Chapitre 5 : Ange contre Ange
-Barbatos ? répéta Damabiah en devenant livide. Impossible ! Il est mort !
-Nan, juste déchu, rétorqua Barnabé.
-Dans ce cas, je vais t'enterrer dans le trou où tu te terrais jusqu'à présent !
Il fit de nouveau apparaitre la lumière divine. Connaissant la manœuvre, Barbatos fit apparaitre un bouclier de cristal, juste avant l'impact. Le rayon dévia, pour faire fondre une nouvelle fois les pavés du port, manquant de peu un des humains. Mince...
Déployant ses deux seules ailes, le déchu bondit dans les airs. Fusant tel un boulet de canon, il percuta son adversaire stupéfait. Il n'avait pas l'intention de le tuer.
Néanmoins, il ne pouvait laisser passer son comportement envers les deux femmes, restées au sol.
Son épée de cristal enfonça le métal recouvrant la cuisse de Damabiah, dont le cri tenait autant de la surprise que de la douleur. La pointe ressortie de l'autre côté, perforant l'os au passage tant il y mit de la force. L'ange se saisit la jambe par réflexe, signe flagrant qu'il n'était pas habitué aux combats. Du moins, pas à ceux qui ne l'opposaient pas à de simples mortels.
Fracassant son poing contre sa pommette, Barbatos eut le plaisir de voir son adversaire perdre connaissance. Il tomba dans les eaux sales du port, pour sombrer, entrainé par le poids de son armure.
Le déchu soupira.
Il avait eu l'impression de passer ses nerfs sur un enfant, tant Damabiah était incompétent avec une épée. Qui en appelait à la lumière divine tout de suite !? Franchement, il devrait en parler à Gabriel, il devait mieux former ses ouailles.
Ah...
En se posant au sol, Barbatos soupira en regardant vers le ciel.
Combien de temps lui faudrait-il pour s'y faire ? Il ne pourrait pas parler à Gabriel. Il n'avait, officiellement, plus le droit de parler à aucun de ses frères d'armes. Mmh...
-Dit donc ! rugit Marie, le ramenant soudain à la femme caractérielle qui venait de faire disparaitre sa barrière protectrice. Tu n'as pas une chose ou deux à nous expliquer !?
La blonde Madeleine, derrière elle, le considérait d'un œil étrange. Marie, elle, était sur le poing de lui sauter à la gorge. D'ailleurs, elle lui aurait donné un coup de poing bien senti s'il n'avait pas arrêté son bras. L'attirant à lui pour l'empêcher de frapper de nouveau, il passa son bras libre autour de sa taille.
-Je ne savais pas que tu étais une sorcière, Marie. Sinon, je t'aurais notifié sans ambages de ma condition.
-Vraiment !? cingla-t-elle. Et comment un ange peut-il ne pas savoir qui nous sommes, Madeleine et moi, hein !? Tu te joues de nous depuis le début !
Le coup de genou, il se le prit en plein dans les parties. La douleur irradia jusque dans son ventre, le prenant totalement au dépourvu. Zone que très peu requise pour un ange, elle n'était pas non plus une cible privilégiée en situation de combat. Tout du moins, pas face aux adversaires qu'il côtoyait en temps normal.
Barbatos, Séraphin déchu, finit donc à genoux, haletant de douleur en se tenant son service trois-pièces. Des étoiles dansaient devant ses yeux.
-Je... parvint-il à articuler, je crois qu'il y a méprise...
-Comment ça, méprise ? siffla Marie en lui saisissant les cheveux, pour le forcer à la regarder.
Cela l'énerva au plus haut point. En dépit de la douleur, il déploya ses ailes. Leur soudaine apparition détourna un instant l'attention de cette casse-pied. Frappant à l'arrière de ses genoux, il la fit basculer au sol. Néanmoins, son éducation le fit la rattraper, afin qu'elle ne se fasse pas mal. Cela ne l'empêcha pas de la clouer aux pavés d'un genou sur le ventre, le bras en travers de sa gorge.
