❁ 17. Mission infiltration ou pas...
____CHAPITRE 17____
-Pam, Pam, Pam !!! Est-ce le bruit d'une arme ou des battements de mon cœur ?-
❁___Adriana___❁
25 décembre - 21h05
PARIS - FRANCE - SALLE À ENCHÈRES.
Je jette un dernier coup d'œil au miroir devant moi qui se situe dans les toilettes de ce grand bâtiment après m'être changée. Le costume est parfait et si réaliste que l'on dirait une vraie dame de ménage en plein travail. Une blouse bleu terne, des gants de caoutchouc jaune et un foulard noué autour de mes cheveux roux. J'ai même des lunettes à monture épaisses pour compléter le déguisement.
Bien que la transformation est parfaite et que je ressemble à une femme de ménage parmi tant d'autres, mon cœur bat la chamade à l'idée de me rappeler de ce que j'ai à faire bientôt.
Le plan est simple, en théorie. Pénétrer dans le bureau de Ryle Carter, un homme si puissant qui peut me réduire à néant en un clic - mais ce n'est qu'un détail - et récupérer les dossiers compromettants qu'il conserve dedans.
Je pousse la porte du couloir et avance d'un pas stressé vers l'ascenseur. Mon faux badge réalisé par les coéquipiers d'Aaron passe inaperçu. Je rentre dans l'ascenseur en évitant les caméras de surveillance, bien qu'Aaron avait dit que ses coéquipiers allaient supprimer les données. Je retiens mon souffle jusqu'à ce que les portes se referment. Une fois à l'intérieur, je relâche la pression et prends appui aux parois de l'ascenseur. Le bureau de Ryle se trouve au 3e étage. Un étage où seules les personnes autorisées peuvent entrer. Bien évidemment, je ne suis pas inclus dedans.
Quelques secondes plus tard, les portes s'ouvrent sur un étage illuminé par des lumières blanches. Je sers mon chariot de nettoyage et avance lentement en observant chaque recoin du couloir immense. Personne n'est là, à l'horizon.
Je me dirige vers le bureau de Ryle. J'essuie ici et là quelques surfaces pour ne pas éveiller les soupçons si quelqu'un me voit. Une fois devant la porte je sors un passe-partout de ma poche et la serrure cède avec un déclic discret. Enfin, je rentre en m'assurant qu'il n'y a personne et referme la porte derrière moi.
Le bureau est vaste, avec des étagères remplies de livres marrons presque noirs et des dossiers soigneusement rangés.
Je ne m'attarde pas sur ce que je vois, je sais exactement ce que je dois trouver. Aaron me l'a dicté dans la salle de bains il y a quelques heures. Le bureau est devant moi. Le trésor que tout le monde recherche pour anéantir l'ennemi est ici, sous mes yeux.
Le coffre fort. Sous le tableau d'art représentant une femme nue, allongée presque évanouie sur un lit, décoré de draps bordeaux.
Je me précipite vers le tableau, l'écarte pour révéler le coffre fort. J'ai mémorisé le code d'après les informations données par le réseau. Si ma mémoire est bonne tout devrait bien se passer. Le suspense m'est insoutenable.
Je prends donc une bonne respiration et je pose mes mains gantées sur les touches à numéros. Mais le bruit sec de la porte du bureau s'ouvre brusquement ce qui me fait sursauter. Je remets maladroitement le tableau en place.
Pitié, pas ça... Pas maintenant...
Je me retourne, le cœur battant la chamade et mes prunelles se posent sur un homme dans l'encadrement de la porte. Il me regarde avec des yeux écarquillés, ce que moi, je ne laisse pas paraître pour ne pas éveiller les soupçons.
— Que faites-vous ici ? demande-t-il dans un français parfait que je peine à comprendre avec les bases que j'ai pu apprendre la veille de notre départ en France.
Je ne perds pas une seconde et ajuste mes lunettes avant d'adopter mon plus gros jeu d'acteur.
Quelle honte. Je vais vraiment tuer Aaron de m'avoir foutu dans cette merde sans fin.
