1. No matter how long you're gone, I'm always gonna want you back

KARL

Une paire de lunettes encrée sur le nez, une casquette sur la tête et un long manteau tombant jusqu'à mes genoux, je suis assis dans la zone des arrivées de l'aéroport. Les bras croisés, je réprime tant bien que mal mon impatience, ma chaussure claquant sans cesse sur le sol de la salle. Par chance, son avion n'a pas été retardé, mais malgré ça, j'ai l'impression qu'à chaque fois que je regarde l'horloge, elle a plus reculer qu'avancer, tant le temps me paraît long.

Enfin, je vois quelques personnes débarquer. Je prie intérieurement pour que ce soit les premiers passagers de son vol, et étant donné leur look, quelque chose me dit que oui : ils sont bien New Yorkais.

Me levant, je m'approche des portes, prenant une longue inspiration. Ça fait des mois que je ne l'ai pas vue : depuis que j'ai déménagé ici, à vrai dire. Mais ça fait bien un an que je n'ai pas pu la prendre dans mes bras, lui dire que je l'aimais : elle m'a manqué un peu plus chaque jour. Mais maintenant que je vois comment les choses ont évolué, ce qu'on a réussi à faire chacun de notre côté, je sais que c'était la bonne décision. Et je sais que je lui avais dit que j'attendrais de savoir si elle aussi m'aimait toujours avant de faire quoique ce soit, mais je ne peux plus attendre. Aujourd'hui, c'est tout ou rien.

Les battements de mon cœur s'accélèrent et je sens le rouge me monter aux joues. Elle est là, elle vient de sortir. Merde, je suis comme un adolescent devant son premier amour. En même temps...

Toujours aussi belle. J'ai vu la plupart de ses shootings de l'année -dans les faits, je les ai tous vus, plusieurs fois-, mais malgré tout son talent et son travail, les photos ne rendent pas cette attitude pleine d'entrain et éclatante qu'elle a. Elle est lumineuse.

Aux côtés de Juan, elle affiche un grand sourire, alors que celui-ci lève les yeux au ciel. Il dit quelque chose, et elle rit aux éclats, provoquant quelques regards désapprobateurs de la part des autres passagers. Je vois également quelques personnes sortir leurs portables pour la prendre en photo, ainsi que des paparazzis. Évidemment, avec les premiers jours de le fashion week londonienne qui arrivent, ils occupent les deux aéroports de la ville, certain d'obtenir quelques clichés valables de différentes célébrités.

« Regarde-moi, regarde-moi, regarde-moi... ». Je me répète ces mots en boucle, comme si le fait de les penser pouvait permettre à ce que je souhaite de se produire. Et c'est bien le cas. Un instant, alors semble en grande conversation avec le brun, son regard se pose sur moi. Mais elle ne s'attarde pas, et se tourne à nouveau vers son ami. Puis deux secondes passent. Ses yeux s'écarquillent, et lentement, elle retourne la tête vers moi. Cette fois, elle m'a reconnu. Choquée, elle reste un instant plantée là, alors que je n'ose pas faire un pas non plus. Puis, lâchant sans préavis le chariot sur lequel elle transporte ses valises, elle s'élance vers moi, courant à toute vitesse, contournant sans difficultés les autres personnes présentes, qui s'écartent sur son passage. J'ai à peine le temps de réagir qu'elle saute déjà dans mes bras, venant m'enlacer de toutes ses forces et me faisant presque tomber. Sans hésitation, je lui rends son étreinte, fermant un instant les yeux, en pleine allégresse. Elle est là, contre moi, enfin. Je la sers contre moi, comme si elle pouvait m'échapper à tout moment, et avec un rire, tourne un peu sur moi-même, la soulevant du sol comme on soulève les princesses dans les films. Elle rit à son tour, et doucement, ses pieds rejoignent le sol. Défaisant son étreinte pour pouvoir me regarder, elle recule son visage, posant ses deux mains sur mes joues.

- Tu es là... ? Murmure-t-elle alors, comme si elle n'y croyait pas.

Prenant une de ses mains dans la mienne, je la porte à mes lèvres et en embrasse la paume, sans la quitter des yeux.

- Il semblerait bien.

Entre les rires et les pleurs, elle m'enlace à nouveau, et je ne peux pas m'empêcher de faire de même.

