Chapitre 5 : Le reveil

Eliane se sentait légère, comme sur un nuage. Elle se demandait depuis quand elle était dans cet état, lorsqu'un lointain bruit l'interpella. La jeune fille savait qu'elle devait aller vers lui, mais d'un autre côté, pourquoi partir alors qu'elle était si bien ici ? Au fond d'elle, Eliane savait que si elle se dirigeait vers lui, quelque chose de mauvais allait se produire, mais elle ne pouvait résister à la tentation.

Judith somnolait sur un fauteuil. Cela faisait déjà quelques heures que le médecin lui avait expliqué le nouvel handicape de sa fille, et elle repensait depuis à tous les moments de bonheurs qu'elle avait partagé avec son enfant. Justin était retourné chez lui quelques heures, pour prendre une douche et se reposait, mais la mère lui avait promis de le contacter dès que la jeune rameuse serait réveillée. Un murmure tira alors Judith de son repos. Elle regarda dans la direction d'Eliane, et vit que celle-ci ouvrait lentement les yeux. La mère se leva et se précipita vers elle.

-Je suis là ma chérie, ne t'en fais pas, murmura-t-elle à l'oreille de la jeune fille.

Eliane tourna la tête vers elle avec une grimace, puis essaya de sourire. Sa mère fit de même, les yeux brillants de larmes. Eliane tenta alors de bouger, et Judith posa sa main sur son bras. Elle voyait que sa fille savait que quelque chose n'allait pas, mais elle ne pouvait se résoudre à lui expliquer, elle n'était pas prête.

-Maman, que s'est-il passé ?

-Tu as eu un accident pendant la course, on a du t'opérer d'urgence...

-Maman, je... pourquoi est-ce que je ne sens plus ma jambe !

Eliane commença à s'affoler, sa respiration s'accéléra, comme quand elle était petite et qu'elle faisait des cauchemars. Sa mère lui attrapa les bras et la serra contre elle, sachant que pour l'instant, rien ne suffirai à calmer la jeune fille, qui commençait à comprendre.

-Tout va bien aller, je te le jure, répétait Judith en balançant sa fille contre elle.

Cette situation dura plusieurs minutes, pendant lesquelles on n'entendait rien dans la chambre à part le souffle saccadé d'une jeune fille dont les rêves prenaient subitement fin. Soudain, Eliane se dégagea de sa mère, se laissa tomber sur son lit, et, reprenant sa respiration, elle demanda à Judith quelques instants seule. Celle-ci hocha la tête, et lui indiqua qu'elle allait se chercher un café, qu'elle reviendrait dans un petit moment. Alors qu'elle fermait la porte, elle entendit un cri, et en jetant un coup d'œil inquiet, vit sa fille recroquevillée comme elle pouvait, pleurant à chaudes larmes. Judith du se faire violence pour ne pas retourner dans la chambre, pour expliquer à l'être le plus cher à ses yeux que tout irait bien, mais elle savait qu'Eliane avait besoin d'être seule. Elle se dirigea donc vers la cafétéria, et en profita pour passer quelques appels. Même si la situation était compliquée, elle devinait que le soutien de ses amis allait être indispensable à sa fille, et elle entreprit de leur demander de venir. Au bout d'une dizaine de minutes, elle avait conclu avec Justin, Charlotte et Alix, Blaise étant malade, de se retrouver le lendemain. Elle leur avait demandé de ne pas apporter de choses se rapportant à l'aviron, ne voulant pas peiner encore plus sa fille, mais avait accepté que Charlotte face un petit gâteau.

Judith retourna dans la chambre, où Eliane était à présent un peu calmée. Elle s'approcha du lit, et lui tendit un verre.

-Tiens, c'est du chocolat chaud. Et, je t'ai pris du sucre au cas où ... commença-t-elle.

-Merci maman, la coupa la jeune fille.

Judith approcha un fauteuil, puis s'installa près du lit. Elles restèrent ainsi quelques minutes, seuls les reniflements d'Eliane rompant le silence.

-Qu'est-ce que j'ai ? demanda alors la jeune fille

Sa mère posa son café, et baissa les yeux.

- Pendant l'accident, tu as reçu un coup sur la tête très violent. A cause de ça, tu as perdu... tu as perdu l'usage de ta jambe gauche.

Eliane fixait sa mère, comme si elle s'attendait à une phrase du style "poisson d'avril, ce n'est rien de grave !", mais plus le temps passait, et plus elle prenait conscience de ce qui lui arrivait. En un seul week-end, elle avait perdu une jambe, un rêve, et toute la confiance qu'elle avait acquise depuis qu'elle faisait de l'aviron. Pourtant, Eliane était une jeune fille forte. Elle refusait de laisser encore couler des larmes. Il allait falloir qu'elle s'habitue à la pitié des gens, aux regards intrigués des personnes, et elle ne pouvait pas faire face à cela en se lamentant sur son sort. Elle attrapa la main de sa mère, et la serra. Judith releva la tête, et prit sa fille dans ses bras. Après quelques minutes, une infirmière arriva, avec les médicaments. Judith se dégagea, et laissa sa fille se faire soigner. Suite à cela, Eliane expliqua à sa mère qu'elle était fatiguée, et les deux femmes se mirent au lit, l'une soulagée d'avoir expliqué la situation et de la réaction de sa fille, l'autre avec la tête rempli d'images, dont certaines étaient des souvenirs, et d'autres des images dont elle avait maintes fois rêvée, et qui semblait à présent si loin.

Cette nuit-là, Eliane ne dormit pas beaucoup. Dès qu'elle fermait les yeux, elle revoyait la fois où Charlotte et elle regardaient la finale des jeux olympiques, faisant comme si elles étaient dans le bateau en tête. La jeune fille ne savait pour l'instant pas, si elle était capable d'un jour remonter dans un bateau.

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