Our Strange Love

TYLER

Un an après les événements de Our Physical Fatality

Les bras croisés, j'attends sans un mot, serrée entre deux manifestantes et une ivrogne qui pue la vinasse. La tête appuyée contre le mur, je soupire pour la énième fois. Depuis combien de temps est-ce que je suis ici, exactement ? J'ai déjà été arrêtée, mais il ne me semble pas avoir déjà attendu aussi longtemps... Dire qu'Orlando est avec sa famille pour son anniversaire, il ne peut même pas venir me sortir de cette cellule miteuse ! Si quelqu'un ne m'aide pas rapidement, je vais vraiment être en retard à mon rendez-vous... Et je déteste ça.

- Tyler Ollen ?

A l'entente de mon nom, je me lève d'un bond, m'approchant des barreaux. 

-  Quelqu'un est venu vous chercher, m'annonce simplement l'agent qui me surveille depuis plusieurs heures déjà.

Je me retiens de sortir un « ah enfin ! », ne voulant pas aggraver mon cas : il me regarde déjà de manière assez froid... Comme si c'était de ma faute si la manifestation a dérapé ! 

On me laisse passer, refermant la porte à barreaux derrière moi, et je peux enfin m'échapper de cet enfer. Devant moi, les mains dans les poches de son pantalon de costume, se trouve Henrik, l'air agacé.

- Tu vas me poser encore beaucoup de problèmes ? me demande-t-il alors que je viens embrasser sa joue, lui offrant un sourire moqueur.

- Ca dépend. Tu peux définir le mot « problème » ?

- On va dire que ça se rapporte à toute arrestation pour laquelle je serai obligé de venir te chercher et de remplir une incroyable masse de paperasse.

- Oh ! Alors oui, c'est probable que je te pose encore des problèmes.

Il lève les yeux au ciel, et après avoir rempli moi-même quelques papiers, je quitte enfin la poste de police. Garé juste devant les portes de celui-ci, le brun fait signe à son chauffeur de ne pas sortir, et m'ouvre lui-même la porte, avant de lui-même entrer à l'arrière de sa voiture.

- Tu dois être quelque part, ou je te raccompagne directement chez toi ?

- Je dois voir Juan, à vrai dire, on a un après-midi showroom pour savoir ce qu'on va porter à Londres, pour la fashion week !

- C'était pas cette semaine ?

- Mais non, renseigne-toi un pu, pour quelqu'un qui bosse avec des mannequins, t'es pas très à jour ! Cette semaine, c'était celle de New York, celle de Londres commence demain !

Il ne le remarque pas, mais un sourire naît sur mes lèvres à l'évocation de cet événement. Demain. Demain, je serai à Londres. 

- D'accord d'accord, ne t'énerves pas, tu veux ? Aux dernières nouvelles, si il y en a un ici qui a une raison d'être agacé, c'est bien moi, non ? Non mais vraiment, quelle idée aussi de participer à ce genre de manifestations ?

- Tu as vu ce que ce crétin de président a dit hier ? Si personne ne réagit, bientôt on aura même plus le droit d'avorter aux USA, c'est vraiment ça que tu veux ?

- Bien sûr que non, ne déforme pas mes propos, tu sais bien que je ne suis pas mon père. Mais c'était vraiment une raison ?

- Katy Perry et Madonna participent bien à des manifestations, elles aussi !

- Et elles ne se font pas arrêtées.

- Je ne peux pas empêcher les gens d'avoir des comportements violents, si ?

Croisant les bras, j'adopte une mine boudeuse, agacée, et tourne la tête vers la fenêtre. Je ne vois pas pourquoi je ne pourrais pas agir à ma façon, et ce n'est pas parce que Henrik a quitté la politique pour reprendre les affaires de son père que tout le monde doit oublier ses engagements, si ? D'ailleurs, à la pensée de son père, je perds mon air ennuyé, me retournant vers lui.

- Est-ce que Sergio va mieux ? Je demande alors, concernée.

- Pas vraiment, répond-il, ne montrant pas d'émotion particulière à cette réponse, les yeux rivés sur les mails qu'affiche son portable.

