10. You got me thinking 'bout when you were mine

KARL

Tyler descend du jet, l'air énervé. Elle n'a pas lâché un mot du vol. Quant à moi, je dois littéralement rayonner de satisfaction. Il faut avouer que j'adore l'embêter. Et elle va craquer. Je sais qu'elle va finir par craquer.

Un chauffeur l'attend un peu plus loin sur la piste et elle s'engouffre à l'arrière de la voiture, lui laissant ses bagages. L'empêchant de fermer la portière d'une main, j'appuie mon bras sur le toit et me penche vers elle.

- Tu me fais une place ?

Elle m'adresse alors un sourire visiblement faux et agacé et, d'une voix dégoulinante de sarcasme, s'exclame :

- Tu prendras le prochain.

Et sur ces mots elle claque la portière, m'obligeant à vite retirer mes doigts au risque de ne plus en avoir. J'ai tout juste le temps de reculer que la voiture démarre, s'éloignant de moi et de l'aéroport. Si je n'étais pas confiant, je dirais qu'on recule plus qu'on avance... Mais le voyage ne fait que commencer !

TYLER

Il m'a agacée, vraiment. Mais même Karl et ses conneries ne peuvent pas m'empêcher de me réjouir à l'idée de ce qui est sur le point de se produire. Ian m'a informée qu'on allait être photographiée, les modèles et moi, par un des artistes que j'admire le plus : Gabriel Devaux. J'aurais aimé que Juan et Allison puisse bosser avec moi sur cette campagne, mais ils sont déjà sur de gros contrats en ce moment, alors ils ont du refusé, non sans me promettre de participer au défilé.

Après avoir fait un tour à l'hôtel, une ancienne maison française aux allures champêtres où j'ai pu déposé mes affaires et prendre une douche, je me dirige vers le lieu du photoshoot. L'équipe est déjà sur place, il ne manque plus que quelques mannequins, qui ne devraient pas tarder à arriver. J'adore l'effervescence qui règne sur ce genre de plateaux, elle est totalement différente de celle des défilés. Les gens se doivent d'être efficaces : le temps c'est de l'argent, l'endroit fourmille comme une ruche, mais le stress est beaucoup moins oppressant qu'en backstage. Saluant les membres de l'équipes que je connais déjà, notamment la directrice artistique qui est venue observée le déroulement des événements, et part m'asseoir pour laisser mon maquilleur exercer sa magie sur mon visage.

Comme je suis en avance, il commence par un masque et je reste sur ma chaise à me détendre, regardant le décor autour de moi. On est en périphérie de la Nouvelle-Orléans, dans une petite ville de style européens. Les maisons en pierre, les dalles et les herbes folles qui poussent un peu partout donnent un charme fou à la rue où nous nous trouvons et que O.R.A a privatisée pour l'occasion -quoiqu'il ne devait pas y avoir beaucoup de passage à l'origine-. Une jeune femme, prénommée Kelly et avec qui Ian et moi avons en partie organisé la séance s'approche de moi, un calepin à la main et un stylo passé derrière son oreille.

- Bonjour Tyler, tu vas bien ?

- On ne peut mieux, et toi ?

- Bien sûr que je vais bien !

Mais le sourire hystérique qu'elle m'offre avec cette déclaration me laisse deviner que toute cette organisation la met à bout de nerfs. Quand j'y pense, c'est vrai que j'ai le bon rôle dans ce boulot.

- Bon, étant donné que tu es la plus petite de toutes les mannequins qui vont arriver, enchaîne-t-elle, on a pensé que ce serait mieux qu'elles portent les tenues avec pantalons, étant donné le style que t'as choisi pour ceux-ci, et que tu portes celles avec des robes, est-ce que ça te va ?

- Bien sûr, sans problème !

- Très bien ! Les tenues sont exposées là-bas, avec les accessoires, si tu veux aller regarder un peu tout ça.

Je m'apprête à répondre, mais son attention est déjà retenue ailleurs.

- Mickael, je vous ai déjà dit cent fois de ne pas laisser les fils traîner n'importe où !

