Chapitre 3
Lucas :
- 008.
Sa voix me faisait toujours cet effet. Elle répandait une chair de poule incontrôlable sur mes avants-bras.
- Arrête de m'appeler 008. Appelle-moi Lucas. Ou appelle-moi quand tu es en manque d'affection.
Ce masque. Si j'avais pu lui arracher pour connaître ses expressions, ce qu'elle ressentait. Ou tout simplement découvrir les traits de son visage. Elle s'approcha d'un pas et ma main droite plongea dans sa crinière rousse. Mon souffle était brûlant et je pensais étouffer très prochainement si je n'enlevais pas mon masque. C'est dans cette éthique que je levai ma main gauche et enclencha le clic sur le côté gauche de mon masque. Il tomba au sol et ma touffe brune envahit mon champ de vision de quelques mèches. J'avalai ma salive et glissai lentement la main gauche vers le côté du masque de 002.
- Arrête, souffla t-elle. On ne peut pas révéler nos identités.
- Je pisse sur les règles. Laisse-moi te voir. Laisse moi voir celle qui me rend totalement fou.
Ses yeux s'écarquillèrent. C'est alors que je remarquai cette petite tâche dans son oeil droit, juste en bas de son iris vert. Un souvenir se débloqua. Cette tâche. Je l'avais déjà vu, déjà observé. Cette tâche était le seul élément encore vivant du regard de..
- LARRON ! UNE HEURE DE COLLE !
Je me réveillai en sursaut du cours de Mme. Raroe, couramment appelée Vipère. Nate venait de se faire choper en train de dormir, cet imbécile étant au deuxième rang. Personnellement, ayant eu l'intelligence de m'être caché derrière mon pull étalé sur la table, elle ne m'avait pas vu.
En m'observant dans le reflet de la vitre, je remarquai la longue trace de bave qui serpentait jusqu'à mon menton et la marque de mon cahier sur ma joue. Ce rêve m'avais mis dans tout mes états et j'inspirai plusieurs fois de suite pour tenter de m'en remettre. Quatre ans depuis ma rencontre avec elle, et quatre ans à me retenir sérieusement de lui arracher son masque. Je me massai l'arête du nez alors que la sonnerie retentissait à cet instant précis. Nate se précipita vers moi en me secouant le bras.
- Pitié mec, je ne peux pas rejoindre Lila à la bibliothèque, Vipère m'a collé maintenant. Tu peux aller la prévenir ?
Je soupirai en m'étirant.
- Pfff, elle va défouler sa colère sur moi..
- Je sais que vous pouvez pas vous voir, mais c'est une affaire de vie ou de mort !
J'eus un petit rictus.
- Qu'est-ce que j'ai en échange ?
- Ma reconnaissance éteeeernelle !
Je ris en me levant, hissant mon sac sur mon épaule.
- Ça marche, mon pote. Bonne chance pour ta colle.
- Je survivrai, chef.
Il me fit un salut avant de trottiner jusqu'à la salle de colle, Vipère sur ses talons. Je me dirigeai alors d'un pas las vers la bibliothèque. Alors que je poussai la lourde porte, un lourd silence s'abattit sur mes épaules. L'endroit était calme. Et désert. J'essayai de repérer une tête brune, sûrement fulminante car il était 18h01. C'est alors que je la vis. Sur une table au fond, entourée de trois étagères remplies à craquer, le haut de son corps était avachie sur la table. Son corps se soulevait de façon régulière par sa respiration. Je m'avançai vers elle, attiré comme un papillon autour d'un rai de lumière. Je laissai mon sac glisser le long de mon épaule et le déposai par terre. Ses cheveux bruns étaient mêlés aux fils de la grosse écharpe qu'elle entourait de ses bras. Il émanait d'elle une odeur d'avocat, sucrée et enivrante. Je posai une main sur la surface lisse, à quelques centimètres de son visage. Badoum. La moitié de son visage était enfouie dans l'écharpe et l'autre moitié était destinée à l'admiration. Ses lèvres entrouvertes et ses courts cils. Badoum. Ma main se dirigea lentement vers le côté de sa joue. Puis je reculai.
- Dios mio, Lucas, trouve-toi un psy..
Elle bougea légèrement, tournant sa tête de l'autre côté. J'ouvrai grand les yeux. Ses cheveux partaient. Littéralement. Je fronçai les sourcils et tirai lentement sur une mèche brune. En levant la main, le reste de la chevelure suivit. Elle n'était pas brune. Au lieu de ça, un chignon roux trônait au milieu de sa tête.
- Que carajo..
Un élan me poussa alors à attraper son épaule pour la secouer et ma seconde main empoigna son menton pour qu'elle me regarde. Elle ouvrit les yeux dans un sursaut. Les mots restés bloqués dans ma gorge. Elle écarquillait ses yeux verts. Clairs. L'oeil droit muni d'une petite tâche. Avant que je ne puisse dire quelque chose, elle agrippa ma main droite et toucha du bout des doigts la bosse en dessous de mon index. Elle releva la tête vers moi, les lèvres tremblantes. Badoum.
- 008..?
- Mi comadreja roja, soufflai-je en même temps que ses paroles.
Je reculai alors brusquement d'un pas, manquant de renverser l'étagère derrière moi.
- Qu'est-ce que tu fais ici ?! S'écria t-elle en portant les mains à ses cheveux démunis de leur protection.
De leur couverture qui m'avait berné depuis déjà 7 mois. Elle continuait à vociférer dans tous les sens mais rien ne sortait de ma bouche. Pas une seule réplique, pas une seule insulte. Qu'est-ce qu'elle était belle. Je m'abreuvai à grosses goulées de tout son être. De chaque trait de son visage. De ce que ce masque m'avait caché tout ce temps. Je me délectai de son enveloppe toute entière, de la façon qu'elle avait de bouger les mains quand elle était furieuse, de la manière dont elle fronçait les sourcils. Tellement adorable. Je me redressai en attrapant son poignet, le visage penché vers elle.
- Nate m'envoie pour te dire qu'il est en colle. Il sera pas là avant une heure.
Elle continua de m'observer, les joues cramoisies.
- Il connaît pas l'existence du téléphone ton pote ? Lâcha t-elle.
- Tu veux dire un cellulaire portable ?
Lila mit plusieurs secondes à répondre.
- Va te faire voir.
- Doucement, ne m'insulte pas. Je pourrais croire que tu flirtes avec moi.
Elle prit une grande inspiration, le visage aussi rouge que ses cheveux.
- Hors de ma vue, elle murmura.
- Tes désirs sont des ordres, mi comadreja roja.
Je reculai alors vers la sortie, les yeux toujours rivés sur elle. Seul le brouhaha du couloir me ramena à la réalité. Je venais de la croiser. Elle. L'objet de tout mes tourments et de tout ce qui me rendais incapable de penser à quelqu'un d'autre. La personne qui me faisait frémir et celle qui me terrifiait. Celle que je respectais. Les deux en une. En Lila Johansson, Agent 002 de l'ADL.
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