- Guitare et poussière -
Entre les chapitres 8 et 9
Dimanche 12 juin 2022, Down-Town, Modros, Californie, États-Unis d'Amérique.
L'éclairage faiblard du sous-sol les empêchait de percevoir la serrure dans la pénombre. Comme Ethan grimaçait en fouillant avec la clé, Jeremy enclencha la lampe-torche qu'il lui avait confiée avant de quitter l'appartement. Des volutes de particules s'agitèrent dans le faisceau jusqu'à ce que Jim le braque sur la serrure. Ethan y enfonça la clé pour de bon avant de forcer.
— Je viens tellement rarement que ça s'est grippé, remarqua ce dernier d'un ton préoccupé.
Il batailla encore quelques secondes avant qu'un « clac » libérateur s'élève dans le silence du sous-sol. Les garages se situaient sous la résidence où vivait son père. Un gain de place pratique en ville, mais contraignant pour l'accessibilité. Pour preuve, Ethan s'y rendait une à deux fois par an seulement.
Les rails devaient être aussi récalcitrants que la serrure, car l'homme eut un mal fou à soulever la porte métallique. Jeremy enfonça la lampe-torche dans la poche de son jogging pour lui venir en aide. Une série de couinements leur vrilla les tympans jusqu'à ce la porte soit calée sur les rails au-dessus de leurs têtes. Ethan récupéra la lampe-torche pour balayer le mur près de l'entrée. Après avoir trouvé l'interrupteur, il l'enclencha.
Rien ne se passa.
— Et merde.
L'injure s'échappa des lèvres d'Ethan avec tant de naturel que Jim en rit. Son père jurait rarement, ne se mettait pas en colère pour des broutilles et s'efforçait toujours de garder la tête froide. C'était rassurant de l'entendre dire des gros mots comme le reste de la famille.
— Désolé, ajouta Ethan après coup. On aurait dû prendre deux lampes.
— J'ai mon portable.
Jeremy activa la lampe-torche de son téléphone avant de la braquer devant lui. L'entrée du garage était inoccupée, on aurait pu y garer un deux-roues. Au fond s'entassaient des cartons, des vieux meubles et des étagères de rangement. L'adolescent s'était attendu à plus de bazar ou vielles affaires en attente d'être triées ou jetées.
— Fais attention où tu marches, souffla Ethan en le précédant vers le fond du garage.
Comme Jim était simplement venu pour lui prêter main-forte, il le laissa volontiers mener les opérations. Ethan commença par balayer toute la pièce de son faisceau, sans repérer ce qu'il cherchait.
— Je pensais la trouver directement, regretta l'homme en poussant un carton du pied. Elle doit être dans sa housse, normalement.
— T'es sûr que tu l'as pas donnée ? Ça fait quand même un bail que tu joues plus de ta guitare.
Ethan secoua la tête en décalant d'autres cartons pour dessiner un accès plus ou moins étroit vers le fond du garage. Il avait déjà les mains couvertures de poussière épaisse et collante.
— Jamais je l'aurais donnée. (Il se tourna vers son fils pour lui adresser un sourire de connivence, sans être certain qu'il le remarquerait dans la pénombre.) J'ai trimé des semaines à l'École pour me l'offrir. C'est l'un des rares trucs que j'ai possédés à titre personnel avant ma majorité.
Dans son dos, Jeremy fit la moue en zieutant ce qui l'entourait. Certains meubles, trop encombrants pour l'appartement de son père, étaient entreposés ici. Ce devait être le mobilier de leur ancienne maison, celle qui était à moitié partie en fumée. Il n'imaginait sinon pas pourquoi son père aurait acheté tout ça sans pouvoir s'en servir.
— J'ai arrêté de jouer après l'incendie, reprit Ethan et Jim frissonna du lien avec ses propres pensées. Mais je suis sûr et certain de l'avoir rangée ici.
Pendant que l'homme déplaçait cartons et petits meubles pour fouiller le débarras, Jeremy s'approcha de l'une des étagères. Elle était remplie de dossiers et classeurs. De la paperasse administrative ? Ethan était protocolaire sur certains sujets, l'adolescent n'aurait pas dû être surpris qu'il conserve autant de documents.
Jim s'empara d'un classeur au hasard, frotta le dos pour en lire l'étiquette.
« Photos 1992 – 2000 »
Persuadé qu'il venait de tomber sur un trésor, Jim s'assura que son père ne remarquait pas son manège. Il n'eut aucun souci à se faire : Ethan était penché par-dessus un buffet, à fouiller ce qu'il se cachait derrière.
