Jour 9.
Dimanche.
La première chose que je vois sur mon portable en me réveillant ce matin, ce sont les nombreux messages et appels manqués qui s'affichent à l'écran. Plusieurs de Zayn, qui a essayé deux fois de m'appeler, et un de Harry.
Je vais directement lire les messages de mon meilleur ami et pousse un énorme soupire quand je me rends compte de ce que j'ai fait.
✉
21h32
Je suis arrivé, t'es déjà là ?
Louis t'es où ?!
22h02
Louis je suis à la fête chez Colin ça fait une demi-heure qu'on t'attend, t'es où ?
Tu veux que je vienne te chercher ?
22h11
Tu peux pas venir ?
22h25
J'essaie de t'appeler mais apparemment t'es pas la...
Est-ce que ça va ? T'as eu des soucis ?
22h30
Si jamais tu viens on est dans le jardin avec les autres !
02h43
Bon je dors chez Colin j'espère que tu pourras me répondre demain
La soirée chez Colin. J'ai totalement oublié qu'elle se passait hier soir.
Après avoir laissé Harry, je suis rentré, je lui ai envoyé la photo que j'ai prise de lui avec son appareil devant la mer, je suis allé me laver, manger. J'ai laissé mon téléphone charger dans ma chambre et je suis resté au salon avec mes parents. Ma mère jouait du piano et on a chanté et dansé tous les trois. J'avais l'impression de revenir des années en arrière. C'était vraiment magique, j'étais de si bonne humeur, je n'avais plus autre chose que cette journée avec Harry en tête.
J'étais épuisé, aussi, je suis allé me coucher vers vingt trois heures trente, sans regarder mon téléphone. Ma tête a à peine touché l'oreiller et je me suis directement endormi.
Ce matin, je n'ai pas du tout envie de sortir de mon lit.
Il est dix heures huit, je quitte les messages de Zayn et vais voir celui d'Harry. Il me remercie pour la journée à la plage et la photo, il la trouve jolie, il me souhaite bonne nuit. Je souris quelques secondes et me décide à appeler mon meilleur ami.
La sonnerie se fait entendre trois fois et il décroche, il dit mon prénom d'une manière à la fois soulagée et en colère, je ne sais pas trop.
– Salut... désolé pour hier je... j'ai totalement oublié pour la soirée. Je suis allé faire un tour avec mes parents, j'étais fatigué et...
– C'est rien, Colin en organisera certainement une autre. Mais il était très déçu que tu ne sois pas venu.
Je ferme les paupières, pousse un léger soupir et pose mon bras devant mes yeux. J'entends le léger rire de Zayn à l'autre bout de l'appareil.
– J'étais quand même inquiet, tu me répondais pas, mais je suppose que tu dormais déjà alors...
– Ouais, je souffle, je vais passer voir Colin au travail pour m'excuser.
– Sors lui ton plus beau sourire et il te pardonnera avant même quand tu n'ouvres la bouche.
Un grognement sort de ma bouche, ce qui fait encore rire mon meilleur ami. Je finis par me redresser dans mon lit. Je l'écoute me raconter un peu ce qui s'est passé à la soirée, qui il y avait et on coupe l'appel vingt minutes plus tard.
Je descends au salon prendre le petit-déjeuner. Mes parents sont déjà debout et prêts, ma mère lit un roman sur le canapé, mon père est debout derrière son bureau encombré de papiers qu'il analyse attentivement, derrière ses lunettes. Ils me disent bonjour, je viens les embrasser. Ils me demandent si je veux des œufs brouillés, je hoche la tête et souffle un peu en allant préparer mon thé.
– Tiens, tu es plus grognon qu'hier soir, remarque mon père avec un petit sourire, mauvaise nuit ?
– Ou mauvais réveil plutôt.
Ma mère me caresse brièvement le dos en passant à côté de moi, je sens qu'elle dépose un baiser sur l'arrière de ma tête et ça me fait tout de suite sentir un peu mieux. Mon père m'offre un sourire rassurant depuis son bureau et je termine de préparer ma tasse. Je m'installe à la table, ma mère me ramène les œufs et je déjeune en faisant un tour sur les réseaux sociaux. Zayn a posté quelques photos de la soirée d'hier, Colin aussi.
Je soupire, range mon téléphone et termine de manger en observant le paysage par la fenêtre donnant sur le jardin. Encore un jour chaud.
