment tu étais, il m'a dit " Minho n'est pas très bavard, mais il sait s'exprimer à sa façon. ". Et au contraire, je trouve que tu as un super bon vocabulaire, ce que tu dis est à la fois beau et triste aussi. Je comprends ton sentiment, mais par contre je pense que tout le monde a quelque chose à apporter au monde, tu ne devrais pas dire le contraire, tu as encore des choses à lui donner ! "

Je sens mes joues se réchauffer à ses paroles, je pourrais presque uniquement m'en nourrir pour vivre, c'est incroyable comme j'aime l'entendre, comme j'aime chaque mot sortant de sa bouche, chacune de ses phrases et chacun de ses gestes. Il illumine le monde en existant. Soudain, il se fait appeler, c'est Seulgi qui doit vouloir lui poser une question. Il s'excuse et va vers elle, et soudain toute la joie que je ressentais disparaît. Il lui parle avec un grand sourire, et rigole avec elle.

Quand tu souris je suis heureux. Alors pourquoi, en te voyant avec elle, je me sens si... Énervé ?