Mr. et Ms. Collins - Gwenda
Déterminée, et tenant fermement ma fille d'une main, et tenant un petit miroir où s'était logée Mélanie - c'était une façon de la voir sans passer par ma fille -, j'ai foncé vers la salle de voyance. Mme. Leota saurait quoi faire. C'est elle qui avait prédit la prophétie.
Devant la porte, j'ai pris une grande respiration et lâchant ma fille, j'ai tourné la poignée. J'ai pénétré dans la salle, mais j'ai constaté que Mme. Leota n'était plus là. Elle ne flottait plus au-dessus de la table - qui était soit dit en passant dans un immense désordre. Je me suis tout doucement rapprochée, agrippant de nouveau la petite main de Sarah.
- Mon père a encore sévi, a noté Mélanie depuis son miroir.
Une carte de tarot pliée se trouvait au sol. Je me suis penchée, doucement, pour la ramasser. C'était Le Diable. Henry. C'était sûr.
J'ai repris le chemin en sens inverse et je me suis arrêté en plein au milieu du couloir.
- Comment allons nous faire maintenant que la seule personne qui aurait pu nous aider n'est plus là, ai-je demandé à Mélanie.
Mélanie a secoué la tête et m'a simplement répondu qu'elle ne savait pas. Leota était censée, selon notre plan, nous donner la façon de tuer Henry. Car il ne suffisait pas seulement d'un coup de couteau dans le dos pour qu'il disparaisse à jamais... On ne pouvait pas tuer un fantôme de la même façon qu'on tuerait un humain.
Je suis restée plantée là, dans le long couloir au papier peint violet, à attendre avec ma fille morte de peur. C'était une chose de promettre de tuer quelqu'un. C'en est une autre de le faire, surtout quand la personne est déjà morte.
Soudainement, j'ai décidé de porter ma fille, qui s'est blottie contre moi, et de foncer vers la sortie. J'allais trouver Henry. La suite ? Je ne savais pas. Peut-être trouverais-je une idée en étant directement face à lui.
J'ai longé le couloir, mais, plus le temps passait, plus j'avais l'impression qu'il n'allait jamais se terminer. J'avais l'impression qu'il s'allongeait de plus en plus, comme les murs dans la pièce avec les tableaux des prétendants. Je voyais la porte menant à la salle de réception au loin, et je voulais l'atteindre, mais j'avais l'impression de marcher sur place. Alors j'ai commencé à courir, de plus en plus vite, pour rattraper la porte, avant que je ne puisse plus jamais sortir de ce couloir sans fin.
La poignée n'étais plus qu'a un mètre de mes doigts, tendus, prête à l'attraper - ma fille tenait le miroir où Mélanie m'encourageait à continuer.
- Mon père est prêt à tout pour vous perdre espoir, a-t-elle déclaré, ce n'est pas le moment d'abandonner.
Mais, je sentais que je m'essoufflais peu à peu, et que le poids de ma fille devenait trop lourd pour mon dos. J'ai épuisé les dernières forces qu'il me restait et j'ai foncé pour enfin atteindre la porte et l'ouvrir. J'ai posé Sarah et je me suis écroulé.
Je ne suis pas restée allongée longtemps : un hurlement strident m'a fait me relever en un bon. Ma fille pointait du doigt quelque chose derrière moi.
- Jason, a-t-elle soufflé.
Je me suis retournée aussitôt. Elle avait raison. Mon fils, couvert de bleu et de sang, et habillé avec un costume noir et violet, une cape et un haut de forme flotait dans l'air. Le pire était ses yeux. D'habitude vert émeraude, ils étaient à présent rouges et pénétrants.
Ma première réaction - totalement stupide - a été de lui hurler :
- Descend de là ! Je t'en prie ! "
Puis j'ai regardé autour de moi, cherchant quelque chose pour l'aider. J'ai pensé à mon téléphone pour appeler les secours, mais je l'avais laissé par terre quelques heures plutôt. Peut-être que ma grand-mère avait appelé quelqu'un. Mais si c'était le shérif qu'elle avait eu au téléphone, c'était perdu d'avance. D'ailleurs j'avais commencé à me demander si celui-ci ne me cachait pas quelque chose.
- Chérie, est-ce que tu m'entends ? Je t'aime ! Jason ...
Il n'avait pas aimé cette remarque, car il m'a plaqué contre le mur, la main sur la gorge.