Et elle s'éloigne dans un nouvel éclat de voix, me laissant seule sur ma chaîse. Autour de moi l'équipe technique est en train de mettre en place éclairages et ventilateur, bien que le soleil soit de sortie aujourd'hui et que une légère brise souffle déjà. Mais un élément perturbateur vient gâcher ma contemplation. Saluant les gars, du staff qu'il semble connaître, Karl arrive à son tour. Il me voit et me fait un large signe de la main, auquel je décide de ne pas répondre, croisant les bras et fermant les yeux. Peut-être que si je l'ignore il finira par me laisser tranquille... Même si je n'y crois pas vraiment.

- Alors, impatiente ?

Évidemment. Rouvrant les yeux, je les pose sur lui. Il est beaucoup moins apprêté que d'habitude, semble plus décontracté. Se penchant vers moi sur un air de confidence, il m'adresse un sourire amusé.

- Tu te souviens de ce qu'il s'est passé, la dernière fois qu'on s'est retrouvé tous les deux sur un plateau ?

- Très bien, oui.

Cette fois-ci, je ne peux m'empêcher de lui rendre son sourire, tout aussi moqueuse.

- J'ai bien profité et je suis partie avant de pouvoir te rendre la pareille, t'as du te débrouiller et finir de jouer tout seul... Tu veux qu'on remette ça ?

Se penchant vers moi, il hausse les épaules.

- Tout pour te faire plaisir, tu sais bien. Mais peut-être que tu pourrais enlever ce masque qui te fait ressembler à une mutation bizarre entre un navet et une poupée gonfl-

- Ok, maintenant ferme-la.

- Oblige-moi.

Je me préparais déjà à me lever pour partir vers les vêtements, mais sa remarque m'arrête dans mon élan. Tournant la tête vers lui, je le regarde un moment, observant son sourire moqueur, ses fossettes, son air de gamin joueur... Puis, m'approchant de lui, je hausse un sourcil.

- Tu veux vraiment que je te fasse taire ?

- Je ne demande que ça, mais si tu pouvais enlever le masque avant, vraiment...

D'une main, j'attrape un des biscuits mis à disposition des mannequins, que la plupart ne mangent pas, et le fourre dans sa bouche.

- Ça devrait faire l'affaire.

Quelques heures plus tard

Le shooting est fini. Je suis épuisée, entre les changements d'endroit, de pose et tout le reste, le métier de mannequin est beaucoup plus fatiguant qu'on ne pourrait le penser !

Mais la séance serait restée idyllique si elle n'avait pas été perturbée par un horrible personnage : Karl. Ou plutôt s'il ne m'avait pas perturbée, moi. Sincèrement, le voir tourner autour de nous pendant toute la journée était plus que déstabilisant, et le photographe a du plusieurs fois me rappeler à l'ordre plusieurs fois. Quant à lui, il continuait de roder, mangeant des biscuits et me faisant des petits signes. Et le pire, c'était sans doute ses blagues. Entre les regards qu'il lançait à l'équipe, les grimaces que celle-ci lui arrachait parfois et les grands sourires qu'il me lançait, il m'a faite rigoler plusieurs fois. Ce qui, quand c'est spontané, ne rend pas forcément très bien sur les photos. Est-ce que je vais devoir lui rappeler qui c'est grâce à mon boulot qu'il gagne en partie sa vie et que le fait de saboter celui-ci peut nous faire beaucoup de mal à tous les deux?! Enfin, pour sa défense, même quand il est simplement allé se poser dans un coin avec un bouquin, il a réussi à me déconcentrée, alors bon...

La nuit tombe sur la Nouvelle-Orléans, alors que je range mes affaires et me change pour rentrer à l'hôtel. Mais évidemment, ça ne pouvait pas se passer aussi simplement -à vrai dire, je m'en doutais un peu-.

- Dis-moi, Tyler, m'interpelle une voix derrière moi, alors que j'enfile un soutien-gorge.

Me tournant vers Karl, j'attends qu'il sorte la grosse connerie qu'il a déjà du préparé, désabusée.

- Si je veux sortir dans la Nouvelle-Orléans ce soir avec toi, j'ai deux options : soit tu m'accompagnes gentiment, soit je dois te kidnapper. Tu préfères quoi ?

- Que tu me foutes la paix ?