— Oh mon Dieu, je suis désolée ! Je... je crois que je me suis trompée de bureau. Ils m'ont dit de nettoyer celui-ci, mais je pense que c'est une erreur !
L'homme en face de moi fronce les sourcils en comprenant que je ne suis pas d'origine française. Et quand je pense qu'il va me laisser seule une fois pour toute, il commence à me parler en anglais. Fais chier.
— Vous avez une autorisation pour être ici, à cette heure ?
Je fouille frénétiquement dans mon chariot, en sortant un faux ordre de mission qu'on a préparé en cas de besoin. Je le lui tends, les mains tremblantes. L'homme me le prend, son visage reste sans émotions.
— C'est étrange... dit-il.
Je retiens mon souffle. Je dois réfléchir vite avant qu'il ne trouve autre chose à me dire. Peut-être je devrais le convaincre, ou au pire, m'enfuir ?
Soudain, un bip résonne derrière moi. Le putain de coffre vient de s'ouvrir.
C'était un plaisir de réaliser cette aventure avec vous mais je signe mon arrêt de mort dès à présent.
L'homme me fixe avec un regard froid en comprenant aussitôt ce que je fais ici.
— Vous n'êtes pas ici pour nettoyer, n'est-ce pas ? dit-il en sortant un couteau de la poche intérieure de sa veste.
Oula...Tout doux, le loup...
Aaron devait être là il y a quelques minutes. Pourquoi il n'est pas là ? Qu'est-ce qui lui est arrivé ? Qu'est-ce que je fais ici ? Toute seule, encore, devant un homme qui peut me tuer à tout moment ?
Mierda, je savais que c'était une mauvaise idée. Je savais que je n'aurais pas dû accepter ça !
Le temps semble ralentir autour de moi. Je me jette rapidement sur le chariot, attrape une bombe de nettoyage que j'asperge directement dans les yeux de l'homme en face de moi. Il crie de douleur et laisse tomber son arme blanche contre le sol.
Partir ou accomplir le plan ?
Partir ou accomplir le plan ?
Partir ou accomplir le plan ?
Et puis merde, mieux vaut mourir comme un héros !
Je profite donc de ce petit moment pour bondir vers le tableau, le retirer et ouvrir le coffre fort déjà ouvert pour en saisir le seul paquet de dossier situé au milieu d'un tas de billets français. J'entends l'homme jurer entre ses lèvres. Mes mains tremblent, sont moites mais elles saisissent le dossier. Dieu merci.
Quand je me retourne, je pousse un cri, l'homme en face de moi me saisit brutalement par le poignet et me force à me rapprocher de lui. Ses doigts se resserrent douloureusement sur ma peau.
Je tente de le dégager mais il me pousse violemment contre le mur. Ses lèvres s'étirent en un sourire méprisant.
— Tu penses pouvoir nous berner, hein ? Petite garce...
Il glisse une main sur ma joue. Un geste qui me dégoûte au plus au point et qui me ramène à des souvenirs lointains que je tente d'oublier depuis très longtemps. La violence dans son regard me pétrifie. Et l'espace d'un instant, je sens la peur me submerger et monter en moi.
Pitié, où est Aaron ? Il devait me rejoindre au bout de quinze minutes. Me dit pas qu'il s'est retrouvé coincé dans les toilettes et qu'il... ARGH Adriana, ce n'est pas le moment !
— Tu vas sagement me suivre et raconter à tout le monde qui tu es. Si t'as un peu de chance tu t'en sortira qu'avec de simples blessures corporelles.
Il glisse une main sur ma joue. Un geste que je ne peux pas éviter. La haine dans son regard me pétrifie. Mes mains gantées se placent sur le mur sombre derrière moi ce qui l'incite davantage à s'avancer sur moi et à saisir ma mâchoire d'une seule main.
— Ou bien le patron peut faire une petite exception non ? Tu m'as l'air de bien aimer le danger, petite garce.
Je déglutis, ma main gantée se pose sur le pan de sa veste et je tire voulant attirer son intention autre part que mes lèvres tremblantes de peur. Mais avant qu'il puisse réagir, un bruit sourd résonne derrière l'homme en face de moi.
