Chapitre 3 - Part 2/2


Et en effet, il ne tarda pas.

— C'est la dernière fois que je fais les courses pour toi la mioche ! maugréa-t-il en entrant dans l'appartement après que Mia lui ait ouvert.

Malgré ses plaintes, je ne pus que constater les sacs plastiques dans ses mains, semblant emplis de médicaments divers et variés.

— Merci mon grand frère chéri ! ironisa-t-elle sans prendre en compte sa remarque. Je vais te chercher un verre d'eau Julia, ne bouge pas de là, m'ordonna-t-elle tout en disparaissant en direction de la cuisine.

 Elle me laissa alors seule avec Sevan et cette simple idée me donnait déjà un peu plus mal à la tête.

— Alors comme ça on a un gros rhume ? sourit-il moqueur en s'approchant de moi.

Sans aucune gêne ses mains vinrent se déposer sous mes mollets, les soulevant pour se faire une place sur le canapé. Il s'y assit alors, avant de reposer mes jambes sur ses genoux. Étonnement, il fit tout de même preuve d'une certaine délicatesse alors même qu'il s'installait sans me demander mon avis.

— Arrête de me parler comme j'étais une enfant de six ans, marmonnai-je la tête sous la couette.

— Pour moi tu n'as pas plus de six ans, rétorqua-t-il tout naturellement, s'amusant visiblement grandement.

— Abruti, pestai-je mollement en resserrant la couverture contre mon corps endolori.

— Oulala, c'est qu'elle mordrait ! rit-il de sa voix grave avant de venir enfouir ses mains sous la couette.

Ses doigts vinrent alors délicatement trouver la plante de mes pieds entamant de légères chatouilles pour me taquiner. Il m'arracha quelques frissons.

— Dégage ! grognai-je en lui assenant un coup de pied sur l'épaule.

Il me donnait encore plus la nausée. Quelle plaie ce type !

— Ne sois pas lourd Sevan, elle est malade ! lança ma meilleure amie en revenant un verre d'eau à la main.

— C'est bon, c'est bon, je m'en vais, rétorqua l'intéressé. Je n'avais pas l'intention de faire du baby-sitting de toute façon.

S'approchant de moi, Mia m'aida à m'asseoir puis me donna le verre et les antalgiques avant de poser sa main sur mon front.

— Julia, tu es brûlante ! s'exclama-t-elle l'inquiétude dans sa voix étant clairement perceptible. Il faut que tu dormes un peu.

J'essayais de protester lorsqu'elle me poussa doucement pour que je m'allonge à nouveau. Elle avait dit que j'étais brûlante, pourtant je me sentais frigorifiée. Mes oreilles bourdonnaient et mes muscles me paraissaient d'une lourdeur presque douloureuse. Je ne voulais pas dormir, mais j'étais faible, tellement faible. Le brouillard envahit mon esprit et très vite mes yeux se fermèrent. Cette sensation étrange d'avoir tout le corps anesthésié mais endolori en même temps finit par puiser toute mon énergie et je m'assoupis.

Entre songe et réalité fiévreuse, je crus percevoir des bribes de conversation. Était-ce un rêve ?

— Tu es resté finalement, chuchota la voix de Mia.

— Je ne pouvais pas vous laisser toutes les deux vous débrouiller toutes seules.

— Tu sais, on n'est plus des enfants.

— Pour moi tu seras toujours la petite Mia que j'ai connue il y a dix ans de cela. Et elle, c'est une de tes copines avec qui tu joues à la marelle dans le jardin devant chez toi.

— Tu es vraiment bête, je comprends pourquoi Julia ne t'aime pas.

— Ah bon ? Elle ne m'aime pas ?

Soudain, la voix grave et douce se fit plus proche. Je sentis alors mon corps se soulever du confortable canapé dans lequel j'étais calée. Je m'élevais dans les airs et j'eus l'impression de tanguer comme si j'étais dans un bateau en pleine mer alors qu'une nouvelle chaleur semblait envahir mon être. Je devais définitivement être dans un rêve. Les voix recommencèrent.

— Arrête ! Mais qu'est-ce que tu fais ?

— Je la porte dans son lit, elle sera plus à l'aise. Elle est où sa chambre ?

J'avais envie d'ouvrir les yeux pour voir ce qu'il se passait, mais je n'en avais pas la force. Le simple fait de tenter de me concentrer sur ces voix semblait un effort insurmontable et cette fois, je plongeais dans un profond sommeil souffrant toujours de mes courbatures. « Oh Aymeric si seulement tu pouvais être là ! », pensais-je avant de m'endormir.

Un réveil en fin d'après-midi fut une chose un peu perturbante pour mon cerveau. Un rayon de soleil m'aveugla dès que j'ouvris les yeux et ma première réaction fut de me rouler en boule sous ma couette. Cependant, reprenant conscience des événements, je m'assis en tailleur sur mon lit. Comment étais-je arrivée sur mon lit d'ailleurs ? Ne m'étais-je pas endormie sur le canapé ? Je touchai mon front, la fièvre avait l'air d'avoir disparu et pourtant, j'avais toujours l'impression de me trouver dans une sorte de brume maladive. Moins épaisse certes, mais toujours bien présente. J'attrapai mon portable vérifiant l'heure. Je paniquai en m'apercevant qu'il était déjà 17h30, j'aurais dû déjà être sortie de chez moi depuis une demi-heure. En un bond, je me retrouvai sur mes pieds, prête à courir après le temps pour rattraper mon retard. Malheureusement, un violent vertige me rappela à l'ordre aussitôt, vestige de mon après-midi passée couchée. Je restai immobile pendant un instant attendant que le sol arrête de bouger sous mes pieds. Puis, relevant la tête, j'enfilai des vêtements propres, me recoiffai à la va-vite, essayai de cacher sous une légère couche de fond de teint ma mine défaite et sortis de ma chambre. À ma grande surprise, je croisais Mia et Sevan affalés sur mon canapé.