— On va la retrouver, mon grand, lança-t-il, sa voix étouffée par sa position courbée. Je comprends que tu veuilles essayer la guitare électrique. C'est quand même différent de la guitare sèche.
Pour ne pas alerter son père, Jeremy lui répondit de manière évasive. Ses parents lui avaient acheté une guitare pour fêter son anniversaire avec quelques mois de retard. En remarquant qu'il maîtrisait déjà bien l'instrument, Ethan lui avait proposé de lui donner sa vieille guitare électrique.
Mais il y avait à priori d'autres trésors dans ce garage. En s'efforçant à la discrétion, Jeremy déposa le classeur sur une vieille commode poussiéreuse. Il cala son téléphone sur l'étagère, la lumière orientée vers le meuble, et commença à tourner les feuilles plastifiées. Une page de garde manuscrite énonçait sobrement « Photos de l'école de S.U.I – Années 1992 à 2000 »
Il se prit comme un coup de poing au plexus en découvrant les premières photos. S'il se fiait aux années, Ethan devait avoir dix ans sur celles-ci. Il en paraissait moins. Ou beaucoup plus. Son regard était fuyant, comme celui d'un jeune enfant peu habitué aux objectifs. Et quand il parvenait à regarder la caméra, ses yeux n'étaient pas ceux d'un garçon qui n'est pas encore entré au collège. D'une écriture fine et précise, Ethan avait agrémenté certaines photos de brèves indications. Sous l'une d'elles, où il présentait une mine défaite, était noté « 1er jour au foyer après le départ de la maison ». Le cliché d'à côté le montrait avec Edward. « Quand Ed m'a rejoint au foyer après l'hôpital ». Si celui-ci n'avait pas eu la jambe dans le plâtre, Jeremy aurait été incapable de les différencier. Ils se ressemblaient encore plus dans l'enfance qu'à l'âge adulte.
En dessous, on les voyait de nouveau côte à côte. Jeremy reconnut sans mal la pièce où ils avaient été photographiés : la salle d'attente de la direction à l'École. Là, son père avait commenté un simple « 1ère photo de nous à l'école de S.U.I ». Sur celle d'après, Jim ne put s'empêcher de retrouver le sourire. Mike n'avait pas attendu le XXIème siècle pour prendre des selfies. Dans un angle aussi douteux que la qualité de l'image, Michael s'était pris en photo, les jumeaux derrière lui : « 1er selfie de Mike ».
Et, page après page, Jeremy fit défiler la vie de son père à l'École. Il le vit passer d'un garçon timide et discret à un adolescent narquois et provocateur. Ses sourires réservés et ses yeux fuyants laissèrent place à des grimaces et des gestes obscènes. Les clichés n'étaient pas nombreux : moins d'une dizaine par année de scolarité. En dehors de son groupe d'amis, il n'y avait eu personne pour le photographier.
Ethan avait conservé les photos plus officielles utilisées pour son dossier scolaire. Jim se fia à celles-ci pour le voir grandir année après année. Pas de grimace, pas de doigt d'honneur, pas de langue tirée ou de clin d'œil. Rien qu'un garçon en train de devenir un jeune homme, an après an. En dehors de ses traits qui s'affirmèrent, de son regard qui s'éclaira, pas de changement notable. Depuis tout jeune, Ethan avait conservé ses courts cheveux bruns et un style vestimentaire décontracté.
— Jem ?
Conscient que ça ne devait pas être le premier appel de son père, Jim grimaça. Avec une moue penaude, il releva le nez du classeur. Ethan avait passé la housse d'une guitare à son épaule. Avec une expression perplexe, il déplaça sa lampe jusqu'au classeur encore ouvert.
— Oh, tu es tombé là-dessus.
Ethan s'avança jusqu'à lui, fit basculer la guitare pour la caler contre la commode.
— C'est tout bon ? lâcha Jeremy dans l'espoir de détourner le sujet de sa trouvaille. Elle est en bon état ?
— On regardera à l'appartement, sous une vraie lumière, répondit l'homme sans quitter le classeur des yeux. Tu as trouvé ça où ?
— Juste ici.
Ses joues à présent chaudes, Jim recula de quelques pas. Dire qu'une semaine plus tôt, Maria lui avait suggéré de demander à Mike ou Ethan de lui parler de leur adolescence. En tombant sur le classeur, Jeremy n'avait pas pu s'empêcher d'y jeter un œil. Et il s'en sentait vaguement coupable.