Dites moi que c'est Aaron et pas un adversaire...
L'homme tourne la tête et fait pivoter son corps gardant tout de même sa main serrée contre ma mâchoire. Je vois apparaître Aaron, dans l'encadrement de la porte, rapidement suivi de notre garde du corps.
Je l'avais carrément oublié lui. Au moins, il est plus utile qu'une paire de chaussettes dépareillées...
La chemise blanche d'Aaron est froissée et ses boutons sont ouverts. Son costume vert olive est presque retiré. Son visage quant à lui est déformé par la colère. Il avance rapidement. Les mouvements d'Aaron sont rapides, dangereux, il ne se contrôle pas.
Avant que l'homme ne puisse faire quelque chose, il lui fout un poing dans la mâchoire, le prend par le col et le tire vers lui posant ensuite ses mains d'une part et d'autres sur son cou. Sans chercher à comprendre, il l'étrangle de toutes ses forces.
— Qu'est ce que tu lui as fait, espèce de salaud !! gronde Aaron d'une voix qui me fige sur place.
L'homme, à la cicatrice sur le dessus du sourcil, lutte, essaie de se libérer de l'emprise d'Aaron, mais celui-ci ne le relâche pas pour autant. Ses doigts fermement ancrés autour du cou de l'homme resserrent sa prise. Ses muscles se tendent par la rage sous sa chemise et son costume. Et même sous cette fausse barbe, je vois apparaître la mâchoire serrée de l'homme qui est censé être mon faux mari.
— Vous allez bien ? demande Allian à ma droite mais je suis incapable de détourner mon regard de la scène qui se produit sous mes yeux.
— Aaron, arrête tu vas le tuer... On ne doit pas laisser de trace derrière nous, pour le bien de cette mission...
Et surtout pas un corps...
L'homme se débat encore quelques secondes, ses yeux sont injectés de sang par le produit que je lui ai projeté il y a quelques minutes. Ses yeux se révulsent. Sa résistance s'affaiblit, son visage devient livide et ses mains s'agitent frénétiquement.
Dans une vaine tentative de se libérer, les mains d'Aaron se resserrent. Il ne coopère pas. Il ne m'écoute pas. Il est comme partagé entre le réel et l'irréel. Qu'est ce qu'il fait bon sang ? Si personne ne l'arrête, il va tuer cet homme. Et si nos ennemis apprennent la disparition de leur coéquipier, nous allons avoir des ennuis gigantesques.
— Aaron, arrête toi, merde ! Qu'est ce que tu fais !?
Je tente de m'en approcher mais Allian m'en empêche.
— Lâchez-moi !! je hurle si fort qu'il me relâche, surpris.
Je me précipite vers Aaron et pousse son corps si bien qu'il libère l'homme et tombe contre le parquet.
Je tourne mes yeux vers l'homme à la cicatrice au sol et découvre ses mains aplaties contre le parquet. Le silence retombe dans la pièce, aussi lourd qu'un désert. L'homme est effondré au sol, inconscient ou mort ?
Je lève les yeux vers Aaron et découvre un tout autre homme devant moi. Ses yeux sont rouges. Ses pupilles sont noires comme le charbon mais son teint est fade. Sa barbe a presque été arrachée. Sa chemise est presque déchirée et ses poings sont encore serrés. Il tente de reprendre un souffle correct et quand il pose ses prunelles sur les miennes, elles s'adoucissent par inquiétude.
— Est-ce que ça va, Adriana ? demande-t-il en se rapprochant de mon corps.
Ses mains viennent doucement toucher mon visage pour vérifier que je ne suis pas blessée.
Qu'est-ce qu'il fait au juste ? Tout à l'heure, il était presque en train de tuer un homme et peut-être même que c'est déjà fait.. Et là, son but, c'est de voir si je vais bien ?
Il n'est pas dans son état normal. Je le vois bien à ses yeux. Ils sont si différents que d'habitude. Ils ont l'air si envoûtés par quelque chose...
— Je suis désolé de ne pas être arrivé plus tôt...
