Le couloir est noir de monde, du côté général.

Les héroïques, eux, avaient l'air d'être bien plus au calme, bien mieux organisés, bien mieux gérés. Je suis passé devant leur bâtiment: ils y entraient sereinement, sans aucun souci. L'un d'eux m'a bousculé sans s'excuser; un grand blond cendré, perdu dans ses pensées. C'est peut-être stupide mais je leur en veut, aux bienheureux à l'avenir garanti. Ce gars n'avait pas l'air de mesurer sa chance, presque comme si c'était prévu depuis longtemps. Il ne m'a même pas accordé un regard, comme si je valais moins qu'une chaussette.

Lorsque je parviens à m'extirper de la foule pour atteindre ma salle, ma nouvelle professeure est déjà dépassée.

Elle peine à gérer la classe tout en discutant au téléphone avec l'administration. J'essaie de ne pas me montrer trop indiscret, mais je l'entends malgré moi: elle se plaint d'un imprévu, à propos de bureaux et d'élèves. Nous sommes beaucoup trop. Dans l'espace presque confiné de la pièce, environ quarante adolescents bavardent, pour moitié moins d'investissements. Il paraît qu'on se charge peu de cette partie de l'établissement. L'enseignante sort, en espérant être plus au calme.

Je m'installe sur le côté, adossé contre le mur. Je ne veux pas faire trop de vagues. Si tout marche comme il faut, j'espère parvenir à me faire remarquer au tournoi. Et alors, je ne serai plus dans cette filière. Rien ne sert de sympathiser. Un élève s'approche pourtant: un blond platine, assez souriant.

"Hey ! Tu t'appelles comment ?"

Lorsque je relève un peu mes yeux vers lui, je m'aperçois qu'il tremble. Il a l'air effrayé alors j'accepte de sociabiliser un peu, pour le rassurer. Rien de plus.

"Hitoshi Shinso."

Je ne suis pas là pour me faire des amis, alors je n'essaie pas de relancer la conversation et garde le ton le plus froid que mes cordes vocales me le permettent.

"Je suis Sôta Satô ! Enchanté !"

J'espèrais qu'il en ait fini mais il relance la conversation.

"Alors... Pourquoi tu es à UA toi ?"

Il se tord un peu les mains. Dès qu'il s'aperçoit que je les regarde, il les cache. Pourquoi se force-t-il à converser si ça le stresse autant ?

"Je me rapproche un peu de la filière héroïque, comme ça."

Mes mots restent assez vagues, pour qu'il lâche l'affaire. Mais, sans me regarder tout à fait, il continue.

"Tu es aussi fan de héros ?"

Je me mords la lèvre et décide que je ne perds rien à dire la vérité. Au moins il ne perdra pas son temps à tisser une amitié futile qui finira par être brisée.

"Non, j'espère pouvoir me faire remarquer pour en devenir un, après mon échec à l'examen."

Son visage s'illumine soudain, et ses yeux me fixent intensément. Il a cessé de trembler.

"On va devenir bons amis, toi et moi."

Et merde.