- C'est drôle, je me souviens pas avoir évoqué cette option...

Exaspérée, je lève les mains vers le ciel, comme pour demander à des puissances supérieures de m'expliquer ce que j'ai bien pu faire pour mériter ça. Et une petite voix dans ma tête me répond que je l'ai bien cherché. Puis, reportant mon attention au brun, je soupire, tentant de me calmer.

- On fait un pacte : je t'accompagne et tu me fous la paix.

- Or de question. Je t'en propose un autre : tu m'accompagnes, tu réalises que tu m'aimes encore et je ne te laisse plus jamais partir loin de moi.

- Allez, faisons comme ça.

Ma réponse le laisse sans voix. Il semblait sur le point de trouver une nouvelle répartie à un refus certain, mais le fait de ne pas avoir à y faire face le laisse sans mot, ce qui me fait rire. Encore.

- De toute façon, tu vas pas me laisser tranquille, j'ai envie de prendre un verre dehors et de découvrir un peu la ville. Et pourquoi pas te donner une chance de me rendre à nouveau amoureuse ?

On sait tous les deux que ça ne marchera pas. Mais je suis la seule à vraiment savoir pourquoi : parce que je l'aime encore. J'ai jamais cessé de l'aimer. Alors comment pourrait-il me faire tomber à nouveau ?

KARL

Elle est assise à mes côtés à l'arrière de la voiture, que le chauffeur conduit vers le centre-ville. Un bras autour de sa taille je suis penché vers elle, observant l'écran de son portable. Portable qu'elle fixe, faisant mine de m'ignorer. Enfin, le véhicule s'arrête, et le chauffeur descend pour nous ouvrir la portière. Je sors en premier et suis aveuglé à peine ai-je eu le temps de poser un pied à terre. Un paparazzi est déjà là, comment a-t-il fait pour arriver aussi vite ?! Au moins, il est seul.

Levant mon bras pour cacher mon visage, j'attends que Tyler descende pour fermer la portière et me mettre entre elle et le photographe. On part rapidement, mais il nous suit.

- Mec... Tu veux pas nous laisser ? On a besoin d'un peu d'intimité, là, finis-je par lui dire, tentant de garder mon calme face à l'homme qui nous suit depuis plusieurs mètres déjà.

Il ne daigne pas répondre, et commence vraiment à m'agacer.

- Tyler, est-ce que vous êtes de nouveau ensemble, finit-il par s'écrier, s'adressant à la blonde.

Elle baisse les yeux au sol, continuant son chemin. Mais je vois rouge : de quel droit lui pose-t-il cette question ? Pourquoi les gens devraient-ils connaître l'état de notre couple, de nos relations ? C'est à cause de ce genre de conneries que je l'ai perdue... Encore.

M'arrêtant net, je me tourne vers lui, la mâchoire serrée.

- Alors, vous êtes de nouveaux ensemble ? Insiste-t-il, comme si de rien n'était.

- Mais ça regarde personne, putain, tu vois bien qu'elle veut pas te répondre !

Mon ton monte, mais ce connard continue à filmer. Je vais finir par vraiment perdre mon sang froid ; il ne prend pas de photos, il filme !

- Arrête la vidéo tout de suite, ou on va avoir un problème, je grogne.

- Karl... tente la voix inquiète de Tyler derrière moi.

Et il continue de filmer, semblant au contraire enthousiaste à l'idée d'avoir un scoop sur nous deux. Cette fois mon sang ne fait qu'un tour et je bondis sur lui, pour lui foutre mon poing dans la gueule. La sensation de mes phalanges contre son crâne est douloureuse, mais tellement satisfaisante. Je le lève à nouveau, prêt à frapper encore.

Mais deux mains sur mon bras m'en empêche. Je me retourne vers Tyler qui, les sourcils froncés, m'oblige à lâcher le type. Posant ses deux mains sur mes joues, elle me fixe.

- T'es con ou quoi ? Tu veux qu'on aie encore plus de problèmes ?

Je m'apprête à répondre, à lui dire que je m'en fous, mais son regard se détourne vers ma droite, et avant que j'ai le temps de réagir elle donne un coup dans cette direction. Un grand fracas se fait entendre et, quand je baisse les yeux au sol, j'y vois l'appareil du paparazzi, en morceaux.