— Il est vivant, il respire encore, intervient Allian ce qui me soulage un peu.
Pourtant je reste sans émotions devant l'homme qui est censé être mon mari. Il se tient à quelques centimètres de moi. Son regard a quelque chose de terriblement anormal. Ses pupilles sont dilatées, presque noires, presque dangereuses par le combat qu'il a mené mais lequel au juste ?
J'ai déjà vu ce genre de regard et cela me frappe en plein fouet. Des hommes et des femmes consomment de la drogue et deviennent comme ça. Comme Aaron.
— Aaron... Qu'est ce qu'il s'est passé ? murmuré-je.
Il reste silencieux, ses yeux ancrés toujours sur les miens. Mais ils ne sont pas en colère contre moi. Aaron a juste honte de me répondre. Ou sa langue s'est perdue dans les oubliettes.
Ses mains tremblent légèrement, un détail que je n'ai pas vu depuis le début. Soit à cause de son attitude récente ou soit car il vient d'étrangler un homme à main nue.
— Tu es drogué... je dis finalement, ma voix se brisant sous mes mots.
— On m'a drogué. Je ne l'ai pas voulu. Nous avons tout fait avec Allian pour arriver à temps et te retrouver.
Il détourne le regard, gêné de regarder le mien. Une boule d'angoisse monte dans ma gorge tandis qu'il se relève du parquet.
Alors il a été drogué ? C'est pour ça qu'il n'a pas gardé son self control en voyant cet homme si proche de moi. Son instinct et ses pulsions ont agi avant même qu'il réfléchisse.
— On doit partir avant la fin des enchères. Ne perdons pas de temps. Allian, prend le corps, il faut trouver un endroit où le mettre, répond-il en remettant sa chemise et sa veste en place malgré les déchirures.
Je calme mes tremblements de mains et me relève mécaniquement. Je vois Aaron prendre le dossier, l'enrouler et le ranger dans la poche intérieure de sa veste. Une fois fait, il me demande de le suivre, ce que je fais sans broncher.
Le vrai Aaron m'aurait tenu le visage jusqu'à paniquer pour voir si je vais bien. Celui devant moi est étrange presque sans émotion. Je sens d'une part une colère profonde m'envahir. Celui qui hurle de se rebeller pour m'avoir mis en danger sans que je sois réellement préparé. Et l'autre côté de moi en veut à Aaron et Allian de ne pas avoir été là quand j'avais besoin d'aide... Mais il a été drogué pas vrai ? Il s'est retrouvé entre le réel et l'irréel et peut-être même à se battre contre ses démons intérieurs.
J'avance dans les couloirs du bâtiment, mon cœur battant à tout rompre. Je retire mes gants de ménage et mon foulard avant de les foutre dans mes poches.
Derrière nous, Allian porte le corps lourd et inconscient sur son épaule gauche. À mesure que nous approchons du parking, je me sens anxieuse. J'ai peur de voir un homme surgir de nulle part, pointer le bout de son nez et nous crier dessus pour avoir eu l'audace de toucher leur coéquipier.
Le parking est grand, plonge dans un noir seulement teinté par des lampes au plafond. Nos pas résonnent dans l'immense espace. Tout semble beaucoup trop calme. C'est trop calme. L'air est froid, une odeur de béton et d'essence flotte dans le parking.
Allian se tourne vers nous, son regard observe les environs avant de nous regarder.
— Je vais brouiller les pistes, dit-il. ( Par "piste", je déduis qu'il parle du corps. ) Continuez jusqu'à la voiture, je vous rejoins dès que possible.
J'acquiesce sans un mot. Aaron hoche simplement la tête et me prend délicatement la main. Mon anxiété se réduit un petit peu. Je me sens presque en sécurité, du moins, je pense.
Il me tire et cherche notre voiture parmi les dizaines de lignées de voiture plus ou moins luxueuses.
Enfinnn ! Cinq bonnes minutes plus tard nous la trouvons.
