Chapitre 57
« Seth, passe-moi la branche qu’on a ramassée, s’il te plaît ! »
Mon petit ami scruta un instant le tas de bout de bois que nous avions de côté et me lança un regard perplexe.
« Laquelle ? »
Mais quel incapable. Je levais les yeux au ciel.
« Celle dont tu as gratté le lichen, tout à l’heure… soupirai-je. Sois un peu plus attentif. Je suis sûre que là où ils sont, Nate, James et Nora ont presque fini la base.
- Ce n’est pas ma faute si Alex et Holly ne sont toujours pas revenus de ta mission mousse. »
La mission mousse, pourtant, était d’une importance capitale. Toute bonne cabane avait son tapi de mousse pour assurer un confort maximum et l’assurance d’une humidité protectrice en cas de forte chaleur. Et la consigne de notre dernière activité était claire : pleine canicule, une nuit dans une forêt inconnue. Il nous fallait donc une cabane résistante, dans un endroit sécurisant qui nous protégerait d’une attaque d’animal et de la chaleur.
C’était Holly qui avait trouvé l’endroit parfait. A l’orée de la forêt, à quelques pas du spot qu’avaient choisi nos amis, il y avait cette pierre qui sortait de terre. Les fondations de la cabane étaient presque toutes trouvées. Il fallait juste renforcer tout ça. Et c’était à peu près là que le génie en cabane Green était intervenu. Mes camarades, conscients qu’ils étaient d’avoir affaire à une experte, comprirent que je dirigerais les travaux et nous avions efficacement reparti pour les tâches pour être dans les premiers à terminer notre habitat.
« Et puis, Robinson Crusoé, il n’avait pas de mousse, dans sa cabane… insista Seth qui n’approuvait pas ma décision et qui s’était évertué à la critiquer depuis qu’Holly et Alex étaient partis en chercher.
- Pas faux, mais Robinson serait mort si Vendredi ne l’avait pas aidé et je suis ton Vendredi, donc tu te tais et tu me passes la branche que je t’ai demandé.
- Ce n’est plus du travail d’équipe ! grogna mon voisin et me jetant un regard noir. C’est de l’esclavagisme !
- Oh, eh ! Je t’entends ! »
Il rit. Et son rire restait le plus beau son du monde. Si nous n’étions pas en compétition contre le reste de la classe, je l’aurais peut-être embrassé.
« En vrai, ça fait combien de temps qu’ils sont partis, Holly et Alexander ? demandais-je en m’épongeant le front avec ma manche.
- Aucune idée, releva Seth en me tendant le bout de bois que je lui avais demandé. Pourquoi ?
- Bah, c’est long quand même… ils pourraient s’être perdus ?
- Alex et Holly ? s’esclaffa doucement Seth. Ce sont des boussoles humaines ! Même avec des aimants collés aux basques, ils retrouveraient leur chemin les yeux fermés. »
Seth me sourit, attrapa ma main libre (de l’autre, je tenais cet espèce de bâton gourdin qui devait me servir à caler notre porte d’entrée) et m’attira contre lui.
« Si tu es inquiète, on ira les chercher d’ici dix minutes.
- Hm. »
Il m’embrassa le sommet du crâne et retourna trier les pierres qu’il avait ramassé une vingtaine de minutes plus tôt. Songeuse, je jetais un coup d’œil à la forêt. Les bois étaient joliment éclairés par la lumière du soleil. Ils n’avaient clairement pas ce côté film d’horreur, contrairement à ceux qui entouraient Blueberry’s Harbour. N’empêche que plus le temps s’écoulait, moins je parvenais à me rassurer. Tess avait parlé de ces voyageurs qui étaient tombés dans des trous creusés par la nature ou de ces bêtes sauvages qui attaquaient les randonneurs non-avertis. Evidemment, elle l’avait fait autour du feu de camp, la veille. Mais ne savait-on jamais ? Pierre qui roule n’amasse pas mousse et peut-être la vérité allait-elle éclater au grand jour et la disparition de nos amis révélerait que la colonie se trouvait en réalité sur un cimetière indien.