- Putain mais tu pouvais pas arrêter de filmer, connard ?! crie alors Tyler, me rejoignant dans ma colère. Elle n'aura pas tenu longtemps en tant que voix de la raison.

- Et tu sais combien ça coûte, une caméra comme ça ?!

A son attitude, je vois qu'elle est sur le point de lui infliger le même sort qu'à son appareil. Et du coin de l'œil, je constate qu'il n'est pas seul : un autre photographe nous filme, un peu plus loin dans la rue. Alors sans attendre, je saisis la main de Tyler et me mets à courir, manquant de la faire tomber derrière moi. Mais elle finit par m'emboîter le pas et nous échappons vite aux cris du paparazzi qui nous menace et nous prévient qu'il nous fera rembourser sa caméra.

Nous finissons par nous retrouver sur une route de gravier, longée d'arbres immenses. L'endroit pourrait être considéré comme effrayant, mais je suis avec elle : de quoi je pourrais bien avoir peur ?

Essoufflée, elle s'assoit par terre, alors que je m'appuie contre un arbre. Prenant le temps de se remettre de ses émotions, elle finit par exploser de rire, ce qui m'arrache un sourire : aujourd'hui, j'ai su la faire rire plusieurs fois. Et c'est aussi satisfaisant qu'apaisant.

- T'es fou, Karl.

- Si je te réponds « fou de toi », c'est trop mièvre ?

- Totalement.

Je lui tends la main et elle la saisit, se relevant rapidement. Elle tente de l'arracher à moi, mais je la garde entre mes doigts et l'attire à moi, posant une main sur sa hanche et levant l'autre. On semble prêt à danser une valse.

- Tu te souviens de la dernière fois qu'on a dansé ensemble, comme ça, sans musique ?

- Oui... C'était le soir où tu m'as avoué que tu m'aimais encore. Et que tu te souvenais m'avoir déjà aimée.

Prenant une inspiration, je hoche la tête.

- C'est ça. Est-ce que toi, tu te souviens m'avoir aimé ?

- Ne pose pas de question aussi connes...

Elle baisse les yeux, hésitante.

- Je suis sérieux. Parce que j'ai l'impression que ça fait une éternité qu'on a pas été ensemble. Mais je me rappelle chacun des détails qui te concerne. Je me souviens du bruit de tes pas dans le salon quand tu attends une grande nouvelle et que tu tournes en rond. De la façon dont tu tritures tes cheveux quand tu es stressée. J'ai encore l'impression d'entendre tes commentaires sur les personnages et de te voir t'énerver devant leur stupidité en regardant des séries. Quand je fais mon thé le matin, je fais attention à faire bouillir l'eau jusqu'à 75°C, parce que je sais que pour toi, c'est la température parfaite. Parce que tu fais partie de ma vie, et que je ne peux plus me défaire de toi, même pour des choses semblant si banales...

Se mordant la lèvre, elle finit par accepter de me regarder. Sa main, posée sur mon épaule, serre un peu celle-ci. Et pour une fois, alors que les larmes menacent de couler sur ses joues, je n'ai pas l'impression de subir les actions de chacun. J'ai l'impression d'être acteur de ma propre vie : je ne la laisserai pas me quitter à nouveau. Je ne la laisserai pas me laisser, et décider de ce qui est bon ou non pour nous. Parce que je sais que j'ai raison, après tout ce qu'on a traversé, on est fait pour être ensemble. Il ne peut en être autrement. Parce que ça fait trop mal, à elle comme à moi. Parce que je ne peux plus me passer d'elle. Parce qu'elle m'aime encore, et qu'elle reviendra toujours.

- Parce que je suis fou de toi, Tyler.

.  .  .  .  .

Comment ça je publie beaucoup trop tard? Chut... Ca vous fera une jolie surprise au réveil?

Est-ce que la façon dont les choses se font entre Tyler et Karl vous plaît? Pas de dramas en vue pour l'instant?

Je vous aime hein, mais je vais me coucher, j'ai un examen dans deux jours, souhaitez moi bonne chance!

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