Alors que nous sommes à quelques mètres de la voiture, les roues d'une autre voiture glissant sur la surface du parking résonne. Je lève la tête. Là, un véhicule fonce à une vitesse folle vers nous. Et même sous le bruit du moteur, j'entends un cliquetis métallique à peine audible mais suffisant pour faire écho dans le parking et dans mes oreilles.
Je m'arrête net, mes yeux s'écarquillent. Ce son... Je le connais. Le déclic d'une arme...
Dans l'ombre de la voiture en mouvement, je distingue deux hommes, l'un sur le côté conducteur et l'autre sur le côté passager. Je vois leur cagoule sur la tête mais je vois aussi leur regard sûr et confiant. Ils ne sont plus qu'à quelques mètres de nous. Je suis aveuglé par la lumière des phares lorsque le premier signe de danger jaillit. Un bruit assourdissant d'une détonation éclate. Je me fige, incapable de bouger. Je suis littéralement pétrifiée.
Et tout se passe en une fraction de seconde...
J'entends Aaron me hurler de bouger, signe de me baisser mais il réagit avant même que je bouge d'un pouce. Il tire mon poignet vers lui, puis me prend dans ses bras et se place violemment contre moi, son corps s'interposant entre les deux individus et le mien.
Le coup de feu retentit : puissant, brutal et sourd. Je ressens l'impact résonner dans mes oreilles à travers le corps d'Aaron. Le choc me projette en arrière. Je trébuche sous la force de l'impact et me cogne contre une voiture.
Le corps d'Aaron tombe lourdement sur moi. Un grognement étouffé s'échappe de ses lèvres.
Le monde autour de moi semble se rétrécir, se réduire, m'engouffrer à ce moment précis. La douleur qui me traverse quand je m'aperçois qu'Aaron vient de se mettre devant moi pour me protéger de ces individus me serre le cœur...
Je vois flou. Mes larmes inondent mes yeux quand je place mes mains sur le dos d'Aaron. Son sang se répand tout au long de son dos. Cette chaleur... Ce liquide chaud qui se pose sur mes mains. Ce sang. Son sang...
— Aaron ! Non, non, non...
Ma voix se brise en un sanglot désespéré. Je lutte pour me dégager, pour voir son visage coincé au creux de mon épaule et comprendre ainsi l'étendue des dégâts.
Le poids d'Aaron sur moi, son souffle court et erratique et ce liquide chaud qui se pose sur mes mains me font basculer. Je m'écroule sur le sol. Les mains d'Aaron glissent le long de mon dos et s'abattent sur le sol.
— Aaron... Aaron... !
La voiture qui a vu l'opportunité de tirer sur nous s'est volatilisée, laissant seulement place à mes cris, mes pleurs et aux gémissements de mon mari.
La panique me submerge. Il vient de se prendre une balle à ma place... Mes mains se referment sur lui, cherchent désespérément à le maintenir debout et à le guider contre le rebord d'une voiture lambda. Le sang commence à s'infiltrer dans ses vêtements. Je le sens. Je suis paralysée, pétrifiée. Jamais je n'ai touché une aussi haute quantité de sang.
Je le sens glisser dans mes mains comme du sable doux s'échappant entre mes doigts. Mon cœur s'arrête et mon souffle se coupe.
— Non... Non... Aaron ?!! Non...
Quand je place Aaron contre le rebord d'une voiture, je pose mon regard larmoyant sur son visage et j'éclate en sanglots. Les mots déchirants brûlent ma gorge. Avec le peu de force qu'il a, il parvient tout de même à relever la tête et à croiser mon regard.
Il s'est sacrifié pour moi. Il l'a fait alors que je le méprise. Alors pourquoi je pleure en le voyant comme ça ? Prêt à mourir ? Cette vue me tue l'âme.
— Pourquoi ? Pourquoi as-tu fait ça ?
Ma voix se brise telle une vitre que l'on détruit.
Ses mots sont entrecoupés par sa faible respiration.
— Je ne te laisserai pas... Je te protégerai, quoi qu'il arrive, je l'ai promis à tes parents en signant ce contrat, murmure-t-il.
— Non... ne dis pas ça... Ne me laisse pas... Je t'en supplie, Aaron, reste avec moi...
