- Chapitre 51 -
Une fois arrivée dans la salle à manger, Stella s'installa à la table et se retint de ne pas se jeter sur l'assiette contenant de la viande et des légumes cuisinés. Cela faisait longtemps qu'elle n'avait pas mangé de vrai repas et son ventre se tordait sous la faim.
Elle dégusta son plat en silence tout en s'appliquant à ne pas croiser le regard de Jacob. Elle le détestait, lui, ses mensonges et ses manipulations. Elle continua son repas en le maudissant intérieurement, jusqu'à ce que son esprit devienne trop lourd pour qu'elle soit capable de penser à quoi que ce soit.
Elle fronça les sourcils et se passa une main sur le visage.
—Ça va, Stella ? s'enquit Jacob.
Elle voulut lui jeter un regard noir mais ses yeux étaient trop fatigués pour ça.
—Qu'est-ce que tu as mis dans le repas ? s'inquiéta-t-elle alors.
Jacob ne répondit pas, mais elle devina son malaise.
Elle retira la main de ses yeux et le toisa d'un air dégoûté. Apparemment, Jacob tenait vraiment à la garder dans cet état second, et ce de façon définitive.
—C'est pour ton bien, se justifia Jacob.
—Pour mon bien ou pour le tien ?
Il resta un long moment sans rien dire.
—Ton père m'a confié ta... particularité. Disons qu'il vaut mieux pour tout le monde que l'on ne laisse pas cette partie de toi prendre le dessus.
Bien qu'elle rêvait de se jeter sur lui pour le tuer, tout son corps lui intimait de s'allonger par terre et de dormir.
—Quand est-ce que mes parents vont arriver ?
Jacob jeta un coup d'œil à sa montre.
—Ils ne devraient pas tarder.
Un silence pesant s'installa de nouveau entre eux jusqu'à ce que Jacob se racle la gorge, mal à l'aise.
—Je vais débarrasser, dit-il en se levant.
Stella le regarda faire d'un air morne avant de se lever à son tour. Elle marcha d'un pas hésitant jusqu'au salon et s'allongea sur le canapé. Elle détestait se sentir faible, et elle espérait que son père ne la forcerait pas à prendre ce que Jacob lui donnait une fois qu'elle rentrerait chez elle.
Elle ne savait pas si c'était les calmants qui lui faisaient cet effet-là, mais elle se sentait moins inquiète. Ce n'était pas qu'elle ne ressentait plus le besoin d'être anxieuse, mais plutôt comme si ses émotions s'émoussaient petit à petit. Épuisée, elle ferma les yeux et s'endormit.
Stella fut réveillée en sursaut par un bruit strident. Elle ouvrit difficilement les yeux et observa le salon vide, tentant d'identifier le son qui l'avait sortie de son sommeil.
Elle battit plusieurs fois des paupières avant de réaliser que quelqu'un venait de sonner à la porte, ce qui ne pouvait vouloir dire qu'une chose : son père et Vera étaient là.
Elle se redressa aussi rapidement qu'elle le pouvait, juste au moment où Tego entrait dans le salon. Quand il aperçut sa fille, ses yeux se mirent à briller et il se précipita vers elle.
—Stella ! s'exclama-t-il alors qu'il la prenait dans ses bras. J'ai eu tellement peur pour toi !
La jeune fille resserra ses bras autour de son père. Le voir était un réel soulagement ; elle se rendait compte à présent à quel point il lui avait manqué.
Après une longue étreinte, il s'écarta d'elle pour la regarder en face.
—Est-ce tu vas bien ? s'enquit-il.
Stella sentit les larmes lui monter aux yeux et elle secoua la tête en signe de négation. Non, elle n'allait pas bien. Comment le pourrait-elle alors que l'on venait de l'arracher à sa nouvelle vie, celle qu'elle avait choisie ?
—J'ai pas envie d'être ici, murmura-t-elle en étouffant un sanglot.
Tego la prit de nouveau dans ses bras pour la rassurer.
—Ne t'inquiète pas, on va te ramener à la maison.
Stella voulut lui préciser qu'elle ne parlait pas juste du fait de se trouver chez Jacob mais de la Ville entière, seulement elle fut interrompue avant d'avoir le temps de prononcer la moindre parole.