Comment ça, j’en fais trop, Josiane ?
Excuse-moi d’avoir de l’imagination. Je suis une créative, moi-madame. Une Serdaigle !
Evidemment que j’ai de l’imagination…
« Carly ! »
Je sursautais, presque surprise parce que la réalité me rappelait brutalement.
« Qui ? Quoi ? Quand ? Qui est mort ? »
J’étais nez à nez avec Seth et nous nous échangeâmes un regard interloqué.
« On a raté trois appels d’Alex, m’informa-t-il quand je voulus bien cesser de l’admirer.
- Comment ça ? »
Un peu plus surprise que je ne l’étais déjà, je fouillais dans ma poche arrière. Effectivement, l’écran de mon téléphone indiquait que j’avais manqué une série d’appel de notre ami.
« Il est en vibreur, pourtant… marmonnai-je, un peu déconfite. C’est bizarre que je ne l’aie pas entendu…
- Oui, surtout qu’il était dans ta poche.
- En même temps, si tu ne m’avais pas percuté de plein fouet cette fois-là, je n’aurais peut-être pas eu autant de problème pendant l’année avec !
- Pardon, madame. Je le rappelle, de toute façon. »
Seth, qui n’avait que faire des misérables coups que j’assénais désespérément à son épaule, s’éloigna d’un pas et composa le numéro d’Alex. Au bout d’une paire d’interminables secondes, mon petit ami se tourna vers moi.
« Il ne répond pas. »
Encore mieux.
« C’est bon, je vais dans la forêt ! décidai-je, comme si j’allais me jeter en sacrifice.
- Je viens avec toi… se moqua-t-il. Je ne voudrais pas qu’on passe plus de temps à te chercher qu’à trouver Alex et Holly.
- Si je n’étais pas inquiète pour nos amis, je t’aurais tellement fait la misère… m’agaçai-je. »
Nous contournâmes la pierre dressée, délaissant notre cabane à la merci de tous, pour nous enfoncer dans les bois. Contrairement à ce que je pensais, nous n’eûmes pas à marcher beaucoup. Alexander était presque à notre hauteur. Il portait Holly sur ses épaules, tenant d’une main tremblante les baskets de notre amie.
Paniquée, je courus vers eux.
« Qu’est-ce qui s’est passé ? m’enquis-je en constatant que l’amérindienne était pâle comme un linge, presque fébrile.
- On ramassait de la mousse, comme tu nous l’avais demandé…
- Près du ruisseau ? s’inquiéta Seth, lui aussi à notre hauteur.
- Vu comme Holly est trempée, je pense que tu sais que oui, répondit Alex d’un ton un peu sec. »
Patient, Seth ne s’offusqua pas que son meilleur ami lui parle si abruptement et lui attrapa doucement les baskets de la jeune femme des mains.
« Et ? le pressai-je alors que nous touchions presque à l’orée de la forêt. Seth, ton portable fonctionne… appelle Finnigan et dis-lui qu’on a une urgence. »
Seth s’éloigna et Alex reprit le fil des évènements.
« Holly a trouvé quelque chose dans la ruisseau et a voulu le ramasser. Elle s’est coupée, c’était un bout de verre.
- Il n’était pas poli par le courant ? remarquai-je, surprise parce que je me souvenais des bouts de verres que nous trouvions parfois sur la plage de Blueberry.
- Il n’y a pas vraiment de courant, vu le niveau d’eau. Bref, elle s’est coupée et surprise, elle a glissé en avant.
- J’étais pieds nus… murmura Holly dont la voix était fatiguée. »
La connaissant, elle qui ne supportait ni la douleur, ni le sang, elle avait dû pleurer silencieusement une partie du chemin. Peut-être la raison pour laquelle elle semblait au bout du rouleau.