- Tu m'as tellement manqué, sanglote-t-elle, alors que j'embrasse ses cheveux.

- Je sais, mais c'est fini maintenant.

TYLER

C'est l'effervescence en backstage, une véritable ruche. J'adore cette ambiance, mon environnement est sans dessus dessous, et je suis là, assis sur ma chaise, un jus vert dans une main, mon portable dans l'autre. Et malgré toute l'agitation ambiante, rien ne peut me faire redescendre de mon nuage depuis que Karl est venu me chercher hier. Je n'y croyais plus, à vrai dire, et je n'avais aucune idée de la façon dont les choses allaient se passer entre lui et moi... Et maintenant j'ai juste l'impression d'être dans un rêve, après deux ans du parcours du combattant.

Après avoir été maquillée puis habillée, je me prépare à défiler. Aujourd'hui, je porte les vêtements d'un jeune créateur montant, Céleste Young, ayant gagné le concours de stylisme du groupe GM, qui finance un nouveau talent tous les quatre ans. Et je dois avouer que la pièce qu'on m'a mise sur le dos est somme-toute originale, sorte d'énorme manteau blanc aux formes géométriques et au devant transparent, sous lequel on m'a vêtue d'une robe-pull verte fluo avec des flammes roses également fluorescentes sur le bas de celle-ci. Mais le plus impressionnant, ce n'est pas vraiment les vêtements, mais plutôt l'endroit où se déroule le défilé : le Sir John Soan Museum. L'endroit est une sorte de minuscule British Museum, où les sculptures sont entassées un peu partout, et les tableaux aux murs espacés d'à peine quelques centimètres entre eux. L'endroit est presque surréaliste, et jurerait complètement avec l'aspect moderne des tenues proposées, si celles-ci n'étaient pas toutes composées d'un élément structural d'un blanc de marbre, rappelant les figures entassées dans le musée : dans mon cas, il s'agit du manteau.

Lorsque mon tour vient, je m'avance vers la piste et commence à marche. Si quelques secondes plus tôt j'étais encore euphorique et souriante à la simple pensée des derniers événements, j'affiche désormais une mine sérieuse et loin d'être sympathique, regarde droit devant moi, et avance parmi les invités. Parmi ceux-ci, j'aperçois Karl, qui m'adresse un sourire auquel je ne permets pas de répondre, et ce très difficilement ; mais la vue de quelqu'un d'autre, assis un peu plus loin, me permet de garder très facilement mon air peu avenant : Ian est également présent.

Prenant un inspiration imperceptible, je continue à marcher, ne me laissant pas déstabiliser. J'avais oublié qu'il serait là, à vrai dire. Je n'arrive pas à me faire à l'idée que désormais, il travaille dans la même branche que moi, puisqu'il est devenu directeur artistique chez O.R.A après le départ de sa mère. Olivia, après sa tentative de suicide, à du se retirer de son métier, trop « fragile » selon les médecins, qui lui ont conseillé de partir se reposer dans sa maison de campagne, ce qu'elle a fait après s'être assurée que son poste restait bien au chaud entre les mains de son fils, histoire de pouvoir revenir quand elle l'entendait. Et maintenant, je dois supporter de voir celui qui a été mon meilleur ami pendant deux décennies m'ignorer royalement à chaque fois que je le croise, aux défilés, aux events, et à tout le reste : et ça me brise le cœur à chaque fois.

Le défilé se termine, l'ensemble des mannequins passe à nouveau, et le designer se présente, saluant les invités, avant de repartir en coulisses.

Tous le monde se félicite, le défilé ayant été une réussite, et alors que je me prépare à partir, une voix m'interpelle :

- Ty ? Ty ! J'ai pas pu te voir avant le défilé, j'étais en retard ! C'était génial, hein ?

Me tournant, j'offre un large sourire à Allison, qui s'approche de moi.

- C'était super, ouais ! Tu vas bien ?

- Très bien, tu veux dire ? J'ai rarement vu un défilé pareil, on entre dans la cour des grands !

Je ris, tout en passant un coton imbibé de démaquillant sur mon visage. Elle n'a pas tort, ce défilé est notre premier contrat aussi original, et c'est assez agréable de porter de vraies pièces de haute couture, et pas de simple vêtements destinés aux filles de bonne famille pas toujours très originales...

