24.

Zayn.

1er Janvier.

Il est presque treize heures lorsque Louis se réveille, le visage encore à moitié endormi, les yeux plissés et les sourcils froncés. Je souris en le voyant arriver au salon, je pose ma guitare sur laquelle je jouais quelques accords tout en prenant des notes dans mon carnet. Il traîne des pieds jusqu'à la cuisine, où je lui ai préparé de quoi déjeuner.

Je me lève du canapé, il s'assoit sur la chaise en soupirant tandis que je lui serre un café. Il en boit rarement, parce qu'il préfère son habituelle tasse de thé noir, mais ce matin il en a besoin pour décuver et surtout retrouver ses esprits.

Le café est encore chaud, il me remercie d'une voix éraillée et porte directement la tasse à ses lèvres, je lui prépare deux tartines grillées dans le toaster. Je les dépose dans une assiette devant lui, un soupir sort de sa bouche, il passe ses mains sur son visage en grognant. Ça me fait sourire davantage.

– Bonne année Louis.

Il marmonne quelque chose dans sa barbe, puis baisse les yeux vers son petit déjeuner, il mange plusieurs bouts de sa tartine avant de me remercier. Pendant ce temps, je me serre un second café.

– Tu te souviens d'hier ?

Louis s'essuie le coin de la bouche et les quelques miettes tombées sur son pull, il me regarde puis lève les yeux au ciel.

– Quand même, oui.

– Tu veux un médicament ?

– Je veux bien, merci.

Je vais attraper la boîte de comprimés contre les maux de têtes, il en avale un à l'aide d'un grand verre d'eau.

– Merci, tu es le meilleur. Tu es debout depuis longtemps ?

– Dix heures environ. T'es tombé comme une mouche hier.

– J'étais fatigué, mais c'était une super soirée.

– Oui, je me suis bien amusé. Toi aussi ?

Il acquiesce, mais je n'ai pas besoin qu'il me le dise pour le savoir. Je ne l'ai pas vu s'amuser et sourire ainsi depuis des mois, voir des années. Louis est une personne naturelle positive et de bonne humeur, mais il a vécu des moments difficiles, plus que moi même je peux l'imaginer, des moments qui l'ont marqué à vie. Il se cache derrière ses sourires, parce qu'il a toujours peur de ne pas être assez fort pour les autres, pour ses sœurs et son petit frère, mais il a déjà tellement sacrifié de choses pour sa famille, notamment son propre bonheur.

Pendant des années, j'ai connu un Louis solaire, une vraie boule de lumière. Aujourd'hui, certains de ses rayons se sont éteints, il brille toujours, seulement c'est moins intense qu'avant. Il faut le connaître un minimum pour le remarquer.

Je m'appuie contre le plan de travail et le regarde manger ses tartines beurrées, il reste silencieux, ce qui est vraiment rare quand on le connaît. Soit il n'est pas encore bien réveillé, soit il pense à trop de choses en même temps. Et je penche davantage vers la deuxième option.

– Tu sais que tu m'as parlé d'Harry pendant tout le trajet du retour cette nuit ?

– Par contre on est vraiment pas obligé de discuter de ça, il râle.

– Je ne te force à rien, je hausse les épaules, il a simplement l'air de ne pas te laisser indifférent. Si on en croit tout ce que tu m'as dit hier, enfin ce matin plutôt.

Une nouvelle fois, il grogne entre ses dents, ce qui me fait rire et boit une autre gorgée de café. Il n'est vraiment pas du matin, et encore moins aujourd'hui. Il n'a pas forcément beaucoup bu, je l'ai vu dans des états pires que celui d'hier, mais je crois qu'il était très heureux, un moment de réelle euphorie.

Il reste silencieux, son regard fatigué fixé sur la tasse. Je crois même qu'il ne va rien me répondre, mais il finit par prendre la parole, d'une voix basse et secrète.

– C'est vrai, il me plaît. Et je l'apprécie.

Ce n'est pas une nouvelle surprenante pour moi, je l'avais deviné depuis un petit moment, je m'en suis rendu compte avant lui. Ou du moins, il n'ose peut-être pas se l'avouer. Parce que ça fait longtemps qu'il n'a pas vécu une relation amoureuse et que ça lui fait peur, de se lancer à nouveau dans le vide, l'inconnu.

– Je l'apprécie beaucoup, même.

Et c'est sa façon à lui de me dire qu'il a des sentiments pour Harry, des sentiments sur lesquels il n'a aucun contrôle. Je m'assois sur la chaise à côté de lui, il joue avec des miettes de sa tartine sur la table.

– Vous aviez l'air de bien vous entendre en tout cas.

Un sourire discret se forme sur le coin de ses lèvres. Il a passé le plus clair de sa soirée à discuter, s'amuser, danser et rire avec Harry, je ne l'ai pas vu heureux comme ça depuis trop longtemps, alors ça me fait plaisir de remarquer ce changement en lui.

