Un message de VERTEK : F-L-E-U-R. Il semblerait que votre plante ait produit une fleur aux pétales colorés. Si cela se reproduisait, merci de nous en informer d'emblée.

Les angoisses du vieil homme s'étaient complètement dissipées. VERTEK avait identifié le prodige. Fleur. Et apparemment, tous leurs experts avaient été incapables d'émuler le miracle. Sinon, ils n'auraient pas pris la peine de renvoyer la tige (après l'avoir salement endommagée). Dans le cœur de Jao, seule subsistait l'ivresse du défi qu'il avait déjà relevé une première fois, avec succès. Il désirait ardemment éprouver encore une fois le ravissement affolé qu'il avait ressenti face à cette fameuse fleur, hypnotisante avec toutes ses couleurs d'un autre temps, d'un autre monde.

Plus besoin d'instructions. Il mit les quelques leçons apprises sur le tas en pratique. Il n'en fallut pas plus pour une seconde résurrection. La tige s'ancra solidement dans la terre. Le nombre de feuilles décupla. Et un beau matin, un bouton coloré poignit. Jao se garda bien d'en souffler mot au fabricant incompétent, qui avait déjà tué sa plante une fois. Son trésor lui appartenait tout entier. Un bien qu'il avait payé suffisamment cher. C'était donc son droit de profiter du spectacle que celui-ci avait à offrir. Et quel spectacle ! Si seulement les filles étaient là ! Dès la pointe du petit jour, la fleur encore fermée se redressait sur son pédicelle en se tournant lentement vers la source de la lumière. Puis, un à un, les pétales éblouissants s'ouvraient pour dévoiler le doux centre jaune vif, gourmand. Cela durait plusieurs cycles, jusqu'à la tombée de la nuit. Féérie quotidienne. Fascination renouvelée. Jao nota que les jours où les particules aériennes étaient particulièrement denses et la lumière, diffuse, une somnolence gagnait la plante qui perdait un peu de vivacité. Mais elle retrouvait tout son entrain avec l'ensoleillement adéquat.

Jusqu'à ce que les pétales tombent.

D'abord un. Puis deux. Puis cinq d'un coup. Jusqu'à ce qu'il n'en reste plus un seul. Trop d'eau ? Pas assez de lumière ? Jao passa toute une semaine à changer la plante de place, à ajuster son régime, ses heures d'arrosage... Et puis le jour où la fleur se retrouva nue sans sa corole de chasteté, Jao comprit qu'il en était de cet ornement floral comme des jours qui passent. La tige croissait toujours plus haut, les feuilles augmentaient en taille, et si l'une d'elles jaunissait avant de tomber, une autre s'ouvrait peu après, pour combler le vide qui n'était finalement que la promesse de choses en devenir. Un nouveau brin, un nouveau miracle. Et ce simple renouveau arrivait à point qui savait attendre. Jao, donc, patienta.

Par une belle matinée lumineuse, alors que les rayons d'un soleil généreux fendaient l'air pour s'éclabousser au sol, une drupe aussi avenante que déconcertante fit son apparition à la place de la fleur disparue. Cette petite forme charnue et lisse, aux teintes rappelant l'éclat du cœur de la fleur des cendres de laquelle elle venait de naitre, répandait un doux parfum.

— J'ai bien fait de ne rien dire, se félicitait intérieurement Jao.

Qui sait si sa plante aurait survécu une autre séance de torture entre les mains de l'ignare VERTEK.