- Non. Tu ne m'aimes pas, a-t-il craché. Je ne suis pas Jason. Le corps l'est, mais pas l'âme y à l'intérieur. Votre fils n'est qu'une coquille vide.
J'avais mal, je n'arrivais presque plus à respirer et les larmes me montaient aux yeux.
- Alors, qui êtes-vous, ai-je difficilement demandé.
Je le savais au fond de moi, mais ne voulais pas l'accepter. Pas lui, pas dans le corps de mon propre fils.
Il m'a lâché pour se remettre à planer à trois ou quatre mètres du sol. Puis, il a commencé à rire. Le même rire horrible que j'avais entendu lorsque Mme. Evers avait été pendue. Le même que j'avais entendu tout à l'heure avec le piano.
- Je suis Henry Ravenswood, le Phantom, l'hôte, ou pour certaines... père.
Mélanie a rugi de rage tandis que j'ai éclaté en sanglots. Le diable même, comme l'avait prédit Leota, possédait le corps de mon fils et son âme, était je ne sais où.
- Alors Gwenda, a-t-il ricané, tu as découvert que tu étais des nôtres ?
C'était la phrase de trop. Faire partie de cette famille de démons était trop pour moi.
- Je sais que tu ne t'y fais pas, mais c'est comme ça. Tu es la descendante.
Il a recommencé à rire. Mais, j'ai pris mon courage à deux mains et je lui ai demandé :
- Où es l'âme de mon fils ? Qu'est-ce-que vous en avez fait ?
Il s'est rapproché, et m'a chuchoté à l'oreille :
- Dans le cimetière privé, à Boot Hill, résidant en ce moment mon corps en décrépitude...
Il avait un sourire abominable accroché aux lèvres.
- Il va sûrement bientôt manquer d'air ! Ou mieux ! Une âme ne tient pas longtemps dans un corps déjà mort !
Je me suis prise la tête dans les mains, je savais très bien que Jason devait être tétanisé. Il devait vivre l'enfer enfermé dans cette petite boîte.
- Mais pourquoi ? Pourquoi mon fils, ai-je pleuré.
Il m'a regardé avec des yeux rouges effroyables. C'était horrible de voir le corps de Jason traité ainsi.
- Réfléchissez un peu ... Ce n'est vraiment pas difficile à comprendre...
J'ai fermé les yeux et je me suis creusé la tête...
- Pourquoi l'ai-je enfermé très loin de moi ? Essayez de deviner ! Vous n'êtes pas très futée...
Mon fils était-il dangereux pour Henry ? C'était un Ravenswood, comme moi et Sarah, mais il n'était certainement pas aussi dangereux que lui. C'était moi la descendante après tout, c'était de moi que devait se soucier Henry ! Mon fils... Un Ravenswood... Descendant...
Je me suis tapée le front avec la paume de ma main. Je n'étais pas la descendante ! C'était mon fils !
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J'étais en boule dans l'un des coins de la pièce dans laquelle j'avais été enfermée. Henry m'avait attrapé par les pieds et traînée jusqu'ici.
Je pleurais à chaudes larmes. Ma fille m'avait été encore une fois arrachée. Je ne savais pas où elle était. Je l'avais perdu de vue lorsque d'Henry m'avait plaqué au mur. J'espérais qu'elle était entre de bonnes mains. Celles de Mélanie. Et mon fils, enterré vivant, dans le corps d'un mort. Il fallait absolument que je trouve un moyen de le sortir de là. Mais, restait d'abord à savoir comment j'allais m'évader de ce manoir, avant tout.
J'ai regardé tout autour de moi. La pièce était remplie de toile d'araignée. Il faisait peu jour car la nuit était tombée.
Je me trouvais dans une chambre, assez spacieuse. Des malles était entassées ici et là. J'ai décidé d'en ouvrir une. J'ai farfouillé en cherchant quelque chose d'utile. Mes doigts se sont posés sur quelque chose de froid et lisse, tout au fond. Je l'ai attrapé et c'était quelque chose d'assez lourd. Je me suis dirigée vers la fenêtre pour voir ce que je tenais grâce à la lumière de la lune. C'était une boite en marbre, semblable à celle que j'avais trouvé dans l'horloge tout à l'heure. Sauf que contrairement à l'autre, je ne pouvais pas l'ouvrir, car elle était entièrement entourée de chaînes, et fermée à l'aide d'un cadenas. La jeter au sol n'aurait servi à rien... Je l'ai reposée par terre, et me suis relevée pour inspecter les autres malles. Très certainement encore un secret caché aux yeux de tous.
