Chapitre 7: Madame Mariana
Je sens un petit chatouillement sur le bras, comme si un insecte me marche dessus.
Ah ! Un insecte !
J'ouvre précipitamment les yeux en sursautant. Je frotte vigoureusement tout mon corps pour ôter toutes sensations de chatouillement, je ne supporte pas ces petites bestioles ! Malgré mes yeux bien ouverts, je ne peux distinguer quoi que ce soit dans cette obscurité.
Génial !, pensé-je sarcastiquement.
Je fais un tour sur moi-même à la recherche d'une issue en tâtonnant le mur à l'aveuglette lorsqu'un petit rayon de lumière traverse la paroi de ce que je suppose être une grotte, vu la pierre irrégulière qui la compose.
Je m'approche donc de ce vaisseau de lumière. Étrangement, un mur de vieilles briques me fait face, j'aurai pourtant juré me trouver dans une grotte. J'espère de tout mon cœur que ses fous ne m'ont pas retrouvé et enfermé pour que je meure de faim.
Heureusement pour moi, le mur de briques qui me fait face ne semble pas très solide et il me faut moins d'efforts que prévu pour arriver à déplacer chaque brique et ainsi pouvoir enfin me libérer un chemin. Une fois débarrassée de cet obstacle, je me retrouve face à une sorte de tunnel. Celui-ci semble être abandonné depuis longtemps, car des plantes ont poussé ici et là, le plafond est effondré par endroit, le sol est complètement détruit, inondé d'eau nauséabonde. En plus de cela, le courant d'air est très fort, ce qui me donne immédiatement mal au crâne. Pour franchir le tunnel, je dois me baisser un peu et faire attention où je mets les pieds pour éviter de me casser les chevilles. À la fin de celui-ci, plusieurs gros buissons me bloquent le passage et certains d'entre eux sont épineux. Cet endroit est si bien caché qu'on dirai que c'est fait exprès.
En soupirant, j'essaye de prendre mon mal en patiente et dégage le passage avec beaucoup de précautions. Cela n'empêche pas pour autant les piques de m'écorcher la peau et de déchirer mes vêtements.
- Mais bien sûr, ne puis-je m'empêcher de marmonner entre les dents.
Une fois dehors, un vent frais vient fouetter mon visage. Oh que ça fait du bien de ne plus être enfermé. Les griffures commencent à piquer, mais peu m'importe. Le soleil est déjà bien levé, signe que je suis restée inconsciente pendant de bonnes heures.
À l'horizon s'étende une vaste étendue d'herbe et au loin, la forêt. L'air est agréable malgré l'humidité ambiante. Je me sens tout à coup beaucoup mieux, je suis un peu plus détendu. Je ferme les yeux, la tête tournée vers le soleil et inspire profondément à plusieurs reprises. J'ouvre subitement les yeux, scrute les environs en essayant de trouver la moindre vision familière de ce paysage verdoyant, mais peine perdue. Pas étonnant puisque je ne suis jamais allée en campagne à part pour un voyage scolaire en primaire alors que je n'avais que huit ans, faut dire que je n'ai plus mis un pied dans une telle nature depuis lors.
Où est-ce que ces fous m'ont-ils emmené !?
Il est clair que je ne suis plus chez moi, ni aux environs de Bruxelles. Je connais tous les petits recoins et ce paysage vierge de toutes traces humaines n'en fait clairement pas partie.
Alors que je suis dans mes pensées, un bruit fracassant trouble le silence paisible. La grotte s'est effondrée. Plus possible de faire marche arrière, il faut que je retrouve mon chemin par mes propres moyens.
Je prends mon téléphone que j'ai heureusement placé en sécurité tout en me félicitant mentalement. Je le déverrouille et fait défiler mes applications jusqu'à trouver ce que je cherche, mon GPS. Mais évidemment, ça ne me sert strictement à rien puisqu'il n'y a pas de réseau.
C'est clairement mon jour !, pensé-je ironiquement. Je ne pourrai même pas appeler à l'aide...
Et c'est comme ça que je me retrouve à faire de grands gestes ridicules avec mon téléphone en mains, me déplaçant de gauche à droite en espérant vainement pouvoir capter quelque chose. Je me sens ridicule, mon plan a minablement échoué avant même d'avoir véritablement commencé.
Ça y est, je suis définitivement perdue...
En soufflant d'exaspération, je m'assois sur le sol en regardant bêtement le ciel, sans bouger.
- Comment est-ce que je vais me sortir de cette merde ... ?, murmuré-je pour moi-même en m'appuyant le front entre les mains.
Je continue de faire défiler les applications, mais aucune ne peut me tirer de ce pétrin puisque je ne capte rien. Alors que je suis prête à abandonner l'idée que mon téléphone puisse me sortir de là, je me souviens avoir installé, il n'y a pas longtemps, mon application Boussole.
Avec espoir, j'ouvre ce dernier et remercie ma bonne étoile de m'avoir donné l'illumination d'installer cette application qui m'a apparu tellement stupide sur le moment, mais qui va se révéler nettement plus utile maintenant que je suis perdu au milieu de nul part. Et alléluia, j'avais pensé à bien recharger la batterie pour une fois.