— La vache, fit son père après quelques secondes à feuilleter les pages. Ça me rajeunit pas. Bon sang, quand je pense que j'avais ton âge, là...
Il venait de glisser les doigts sur des photos du milieu du classeur. Avec un sourire aussi doux que triste, il extirpa l'un des clichés de la feuille plastifiée.
— Tiens, me voilà avec la guitare.
Comme Ethan lui tendait la photo, Jim s'avança de nouveau. Pas de réprimandes. Pas de regard désapprobateur ou de claquement de langue agacé. Il s'en sortait bien, finalement.
— Je vous reconnais, Mike et toi, commenta Jeremy, la lampe de son téléphone orientée sur la photo. Mais c'est qui la fille ?
— Grace. On sortait ensemble à l'époque.
Grace, la maman de Jason et la marraine de Thalia. Jim passa de côté l'information qu'il jugea embarrassante et observa le cliché encore quelques secondes. Son père était assis au bord d'un lit d'une chambre de l'internat, son instrument sous le bras. Grace était calée contre son épaule, un doux sourire aux lèvres. Quant à Mike, il s'était assis à même le sol et adressait un V des doigts à la caméra.
— Et tu as pas de photo avec maman ?
Ethan secoua la tête avec un sourire gêné avant de récupérer la photographie.
— Non, on ne se fréquentait pas. Elle a un an de moins, donc on se croisait pas en cours et je la connaissais pas personnellement. Je pense qu'Edward lui a plus parlé que moi à l'époque.
Cette fois, Jeremy afficha clairement une expression déroutée. Il peinait à emboîter ces informations dans son esprit et à les faire concorder avec les images qu'il avait des adultes en question. Face à son air confus, voire dubitatif, Ethan rit tout bas.
— Ça doit te faire bizarre. En réalité, j'ai commencé à fréquenter ta mère deux ans après mon diplôme.
Jim haussa les épaules ; il connaissait vaguement la suite. Ses parents avaient fini par s'installer ensemble dans l'appartement que son père occupait encore aujourd'hui. Puis il avait débarqué dans leur petite vie tranquille. Comme le désir d'un deuxième enfant pointait le bout de son nez, Maria et Ethan avaient quitté le petit appartement citadin pour une maison de banlieue. Sa sœur était née quelques semaines plus tard.
Et tout était parti en cendres.
Jeremy déglutit, traversé de frissons. Des images acides et brûlantes envahissaient son esprit. Son dos le démangeait. Le souffle court, il opéra un demi-tour et s'éloigna dans l'allée principale. L'air chargé de poussière et d'humidité ne lui fit pas grand bien.
— Jem ? l'appela son père depuis le garage. Ça va ?
— Ouais, ouais.
Pendant que Jeremy frottait ses bras pour chasser la chair-de-poule, il se demanda s'il arrêterait un jour de mentir à Ethan. Avec Maria, c'était différent. Elle connaissait son parcours, ses failles, ses angoisses. Avec Ethan, il avait tout juste abordé le sujet, un an et demi plus tôt. Et il avait encore bien trop l'impression qu'ils étaient des inconnus pour s'en ouvrir librement auprès de lui.
— Tu es sûr ?
Jeremy n'avait pas entendu l'homme arriver. La guitare était de nouveau accrochée à son épaule. Et, à sa surprise, il avait glissé le classeur sous son bras. Jim se précipita sur cette distraction.
— Tu le prends ?
— Oui, j'aimerais montrer les photos à Thalia. (Un sourire peiné étira les lèvres de l'homme.) Elle a tellement peu de souvenirs de notre vie avant l'incendie. Et la seule photo qu'elle a vu de moi pendant des années, c'est celle que vous aviez dans la cuisine à Seludage.
Jim se retint d'asséner qu'il avait à peine plus de souvenirs que sa sœur. Agé de tout juste cinq ans au moment de l'incendie, Jeremy avait conservé quelques images brumeuses de son père pendant son enfance. Pas assez pour ne pas être décontenancé quand ils s'étaient retrouvés.
Sans compter que Thalia était à présent bien plus proche d'Ethan que lui. Même si cela, Jim ne pouvait le reprocher qu'à lui-même et à ses émotions embrouillées par des années de machinations et secrets de famille.
— Au fait, j'ai enlevé celle-ci du classeur... si tu veux la garder. Comme il y a Mike en gros plan dessus, je me suis dit qu'elle te plairait.
Lèvres plissées de méfiance involontaire, Jeremy récupéra la photo. Comme promis, Michael était au cœur de la photo. Bras dessus-dessous avec Ethan, ils souriaient tranquillement à l'objectif.