Je me suis placée devant une tour de boites, prête à tomber d'un moment à l'autre. J'ai donc, avec prudence et délicatesse, attrapé la première, et je l'ai inspectée. De vielles photos de Thunder Mesa y étaient éparpillées. Mais, en agrippant la seconde, le fond s'est effondré et une clef, parmi d'autres objets, en est tombée. Je l'ai agrippée et j'ai essayé d'ouvrir le cadenas de la boîte de marbre mais ce n'était pas celle-ci. Que pouvait-elle bien ouvrir ? J'ai regardé le plafond en réfléchissant et me grattant le crâne. Puis, j'ai remarqué un petit rectangle de lumière, formé juste au-dessus de moi. Une trappe ! J'ai poussé les malles et boites et j'ai essayé de trouver un moyen d'y accéder. J'ai empilé des meubles de plus en plus petits pour monter. Arrivée à auteur de la trappe, j'ai constaté qu'elle aussi était surmontée d'un cadenas. J'ai sorti la clef que j'avais mise jusqu'à présent dans ma poche, et je l'ai enfoncée dans la serrure. Bingo ! C'était la bonne !
La trappe donnait sur la toute petite pièce d'Henry que j'avais vu dans les souvenirs de Mélanie. J'ai poussé la petite vitre de la fenêtre au maximum, pour me pencher et regarder aux alentours. J'étais au sommet de Phantom Manor. Je pouvais voir ce qui se passait dans tout Thunder Mesa, à cette hauteur.
- À l'aide, ai-je crié.
Mon plan consistait à attirer l'attention des habitants, en hurlant depuis le manoir.
- À l'aide ! Venez m'aider !
Mais, personne semblait m'entendre car il n'y a pas eu un seul bruit, pas une seule lumière, ou une seule personne s'était manifesté.
- Au Secours !
M'étant trop penchée, j'ai senti mes pieds déraper du sol. J'ai tout simplement basculé et je suis tombée dans le vide sur plusieurs mètres.
Je suis atterrie, par chance, dans l'un des arbres morts du jardin. Les branches m'ont griffée, et la vitesse à laquelle j'étais arrivée sur l'arbre m'avait procuré une horrible douleur. Je me suis agrippée à l'arbre, ayant peur de tomber une nouvelle fois. Je me suis adossée et j'ai regardé mes mains, mes bras, mes jambes et j'ai tâté mon visage. Je n'avais rien, à part des égratignures, lorsque j'ai atterri dans ce lit d'épines. J'avais un peu mal au dos. Mais, je n'avais rien de grave.
J'ai fermé mes yeux pour souffler un peu.
- Mme. Robinson ?
J'ai sursauté, et j'ai regardé autour de moi. Mr. et Ms. Collins se trouvaient en bas de l'arbre. Ms. Collins me tendait la main, pour m'aider à descendre.
- Ou devrais-je vous appeler Mme. Ravenswood...
J'ai eu un petit sursaut et un léger arrêt cardiaque sur le coup. Et les ai regardés avec de gros yeux interrogateurs.
Il s'était avéré qu'ils étaient en réalité frère et sœur, et non mariés, comme je le croyais. Ils étaient les arrières-arrières petits enfants d'Anna Jones. Ils étaient restés à Thunder Mesa pour garder dans l'ombre les secrets que cachait Phantom Manor.
- Mais, si vous saviez que j'étais une Ravenswood, et si vous saviez que mon fils était le descendant, pourquoi ne pas me l'avoir dit plus tôt, ai-je demandé, sur la route de Boot Hill.
- Car vous ne nous auriez pas cru, tout simplement, a expliqué Ms. Collins.
- Et vous auriez fui Thunder Mesa sur le champ, a ajouté son frère.
J'acquiesçais, ce n'était pas totalement faux.
- Avant de récupérer mon fils... Il y a d'autres secrets, que je devrais connaître sur le manoir et ma ... famille ? D'autres poids supplémentaires à porter seule ?
- Ça, ce sera à vous de le découvrir, m'a laissé sous-entendre Mr. Collins. Le manoir est à vous...
Puis, un long silence s'est installé.
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