-Écoute-moi bien, Marie. Je ne sais pas qui tu es, mais tu ferais mieux de te calmer. Je ne te veux pas le moindre mal, ni à toi ni à Madeleine. Si je le voulais, crois-moi, je l'aurais fait depuis longtemps. De plus, de ce que j'ai compris, tu connais plutôt bien les anges et tu n'es pas en très bons termes avec eux. Alors à ton avis, moi qui suis un déchu, suis-je ton ami ou ton ennemi ?
Ses beaux yeux marron le considérèrent, flambant de rage. Lui, de son côté, se disait qu'il avait toujours très mal aux testicules.
-Tu n'es pas mon ami, ça, c'est certain, cracha-t-elle.
Barbatos roula des yeux exaspérés.
-Ça ne veut pas dire pour autant que je veux ta peau. Je t'ai sauvé deux fois, non ?
-J'aurais très bien pu me débrouiller toute seule.
-Contre les humains ? Surement. Contre Damabiah ? J'en doute.
Cela parut l'énerver encore plus. Voyant qu'il n'arriverait à rien, Barbatos la lâcha avec un soupir. Madeleine s'était rapprochée, mais n'avait pas paru vouloir intervenir. Elle lui adressa un regard qu'il ne comprit pas. En tout cas, ce n'était pas hostile.
Galant, Barbatos offrit sa main à Marie pour l'aider à se relever. Elle la considéra un instant, pleine de défiance. Finalement, elle finit par accepter son aide. Avant de lui laisser le temps d'en placer une, il claqua des doigts. Aussitôt, la foule reprit sa vie. Ceux qui avaient été bousculés en étant figés tombèrent sans comprendre. D'autres se brulèrent les chaussures sur les pavés fondues. -Tu as tué l'ange ? demanda Madeleine.
-Non. On ne peut pas mourir noyé, ajouta Barbatos en faisant disparaitre boucliers et épée dans le sol, avant que les mortels ne les voient.
-Qui es-tu ?
La question venait de Marie. Il la considéra un instant.
-Barbatos. Ange déchu de mon état.
-Pas n'importe quel ange, d'après ce que tu as dit. Tu es un Séraphin. Tu appartiens à la caste la plus puissante de la hiérarchie céleste.
Il eut un sourire mélancolique.
-C'est vrai.
-Ce tombeau... souffla Marie. C'est le tien.
Barbatos pencha la tête de côté. Elle était très perspicace.
-Ce n'est pas un tombeau. On va plutôt dire un... mausolée. Quelque chose comme ça ? En mémoire d'un fils que l'on aimait, mais qui a soi-disant trahi. Bref, je n'ai pas envie d'en parler. On a Freddo le Roublard à trouver.
*
Marie avait un peu de mal à savoir où elle en était.
Néanmoins, il avait raison. Dès qu'ils auraient récupéré le trésor et cette énigmatique épée, l'ange déchu disparaitrait du paysage, et retour à la vie normale. L'attaque de l'ange ? Il valait mieux l'oublier pour le moment.
Freddo fut facile à retrouver. Le problème ? Trésor et épée avaient été vendus à un homme du clergé de passage, quatre jours plus tôt. Ils se regardèrent donc, comme trois abrutis, de retour à leur point de départ. Sacrelote ! Marie beugla ce juron une bonne vingtaine de fois, tandis que Barbatos et Madeleine discutaient de la probable destination de cet individu. Comme ils n'avaient pas d'idée évidente, ils se dirent que dans tous les cas, un membre du clergé finirait tôt ou tard par réapparaitre à Rome.
-Par les couilles de Satan ! beugla alors Marie en se retournant vers eux. Et dans combien de temps, hein !? Sous quel nom, quelle apparence !? Ce con de Freddo ne sait même pas de qui il s'agissait ! Il n'a vu que les espèces sonnantes et trébuchantes !
Ils descendaient du château, pour rejoindre une des auberges du port.
Barbatos haussa un sourcil à son adresse.
-Calme-toi. Homme du clergé ou non, celui que nous cherchons, nous devrions l'identifier facilement.
-Ah oui !? Et comment !?
-Parce que c'est mon épée qu'il détient.