– Après les vœux de bonne année, il est venu me rejoindre sur le balcon, on a parlé pendant un moment. De tout et de rien, de la vie, tout ça. Puis après, on s'est tu, mais c'était un silence réconfortant tu vois ? On avait pas besoin de se dire des choses pour être se sentir bien, enfin c'est de cette manière là que je l'ai ressenti.

– Effectivement, je souris, on avait remarqué votre absence mais je crois qu'aucun de nous ne voulait aller vous déranger. Même Noé a dit que c'était mieux de vous laisser tranquilles.

Je crois qu'il rougit, mais c'est difficile à dire car il ne me regarde toujours pas. Je lui donne le temps de réfléchir à mes paroles et aux siennes. En attendant, je bois le reste de mon café.

– J'ai l'impression qu'il n'est pas comme les autres, qu'il est différent, mais en bien... tu vois ?

Quand sa voix résonne, je tourne la tête vers lui. Il semble très concentré et sérieux d'un coup.

– Et, en même temps, je n'ai pas... je n'ai pas envie d'avoir le coeur brisé, et de gâcher cette amitié, je suis déjà en train de le faire parce que je sais pas contrôler mes sentiments et je m'en voudrais de le perdre si... si jamais... puis j'ai peur aussi de m'attacher et que ça me fasse mal, que ça se termine comme avant et...

J'entends les larmes et la panique dans ses mots avant même qu'il ne termine sa phrase, c'est pour ça que je laisse ma tasse de côté afin de me tourner entièrement vers lui et prendre ses mains dans les miennes. Il baisse la tête, je le force à se tourner dans ma direction, puis lui demande :

– Louis... Louis regarde moi...

C'est ce qu'il fait, les larmes sont au bord de ses yeux, et ça me serre le coeur. Je ne m'y habituerai jamais. Je ne peux pas supporter de le voir et le savoir malheureux.

– Ça fait plus de trois ans que tu prends soin des autres, que tu es là pour tout le monde. Même quand ta mère était encore là, tu faisais déjà ça. Et je ne peux même pas imaginer à quel point c'est compliqué pour toi de l'avoir perdu, mais je suis persuadé qu'elle aurait voulu que tu avances maintenant. Tu ne peux pas passer ton existence à bloquer les autres parce que tu as peur d'avoir mal, ça arrivera, et je serai là, ta sœur sera là, le reste de tes proches aussi. Tu as encore des années devant toi, il faut que tu essais de ne plus regarder en arrière ou ça t'empêchera toujours d'évoluer.

Louis sait qu'il ne doit pas avoir honte de pleurer devant moi, il laisse les premières larmes rouler sur ses joues, il ne les retient pas et je ne les essuie pas. Elles sont là pour lui montrer qu'être vulnérable n'est pas une faiblesse.

– Tu feras certainement des erreurs, c'est humain, c'est pas grave, ça fait partie du jeu. Elles sont là pour t'aider à remonter la pente, et moi je sais que t'es un bientôt arrivé au sommet. T'es un battant Louis, t'es la personne la plus courageuse et le plus merveilleuse que je connaisse, d'accord ? Il est temps que tu vives ta vie, toi aussi.

Je sais qu'il a besoin d'entendre ces mots, cette vérité qu'il oublie un peu trop souvent, parce qu'il met de côté son propre bonheur pour s'occuper de celui des autres.

– On a notre appartement, t'as le boulot que tu rêvais de faire depuis des années, tu rencontres un garçon franchement sympa et mignon, c'est plutôt un bon début non ?

Un petit rire étranglé sort de sa bouche, il renifle, mais c'est sincère. Et je pense tout ce que je viens de lui dire, il a le droit d'être heureux, depuis le temps que je lui répète, et ce n'est franchement pas trop tôt. Ça fait des années qu'il souffre en silence, parce qu'il ne veut pas prendre trop de place.

Louis ne me répond pas, il est trop bouleversé je crois, les larmes roulent sur ses joues. A la place, il me donne le plus précieux des remerciements, il me serre dans ses bras, plus fort que jamais. Je souris, mes doigts caressent le haut de son dos, il pose sa tête sur mon épaule et je le laisser mouille mon tee-shirt, c'est le moindre de mes soucis.

Avant qu'il ne se recule, j'embrasse le dessus de sa tête. Ses cheveux sentent encore un peu la cigarette. Je lui fais remarquer qu'il devrait peut-être penser à aller prendre une bonne douche, il me donne un petit coup de coude dans la hanche puis se met à sourire.

Il boit son café et termine sa tartine, plus calmement. Je me lève afin de commencer la vaisselle, dans un silence agréable. Mais au bout d'un moment, quand j'ai presque terminé de tout laver, il me demande :

– Et Harry... ? C'est quoi ton opinion de lui ?

Je m'essuie les mains à l'aide d'un torchon puis me tourne vers mon meilleur ami. Il me regarde, les yeux remplient d'espoir, il a besoin de savoir qu'il fait bonne route, et je suis loin d'en douter.

