Actus fidei

Autodafé : Traduction du latin « actus fidei » — « acte de foi ».
L'origine du terme vient d'une cérémonie de pénitence publique célébrée par l'Inquisition catholique espagnole ou portugaise au XVe et XVIIe siècle, pendant laquelle celle-ci proclamait ses jugements et qui menait parfois certains condamnés à la mise au bûcher par les autorités civiles.
Par la suite, « Autodafé » fut couramment utilisé pour caractériser la destruction publique de livres ou de manuscrits par le feu.  Ainsi les Nazis procédèrent à de nombreux autodafés en brûlant des œuvres d'arts ou littéraires avant et pendant la deuxième Guerre Mondiale.  Dans l'actualité plus récente, la destruction de certains sites du patrimoine mondial sera peut-être qualifiée d'autodafé dans les livres d'histoires futurs.
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Mais au-delà de l'élimination de toute trace d'une civilisation que l'on veut voir disparaître, existe-t-il une réalité qui puisse expliquer l'utilisation d'un autodafé par une société afin de protéger sa population d'une catastrophe inéluctable ?
Toute vérité est-elle bonne à dire ?  ou à dénoncer ?
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Nouvelle écrite à l'occasion du 4e challenge des Rêves d'Androïdes de @Sayadinah. Juillet 2016.
Bonne lecture !
Gaïa ;)
                                            
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Il a envoyé sa candidature par hasard, après avoir lu l'annonce sur un babillard numérique.  Le temps de poser son doigt sur l'identificateur, l'annonce a ensuite disparu, remplacée par une autre.  Un hasard, un instant de destinée.
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Le patron l'accueille cordialement et le conduit à une grande pièce où s'alignent des cubicules : bureau, fauteuil confortable, clavier, écouteurs et terminaux.
— Voici le vôtre.
Il allume l'écran et tape un code.  Sur l'écran un menu d'invite clignote et attend.

— Tout est expliqué sur la feuille de contrôle, c'est la même que vous avez vu tantôt.  Respectez les consignes et c'est tout.
Il observe à nouveau les consignes sur la feuille près du clavier.
— Je n'ai pas à savoir la signification des chiffres ?  Des couleurs ?
— Vous vous contentez d'entrer les chiffres, selon la couleur.
— D'accord, c'est clair. Mais...
— C'est tout ce qu'on vous demande.
— Entendu.
— On se revoit cet après-midi.  Les consignes ... hum ?
Le patron pointe la feuille collée sur le bureau et remet à son nouvel employé une mince chemise contenant quelques feuillets.
— Initialez chaque entrée dans les tableaux quand elle est terminée.  Vous vous servirez de l'identifiant fournis ce matin pour entrer dans l'accueil du programme et de votre empreinte numérique pour authentifier votre travail.  Est-ce que c'est clair ?
Il jette un œil aux feuillets.  Des tableaux avec des noms de fichiers.  Une case à parapher sur chaque ligne.  Il y a environ cinquante lignes par feuille, une dizaine de feuilles, donc cinq cents dossiers à survoler en une journée... du gâteau pour le salaire et les conditions... il tape vite.
— Ça me va. C'est compris.
— On se revoit cet après-midi, vers 17 heures.  Vous devez avoir terminé ce dossier, car demain on vous en donne un autre qui se rajoute à celui-ci, s'il n'est pas complété...  Allez, bonne journée.

Il s'assoit, son supérieur quitte la pièce.
Il a été surpris d'avoir été choisi....  Le destin.   Il a besoin de ce job.  C'est inespéré.  Il se rappelle les paroles du directeur à son accueil d'embauche : « Nos employés sont choyés vous verrez. Votre rendement déterminera la paye. »
Il a bien l'intention d'avoir un rendement optimal.  Il s'installe au terminal, lit la première ligne du premier feuillet.  À l'écran, il ouvre le dossier correspondant.   Des données de différentes couleurs s'affichent.   Il s'applique de son mieux : jaune, il garde ; orange, il classe dans un autre tableau ; rouge et bleu, il élimine.