Je soupire, mais ne cherche pas plus loin. Depuis quelques mois, le patriarche des Bennatti n'est pas au meilleur de sa forme. Mais alors que beaucoup d'autres dans sa condition auraient accepté d'être hospitalisés, il a tout bonnement refusé de sortir de chez lui, faisant venir un attirail d'infirmières et d'aides soignantes pour venir s'occuper de lui, traité par le médecin de famille. Et Henrik, son aîné, a accepté de laisser la politique de côté pour un moment, afin de gérer ses affaires pour lui, le vieil homme n'acceptant l'aide de personne d'autre dans ce domaine. Je dois avouer que, en ce qui me concerne, la chose a été plutôt bénéfique : les choses se sont nettement améliorées entre le brun et moi, au long de cette année, je peux même le compter parmi mes amis, étant donnée la façon dont il a été là pour moi quand j'en avais besoin... Et en conséquence, Sergio possédant de nombreuses entreprises dont une chaîne d'hôtel, j'ai pu participer aux campagnes de pub de celle-ci, et travailler à d'autres reprises avec Henrik. Il a même accepté d'engager Juan avec moi plusieurs fois, ce pour quoi je lui suis également très reconnaissante.

La voiture s'arrête finalement devant l'immeuble où j'ai rendez-vous avec Juan. Je suis en retard d'une petite heure, mais c'était pour la bonne cause, alors j'espère que je ne serai pas mal vue pour ce genre de choses... 

- Merci de m'avoir déposée !

- Et faite sortir de prison ?

- Et faite sortir de prison !

Avec un sourire, il désigne sa joue, et je secoue la tête en riant.

- Hinhin, une fois, mais pas deux !

- Ah bah la prochaine fois que tu te fais arrêter, compte pas sur moi pour te sortir de là. Une fois mais pas deux !

Levant les yeux, je m'apprête à sortir de la voiture, mais me stoppe rapidement.

- Au fait, j'ai vu que tu étais sorti avec une des mannequins du défilé Givenchy, hier soir...

- Du défilé Givenchy ? Tu te souviens de son CV mais pas de son nom ? Réplique-t-il, levant un sourcil.

- Bon, ça va, oui ? Je voulais juste te féliciter, par la peine de monter sur tes grands chevaux !

Et sur ces mots, toute à fait consciente qu'il est en réalité resté très calme, je sors du véhicule, fermant la portière derrière moi et lui faisant un signe à travers la vitre teintée, n'ayant aucun moyen de savoir s'il est réellement en train de me regarder. Une fois la voiture partie, je rentre rapidement dans le bâtiment, pressée.

KARL

Les yeux clos, je tourne dans mon fauteuil comme un gamin, un grand sourire aux lèvres. Les chiffres de ce mois viennent de tomber, et je pense qu'on a rarement fait une aussi bonne fashion week : tous nos mannequins ont été réquisitionnés pour l'occasion, la plupart on signé plusieurs contrats, et évidemment, Juan, Allison et Tyler on été très demandés. 

Beaucoup de choses se sont produites depuis que la boite a été rachetée, mais nos résultats n'avaient encore jamais été aussi bons ! C'est une véritable première. Depuis l'installation d'une succursale à Londres et mon déménagement dans cette même capitale, il faut dire que les choses ont énormément changé. Le marché anglais est très différent de l'américain, et le fait de pouvoir jouer sur les deux plans nous a réellement permis de nous améliorer. En y pensant, je finis par me dire que bientôt, on pourra sans doute s'étendre en Europe, notamment à Milan et Paris, mais aussi sur le pôle asiatique, comme en Chine. 

Rouvrant finalement les yeux, je les pose sur le ciel pluvieux de Londres, des gouttes perlant sur ma fenêtre. D'un geste distrait et machinal, ma main vient sortir la chaîne que je porte désormais depuis déjà plusieurs mois de ma chemise. Au bout de celle-ci, une bague fait office de pendentif. Celle-là, je ne la perdrai pas. 

Demain. Demain, elle sera là...

TYLER

Un an plus tôt

Karl est assis en face de moi, dans le canapé du salon de son frère, l'air inquiet.

- Tyler, tu peux m'expliquer pourquoi tu as voulu qu'on se retrouve ici, exactement...

- Parce que c'est ici que je vis depuis quelques jours.

Il fronce les sourcils, et un simple regard à la mine sombre et consterné qu'il affiche à cet instant me laisse deviner ce à quoi il pense, tout de suite. Avec un léger sourire, se voulant rassurant, je secoue la tête pour lui signifier qu'il n'y a rien entre Henrik et moi, bien que l'idée qu'il puisse le penser me blesse un peu...