Mais quel génie ! Mais quel génie !
Et c'est avec bonne humeur que j'entreprends un long voyage vers le nord en espérant trouver au plus vite une ville et me tirer d'ici. Mais les minutes m'enchaînent et deviennent des heures qui me semblent de plus en plus longues et pénibles. J'ai traversé l'immense plaine et au moins trois collines avant de m'approcher de la forêt. Les nuages cachent désormais le soleil et les températures chutent légèrement. La forêt a l'air plus lugubre, certaines branches desséchées s'étirent vers le haut comme des bras squelettiques suppliant le ciel de les épargner.
Après réflexion, cet endroit est plus que flippant.
La marche me semble longue, terriblement longue. Je jette de temps à autre des regards à mon téléphone pour m'assurer d'être toujours dans la bonne direction. Cet endroit ne me plaît vraiment pas, mais c'est mon seul itinéraire. C'est soit ça, soit j'erre au hasard, ce qui est totalement stupide. Je ne peux pas me reposer sur le hasard dans ma situation !
Mon regard survole sans arrêt les alentours, scrutant l'horizon à la recherche d'animaux sauvages. Mes sens sont aux aguets. Mais aucun animal ne fait son apparition pour me sauter dessus, seuls quelques oiseaux prennent leur envol lorsque je m'approche trop près de leur nid.
Je commence à fatiguer, je crois bien que ça fait des heures que je parcours cette forêt interminables et pas le moindre signe d'humanité ! Pas la moindre route en béton. Pas la moindre maison ou ferme, pas même une clôture, pas le moindre puits ou terres cultivées. Tout autour s'étend cette immense forêt complètement sauvages. Je m'abaisse et ramasse un long bâton pour m'aider à avancer, à écarter les branches des arbres trop basses et les toiles d'araignée.
Le pire dans tous ça, c'est que je commence à avoir faim et très soif alors que je ne possède aucune provision. Je ne connais pas les plantes comestibles et donc si j'essaye de me nourrir par moi-même, je vais forcément mourir empoisonnée. Quel triste sort.
Mes chaussures font craquer les petites branche sur le sol et mes muscles commencent à chauffer de trop, je dois vraiment trouver une ville, ça devient urgent.
La marche durant presque une heure avant que le bruit d'une cascade ne parvienne à mes oreilles. Dans un peu moins d'un kilomètre, la terre plate commence à monter. Si je continue dans cette direction, je devrai sûrement escalader des montages.
Et ce fut avec la tête remplie de pensées moroses et la gorge complètement asséchée que j'arrive enfin à la cascade.
Pour être tout à fait sincère, cette vue ne me laisse pas indifférente. La cascade impose le respect par sa grandeur et sa beauté, l'eau tombe de très haut pour venir se fracasser contre les rochers au pied de la cascade, il y a beaucoup de bruits. Mais la soif fini par l'emporter bien vite sur la beauté. Je m'agenouille devant l'eau, en prend dans mes mains et la porte à ma bouche à plusieurs reprises pour étancher ma soif trop longtemps retenue. Alors que je me rince le visage, un bruit furtif arrive à mes oreilles et je me crispe. Prudemment, je scrute les alentours en portant une main à mon couteau suisse et de l'autre, j'attrape mon bâton que j'ai déposé à cause de moi en m'agenouillant.
Le bruissement se fait de nouveau entendre, mais cette fois, le bruit est plus proche. Je me lève doucement et plisse les yeux en direction du bruit.
C'est soit un animal, soit une personne, pensais-je toujours sur le qui-vive. Plutôt une personne, un animal serait plus discret que ça. Dans tous les cas, le nouveau venu n'est peut-être pas très amical.
Furtivement, je me glisse vers les buissons à l'opposé du bruit et il ne faut pas attendre longtemps avant que j'aperçoive une silhouette sortir de l'ombre pour se diriger vers la cascade. Une silhouette humaine enveloppée de plusieurs couches de tissus. Celle-ci se penche vers l'eau, sort quelque chose de sa cape et la plonge dans le ruisseau.
Une gourde !
- Vous devriez avoir honte d'espionner ainsi une fame en cachette. Montrez-vous. Qui êtes-vous ?!, demande une voix féminine provenant de la silhouette. Celle-ci parle sans même prendre la peine de se retourner et préfère continuer ce qu'elle est en train de faire.