Quand j'ai terminé la vaisselle, je monte me changer. Je prends mon vélo, mon père me demande si je peux aller acheter du pain. Il me donne une pièce et je me mets en route. J'essaie de rester un maximum à l'ombre, j'arrive en ville au bout de dix minutes. Je pose mon vélo contre le rebord d'un poteau, l'attache et m'avance vers le bar où Colin travaille. C'est Dimanche, mais les petites boutiques comme ça sont toujours ouvertes, les habitants aiment venir prendre un verre le week-end aussi.
A cette heure-ci, il n'y a encore presque personne. J'entre, un fond de musique m'accueille, la salle n'est occupé que par trois clients. Colin est là, en train de servir un verre de bière à un homme. Je m'avance, il me voit et me salut d'un signe de tête. J'attends qu'il termine. Il informe son collègue qu'il part prendre une pause de cinq minutes, il me rejoint et nous sortons à la terrasse côte à côte.
Il a gardé son tablier, il s'assoit à une table, sous un parasol. Je prends place à côté de lui et le regarde s'allumer une cigarette. Il tire une bouffée, pose les yeux sur moi.
– Je suis désolé pour hier Colin, j'ai été occupé toute l'après-midi et j'ai complètement oubliée ta soirée ensuite...
Je m'enfonce un peu dans ma chaise, il me tend la cigarette. Je le remercie, la coince entre mes lèvres pour en fumer un peu aussi. Le goût de celles ci ne me plaît pas trop, mais je l'accepte quand même.
Colin ne dit rien pendant plusieurs secondes, il me regarde et reprend sa cigarette quand je lui rends. Ses doigts frôlent les miens et se touchent bien trop longtemps pour que ce soit simplement anodin.
– C'est pas grave, j'aurais juste bien aimé que tu sois là. Tu as manqué un karaoké de Zayn et un beau plongeon de Matthias dans la piscine, il rit et moi aussi. Tout le monde s'est bien amusé, je pense que ça aurait été ton cas aussi.
Ma journée d'hier avec Harry me revient en tête, et je me suis amusé aussi. Mais d'une autre manière. Sans avoir besoin d'une fête et d'alcool. Et je crois que je préfère ça, la simplicité. Ces quelques heures passées avec Harry m'ont apporté la sensation de renaître, d'apprendre à respirer à nouveau. Ces dernières années, je n'ai encore jamais connu cette sensation. Enchaîner les verres me faisait surtout oublier, pour un temps, que je ne ressentais plus rien. Que chaque jour, un peu plus, je tombais au fond du gouffre.
Et depuis qu'Harry est apparu, le soleil commence à doucement briller dans ma direction. Il reste encore du chemin, mais la lumière est à nouveau là. Elle ne m'évite plus. Elle n'est plus mon ennemie. Je crois aussi que je commence à l'apprécier. A savourer toutes ces petites choses que je vois, que je sens comme une première fois. Le sable contre mes jambes encore humides, le parfum salé de la mer sur les cheveux d'Harry, le goût de la glace à la pistache sur ma langue, les pages rêches ou lisses des livres sous mes doigts, ma peau gorgée des rayons brûlants du soleil...
– Mais ce n'est rien, tu viendras à la prochaine soirée.
– Oui, j'assure en hochant la tête plusieurs fois, oui je serai là.
– En attendant...
Je tourne les yeux vers Colin qui, se penchant légèrement en avant sur sa chaise pour me regarder aussi, porte sa cigarette à ses lèvres. Il tire une longue bouffée. J'attends la suite de sa phrase. Ses coudes sont posés sur les bords de la chaise. Ses yeux sont d'un gris sombre, celui d'avant l'orage.
– Est-ce que ça te dirait qu'on se fasse un truc, tous les deux ?
Tous les deux. Seulement tous les deux. Je n'ai pas besoin de réfléchir, je sais exactement ce qu'il entend par là. L'ardeur dans son regard me brûle presque autant la peau que le soleil à son heure la plus chaude. Mais je vois ses joues qui rougissent aussi. Une telle question doit lui demander beaucoup de courage et d'effort. Je fais glisser mes doigts sur le bord en bois de la table et me pince les lèvres.
Si j'accepte cette sortie avec lui, je sais déjà d'avance où cela va nous mener. Il va se rapprocher de moi, je ne vais pas avoir la force de le repousser parce que je l'apprécie et je ne veux pas lui faire de mal, il va tenter de m'embrasser et je vais encore tout gâcher. Comme avec Norah Samedi, je vais perdre un ami. Je hais par dessus tout ce genre de situation.