C'est vrai, je me suis réfugiée ici après la tentative de suicide d'Olivia. Parce que la maison est isolée, protégée des paparazzis, et qu'au cas où quoique ce soit viendrait à fuiter sur les raisons de son acte, je ne serais pas à la porte de quelque journaliste que ce soit. Je suis également restée parce que Henrik s'est montré compréhensif, et étonnement gentil. Il a bien essayé de m'offrir le collier qu'il avait gagné aux enchères du gala de charité à un moment -j'avais bien deviné, il l'avait acheté pour moi-, mais après mon refus net, il n'a rien tenté d'autre, et m'a laissée tranquille. Je n'ai vu personne depuis que je suis ici, me contentant d'appeler Juan pour prendre de ses nouvelles, et Orlando pour connaître la position de mes contrats, ces quelques semaines passées depuis l'interview d'Olivia m'ayant tout de même permis de remettre, lentement mais sûrement, ma carrière en marche.

- Est-ce qu'Olivia va bien, je demande alors, pour briser la glace.

- Oui, elle devrait s'en remettre, même si les choses auraient pu être nettement pires...

A son ton, je sens que cette question n'était pas la plus adéquate à poser. Mais j'avais besoin de savoir comment elle allait, je n'ai pas pu m'en empêcher. La fait de la savoir en sécurité retire une partie du poids qui pèse sur mes épaules depuis plusieurs jours. Une partie seulement.

- Alors...

On commence tous les deux notre phrase en même temps, et on se coupe également au même moment.

- Vas-y, je lui dis alors.

Il hésite un peu, mais finit par reprendre, sans chercher à me laisser la parole, puisque je la lui offre. J'avoue que le fait de ne pas avoir à parler m'arrange un peu : je sens que mes larmes ne sont pas loin, menaçant de couler au moindre mot, et ma gorge se serre un peu plus à chaque seconde passée en sa présence.

- On sait tous les deux pourquoi Olivia a fait ça. Ce n'était pas tant un acte désespéré qu'une tentative d'attirer l'attention.

J'ouvre la bouche pour le contredire, mais il m'arrête d'un geste, m'obligeant à le laisser continuer.

- Mais je pense que maintenant, je peux me permettre de dire que je te connais un peu. Et je sais que malgré tout, malgré ce qu'elle a fait et dit, tu es persuadée d'être responsable de sa tentative. Je peux le comprendre.

Il prend une inspiration, alors que j'avale difficilement ma salive, attendant la suite avec appréhension.

- Plusieurs fois, j'ai accepté d'attendre pour réellement me mettre avec toi, parce que tu avais des remords, que tu voulais que je sois sûr. Et je sais que cette fois, ce sera la même chose, tu ne peux pas t'en empêcher. Je sais que tu n'accepteras jamais d'être avec moi juste après ce drame. Alors je te propose quelque chose.

Mon cœur bat la chamade à l'entente de ses paroles : j'ai l'impression qu'on est en train de me le poignarder. Mais il a tout à fait raison, et le fait que je sache déjà ce qui va venir ensuite me donne envie de pleurer. Je l'aime tellement, comment est-ce que je vais supporter d'être à nouveau éloignée de lui ? C'est trop long, je commence à craquer. A chaque fois que les choses semblent s'arranger, que j'en vois le bout, que je sais qu'on va enfin pouvoir être ensemble, quelque chose nous en empêche. Est-ce qu'on devrait vraiment faire ça ? Est-ce que ce n'était pas voué à l'échec depuis le début ?

- Un an. Un an à se reconstruire, à se consacrer chacun à soi-même. De toute manière, si on s'affiche ensemble pour l'instant, je ne suis pas sûr que ce serait très sain pour nous, entre les remords et le paparazzis... Ce serait la fin de nos deux carrières, de nos deux réputations. Et je ne veux pas que cette relation nous détruise. On s'est déjà fait assez de mal. Alors voilà, une année, et si au bout de ces 365 jours d'attente, tu m'aimes encore, parce que crois-moi, je sais que je ne pourrai pas ne plus t'aimer, alors on reprendra. Et si ce jour arrive, je serai enfin celui que tu mérites. Je ne serais plus un gamin influençable et incertain, mais quelqu'un qui pourra t'accompagner jusqu'au bout. Et toi, tu seras encore plus formidable que tu ne l'es déjà, si c'est possible...

Sur ces derniers mots, sa voix flanche. Je vois ses yeux briller, et je sais que je suis le parfait reflet de ce qui est en train de se produire en lui. La vue brouillée par les larmes, je tente tout comme lui de ne rien laisser paraître. Mais c'est dur. Je suis brisée, et il l'est également. Et on ne peut s'en prendre qu'à nous-même.

- Je t'aime, je murmure alors, d'une voix faible.

Il acquiesce, passant une main sur son visage. Après avoir fermé les yeux un instant, il les rouvre, et les fixe sur moi. Et ce que j'y vois me fait définitivement fondre en larmes.

- Moi aussi je t'aime, Tyler.

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