Le premier fichier est complété.   Il active la compilation des données et attends que le système lui confirme l'exécution des consignes.  Un premier message lui parvient en caractères orange :
< Données transférées>
Puis en jaune :
<Données intégrées>
En rouge :
<Données éliminées>
Un certain temps d'attente, puis en bleu :
<Données éliminées>
<Veuillez confirmer (O ou N) : ... >
Le curseur clignote.  Il tape O.
<Votre identifiant : (xxx-xxx-xxx enter) : ... >
Il pianote son identifiant, appuie sur la touche d'entrée.
<Veuillez apposer votre empreinte >
Le curseur clignote.   Il regarde le lecteur d'empreinte près du clavier.  Après l'entrevue de ce matin, un relevé de son index et de son pouce ont été pris.  Fermement, il appose son doigt sur le lecteur.   Ce geste est comme une signature.  Une lumière rouge scanne la peau.   L'écran s'efface.
<Feuillet 345wc - Entrée suivante (code ZZ-xxx) : ... >

Voilà, la procédure est complétée pour la première ligne.  Il regarde l'heure sur le moniteur... Quinze minutes !  Il doit faire plus vite.   Il pose ses initiales sur la première ligne du premier feuillet, puis il entre le code de la ligne suivante.
La boucle recommence ainsi durant tout l'avant-midi.   Il s'active sur son clavier, la souris cliquette comme des maracas.  Son esprit se vide de ses pensées mais devient plus habile et anticipe le temps de réponse de l'ordinateur.  Il se prend au jeu, tentant de faire chaque ligne du dossier plus vite que la précédente.  La course contre le curseur.

Lorsqu'un carillon feutré retentit et qu'il entend des pas autour de lui, il reprend conscience des lieux.  Son terminal passe en mode protection : le logo "Actus fidei "  flotte en sinuant dans la surface de pixels.   Il se lève et constate que les employés se dirigent vers la sortie.  Les visages sont neutres, les yeux vides et fixes d'avoir été captés par l'écran durant tout l'avant-midi.  Il est le dernier à emboîter le pas à ses collègues.  Derrière lui, la porte se referme et les lumières se tamisent.  Il entend un loquet qui s'active et une lumière rouge s'allume sur le pas de l'entrée.
Il se retrouve dans la cafétéria : l'atmosphère est feutrée, on entend peu de conversation.  Seulement quelques bruits d'ustensiles dans les couverts et les déplacements des usagers qui prennent place à de longues tables où les attendent un couvert déjà dressé.  Il s'assoit et admire la nature du repas.   De la vraie nourriture accompagnent les quatre comprimés réglementaires.   Tout en appréciant la texture et le goût succulent de ces aliments qu'il n'a pas goûtés souvent depuis sa naissance, il prend conscience du confort de cette salle.  Ses voisins sont assez éloignés de lui et il n'a pas de vis-à-vis : les convives n'occupent qu'un coté des tables.  Cela donne de l'espace pour se mouvoir et de la tranquillité mais diminue les échanges avec les voisins.  Un homme passe devant lui pour remplir son verre d'eau fraîche.  N'ayant pas bu depuis le départ de son logement, il trouve l'eau très agréable et rafraîchissante.  De plus, elle est d'une limpidité incroyable !  Il commence à manger en observant autour de lui ses collègues qui mastiquent méthodiquement leur petite assiette en algues lyophilisées.

Il termine son repas en grignotant l'assiette, lorsque, devant lui, accompagné d'une paire d'oreillettes, un écran surgit de la surface de la table.  Il y voit un choix de lectures, de vidéos ou de films.  Il choisit un film et, heureux de ce traitement, il se concentre sur l'histoire choisie.

Après un temps qui lui parait bien court, les écrans noircissent, un timbre feutré retentit, les gens rangent les écouteurs et les écrans disparaissent dans la table.   Il se lève avec les autres pour revenir vers la grande pièce dont la lumière est au vert et la porte ouverte.   Il reprend sa place, son terminal est réactivé et l'invite à inscrire son identifiant, il reprend là où il s'est arrêté.

Le manège des données reprend.
Il s'investit à fond.  Se concentrant, comblant la colonne de ses initiales sur les feuilles.  Autour de lui, aucun mouvement sauf un préposé, habillé de blanc, qui passe parfois avec un dossier dans la main pour se rendre auprès d'un des terminaux.  Il l'échange contre le dossier du technicien qui se remet au boulot.

À 17 heures, son supérieur est devant son cubicule, alors que l'écran se referme de lui-même.   Il est surpris du temps qui a filé.  Autour de lui, les employés se lèvent, leur dossier à la main.  La plupart le dépose en sortant dans un interstice qui l'avale avec un bruit feutré.  Certains cependant, le remettent à un préposé qui attend à la porte les mains tenant des séries d'enveloppes blanches.  Le dossier est glissé dans l'enveloppe sur laquelle l'employé appose son doigt qu'il a imbibé d'encre noire.  Certains trempent leur doigt dans l'encre rouge.   Ces-derniers quittent, l'air dépité.