– Je pense qu'il sait t'écouter et te faire sourire, et c'est le plus important.

Il baisse la tête afin de cacher son air heureux, je croise les bras sur mon torse afin de lui montrer que je l'écoute, parce que je sens qu'il veut encore me dire quelque chose.

– Hier, sur le balcon, et même avant, je lui ai parlé de ma mère, et il a toujours su trouver les mots justes... j'ai l'impression que c'est facile d'aborder ces sujets là avec lui, que je peux tout lui dire.

Sa voix est basse, il lève les yeux vers moi à son tour et m'offre un sourire qui me réchauffe le coeur et me rassure. C'est mon Louis que je retrouve.

– Il est spécial, et je dis pas ça juste parce que je l'aime bien, c'est vrai.

– Tu l'aimes bien, hein ?

J'insiste sur les mots pour le taquiner, un sourire en coin sur les lèvres. Même si je sais que c'est la vérité, et il n'avait pas besoin de me le dire, je l'ai remarqué depuis un moment déjà. Il lève les yeux au ciel, mais me donne une réponse des plus sincères.

– Je me suis réellement attaché à lui Zayn, je ne sais pas si ça va trop vite, si je fais une erreur mais...

– Arrête de te poser autant de question, je l'interrompt en secouant la tête, vis l'instant présent. Écoute ton coeur.

Louis inspire, puis se lève de sa chaise. Il prend sa tasse, son assiette, et va les mettre dans l'évier. Je l'observe en souriant, il me dit, sûr de lui :

– Je vais lui envoyer un message, pour l'exposition.

– L'exposition ? Je lui demande, les sourcils froncés.

– Oui, le cadeau que je lui ai offert tu te souviens ? Il m'a demandé de l'accompagner, comme j'avais acheté deux tickets. On doit décider d'une date de séjour ensemble.

– Un séjour, rien que ça.

– C'est près de la mer, j'ai envie d'aller y faire un tour. Alors on va y passer une nuit.

Il hausse les épaules, et se met à faire la vaisselle de son petit déjeuner. J'appuie ma hanche contre le meuble de la cuisine. Il semble presque rayonner d'un coup.

– Louis ?

– Oui ?

– Profite, d'accord ?

Son sourire est communicatif, il acquiesce et je lui ébouriffe affectueusement les cheveux. Il râle un peu, je ris entre mes dents puis rejoins le salon. Je m'allume une cigarette, joue de la guitare dans le canapé. Quand il sort de sa douche et me rejoint, on joue aux jeux vidéo ensemble, une bonne partie de l'après-midi, puis quand on en a assez, il s'installe confortablement dans le canapé pour lire un des livres qu'Harry lui a offert, et je retourne à mes compositions, devant mon synthétiseur.

--Bon, Harry me propose d'y aller du samedi vingt trois Janvier au matin jusqu'au vingt quatre au soir, on a rien de prévu ?

Je m'arrête de jouer afin de l'écouter et tourne sur mon siège vers lui. Il est toujours allongé dans le canapé, le livre ouvert sur son torse et son portable entre ses mains.

– Non, pas que je sache.

– D'accord, je vais vérifier dans mon agenda tout à l'heure. Mais j'aurais pas à poser de jour de congé si on y va ce week-end là, par contre je crois que lui travaille du samedi.

– Il pourra se débrouiller s'il te le propose Louis, t'en fais pas. La période des fêtes est passée en plus, ils devraient être un peu moins occupés.

– C'est vrai. Je vais lui confirmer.

Il pianote sur son portable pendant plusieurs secondes, je l'observe avec un sourire amusé.

– T'es content d'y aller ?

– Oui, vraiment, je ne pensais pas qu'il allait m'inviter. Je sais qu'on aime bien tous les deux la littérature, mais c'était pas une raison valable pour m'imposer... mais je suis vraiment content oui. J'ai hâte d'y être !

– C'est un cadre romantique, une visite d'exposition, une ballade à la mer, tout ça.

Je ris quand il me lance un coussin depuis sa place dans le canapé. Parfois, on se conduit encore vraiment comme des adolescents, mais c'est ça qui est si bien avec Louis, on se prend jamais trop au sérieux, à part quand il faut l'être, et on sait faire la part des choses, s'amuser et être raisonnables aux moments propices. On est pas meilleurs amis pour rien, on se comprend.

– Le vingt trois Janvier... ça paraît loin.

– T'inquiète pas, ça passera bien assez vite quand tu y seras.

Il me sourit, puis on retourne chacun à nos occupations. La soirée se termine ainsi. On dîne devant deux épisodes de série, Louis fait la vaisselle et je vais me laver. Je passe un petit moment à mon synthétiseur, il reste dans le canapé, le livre ouvert sur ses genoux et son portable à portée de main.

Entre deux, j'entends son téléphone sonner pour annoncer l'arrivée d'un message. Et quand je me tourne pour le regarder, son sourire ne quitte jamais ses lèvres. Je crois que Louis n'est pas loin d'enfin y avoir droit à son bonheur.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top