La femme finie par se retourner et regarder fixement dans ma direction. Je me lève doucement et m'avance pour qu'elle puisse me voir. Elle semble étonnée de découvrir une jeune fille seul dans les bois car elle me scrute de haut en bas, s'arrêtant sur mes vêtements et fronce les sourcils. Pendant ce temps, je l'observe à mon tour. Elle doit avoir la quarantaine, mais ne les fait pas, elle paraît jeune et pourtant très mature, la femme porte une robe grise comme celles des servantes ou des paysans, de style moyenâgeux. La robe est sale et déchirée par endroits. La femme a une sorte de grosse couverture placée sur ses épaules dont les extrémités sont retenues sous ses bras et une sorte de bonnet bizarre lui recouvre la tête, ce qui m'empêche de voir la couleur de ses cheveux que je soupçonne être aussi foncé que ses sourcils. Elle a une mâchoire légèrement carrée, un nez fin et de grands yeux vert clair qui donnent l'impression de pourvoir lire jusqu'au plus profond de votre âme. La femme se baisse et dépose à terre le petit panier qu'elle tenait sous sa couverture. Les traits de son visage se sont durcis.
- Si vous êtes venu pour me voler, sachez que je n'ai rien pour vous.
Je ne dis rien, je ne comprends pas. Pourquoi est-ce que je voudrais la voler ? Mon regard se pose sur son panier. La femme se met aussitôt devant celui-ci pour le cacher dès qu'elle s'aperçoit de ce qui a attiré mon regard.
- Je ne veux pas vous voler !
- Vraiment ?! Permettez-moi d'en douter.
Je la regarde, incrédule.
- Mais je vous assure, je ne suis pas là pour ça, croyez-moi...
- Alors que faites-vous là toute seul petite ?, me demande-t-elle après avoir longtemps hésité.
La méfiance que je lis sur ses traits ne ment pas, je dois la convaincre.
- À vrai dire madame, je ne sais pas où je suis, je crois que je suis perdue.
D'un pas hésitant, je m'approche d'elle pour qu'elle puisse mieux voir mon visage et ainsi comprendre que je ne mens pas. Son regard descend à nouveau vers mes vêtements déchirés avant de me regarder dans les yeux.
- Que vous est-il arrivé ma petite ?
Ses traits se sont radoucis et sa voix aussi. La femme délaisse son panier pour s'approcher de moi. Dans ses yeux, on peut y lire de la compassion et un autre sentiment que je ne réussis pas à distinguer correctement. Je n'entends pas sa question, trop intrigué par ses vêtements que je recommence à fixer.
Je lui pose la question où pas ?
- Tout va bien ? Avez-vous été agressée ?
Je la dévisage pendant un court instant avant de reprendre mes esprits.
- Euh non, enfin... Je ne crois pas non.
La femme avance d'un pas avant de mettre sa main sur mon épaule. Je recule instinctivement avant de m'excuser.
- Avez-vous faim ? Je pourrais vous donner un morceau de pain ou de fromage. Allons, approchez-vous et asseyons-nous près de la rivière, vous devez avoir faim.
Et sans me laisser le temps de protester, elle me prend par le bras, me tire jusqu'à la rivière, me fait m'asseoir et commence à fouiller dans son panier.
- Non ça va, je vous assure, je n'ai pas faim.
- Ne dites pas de sottises, vous êtes bien trop maigre ma petite, il vous faut prendre des forces si vous ne voulez pas faire un malaise.
La femme n'ayant pas bougé de place, me tend un morceau de pain noir. Elle se relève, pose ses mains sur ses hanches et attend que je prenne une bouchée.
Je veux protester, mais au même moment, mon ventre se manifeste devant la nourriture et je ne peux faire autrement que de manger.
- Comment vous appelez-vous petite ?
- Éloïse.
- Bien Éloïse, que faites-vous dans cette partie de la forêt, seule et affamée ?
J'attends d'avoir terminé de le mâcher pour répondre.
- Je ne sais même pas où je suis. Je me souviens de mon accident et puis il y avait des gens bizarres habillés en moines, ils disaient quelque chose concernant les anges et les démons. Je ne comprenais pas. Ils disaient que j'allais mourir, alors je me suis enfui...
- Doucement, doucement ma petite. Ne parlez pas si vite, je ne comprends pas ce que vous me dites là.
Le stress que j'ai ressenti depuis mon accident refait de nouveau surface. Je reprends doucement mon souffle et lui expliquer ce qu'il m'est arrivé. Mais cette fois-ci, plus calmement. À la fin de mon récit, la femme hoche doucement la tête en se frottant les coudes.
- Alors vous vous êtes enfuie, conclu-t-elle.
- Exact.
La femme tourne doucement la tête vers la droite et regarde l'écoulement du ruisseau d'un air absent.
- Et vous voudrez rentrer chez vous, affirme-t-elle.
Elle plonge ses yeux verts dans les miens et j'acquiesce.
D'un coup, la femme se ressaisit et frappe dans ses mains alors qu'un beau sourire lui illumine le visage, la rendant encore plus jeune qu'elle ne le paraît déjà.
- Dans ce cas, je vais vous conduire jusqu'à la ville où je dois me rendre et de là, nous verrons ce que nous pourrons faire pour vous.
Les mains placées fièrement sur ses hanches, la femme regarde vers l'horizon où le soleil se lève toujours plus haut dans le ciel. Elle reste ainsi un moment avant de se retourner subitement dans ma direction pour me dire :
- Mais j'oubliai, je me nomme Mariana.
À suivre...
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