Chapitre XII - En quête de vérités - Partie 1


Isgard, au palais royal de la famille Kårde.


Argos, un large sac sur le dos, quitta le site forestier du palais et, sortant de l'ombre des arbres, fut surpris par l'intense luminosité. Ebloui, le mage se protégea les yeux puis emprunta un sentier qui longeait les sous-bois, les vergers et le potager pour se diriger vers la grande prairie.

Depuis l'aurore, puis toute la matinée, le vieux sage avait placé, autour du palais et à des endroits stratégiques, des lingots d'argent pur gravés de symboles mystérieux qui permettaient d'amplifier les défenses magiques déjà mises en place par ses soins. De plus, après une séance de manucure de la reine Thelma, Argos avait réussi en toute discrétion à se procurer des morceaux de ses ongles, et cela lui avait permis d'élaborer avec facilité un enchantement de protection invisible envers la sorcière Iorga ou ses sortilèges.

— Il reste au encore quelques barres d'argent à disposer au niveau du pâturage, puis la protection magique des environs du palais serait alors totale ! cria le mage à son faucon qui planait au-dessus de lui.

Argos enterra les derniers lingots puis formula des incantations qui les activèrent entre eux et créèrent un bouclier géant immatériel.

Le vieux sage fut satisfait de son travail méthodique mais son visage restait affecté car il songeait sans cesse à la visite qu'il s'apprêtait à faire aux parents de la reine Thelma dans l'après-midi. Argos avait découvert, grâce au Lankium et aux souvenirs du chevalier Ordos, la véritable identité de Iorga qui n'était autre que la jumelle de la souveraine d'Isgard, mais avant de tenter de retrouver la trace de la sorcière, il voulait comprendre pourquoi elle avait été abandonnée à sa naissance. Ce dernier se demandait quel lourd secret de famille pouvait bien se cacher derrière un tel acte.

Le mage, ayant fini sa longue tâche, traversa le parc royal furtivement puis alla aux écuries pour faire préparer sa monture. Il demanda à un jeune écuyer de seller son cheval puis quitta les lieux aux galops, sans attendre. Argos savait que le temps jouait contre lui et il devait élucider ce mystère familiale au plus vite car les protections magiques, puissantes soient-elles, ne pouvaient demeurer permanentes face à Iorga.



Aquila et Martov, torse nu, main gauche attachée dans le dos, s'engageaient dans une forme de lutte où l'objectif était de sortir l'adversaire du cercle qui délimitait la zone de combat. Les deux chevaliers se roulaient dans la terre devant les regards amusés d'Ordos, Hérodias, Andréas et de plusieurs soldats qui étaient venus voir leur confrontation.

Depuis l'attaque de la dionée géante, les cinq chevaliers ne se quittaient plus. Ils restaient à la caserne, prêts à défendre le palais à tout moment ou à accompagner Argos pour traquer Iorga. Ordos s'était bien gardé de ne pas divulguer l'identité de la sorcière, mais ses frères d'armes s'étaient engagés à la débusquer avec lui et le mage sans poser de questions.

Tandis que Martov et Aquila tout poussiéreux tentaient des prises difficiles avec un seul bras sous les acclamations des soldats, le groupe fut surpris par un étrange sifflement venant du ciel.

Les hommes levèrent les yeux et aperçurent un condor gigantesque, couleur argent, avec une collerette de plumes bleues.

— Qu'est-ce donc cela ? s'écria Martov en arrêtant net ses assauts.

L'oiseau se dirigeait vers les tours du palais et tirait un drôle d'engin. Les trompette claironnèrent, donnant l'alerte générale, puis les sentinelles postées sur les remparts sortirent lances et épées.

L'immense rapace survola les enceintes, et chaque archer décocha toutes ses flèches sans jamais réussir à l'atteindre. L'oiseau, malgré son envergure monstrueuse, était trop rapide. Il évitait tous les projectiles dirigés vers lui.

— Il est incroyablement vif et agile ! réagit Hérodias stupéfié. On ne le touchera pas si aisément.

D'un coup, sous les regards médusés des soldats, le condor monta très haut puis disparu dans des nuages lourds et gris. Les chevaliers se dirigèrent à la hâte vers le perron du palais, armes en main, puis se positionnèrent de façon à bien distinguer toutes les parties du ciel et ne pas rater un éventuel retour du rapace géant.

Une milice, d'une vingtaine d'hommes, arriva par une porte dérobée à côté des escaliers pour épauler les cinq chevaliers, puis le roi Kårde apparut.

