• CHAPITRE VINGT-SEPT •
- Chloé attends, entends-je derrière moi tandis que je m'éloignais.
Alors que je me retourne bien plus vivement que je ne le devrais, je peux observer l'air dévasté de Sam qu'il ne cache aucunement. Des cernes se sont installées le long de ses deux grands yeux verts, lui donnant un air bien plus terrifiant que je n'aurais pu l'imaginer. L'homme d'affaire a à présent troqué son costume d'indifférence pour se vêtir de vulnérabilité et, en ne serait-ce qu'une fraction de seconde, une lueur de sincérité semble traverser ses yeux. Je ne peux cependant pas me permettre de retomber dans un panneau aussi flagrant. En repensant à tout ce qui a bien pu se passer entre nous, ma gorge se serre instantanément.
La feuille de soin toujours présente entre ses mains, celui-ci m'entraine à l'écart du brouhaha constant de l'hôpital. L'envie de lui parler me manque inévitablement mais je devrais au moins écouter ce qu'il a à me dire. Disons que je n'ai tout simplement plus rien à perdre.
Tout en traversant les portes automatiques s'ouvrant sur notre passage, celui-ci prononce :
- Ce n'est pas ce que tu crois. Je ne sais pas ce que Matt a bien pu te dire mais je n'ai jamais rien voulu de tout ça, commence-t-il d'un air désolé.
- Tu n'as jamais voulu foutre ma carrière en l'air ou réduire le peu de confiance que je t'accordais à néant ?
Son regard s'emplit alors de tristesse. Au diable la courtoisie et les rapports de hiérarchie, je ne peux pas laisser passer son comportement égoïste une seconde de plus. Le sang pulse à présent de façon dégénérée dans mes tempes. Comment peut-il se permettre de se servir de son pouvoir de séduction afin de faire passer sa carrière avant celle des autres ? Le monde de la mode est certes sans pitié mais de là à sacrifier une possible place au profit de la sienne !
- Ne dis pas ça...
- Non mais je rêve ! Bien-sûr que je le dis car c'est la vérité, Sam. Tu es directeur général, que veux-tu de plus ? Tu sais très bien à quel point j'en bave rien que pour un stage dans l'entreprise de mon propre père. Tu ne penses vraiment qu'à ton petit plaisir, jusqu'au point d'aller sacrifier une chance qui me revient de droit, crié-je maintenant si fort que les visiteurs me dévisagent.
- Et tu ne penses pas que moi aussi, j'en ai bavé pour être là où j'en suis ? Tout le monde n'a pas la chance de saisir une opportunité comme la tienne. Tu crois que j'en suis arrivé là, aujourd'hui, en claquant des doigts ? Que l'on me paie un bâtiment entier pour y vivre à mon bon plaisir ? Merde à la fin. Je reconnais m'être comporté comme un con mais réveille-toi un peu. Au lieu de pleurer sur ton sort, essaie de rattraper les choses. Je te pensais plus combative que ça.
- Je n'en ai rien à foutre de la façon dont tu peux me percevoir et encore moins de celle dont tu t'es servi pour en arriver jusque-là. Si tu daignais me considérer un peu plus, tu te livrerais davantage au lieu de laisser planer ce semblant de mystère sur ton visage. Tu es ridicule et si tu crois que je vais davantage t'accorder d'importance, tu te mets le doigt dans l'oeil.
Sam tourne en rond comme s'il s'apprêtait à m'assaillir de phrases toutes plus blessantes les unes que les autres. S'il pense pouvoir exercer son pouvoir de domination sur moi comme il l'entend, il se trompe. Il menaçait de me virer alors qu'au plus profond de moi, je sais qu'il n'oserait attiser la colère de mon père. Après tout, il reste l'actionnaire majoritaire de la maison Jones. De lui seul dépend mon sort. Mon patron ne pourra pas ajouter une épée de Damoclès planant déjà au-dessus de ma tête.
Ce dernier se dirige soudainement au sein du bâtiment, tout en passant nerveusement une main sur son visage. Alors que je comptais en faire de même, il revient vers moi sans même prendre la peine de cacher le voile sombre habillant son regard.
- Je sais que ça peut sembler difficile mais tu dois me croire, continue-t-il tout en serrant les poings.
- Mais comment te croire Sam ! Tu aurais beau me sortir toutes les excuses du monde que je ne le pourrais. Alors je t'en prie, garde tes belles paroles pour d'autres.
Celui-ci prend une longue respiration avant de s'assoir sur le rebord de l'enceinte face à laquelle nous nous trouvons depuis maintenant cinq bonnes minutes, tout en relevant légèrement son jean's. Un nombre incalculable de cicatrices apparaissent sur son mollet gauche, semblant encore plus nombreuses que ce qu'il me montre jusque-là.
Une vague de frissons parcourt mon corps. Cette fois-ci, ils ne sont en rien dûs au plaisir. J'ignorais tout de cette facette de sa vie et le sentiment de pitié est le premier apparaissant à son égard. J'ai demandé de l'authenticité et il m'en a donné. Sam n'est peut-être pas si mauvais que j'ai bien voulu le croire mais cela n'efface en rien ce qu'il m'a fait et ce sans aucune pitié, alors qu'il savait pertinemment ce qui se tramait entre nous.
- Mon père était un drogué. Lorsque j'étais petit, il semblait prendre un malin plaisir à me punir en éteignant ses cigarettes sur mes jambes. Et encore, tu n'as pas vu le long de ma cuisse. Alors chacun gère les choses à sa façon, Chloé. Alors à quoi bon se livrer lorsque l'ancre qui est sensée vous guider n'est bonne qu'à casser votre ligne de flottaison ? J'ai réussi à avoir ma place en me battant, constamment. Je n'ai pas toujours été une belle personne mais je ne regrette en rien les moyens que j'ai dû employer pour y parvenir, commence-t-il sans se démonter. Tu voulais de l'honnêteté alors en voilà. Je ne me suis pas joué de toi.
Tout ne devient alors que confusion dans mon esprit. Est-ce encore une de ses ruses pour parvenir à ses fins ? Je me sens bien plus tiraillée que je ne devrais l'être. Sam me plaît d'autant plus qu'il a su faire preuve de sincérité mais la peur de me retrouver emportée dans un flot de trahison me tiraille toutefois. Et puis que pourrais-je bien faire ? Il reste mon supérieur et si mon père venait à l'apprendre, ce serait tout simplement la fin de ce à quoi j'ai toujours aspiré.
- Je suis désolée Sam. Je suis désolée ce qu'il t'est arrivé. Autant que je le suis de ne pas pouvoir passer au-dessus de ce que tu as fait, murmuré-je simplement tout en me dirigeant là où j'ai abandonné Alda.
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