« Mes pieds sont directement tombés sur les bouts de verre… »
Et d’un signe de tête, elle m’invita à constater l’ampleur des dégâts. Sur la voûte plantaire se dessinait des entailles plus au moins profondes dans lesquelles scintillaient parfois des morceaux de verre brisés. Je retins un haut le cœur.
« On va te soigner ! la rassurai-je. Ça va aller ! »
Seth revint vers nous alors que nous étions de retour à notre cabane.
« J’ai eu Finnigan. Il a le 4x4, il arrive. »
Nous eûmes effectivement le temps de déposer Holly contre la pierre dressée et de la rassurer un peu que nous entendions déjà le bruit d’un moteur. Nous n’avions pas marché loin pour trouver l’endroit parfait pour la cabane et le chalet de Tess devait être à un petit kilomètre de marche. Alors en voiture, ça ne devait pas être très long de nous rejoindre.
Et effectivement, quelques secondes plus tard, Emett freinait brutalement et descendait de la voiture sans couper le moteur.
« Vous montez tous ! ordonna-t-il. Alex, tu vas m’aider à installer Holly sur le siège avant. »
Puis il grimaça quand il aperçut les pieds d’Holly.
« Ma pauvre ! Tu ne t’es pas ratée ! souffla-t-il. Heureusement, Tess était infirmière avant d’ouvrir le camp. Elle saura quoi faire ! »
Puis il se tourna vers moi, fouilla dans sa poche et me tendit une paire de clef.
« Carly, quand on arrivera, est-ce que tu peux monter dans ma chambre ? J’ai une trousse de secours dans ma commode… et vu la tête des pieds de ta camarade, elle ne sera pas de trop pour compléter le stock de ma sœur. »
Attrapant les clefs, comme investie d’une mission divine, j’acquiesçai solennellement.
« Je serais aussi vive que l’éclair ! le rassurai-je. »
Il m’adressa un sourire rassuré.
« Très bien. En voiture, maintenant ! »
OoOoO
Qu’est-ce qu’avait dit Emett ? Que sa trousse de secours se trouvait dans le tiroir de sa commode ? Un peu paniquée, je finis par réussir à ouvrir la porte de la chambre de mon professeur. Ça me faisait bizarre d’entrer dans un endroit comme celui-là. Il avait grandi ici, du moins, y avait passé la plupart de ses étés. Cette chambre, c’était un morceau de sa vie et il m’autorisait à fouiller dedans, du moins, dans la mesure où je cherchais pour lui le kit de premier soin.
La commode ne fut pas compliquée à trouver. A part un lit et un petit bureau, il n’y avait pas grand-chose que je puisse confondre avec le meuble. Un peu pressée, je jetais les clés sur le lit pour avoir les mains libres et j’ouvris le premier tiroir. Des pulls, des t-shirts, un pantalon de très mauvais goût mais pas de kit. Fermant un peu trop vite le tiroir, je faillis m’y coincer un doigt.
Du Carly tout craché, hein ? devait se dire la petite Josiane en secouant tristement la tête. Eh oui, ce n’était pas aujourd’hui que, comme par magie, j’allais devenir douée.
J’ouvris le second tiroir. Celui-ci était un peu moins bien rangé que le précédent. On aurait dit ce coin de ma chambre où je planquais tout ce qui n’avait pas trouvé sa place sur mes étagères. Des cadres, des photos, des trousses, des livres et…
« Enfin ! m’exclamai-je à voix haute, toute contente. »
Mes doigts se refermèrent sur une petite boîte blanche avec une croix verte et une étiquette qui disait : « premiers secours ». L’extirpant sans gros problème, je la posai soigneusement sur la commode pour fermer le tiroir avec plus de douceur, histoire qu’à la fin de cette journée, il n’y ait qu’Holly de blessée.