— Mike a quand même bien changé, murmura l'adolescent en abaissant ses murailles. Il a tellement l'air gamin sans sa barbe.
Ethan acquiesça d'une voix légère avant de noter le trouble sur le visage de son fils. Il tendit la main pour lui presser l'épaule.
— Qu'est-ce qu'il y a ?
— Rien. C'est juste que... ça me fait bizarre. J'ai l'impression de pas te connaître vraiment. Sur les photos, tu... on dirait que tu détournes l'attention de quelque chose. Et, plus les années passent, moins tu as de photos avec Edward. Vous avez commencé à vous éloigner à cette époque ?
Derrière son expression maussade se cachait plus de déduction qu'Ethan ne l'aurait cru. Il ajusta la position du classeur sous son bras avec un soupir.
— C'est à cette époque, oui. Petits, on était le cliché des jumeaux fusionnels. Puis on est devenu ados, on a développé nos propres goûts musicaux, vestimentaires, etc. On a changé, on s'est affirmé chacun de notre côté et... il y a eu des différends, des choses qu'on a pas pu se pardonner l'un et l'autre et on a fini par quasiment plus se parler.
La moue renfrognée de Jim ne le quittait plus. Sans oser regarder son père dans les yeux, il maugréa d'un ton amer :
— Si vous vous étiez pas autant éloignés, on aurait évité toute la merde d'il y a deux ans.
La remarque enfonça un clou entre les poumons d'Ethan. En dehors des reproches, il y décela plusieurs sous-entendus. Sans le plan tordu d'Edward, Jim, Maria et Thalia auraient continué paisiblement leur vie. Il n'y aurait jamais eu d'enlèvement, de vies suspendues et morcelées, de Ghost Society et de secrets familiaux qui volent en éclats. Il n'y aurait pas non plus eu de retrouvailles avec ses enfants.
— Je sais, Jeremy. J'ai une part de responsabilité dans ce qui s'est passé. Je me suis tellement éloigné dans le désir de vous protéger, Thallie et toi, que j'en ai perdu de vue d'autres choses.
Son fils émit un grognement étouffé en guise de réponse. Comme l'adolescent ne disait plus rien, Ethan se tourna pour baisser la porte du garage. Une fois la serrure récalcitrante de nouveau verrouillée, ils prirent le chemin du retour.
Dans les escaliers qui les ramenaient à l'immeuble d'Ethan, Jim ne décrochait pas les yeux de la photo. Il était plus touché par l'attention qu'il ne voulait le montrer. C'était la première fois qu'on lui confiait une photographie comme ça. D'autant plus qu'il y avait les deux hommes qu'il considérait comme ses figures paternelles dessus. Le père de cœur qui avait toujours été là. Celui de sang avec lequel il renouait, jour après jour.
— Merci, au fait.
Ils venaient de grimper les premières marches en direction des étages. Jim s'empourpra à l'idée qu'il avait laissé son père se tordre dans la poussière pour lui dénicher sa vieille guitare sans même le remercier. Ni pour ça, ni pour la photo.
— Pas de soucis, Jem, ça me fait plaisir.
Jeremy pencha le nez sur le cliché une nouvelle fois pour masquer son embarras. Quand il se trouvait avec Ethan, ses pires penchants ressortaient. La méfiance, la véhémence, l'égoïsme. Spontanément, il était incapable de l'affection, de la tendresse et de la confiance qu'il dédiait à Maria, Thalia ou Mike. Une part de lui le regrettait, une autre en avait honte et une dernière assurait que c'était justifié.
Comme ils parvenaient au deuxième étage, Jeremy leva le nez de sa photo. Pendant qu'Ethan tournait les clés dans la serrure, il s'amusa à comparer l'homme qui se tenait devant lui et l'adolescent figé sur du papier glacé. Sa silhouette s'était affirmée et épaissie, ses traits s'étaient marqués, ses cheveux s'étaient parsemés de gris. Son regard aussi avait quelque peu changé.
S'étant figé sur le pas-de-porte, Ethan lui adressa un haussement de sourcil inquisiteur. Jim se ressaisit avec une grimace, glissa derrière la porte avant de refermer derrière lui, le cœur battant la chamade.
Son attitude avait dû attirer l'attention de sa sœur, car Thalia s'extirpa du canapé pour venir passer les bras autour de sa taille.
— Ça va, Jimmy ?
Jim leva les coudes pour se contorsionner et se positionner face à sa sœur. Il pressa les paumes des deux côtés de son visage pour écraser ses joues et sourit.