Je pensais que la brune allait continuer à parler, comme à son habitude, mais non, elle se tait, se tenant simplement à mes côtés, avec l'air de quelqu'un qui attend.

- Quelque chose ne va pas ? je finis par lui demander, me tournant vers elle.

- Oh, si si, tout va bien, simplement...

Elle hésite un instant, semblant chercher ses mots.

- Tu sors avec le patron ?

Ok, peut-être que j'y suis aller un peu fort sur le « chercher ses mots ». C'était plutôt direct, comme question. Je n'ai pas le temps de répondre qu'elle reprend déjà. Ça lui ressemble déjà plus.

- Je demande juste ça parce que j'ai vu des photos de vous sur internet, et vous sembliez vraiment proches, alors bon...

- T'en fais pas, ça me dérange pas d'en parler. Oui, je sors avec lui.

- Sérieux ? Mais pourquoi tu me l'as pas dit ?

Je hausse les épaules, un peu gênée. A vrai dire, je n'ai pas vraiment envie que l'ensemble de notre histoire se sache, puisque pour l'instant la presse et les fans ne se doutent pas de la durée de celle-ci. Le plus tard ça viendra, le mieux ce sera. Elle semble comprendre que je ne suis pas très enthousiaste à l'idée d'en parler et m'offre un sourire rassurant.

- Je comprends, si tu veux pas trop en discuter... On fera ça une autre fois ! Parlons d'autre chose ! Tu voudrais pas dire à Juan de se calmer un peu avec moi, il est assez lourd depuis quelque temps... Je traîne avec lui parce que c'est ton ami, ça veut pas dire que je l'aime bien, pourquoi est-ce qu'il ne peut pas comprendre ça ?

Un peu surprise par le changement soudain de sujet qu'elle vient d'opérer, je lui adresse cependant un regard reconnaissant, avant de rire à l'évocation de Juan. C'est vrai qu'il n'est pas toujours très subtil dans ses manières, surtout avec elle, mais je pense qu'elle lui plaît. Mais la plupart du temps, quand une fille lui fait de l'effet, le dit effet est réciproque. Or Allison est tout sauf réceptive à ses avances, alors il commence à être un peu perdu. Pauvre garçon.

- C'est Juan, tu sais, il est pas méchant, juste un peu bourrin parfois ? Mais c'est un amour !

- Avec toi oui, de toute évidence, mais tout le monde n'est pas toi !

- Dis pas de conneries, tu le connais simplement pas assez. Je pensais la même chose que toi avant, mais avec le temps, je me suis rendue compte qu'il est adorable. Donne lui une petite, minuscule, un dixième de chance et tu verras, tu le regretteras pas ! Bon, je te laisse, je dois y aller ! Lui dis-je tout en finissant de me préparer, avant de venir la serrer un peu contre moi, étreinte qu'elle me rend, et de la quitter avec un signe de main.

Une fois ma tenue et mon maquillage retirés et après m'être changée, je sors par l'arrière du bâtiment, et tombe directement sur Karl, qui attend à côté de la porte, adossé au mur. A sa vue, le sourire euphorique que Ian avait réussi à me faire perdre plus tôt revient, et je viens me réfugier dans ses bras, alors qu'il me sert contre lui.

- Tu as aimé ? Je demande, relevant la tête vers lui et lui adressant un large sourire, aux anges.

- C'était absolument génial ! Les vêtements, le spot, la corrélation entre le musée et la collection, eh puis tu étais magnifique, j'ai adoré l'association de l'urbain et du culturel, c'était vraiment prometteur !

Le regardant, je sens que mon sourire s'élargit, si tant est que ce soit possible. A l'écouter, on comprend clairement qu'il ne fait pas que travailler dans le milieu de la mode : ça le passionne réellement.

- Pourquoi tu souris comme ça, finit-il par demander, alors que les étoiles qu'il avait dans les yeux laissent place à un regard perplexe.

- Pour rien, pour rien... Je réponds, avant de l'embrasser. Continue.

Je serais bien restée comme ça, blottie dans ses bras un peu plus longtemps, mais l'after est organisée un peu plus loin dans la ville, et je me dois de m'y montrer. Alors, me détachant à regret de lui, je prends sa main, et pars vers la rue principale, pour rejoindre la voiture qui va nous emmener à la fête, tout en discutant de la collection avec lui.