– Excuse moi de te demander ça subitement... Tu n'es pas obligé d'accepter Louis.
Son intervention me coupe dans mes pensées emmêlées. Je relève la tête vers lui, il me sourit sincèrement et me tend le reste de sa cigarette, recrachant sa fumée sur le côté. Sa voix est douce, je comprends qu'il me laisse le choix et le temps de réfléchir.
– Je ne te forcerais jamais à rien, tu me connais, je ne suis pas comme ça, ajoute-t-il. Mais si tu te décides, tu as toujours mon numéro.
Je hoche la tête, Colin me sourit encore et finit par se lever. Il me dit qu'il doit reprendre son service, il me souhaite une bonne journée et ajoute qu'il espère me revoir bientôt. Son ton me laisse entendre que c'est tout à fait amical.
Quand il s'éclipse, je me redresse et pars aussi. Je termine sa cigarette, déambule un peu autour de la place. Sur le chemin de la boulangerie, je passe devant la librairie et salue Léo. Il agite son bras avec un grand sourire qui me réchauffe le cœur. Je n'imagine plus le reste de ma vie sans lui dedans. Il m'a appris à aimer les mots, la littérature. Il m'a appris que le monde n'avait pas besoin d'être parfait pour être beau, que si la réalité ne me suffisait pas je n'avais qu'à tourner les pages d'un livre et me plonger dedans pour y échapper. De toutes les années depuis lesquelles je le connais, Léo ne s'est jamais révélé avoir tord.
Je passe à la boulangerie deux rues en bas, achète deux baguettes croustillantes que je mets dans le panier à l'avant de mon vélo. La boulangère, une amie d'enfance de mon père, m'a offert une moitié de tarte aux mûres pour mes parents et moi.
Avant de rentrer à la maison, je fais un léger détour par le lac. Juste au cas où.
Mais Harry n'est pas là. Il n'est même pas midi trente.
Peut-être ce soir.
A midi, on mange une salade de pâtes aux légumes froids dans le jardin. On goût aussi la tarte aux mûres et je suis un peu ballonné par toute cette nourriture.
Quand la table est débarrassée, je monte lire un peu dans ma chambre. Allongé en travers de mon lit, l'air de l'été qui passe sur ma peau depuis ma fenêtre, je souris. Je finis par m'endormir au bout de quelques minutes, la joue posée sur mon livre ouvert.
Je me réveille un peu avant dix huit heures. Je passe prendre une douche. Zayn m'appelle pour savoir ce que je fais et je l'invite à dîner à la maison ce soir.
On mange, on rit, on écoute un nouveau morceau de ma mère au piano, on nage dans la piscine alors que le soleil se couche au bout du jardin, on s'assoit sur les transats, il sort un joint de la poche de son jean, on le fume ensemble en riant comme des enfants, mon père sort arroser les plantations, nous regarde avec un sourire amusé sur le coin des lèvres, secoue la tête, mais il nous vole une bouffée au passage et arrose Zayn avec le tuyau, je ris à en avoir des crampes et les larmes aux yeux et je me dis que ça c'est un bel été.
Des jours que je ne veux jamais voir disparaître.
Vers vingt-trois heures trente, Zayn repart chez lui. Je termine la fin du joint qu'il m'a laissé, encore allongé sur le transat. Les étoiles brillent, tournent un peu, mais ça je crois que c'est à cause de ce que je fume. Ou bien je n'hallucine pas et l'univers est une immense curiosité.
Je prends mon vélo pour faire la route jusqu'au lac. Je m'éloigne, la musique du piano de ma mère m'accompagne un petit moment.
Il fait déjà noir. La nuit est pleine. Il n'y a personne et aucun bruit. Je m'assois dans l'herbe, observe la pénombre autour de moi. Ça et là, de faibles lueurs, des lumières timides qui surgissent et se cachent à nouveau.
J'attends. Je lis mon livre à la lumière d'une lampe torche, je vais sur mon portable, me repose, je crois que je somnole un peu aussi, je fume une cigarette.
Mais ce soir, Harry ne vient pas.
Quand je rentre, il est presque quatre heures du matin. Ma joue touche à peine l'oreiller et je sombre déjà dans le soleil, encore habillé et la tête dans les étoiles.
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