— Vous avez terminé ?
Il regarde les feuillets, il lui en reste deux à compléter.
— Non, il y en a trop.
— C'est ce que vous devrez finir chaque jour.  Beaucoup font cette charge et même plus en une journée.  Mais, demain, vous ferez mieux.  Suivez-moi.
Il le précède, lui fait tremper le doigt dans l'encre rouge pour en marquer une enveloppe qui reçoit le dossier incomplet.  Il explique :
— Travail standard entièrement fait, vous l'insérez dans la fente du classeur automatique.   Étampe noire sur l'enveloppe : Surplus effectué – vous recevrez un bonus.  Rouge : travail incomplet.  Si vous avez une enveloppe, vous la recevrez le lendemain, en vous présentant à l'accueil, ainsi que le dossier quotidien.  Des questions ?
— Qu'arrive-t-il si je ne réussis pas à reprendre le retard ?
— Vous tenez à ce job ?
Il opine de la tête.  Un travail à ce salaire, loin de la chaleur et de la poussière, oh que oui il y tient !
— Donc, vous devrez reprendre tout retard dans la semaine, sinon, c'est terminé !  On vous accorde la première semaine d'essai.  Mais dès la seconde, vous êtes considéré comme un vétéran... aucun retard hebdomadaire toléré.
— Et si j'accumule plusieurs enveloppes au timbre noir ?
— Vous terminez votre semaine avant les autres pour le même salaire ou vous accumulez un bonus sur la paye.  À vous de voir.  Ça vous va ?
— ...Oui.
— À vous de jouer. On se revoit vendredi.
Un bref signe de tête du supérieur lui indique qu'il peut quitter.  Il donne l'enveloppe blanche tatouée de rouge au préposé, puis sort de la pièce qui est maintenant vide de ses employés.  La porte se referme et le voyant passe au rouge.  En quittant l'immeuble, il constate que tout le monde a déjà déserté les environs.  L'air chaud et poussiéreux l'attaque alors qu'il relève son foulard sur sa bouche, referme son manteau et remonte son capuchon pour se protéger de la chaleur suffocante et des bourrasques de vent qui le picotent de ses millions de grains de sable.

Il est heureux de s'engouffrer dans l'automabus qui arrive en glissant sur son rail pour le ramener chez lui.  De son doigt rougit sur la plaque, il paye son transport et s'assoit.  Le véhicule reprend son trajet dans la lumière hésitante de sa première journée de travail.
Il est quand même satisfait.   Il travaille.  Il est à l'abri dans cet immeuble moyennement climatisé en banlieue.  Il aura un salaire.

Il a tôt fait de regagner son logement.   Lorsqu'il arrive devant chez lui, ses réserves pour les repas du lendemain sont dans le coffre de livraison devant la porte.  Il récupère le petit paquet rond en ouvrant l'accès d'un rapide coup de doigt.  Il secoue ses épaules du sable qui s'y est accumulé puis entre chez lui.
À sa petite table face au mur, avec un petit verre d'eau brumeux, il avale ses quatre comprimés. Il repense au repas du midi... quel luxe !  Il s'étend sur sa couchette et songe à sa veine d'avoir ce travail.  Non seulement la paye sera bonne pour la complexité relative de la tâche et il est à l'abri des intempéries, mais il est nourri et peu accumuler des congés ou encore des bonus.  Son esprit s'emporte dans des projets alors que le mur s'illumine pour les informations télévisuelles.  Il les ignore, les yeux rêveurs.
Alors que son émission favorite commence, il se penche vers le mur et tend l'oreille vers le discours de la belle commentatrice aux yeux de pervenche et à la chevelure de feu. Tout le long de son discours, des images se succèdent pour illustrer ses propos et sa voix mélodieuse :

« ... Cette semaine, sur la côte Est on remarque une augmentation du niveau de la mer alors que la pluie est finalement tombée durant deux jours.   Les pluviomètres au sol ont indiqué un taux inégalé depuis un siècle de 3 mm en 48 heures.   De plus, la densité du phytoplancton mesurée est à la hausse et le taux de dioxyde de carbone est passé en deçà des 455 ppm pour cette région.
On remarque que les relevés des bases météorologiques du continent sont de plus en plus encourageants en ce qui concerne la qualité de l'air, l'humidité relative et l'activité photosynthétique des cultures maraîchères.   Ces-dernières démontrent une croissance depuis le dernier trimestre, alors que les spécialistes intensifient les recherches pour remettre prochainement sur le marché davantage de sources fraîches de nourriture.  À ce propos, écoutons le directeur de l'institut de culture Vivo/Vitro :