Quoi ? Une pinte de bière plus tard, adossée au mur de l'auberge choisie, Marie dévisageait Barbatos avec une franche animosité. Madeleine, pour une fois, n'était pas partie tout de suite à la chasse à l'homme. À vrai dire, elle couvrait leur comparse d'un regard ardent de curiosité.
-Ton épée, tu dis ? cingla Marie.
Barbatos hocha la tête. Le dos bien droit sur son tabouret, il semblait déplacé dans ce lieu de passe. Les prostituées étaient aussi nombreuses que les marins, et si elles tentèrent toutes de mettre la main sur lui, il refusait à chaque fois poliment. Ça énervait encore plus Marie !
-Oui. Malheureusement, je l'ai égarée quand on m'a déchu, fit-il en acceptant la pinte que lui offrit gracieusement la fille de l'aubergiste.
-Comment fait-on pour égarer une épée céleste ? siffla Marie. C'est dangereux de la laisser aux mortels, enfin !
Il haussa les épaules.
-Je n'y suis pour rien si le Divin en a décidé ainsi. J'ai perdu le fil des évènements après ma chute, et quand j'ai repris connaissance mon épée n'était plus à ma ceinture.
-Tout comme ton armure rutilante, remarqua Madeleine.
-Effectivement. D'un autre côté, je suis déchu. Je n'ai plus le droit de la porter.
-Pourquoi as-tu été déchu ?
La question de Marie le fit grimacer.
-C'est pas très poli de demander ça, marmonna-t-il.
-Sacrelote ! Ce n'est pas poli de cacher son statut d'ange à ses compagnes de voyage !
-Compagnes qui m'ont dissimulé le fait d'être des sorcières ?
Ils se regardèrent en chiens de faïence, jusqu'à ce que Madeleine intervienne avec un raclement de gorge gêné.
-Marie est la seule à être une sorcière. Moi, je suis seulement bonne avec une épée.
-Bonne ? ricana son amie en lui coulant un regard railleur. Tu veux qu'on parle du massacre du bateau pirate ?
-Non, pas vraiment.
Barbatos considéra les deux femmes, interloqué. Il n'arrivait pas à mettre le doigt sur ce qui l'intriguait réellement, jusqu'à ce que Madeleine attaque de front un sujet qui semblait lui trotter dans la tête depuis un bon moment.
-Les anges ont un pénis ?
Pour le coup, Marie faillit éclater de rire à la tête que fit l'ange déchu.
-Ben... Oui, bafouilla-t-il. En tout cas, aux dernières nouvelles.
-Ils sont tous vierges ?
Du Madeleine tout craché !
-Heu... Oui. Mais pourquoi cet intérêt pour...
-Tu es toujours vierge, Barbatos ?
Contre toute attente, il ne rougissait pas sous le feu de ces questions. Très calme, il hocha la tête, comme si cet état de fait était une évidence.
-Les anges sont tenus à rester purs.
-Mais tu n'es plus un ange, souligna Marie. Tu es un déchu, maintenant.
Barbatos la considéra un instant. Ce qu'elle lut dans ses yeux l'intrigua. Du regret. Mais de la détermination. Il n'avait pas voulu être déchu, n'est-ce pas ? Dans ce cas, qu'est-ce qui avait bien pu déclencher sa déchéance ? Pour ce qu'elle voyait de lui, il n'était en rien comparable à Lucifer. Pas de beuverie, pas de sexe, pas de tueries de masse ni de cruauté. Pourquoi le casse-pied du dessus l'avait-il...
-Tu peux t'amuser, maintenant ! On couche ensemble !?
Madeleine venait de demander cela d'un ton plein d'entrain, tout en saisissant la main de l'ange. Ce dernier écarquilla les yeux, avant de froncer les sourcils.
-Ce n'est pas ce qui était prévu pour cette nuit ?
-Quoi ? Tu avais déjà prévu de faire ça ? s'étonna Madeleine.
Marie étudia le visage perdu de Barbatos.
-Sacrelote ! Madeleine, vous ne parlez pas de la même chose. Barbatos... Tu es innocent jusqu'à quel point !?
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