— Vous êtes encore là ? m'étonnai-je.

— Je voulais attendre que tu te réveilles, m'expliqua mon amie.

— Tu aurais pu rentrer, tu t'en fais vraiment trop pour moi. D'ailleurs comment est-ce que je me suis retrouvée dans ma chambre ?

— C'est Sevan qui t'a portée.

— Ah, soufflai-je gênée de m'être montrée si fragile devant lui.

Alors je n'avais pas rêvé... C'était plutôt gentil de sa part.

— Bah oui je voulais faire de la place sur le canapé alors j'ai débarrassé ce qui gênait, se moqua-t-il en croisant ses deux pieds sur ma table basse.

Nouvelle rectification, j'avais dû rêver. Comment ce type faisait-il pour me faire changer d'avis sur lui toutes les deux minutes ? À chaque fois que je trouvais quelque chose de bien en lui, il arrivait à le faire disparaître en un claquement de doigts. Je me contentai de souffler bruyamment en levant les yeux au ciel devant son air arrogant.

— Je suis désolée Mia, mais là il faut que j'y aille, annonçai-je.

— Oui je vois que tu t'es préparée pour sortir mais il en est hors de question ! affirma-t-elle fermement tout en se relevant pour venir à ma rencontre, me sermonnant de son regard sévère.

— On dirait ma mère, souris-je, arrête de t'inquiéter.

— Tu sais qu'Aymeric ne s'en rendra même pas compte si tu ne vas pas le voir aujourd'hui, ajouta-t-elle comme pour me montrer qu'elle avait bien compris pourquoi je tenais tant à sortir.

— Et alors ? Moi je m'en rendrais compte, m'agaçai-je.

— Julia, souffla-t-elle en s'approchant de moi, je vois bien que tu es encore malade. Ta fièvre s'est peut-être calmée, mais tu es encore faible. Sois un peu raisonnable.

Elle déposa une main sur mon poignet avec douceur, tentant de me ramener à la raison. Mais quand cela le concernait, la raison n'existait plus. Je baissais la tête tristement. Mia me comprenait sur presque tout, notre seule divergence d'opinions était à propos d'Aymeric. Je ne lui en voulais pas, je savais que personne ne pouvait comprendre les sentiments que je ressentais en ce moment. Personne ne pouvait se mettre à ma place.

— Tu dois faire passer ta santé et ta vie avant Aymeric, tu ne peux pas baser ton avenir sur lui, continua-t-elle. Plus maintenant.

Elle disait ça pour mon bien, j'en avais conscience, mais malgré tout, ses mots me blessaient. Comment aurais-je pu ne pas baser mon avenir sur celui avec qui je voulais partager ma vie ?

— Mia, on a déjà eu cette conversation des milliers de fois. Je vais voir Aymeric un point c'est tout.

— Mais ne pourrais-tu pas remettre ta visite à un autre jour ? Tu as encore la voix toute enrouée.

Je n'avais pas envie d'avouer la raison de mon besoin d'aller voir Aymeric précisément aujourd'hui, car je n'avais pas envie d'entendre une nouvelle fois la même rengaine sur le fait que je m'accrochais à de faux espoirs. Mais devant l'insistance de la petite brunette, je n'eus pas le choix.

— Aujourd'hui, les médecins ont fait un nouveau scanner pour suivre l'évolution d'Aymeric. Ils auront les résultats ce soir et je pourrai savoir si son état s'améliore, admis-je finalement, ma tentative pour cacher l'espoir dans ma voix étant vaine tant il était grand.

— Julia..., souffla ma meilleure amie dépitée.

Cependant, elle ne rajouta rien sur ce qu'elle pensait à ce sujet, sûrement consciente que je ne voudrais rien entendre.

— Dans ce cas, je viens avec toi, je ne peux pas te laisser prendre les transports toute seule dans ton état, lança-t-elle avec un ton qui faisait ressembler cette phrase plus à un ordre qu'à une proposition.

Sans laisser place à plus de discussion, elle enfila son manteau et ouvrit la porte.

— Hey oh ! Et moi, on m'oublie ? s'écria Sevan toujours avachi sur mon canapé.

— T'es encore là toi ? rétorquai-je mauvaise, pour lui signifier qu'il était temps qu'il s'en aille.

— C'est bon, je vais vous emmener les enfants. Je ne peux pas laisser deux gamines, dont une à moitié mourante, se promener à pied dans Paris, grommela-t-il en passant devant moi comme s'il n'avait même pas entendu ce que je disais.

— On ne t'a rien demandé ! pestai-je à nouveau.

— Ma voiture est en bas, conclut-il en ignorant complètement ma remarque.

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