KARL

Comme d'habitude, Londres est un enfer de bouchon. Le regard fixé sur la fenêtre, j'observe la lenteur affligeante du trafic. Mais, à l'entente d'un éclat de rire, je me tourne vers Tyler et Juan, celui-ci partageant notre voiture. Tous les deux ont les yeux rivés sur l'écran du portable de la brune, écran qu'il finit par me tendre, une main posée sur sa bouche cachant un grand sourire.

Le téléphone affiche un article sur les street-looks des mannequins repérés en dehors des défilés. Mes yeux parcourent alors le texte écrit en dessous d'une photo de Tyler :

« Who's babe is this ? Tyler Ollen, known for her ORA and many others campaigns was seen in London, with rosy cheeks, bed head and an unkept outfit, only wearing a long t-shirt -which we guess isn't hers- and some nude high heels. Or, simplier, the perfect after-sex look... Now the question is : who is the lucky one ? The model was recently seen in company of Karl Bennati, her boss, at the Gatwick Airport. Is this the start of something new ? We don't know, but we'd love to see these two together ! »

(A qui est cette beauté? Tyler Ollen, connue pour ses campagnes avec ORA et bien d'autres a été vue à Londres, les joues rouges, les cheveux en bataille et la tenue débraillée, portant seulement un long t-shirt -qu'on devine ne pas être le sien- et une paire d'escarpin nudes. Ou, plus simplement, le parfait look d'après sexe... Maintenant, la question est : qui est l'heureux élu ? La mannequin a été vu récemment en compagnie de Karl Bennati, son patron, à l'Aéroport Gatwick. Serait-ce le début d'une nouvelle idylle ? On n'en sait rien, mais on adorerait voir ces deux-là ensemble!)

Effaré, je regarde à nouveau les deux gamins à mes côtés. Tyler retient difficilement un rire, tandis que Juan, derrière elle, ne cherche plus à retenir quoique ce soit.

- « The perfect after-sex look »... continue-t-il de répéter, dans un fou rire, tout en jetant des regards éloquents à Tyler, qui tente de ne pas craquer malgré tout, lui donnant parfois un coup, tout en continuant à me fixer, attendant sans doute ma réaction.

Même moi, j'ai du mal à ne pas rire. Jetant un coup d'oeil à Tyler, je finis par me pencher vers elle, avec un sourire, et, passant ma main derrière son oreille, l'attire à moi pour l'embrasser.

- Il on aimé ce style ? Alors on pourrait peut-être leur en donner un peu plus, qu'est-ce que t'en penses... ? Je lui demande.

- Je pense que c'est une très bonne initiative, répond-elle, avant de regarder Juan en biais, avec un sourire moqueur.

Derrière elle, l'hispanique a arrêté de rire, nous observant avec un air horrifié.

- Oh non, non, stop, vous puez les phéromones ! Je suis là aussi, un peu de tenue !

On rit tous les deux, alors qu'il tourne la tête vers la fenêtre, offusqué.

- Sinon, on arrive, donc vous calmez vos ardeurs tout de suite.

Lâchant mon amour, je remarque le regard qu'elle me lance. Un regard qui veut dire : « on se calme pour l'instant ». Et mon sourire s'élargit, alors que j'espère déjà trouver une pièce inoccupée dans le bâtiment où se déroule la fête.

Quelqu'un vient ouvrir la portière, et je sors en premier, avant de tendre ma main à Tyler pour la faire descendre à son tour. Juan est le dernier à nous rejoindre, et Tyler passe son bras sous le sien, alors que je viens poser ma main sur sa taille. Je sais qu'elle ne voulait pas laisser Juan se faire photographier tout seul, et que l'idée de brouiller les pistes lui plaît aussi assez. Je dois avouer que je n'ai rien contre la chose, ce type est beaucoup plus sympa que je le pensais au départ et surtout, il est très présent pour Tyler. C'est son meilleur ami et je sais qu'après ce qui s'est passé avec Ian, dont elle a toujours du mal à se remettre, elle a bien besoin de s'entourer d'amis.

Les photographes commencent déjà à nous bombarder, et les flashs fusent. La soirée peut commencer.

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