—Stella reste ici.
La voix de Jacob était ferme, comme s'il voulait s'assurer que personne ne le contredise.
Visiblement surpris, Tego tourna la tête vers lui.
—Pardon ?
—J'ai dit qu'elle resterait ici, répéta Jacob.
Tego se redressa et se posta devant l'inspecteur.
—Je ne pense pas que ce soit à vous de décider de ça, répliqua-t-il d'une voix dure.
Stella observait les deux hommes, inquiète. Jacob ne pouvait pas la retenir ici de force, sans l'accord de son père, n'est-ce pas ? Elle se mit à mordiller la lèvre inférieure, terrifiée à l'idée d'être piégée ici.
Le canapé s'enfonça à côté d'elle et elle remarqua pour la première fois la présence de Vera. Cette dernière s'était installée à ses côtés dès qu'elle avait remarqué sa détresse et elle s'empressa de prendre sa belle-fille dans les bras. Stella se laissa bercer par la jeune femme, tentant d'oublier les éclats de voix en face d'elle. Finalement, le silence se fit et Jacob dit :
—Allons en parler dans mon bureau. En privé.
Il jeta un regard en coin aux deux jeunes femmes, ne voulant visiblement pas qu'elles entendent le reste de la conversation. Furieux, Tego se décida tout de même à suivre Jacob.
Une fois seules, Stella souffla :
—Vera, je n'ai pas envie de rester ici.
La jeune femme lui caressa les cheveux et dit d'une voix qui se voulait
—Ne t'inquiète pas, on ne va pas te laisser avec Jacob. Il n'a aucun droit de te garder ici. Tu rentreras avec nous.
Stella leva ses yeux humides vers elle et rajouta :
—Je ne veux pas être à l'appartement non plus. Je veux retourner au camp, je veux retrouver Nox.
Vera la regardait d'un air peiné.
—C'est dangereux pour toi, à l'extérieur, tenta-t-elle de la raisonner. Tu es plus en sécurité à l'intérieur de la Ville.
Quelques larmes s'échappèrent des yeux de la jeune fille.
—Quel est l'intérêt d'être en sécurité si je suis malheureuse ? demanda-t-elle d'une voix amère.
Elle s'écarta de Vera et essuya ses joues d'un coup de main.
—Je... Je dois aller aux toilettes, dit-elle.
Elle aurait voulu se précipiter hors de la pièce, mais son corps était lourd et elle dut prendre son temps pour se lever du canapé.
Vera baissa les yeux, ne sachant pas quoi répondre, et la laissa s'éloigner. Elle marcha d'un pas mal assuré jusqu'à la salle de bain et s'apprêtait à y entrer lorsqu'elle entendit la voix de son père. Le bureau de Jacob était juste à côté, et elle ne put s'empêcher de se rapprocher pour écouter ce qu'ils se disaient. Doucement, elle colla son oreille contre la porte et ferma les yeux pour se concentrer.
—Elle sera plus en sécurité ici, disait Jacob.
—En sécurité de quoi ? tonna Tego. Vera et moi sommes parfaitement capables de nous occuper d'elle ! Que voulez-vous qu'il lui arrive ?
L'inspecteur hésiter un instant avant de dire :
—Vous vous souvenez des attaques dont je vous ai parlé l'autre jour ?
Stella fronça les sourcils. Des attaques ?
—Ce n'est toujours pas réglé ? s'étonna Tego. Je croyais que les Prédateurs étaient très à cheval sur les règles et qu'une transgression était... fatale.
—Justement, renchérit Jacob, c'est bien ça le problème. Il s'agit d'un Prédateur condamné à mort. Il se serait échappé le mois dernier avant de se faire exécuter. Il n'a plus rien à perdre alors...
—Alors il chasse comme bon lui semble, conclut Tego.
—Exactement. Et dois-je vous rappeler qu'il y a déjà eu une attaque près de chez vous ?
Un court silence s'installa.
—Ce n'est pas une raison suffisante, trancha Tego. Les chances que le Prédateur tente de rentrer dans notre appartement en particulier est minime. Je refuse qu'elle reste ici avec vous.