"Nous devrions prendre de l'avance sur nos prévisions de production, si on se fie aux données fournis par l'agence "Actus fidei''.  La population est appelée à être patiente : nos efforts et nos sacrifices ne sont pas vains.  Depuis plus de cent ans que nous attendons de bonnes nouvelles, nous y sommes. "
Comme vous pouvez le constater, c'est encourageant !
Passons maintenant aux résultats de rugby dont la Grande Coupe s'est déroulée dans le stade souterrain de la ville de ... »

Il n'écoute plus, les yeux étourdis par trop d'écrans, la tête bourdonnant de chiffres, de ces données dont on parle si gaiement et qui proviennent de l'organisme d'analyse et de diffusion pour laquelle il est si heureux de travailler.   Il s'endort en rêvant de yeux turquoise comme l'océan du passé.

****
Les jours, la semaine, le mois, l'année passent.

Il devient habile, rapide, efficace.  Ses doigts volent sur le clavier, les données sont classées à un rythme effréné.  Il accumule les étampes noires sur ses enveloppes.  Il les transforme en boni qu'ils empochent allègrement.   Dans son coffre de livraison, il récupère une fois par semaine, une tranche de céréales en barre et une bouteille d'eau claire qu'il déguste le vendredi soir devant la belle présentatrice aux yeux couleur d'un ciel antique.
Son travail lui plaît pour ses bénéfices, malgré la routine, car ce qu'il entend de l'évolution du climat et de la biosphère démontre de l'avancée des efforts pour réussir à rétablir les écosystèmes.  Ce qu'il fait comme travail est important et la renommée de l'agence Actus fidei est indéniable.  Il n'a pas l'occasion de s'en vanter souvent, étant plutôt du type solitaire, mais il a pu constater la lueur d'envie qui brillait dans les yeux de son interlocuteur à la seule mention de son employeur.  Le prestige en rejaillit sur lui.  Il en est fier.

****
Sa voisine de terminal, depuis un an maintenant, n'est plus aussi performante.   Elle a changé. Alors qu'elle était efficace et rangée, elle a eu deux étampes rouges cette semaine.   En ce vendredi, alors qu'il entame la cinquième feuille de son deuxième dossier de la journée, il l'entend soupirer et peiner devant son clavier.   Elle renifle et maugrée. Avant même la pause du midi, d'un pas rageur, elle se lève vers la sortie, un dossier chiffonné à la main.  Un contrôleur vient à sa rencontre pour lui demander de reprendre sa place.  Le ton monte, ils se bousculent quelque peu.
— Lâchez-moi !  Enlevez vos sales pattes de là !  Je veux avoir des explications !  D'où viennent ces dossiers, ces chiffres, ces données ?
Le patron entre dans la pièce et tente de la raisonner.  Elle éclate en brandissant le dossier dans les airs :
— C'est du mensonge !  Une mascarade !  Un leurre !
Elle avance entre les terminaux, le contrôleur murmure des mots dans un communicateur alors que le directeur, bras croisés, observe d'un air attristé le comportement de son employée.  La femme poursuit en se glissant entre les cubicules et en s'adressant aux techniciens, qui tentent d'ignorer son esclandre et de compléter leur dossier de la journée.

— Vous ne voyez pas ce que vous faites ?  Regardez ces données, ces chiffres que vous flanquez à la poubelle, ceux que vous versez dans d'autres dossiers ou ceux que vous conservez tel quel... Avez-vous vu le titre de votre poste... Non ?  Cherchez-le... il n'y est pas !  Mais moi, je l'ai vu !  Par hasard, par erreur.  Un bug de terminal...  depuis une semaine.  Je suis « océanographe climatologue » !   La blague !  Je travaille pour une «firme de recherche sur la côte», selon ce que j'ai lu.  Moi !!  Moi qui pianote ces chiffres depuis plus de six mois à m'en écarteler la rétine.

Elle arrive près de lui et le regarde dans les yeux avec un regard exorbité, le front en sueur, elle s'adresse à lui comme aux autres :
— Vous voyez les informations, ces beaux discours de progrès et de rétablissement à la normale, de retour de l'air plus sain et de l'eau qui retombe du ciel...  Ce sont nos chiffres qui disent cela ! Ces chiffres que nous classons en petits codes de couleurs avec notre signature digitale pour rendre le tout officiel.  Nous participons à une vaste mascarade de données !
Il lève les yeux vers elle.  Se superpose la silhouette de la belle présentatrice aux yeux de ciel et à la voix d'espoir.  Qui est-elle, cette technicienne qui a perdu le rythme, pour oser dire que sa belle rousse ment ?  Le monde va mieux !  Sa bouteille d'eau pure du vendredi le prouve.  Sa barre céréalière aussi.  Bientôt, tout le monde pourra en avoir.  Mais il faut travailler pour cela, le mériter.