— Ouais, t'inquiète, p'tit clown. Papa a retrouvé sa guitare.
Les paupières de sa sœur se plissèrent. Avant que Jeremy ait pu réaliser, elle lui chipa ce qu'il retenait au creux de sa main et recula en sécurité derrière leur père. Déclarant sa défaite avant même de chercher la bataille, Jim roula des yeux et s'adossa à la porte.
Un rire généreux éclata dans la petite cuisine, où Thalia s'était perchée sur une chaise, la photo sous son nez.
— Mike, il a une tête de bébé !
— Et pourtant il faisait déjà plus d'un mètre quatre-vingt-dix, commenta Ethan en passant un coup de chiffon sur la housse de guitare grisâtre de poussière.
— Papa, toi aussi t'as une tête de bébé, répliqua Thalia sans se laisser démonter.
Un œil fermé et l'autre plissé, la jeune adolescente leva la photo à hauteur du visage de son frère. Après une série de grimaces, elle déclara d'un ton qui ne souffrait aucune répartie :
— Tu ressembles vraiment à papa.
Jeremy n'avait certainement pas besoin du rappel, le miroir le lui confirmait tous les matins. Avec un soupir, il retira ses baskets et rejoignit sa sœur et son père dans la cuisine. Ethan avait terminé de dépoussiérer la housse. Il tira une chaise pour s'installer correctement le temps d'extirper l'instrument de sa protection. La housse avait joué son rôle : le manche et la caisse étaient visiblement en bon état. Des éraflures étaient visibles ici et là, mais elles relevaient du passage du temps plutôt que de dégâts causés lors de son stockage. D'un mélange classique de noir et de blanc, elle avait la particularité d'être mate plutôt que brillante.
— Trop belle, souffla Jim en quittant pour de bon sa moue boudeuse.
— Waouh, lâcha Thalia en grimpant à moitié sur la table pour une meilleure vision. T'as appris à jouer avec cette guitare ?
— Oui. (Ethan passa une main délicate sur le manche, l'air ailleurs.) Bon, il faut sûrement un petit coup de nettoyage, changer les cordes et vérifier que les branchements fonctionnent.
— Je m'en occuperai, lui assura Jim en s'accroupissant pour observer la guitare de plus près. Tu l'as déjà retrouvée dans la garage, je vais faire le reste.
Comme les yeux de son fils se remplissaient d'étincelles enthousiastes, Ethan se leva et l'invita à s'asseoir à sa place. Ni une ni deux, Jeremy se laissa tomber sur la chaise et récupéra l'instrument. C'était si différent de la guitare sèche. Moins encombrant, mais plus lourd. Il fit glisser ses doigts sur les cordes ternies par les années, bidouilla les mécaniques par automatisme avant de relâcher un souffle fébrile. Passer à la guitare électrique était une nouvelle étape dans son apprentissage de la musique. Et, comme pour la première fois où Rebecca lui avait confié son instrument acoustique, il se sentait aussi impatient qu'apeuré.
— Je pourrais t'apprendre les bases, si tu veux.
Avec un clignement des paupières, Jim réintégra la cuisine, réalisa que sa sœur et Ethan ne l'avaient pas quitté des yeux une demi-seconde. Il rougit de son égarement avant de hocher la tête. La gorge nouée, l'adolescent se força à bredouiller :
— O-Oui, je veux bien.
Un sourire apaisé étira les lèvres d'Ethan. Il quitta son fils des yeux lorsque Thalia lui tira sur la manche. Elle avait braqué ses pupilles brillantes sur lui, l'air concentré.
— Oui, ma puce ?
— T'es tout plein de poussière, papa.
Elle bondit sur une chaise, arrachant à l'homme quelques battements de cœur inquiets, pour passer une main sur son crâne. Un rire narquois s'échappa de ses lèvres.
— T'as même des toiles d'araignées dans les cheveux, berk.
Ethan soupira, fit descendre sa fille de la chaise puis se tapota la tête. Des filaments vaporeux lui restèrent entre les doigts. Après s'être frotté le nez et le front, ses ongles revinrent gris.
— Je vais aller prendre une douche. (Il tapota le classeur qu'il avait posé plus tôt sur la table.) Si tu veux voir plus de photos de Mike et moi avec nos « têtes de bébé » tu en as plein dedans, Thallie.
— Génial !
Une fois sa fille penchée sur l'album photo et son fils sur sa guitare, Ethan se dirigea vers la salle de bain. Ses enfants finiraient par avoir sa peau, un jour.
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