Cette simple phrase calma quelque peu les battements de cœur de Stella. Son père ne céderait pas si facilement. Et comme lui avait dit Vera, Jacob n'avait aucun droit de la retenir ici.
—Ce n'est pas la seule raison, le reprit l'inspecteur. Vous pensez vraiment que son « ami » lâchera l'affaire ? Qu'il ne reviendra pas la chercher ? Je pourrai défendre Stella contre lui. Pas vous.
La défendre ? Des larmes de colère menacèrent de s'échapper de ses yeux. Comment Jacob pouvait-il laisser entendre qu'elle avait besoin d'être protégée de Nox ?
Une main se posa sur son épaule et elle sursauta brusquement. Quand elle se retourna, elle croisa les yeux gris de Vera.
—Stella ! chuchota-t-elle sur un ton de reproche. Qu'est-ce que tu fais ?
Elle la prit doucement par les épaules et la ramena jusqu'au salon. N'ayant pas assez de force pour se dégager, la jeune fille ne résista pas. Une fois de retour dans la pièce, elle tomba lourdement sur le canapé.
—Tu ne devrais pas écouter aux portes, lui dit Vera en s'asseyant à son tour. Même si c'est tentant parfois..., rajouta-t-elle en marmonnant.
Stella poussa un soupir à fendre l'âme. Les épaules basses, elle se contenta de fixer le tapis crème sous ses pieds, lorsque Vera brisa le silence :
—Ton père et moi sommes allé à la clinique la semaine dernière, pour voir si le bébé allait bien.
Stella releva les yeux vers le ventre de Vera. Elle ne s'en était pas aperçu jusque-là, mais le celui-ci s'était arrondi depuis la dernière fois qu'elle l'avait vue.
—J'ai fait une échographie, je pourrais te montrer les images du bébé en rentrant, si tu veux.
Elle ne répondit pas.
—C'est... c'est un garçon, continua Vera d'une voix mal assurée.
Le silence de Stella semblait la troubler, comme si elle n'était pas sûre qu'elle l'écoutait réellement. En effet, Stella était trop perdue dans ses pensées pour vraiment prêter attention à ce que Vera lui racontait.
Le ventre rond de Vera avait réveillé en elle un souvenir, un détail qu'elle avait réussi à oublier jusque-là : elle aussi portait la vie à présent. Elle se souvenait du moment où Nox lui avait appris sa grossesse. Cela lui semblait lointain et pourtant ce n'était arrivé que quelques jours auparavant. Elle avait pris la nouvelle tellement mal, comme si c'était la pire chose qui pouvait lui arriver. Mais maintenant qu'elle était là, de retour dans la Ville, elle comprenait à quel point elle avait eu tort.
—Est-ce que tu l'aimais ? demanda-t-elle à Vera.
Celle-ci la regarda sans comprendre.
—Qui ça ?
—Le père de ton enfant. Tu l'aimais ? Tu ne m'en as jamais parlé.
Le visage de la jeune femme s'empourpra. Elle ouvrit la bouche, prise de court, mais aucun son n'en sortit.
—Il sait que tu es enceinte, au moins ? continua de l'interroger Stella.
Les questions lui venaient naturellement et n'avait pas l'air de se préoccuper de la gêne qu'elle provoquait chez son interlocutrice.
—Non, finit-elle par avouer. Il ne l'a jamais su. Et pour répondre à ta première question... Je pense que je l'aimais. Lui, en revanche, se fichait de moi. Je m'en suis rendu compte trop tard. (Elle esquissa un sourire triste.) Je ne sais pas vraiment pourquoi j'ai voulu garder cet enfant, je crois qu'un avortement aurait été trop pour moi. Mais je ne regrette pas, à présent. Je suis heureuse d'être avec Tego, et je sais qu'il sera un très bon père pour lui.
Elle posa la main sur son ventre et le regarda avec tendresse. Ce geste fit ressentir à Stella un pincement au cœur. Elle n'arrivait pas à éprouver autant d'affection pour l'enfant qui grandissait en elle. Pourtant, contrairement à celui de Vera, le sien était le fruit d'un amour commun.
C'est à ce moment-là que les deux hommes réapparurent, coupant court à ses réflexions. Vera se leva et se tourna vers son mari.
—On devrait y aller, dit-elle d'une voix assurée. Si l'on tarde trop, on ne sera jamais de retour avant le coucher du soleil.