Le directeur fait un signe aux trois contrôleurs qui viennent d'entrer.  Ils se joignent au premier et se dirigent vers la femme.  Elle les aperçoit et commence à zigzaguer entre les cubicules tout en continuant son discours invraisemblable, les yeux larmoyants.  Ils finissent par la diriger vers la sortie.   La porte se referme, la lumière est rouge.

Les techniciens sont incertains, alors que la plupart se replongent dans leurs colonnes de chiffres.
— Nous reprenons le travail, déclare le directeur en bloquant le terminal de la femme.  Je suis désolé de cette interruption.   Cette dame vit des moments difficiles, nous en avons été informés.  La direction prendra les dispositions pour lui obtenir de l'aide rapidement.

Doucement, les lieux retrouvent la quiétude des cliquetis des claviers et des souris.  Un doux parfum d'épices embaume la pièce alors qu'un vent frais et léger est dirigé vers les terminaux.

Il redevient serein et concentré.
L'heure du repas sonne.   À la cafétéria, le repas les attend.  Chacun s'assoit.  En regardant son menu, il y trouve une barre de céréale et un quartier d'orange.  Une femme en blanc vient remplir son verre d'eau glacé.  Alors qu'il porte à ses lèvres le liquide rafraîchissant et pur, il ne peut que se redire à lui-même que tout va bien... et tout va mieux.

Lorsque l'écran émerge devant lui, il choisir de regarder en différé les reportages de sa reporter aux yeux de pervenche tout en savourant son quartier d'orange ensoleillé.
« Hum, que l'avenir est bon » pense-t-il en enfilant les écouteurs pour se faire bercer par la voix mélodieuse.

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Note concernant les deux images de couverture :
http://www.without-link.com/works/vernichtet/

Cadres anciens calcinés et graphite sur bois noir Vernichtet  (terme allemand signifiant «destruction »)
« Le 27 mai 1943 une colonne de fumée s'élevait avec persistance de la terrasse des Tuileries. Elle ne disparut qu'avec le crépuscule et le black-out. Des servants entretenaient ce bûcher avec des soins attentifs qui semblaient participer au rituel d'un sacrifice. Une sentinelle en armes surveillait la scène et en empêchait l'approche. »

Rose Valland, Le Front de l'art : Défense des collections françaises : 1939-1945, Paris, Plon, 1961, p. 178.

C'est à cet autodafé commis par les forces d'occupation nazies en plein centre de Paris, au cours duquel disparurent « environ cinq ou six cents  tableaux modernes », conduits au bûcher par un camion militaire, que se réfère cette œuvre.

Les cadres calcinés, non identifiés ou numérotés, rappellent cette volonté de nier l'existence même de ces œuvres, jugées dégénérées en raison de leur auteur, de leur propriétaire ou de leur style. Il est ainsi possible d'imaginer, grâce à la consultation de documents, les compositions désormais disparues signées André Masson, Erich Heckel, Max Ernst, Pablo Picasso, Salvador Dali ou Yves Tanguy que les débris représentent. Plus tard, ce fut des livres qui furent brûlés en autodafé par les nazis.

Ceci rappelle d'autre lieux, où la vie de 1,1 millions d'humains s'arrêta alors ... aussi au nom d'un acte de foi.

L'autre image:
http://static.lexpress.fr/medias_10439/w_1520,h_855,c_fill,g_north/v1432538961/vue-aerienne-partielle-de-la-cite-antique-de-palmyre-dans-le-desert-syrien-prise-le-13-janvier-2009-1_5345047.jpg

2015-2017 L'antique cité de Palmyre, plus de 2 000 ans d'histoire de l'humanité réduite en partie en décombres par le front islamiste qui y exécute aussi publiquement près de 280 personnes qui habitaient ou ont tenté de protéger les lieux.

Ce ne sont que des tableaux, des rochers...

L'histoire...
de celle qui se déroule sous nos yeux de par le monde, celle de ceux dont la vie brusquement s'arrête.

Nous sommes... l'histoire.

Autodafé... Actus fidei... Acte de foi.

La voix que nous entendons est-elle trop douce et rêveuse ?

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