Puis mon regard fut attiré par ce qu’il y avait en dessous de la boîte. J’hésitais. Ce n’était clairement pas dans mes habitudes de fouiner, mais j’avais reconnu sur une photo cette boulangerie où nous allions prendre le thé, de temps en temps, à New York. Je jetai un bref coup d’œil à la porte. Personne ne passait dans le couloir. J’avais trouvé la trousse de premiers secours assez rapidement. Ça ne tuerait personne que je regarde le cliché de plus près.
Retenant mon souffle, consciente que j’entrais dans une sphère du privé que je n’aurais jamais explorée si quelqu’un avait été là pour m’en empêcher, je sortais la photo du tiroir. Elle avait été pliée juste après Emett. J’y reconnaissais sa sœur, mon professeur et…
Je me sentis un peu bête. Le temps d’un instant, j’essayai de me raisonner. C’était amusant comme une simple photo pouvait faire battre mon cœur. Mais, si elle datait de l’époque où Emett vivait à New-York, alors peut-être qu’il y avait ma mère dessus. Et si elle était là, alors j’avais une chance de voir mon père.
Et ce serait la première fois que je le rencontrerais.
Mes doigts tremblants finirent par agir d’eux-mêmes alors que tous les voyants de mon esprit clignotaient rouges. Josiane devait être en train de s’arracher les cheveux de stress. Je m’en moquai pas mal. Ce serait peut-être la seule photo que je verrais de lui.
Une fois dépliée, je reconnus immédiatement la seconde femme sur l’image. C’était Sam. C’était elle. Elle me ressemblait, peut-être un peu plus fine que moi, mais je me reconnaissais presque. Un peu fiévreuse, je cherchai sa main du regard. Elle tenait celle de quelqu’un. Il y avait cette anneau, autour de son index soigneusement manucuré. Celui qu’elle portait parfois en collier et qu’elle m’avait promis, à mes dix-huit ans, parce que c’était mon bijou préféré. Je reconnus son jumeau sur l’index qui enlaçait avec ses semblables les doigts de Sam. Mais il n’y avait pas d’autre homme, sur la photo. Il n’y avait qu’Emett. Emett, ma mère et sa sœur. Emett et ma mère, main dans la main, s’échangeant ce regard complice que j’avais parfois avec Seth. Emett et ma mère.
« Carly ? m’interpella une voix grave, un peu paniquée. Carly, est-ce que tu as trouvé la… »
Il me fallut un temps pour tourner la tête vers le chambranle de porte. Emett me dévisagea silencieusement, comme figé d’effroi devant sa découverte. Je n’aurais pu dire lequel de nous deux était le plus perturbé. Son regard fixa une première fois ce que je tenais dans la main avant de revenir à mon visage.
« Je cherche mon père sur la photo, murmurai-je sans trop reconnaître ma voix. Mais je ne le trouve pas.
- Je peux tout t’expliquer, Carly… me répondit Finnigan en s’approchant doucement, les mains tendues vers l’avant. »
On aurait dit que j’étais une sauvage qu’il fallait prendre avec des pincettes.
« Où est mon père sur la photo ? insistai-je froidement. »
J’avais l’impression que mon monde s’était arrêté de tourner.
« Carly, je… »
J’eus un petit hoquet, comme si mon repas tentait de s’échapper, mais pas du bon côté. J’avais l’impression d’être une idiote. Une petite conne qu’on avait menée à la baguette sans trop de mal. Une gamine crédule à qui on avait fait gober les pires mensonges.
« Tu sais ce que je ressens ? m’enquis-je la voix tremblante, sans parvenir à dévisager un homme qui était tout à coup devenu un inconnu à mes yeux. Tu sais ce que ça me fait de le comprendre comme ça ? »
Emett secoua la tête.