Tego ne répondit rien, un air ennuyé sur le visage.
—Stella devrait rester ici, annonça-t-il finalement.
Stella eut l'impression de recevoir une gifle. Bien que chaque mot avait eut l'air de lui coûter, il l'avait dit. Il comptait repartir sans elle.
—Quoi ? s'écria Vera. Mais enfin, Tego ! (Elle jeta un rapide coup d'œil à Jacob, comme si elle hésitait à exprimer clairement ce qu'elle pensait.) Stella n'a aucune raison de rester ici ! Elle n'en a même pas envie !
Tego serra les mâchoires. Il était évident que lui non plus ne voulait pas abandonner sa fille ici.
—C'est temporaire. N'est-ce pas, Jacob ?
Il posa un regard lourd de sens sur l'inspecteur. Celui-ci acquiesça, l'air peu impressionné.
—Marcus viendra demain pour lui faire faire des tests, continua Tego.
Le cœur de Stella s'emballa. Des tests ? Elle jeta un regard paniqué à Vera.
—Peut-être que je pourrais rester avec elle, proposa cette dernière en voyant l'air apeuré de sa belle-fille.
Le visage de Jacob se tordit dans une moue dubitative.
—Je ne suis pas sûr que...
—C'est une très bonne idée, le coupa Tego. D'ailleurs, je pense qu'il serait bien que tu lui tiennes compagnie le temps qu'elle reste ici.
Jacob était crispé, comme s'il voulait protester mais se retenait de le faire.
Tego jeta un coup d'œil à l'heure et soupira.
—Il va vraiment falloir partir...
Il se rapprocha de sa fille et s'accroupit à sa hauteur. Les yeux brillants de larmes, Stella le regardait avec incompréhension. Il n'allait pas réellement la laisser ici ? Elle attrapa brusquement son bras et hoqueta :
—Papa... s'il te plaît...
Il la regarda d'un air peiné.
—C'est juste pour quelque temps, Stella. Je te le promets.
Il la prit une dernière fois dans ses bras, mais elle ne se donna pas la peine de lui rendre son étreinte. Il finit par se relever et rejoindre Vera.
—Je reviendrai demain, lui assura-t-elle.
Ils sortirent du salon, accompagnés par Jacob. Seule sur le canapé, Stella ramena ses jambes contre elle. C'était un cauchemar. Elle allait se réveiller, ce n'était pas possible autrement. Elle ferma les yeux et tenta de calmer sa respiration.
La porte d'entrée claqua et elle entendit les pas de Jacob se rapprocher.
—Tu ne me laisseras jamais partir, n'est-ce pas ? murmura-t-elle d'une petite voix.
—Mon intention n'est pas de te garder contre ta volonté jusqu'à la fin des temps, Stella.
Elle fronça les sourcils et rétorqua :
—Parce que tu espères qu'un jour je resterai de mon plein gré, c'est ça ?
Jacob éluda sa question.
—Je sais que c'est dur pour toi de comprendre tout ce qu'il se passe. Et je n'essaierai même pas de t'expliquer tant que tu ne pourras pas penser clairement.
—Tu veux dire tant que tu me drogueras ?
Encore une fois, il décida d'ignorer sa remarque.
—Je ne te garderai pas de force pour toujours, répéta-t-il. Je veux juste que tu sois en sécurité.
—Et moi, reprit sèchement Stella, je veux juste que tu crèves.
Jacob mit quelques secondes avant de répondre :
—Tu ne le penses pas vraiment.
Elle releva la tête et planta son regard dans le sien.
—On verra bien.
🌙
Et voilà, les retrouvailles sont passées et encore une fois les espoirs de Stella se sont brisés en milles morceaux (à croire qu'il y a quelqu'un derrière tout ça qui s'amuse à lui mener la vie dure 😇)
Personnellement, je suis contente d'avoir pu retrouver un peu Vera, j'ai l'impression que ça fait une éternité qu'elle n'était pas apparue dans l'histoire !
Des pronostics pour la suite ?
N'hésitez pas à me donner votre avis en commentaire, ça me fait toujours plaisir d'avoir vos retours ! 😄
À la semaine prochaine 😘
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top