— Altesse ! Ne restez pas là, cria Aquila. Nous sommes attaqués !

— Pourquoi l'alerte a-t-elle été donnée ? Qui tente une intrusion ? s'enquit Théodoros en se munissant d'un glaive.

— Un condor énorme avec un attelage a survolé le palais, dit Ordos qui fixait le ciel sombre.

— Les archers ne sont pas parvenus à le toucher ! s'excusa Hérodias.

— Il est remonté au niveau des nuages, puis plus rien depuis quelques minutes ! lança Martov sur un ton furieux.

Théodoros se mit à réfléchir rapidement.

— Vous êtes bien sûr que c'était un rapace géant ? questionna-t-il.

— Oh oui ! répondirent d'une manière collégiale les chevaliers. Il n'y a aucun doute !

Le roi ordonna de cesser l'alerte, à la grande surprise des soldats, et exigea aux sentinelles de ranger leurs armes.

— Gardez tous votre calme, dit-il.

Théodoros s'avança posément au niveau de la grande allée principale gravillonnée, les yeux rivés vers les cumulonimbus qui s'accumulaient dans le ciel, puis les chevaliers le rejoignirent, tout en restant sur leurs gardes.

Le roi chercha quelque chose dans sa poche, puis en ressortit satisfait un petit miroir qu'il pointa et agita vers le soleil.

— Sir, qu'est-ce que vous faites ? demanda Andréas.

— J'attire cet oiseau, expliqua Théodoros en continuant de remuer son miroir qui réfléchissait la lumière.

— J'ai bien l'impression que ça marche ! fit remarquer Martov en pointant du doigt une tache sombre venir vers eux.

Le phénoménal condor argenté plongea en piquet vers le groupe, puis freina sa chute en déployant ses larges et puissantes ailes à seulement quelques pieds du sol. Cette manœuvre, impressionnante, effraya les cinq chevaliers qui se protégèrent.

Seul, le roi Kårde s'avança vers la créature ailée.

Le rapace, à la grande crête au sommet de sa tête, se posa sur l'herbe avec délicatesse et il en fut de même pour l'engin attelé, où se trouvait assis un jeune homme au crâne rasé.

— Bienvenu ! sourit Théodoros.

L'inconnu quitta son embarcation puis caressa doucement le gigantesque oiseau de proie au long cou rouge sombre qui siffla bruyamment et secoua avec frénésie la tête. Le jeune homme prit dans une sacoche une carcasse de poulet puis la jeta au condor qui l'attrapa au vol avec son bec robuste et crochu pour la déchiqueter en une fraction de secondes.

Cette scène répugna Andréas.

— C'est écœurant ! hoqueta-t-il.

L'inconnu s'avança avec flegme vers le roi d'Isgard et s'inclina.

— Bonjour Altesse ! dit-il révérencieux. Je suis le prince Ly Zong du royaume Halfort.

Théodoros l'observa. C'était un garçon d'une vingtaine d'année, de taille moyenne, fort athlétique, au visage anguleux et aux joues creuses, habillé d'une élégante tenue en cuir.

— Enchanté Cirrus ! répondit le roi en lui serrant la main. Vous avez une magnifique monture.

Le jeune homme fut surpris et s'étonna :

— Oh ! Vous me connaissez ?

— J'ai eu vent de vos prouesses, expliqua Théodoros tout sourire. Le prince Rovérez nous a déjà rendu visite, il y a quelques temps, et il m'a parlé de vous en détail.

Ly Zong se mit à rire, gorge déployée.

— Je comprends mieux ! J'ai donc raté mon effet de surprise.

— Je m'attendais à votre venue par les airs un jour ou l'autre, mais comme vous avez pu le voir ! La garde royale reste sur le qui-vive.

— Oui ! Votre palais est très bien défendu. Jamais je n'aurai osé me poser sans votre message, dit le prince d'Halfort qui regarda les remparts truffés de soldats puis les cinq chevaliers.

— J'étais sûr que votre père vous avait appris cette méthode de communication que nous avions adoptée dans la communauté des dix.

Ly sourit :

— Il me l'a enseigné et aussi expliqué que c'était votre façon de correspondre entre chasseurs de dragons. C'est discret et très efficace ! Mon père a toujours un petit miroir sur lui.

— Je pense que c'est une vieille manie que nous avons en commun, admit Théodoros en rigolant.

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