« Je me sens tellement désabusée… soufflai-je. Par ma mère. Et par toi. »
Il tendit une main un peu hésitante vers moi, comme pour me toucher l’épaule. L’idée qu’il puisse entrer en contact avec moi me révulsa et je me décalai brusquement d’un pas en arrière.
« Vous m’avez menti, poursuivis-je, sentant bien que j’allais craquer et qu’il me fallait un échappatoire maintenant. Tous les deux. Aies au moins le courage de me dire ce que tu es vraiment pour moi ! »
De colère ou par provocation, je shootai de toutes mes forces dans la commode. La photo m’échappa des mains et la trousse de secours bascula par terre, s’ouvrant brusquement alors que les instruments qu’elle contenait s’écrasaient sur le sol dans un concert de bruits métalliques.
Emett resta planté là, à rien dire. Il regarda les ciseaux, le sparadrap et la photo. Il ne releva même pas les yeux.
« C’est bien ce que je pensais… murmurai-je, furieuse. T’es beaucoup trop lâche pour assumer tes erreurs. »
Et parce que ce n’était pas encore assez pour moi, je claquai le second tiroir le commode et redonnai un coup de pied dans la boîte au sol. C’eut à peine l’effet escompté et mon professeur cilla.
« Mais putain ! m’écriai-je. Dis quelque chose ! »
Emett resta de marbre, ce qui eut le don de me pousser dans mes derniers retranchements. J’eus une seconde d’hésitation et les larmes commencèrent à dévaler dans mon cou. L’attrapant par les manches de son pull, je le secouai de toutes mes forces.
« Allez putain ! le suppliai-je entre deux sanglots. Je te faisais confiance. J’avais vraiment envie que ce soit toi, putain ! Et toi, tu le savais depuis le début, hein … ça explique tellement de choses ! Mais parle à la fin ! Dis-moi pourquoi t’es parti ! Dis-moi pourquoi tu m’as laissée ! »
Je crus que j’allais m’étouffer. L’air ne parvenait plus correctement à mes poumons. Je n’avais été qu’une seule fois dans cet état.
« Tu me connaissais même pas ! abandonnai-je finalement, quand mes bras ne purent plus le secouer. Mais t’as pas été mieux que maman, sur ce coup-là. T’as fait qu’entretenir son mensonge et essayer de me repousser. Et ça fait encore plus mal. »
Des pas résonnèrent dans le couloir. Réalisant mon état, je libérai le pull de mon professeur de mon emprise et me décalai.
« Bah putain… murmurai-je. »
Je perçus la voix de sa sœur, entendis dans ce concert de bourdonnements étranges, l’écho d’une discussion inquiète entre Tess et Alex.
« J’imaginai pas que tu réagirais comme ça, la première fois que je te verrais vraiment… avouai-je. J’crois que je préférais quand je ne savais pas qui tu étais et le plus triste, c’est que je ne peux m’en prendre qu’à moi-même. »
Rassemblant le peu de dignité qu’il me restait, je sortis de la chambre d’Emett avant que les autres ne parviennent à notre hauteur. Je les entendis m’interpeller dans le couloir et consciente que je ne voulais pas les croiser dans cet état, je fis comme si je ne les entendais pas.
***
Hello ! Comme vous pouvez le constater, nous y sommes. ET EN PLUS, il n'y a pas de bannière. Je suis point chez moi, je me fais des coups de soleil sur le pied, donc je n'arrive pas à mettre de bannière. Mais bon, le plus important, c'est le texte non ?
Qu'en avez-vous pensez ? Il vous a plu ? Je sais que le retournement de situation peut faire cliché et je pense que je ne me cacherai pas de l'être. Dans la toute première version de Carly, Emett était aussi son père mais ce n'était pas justifié. Là, j'ai vraiment essayé de retravailler cet acte qui vient clore ce récit et j'espère vraiment que vous le trouverez à la hauteur malgré ce petit côté "cliché" !
Prenez soin de vous (et de vos pieds s'ils sont au soleil),
Elwyn.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top