Les larmes brouillent ma vue et coulent librement sur mon visage, retirant le maquillage de cette soirée virée à l'échec. Mais je m'en fiche. Pour n'importe quelle échange j'aurai tout donné, tout échangé pour prendre sa place. La culpabilité de l'avoir laissé se mettre devant moi pour me sauver de cette balle dressée à moi me ronge.
À qui ai-je des comptes à rendre ???
C'est de ma faute. Tout est de ma faute. J'aurais dû être plus rapide, plus forte, plus à l'écoute.
Les yeux d'Aaron papillonnent. Son regard se pose sur le mien avec une douceur étrangement tendre qui me frappe en plein cœur.
— Parce que... je ne pouvais pas te perdre, tu me procures bien plus que ce que tu penses... Je n'aurai pas supporté le fait de... de te voir ainsi...
Chaque mot est un effort pour lui mais il continue de parler. De me dire à quel point je compte pour lui ce qui me fait culpabiliser au plus au point...
— Je suis désolée... je suis désolée...
Il tente de lever la main, ses doigts tremblent légèrement. Bien qu'on peut se le dire, les doigts d'Aaron sont propres, si propres qu'on dirait que tout cela n'est qu'une illusion mais la réalité se trouve sur son dos.
— Ne sois pas... désolée..., dit-il dans un souffle plus court, plus faible.
Un sourire triste s'étirent sur ses lèvres avant qu'il n'effleure mon visage du bout de ses grands doigts.
— Tiens bon, je t'en supplie... je marmonne.
Mon cœur se serre davantage. Comment ai-je pu mettre cet homme, inoffensif, drogué, et sans puissance dans cet état ?
Je dois me battre jusqu'au bout. Pour lui.
— Tiens bon, s'il-te-plaît tiens bon...
Contre toute attente, l'une de ses mains se pose sur mon crâne et glisse dans mes cheveux bruns.
— Adriana... répète-t-il comme pour s'assurer que je suis bien là.
Il se bat pour rester en vie. Il se bat pour moi... Pour moi.
— Je suis là, Aaron... Je suis là.
Chaque mot est une lutte sans fin.
— Je voulais te protéger, j'ai toujours... voulu le faire depuis que nos regards se sont croisés... sur ce balcon...
« Il me demande mon prénom avec une pointe d'anticipation dans sa voix.
— Adriana Gonzalez, je réponds, mais appelez moi Mlle Gonzalez. Nous ne nous connaissons pas encore assez pour cela.
Je le vois retenir sa petite frustration. Il pince ses lèvres et tape du pied. Je me tourne à mon tour et croise son regard.
— Et vous, comment vous appelez-vous ?
— Vous le saurez quand nous serons plus proches, il me répond, me laissant ainsi dans le mystère le plus total. »
Aaron... C'est son prénom et il m'a protégé d'une balle.
Mon cœur tambourine si fort qu'il est sur le point d'exploser. Une vague d'émotion me submerge. Instinctivement, je glisse une main dans ses cheveux en bataille et les caresse doucement.
— Ça n'a jamais été pour l'argent... ça a toujours été pour toi...
— Je le sais... Je l'ai toujours vu.
— Si je devais... me remettre devant toi pour...
Sans réfléchir, je me penche vers lui et pose mes lèvres sur les siennes. Mes larmes glissent le long de mes joues. Ce baiser est fragile, empreint de désespoir que même Aaron peine à suivre. Mais je sens son corps se réchauffer, la douceur de ses lèvres et sa larme qui passe sur la commissure de ses lèvres me rendent fébrile, plus que je ne le suis déjà...
Aaron répond faiblement, ses lèvres s'effleurent contre les miennes, comme pour la première et la dernière fois. Je ressens la pression de sa main dans mes cheveux se relâcher doucement. Je me recule enfin.
Il m'observe faiblement, ne dit rien, comme si un simple mot pouvait détruire ce moment. Et honnêtement, je ne sais pas pourquoi j'ai agi comme ça... Il fallait que ça se fasse. Il fallait que ça se produise.
Je le ramène vers moi et le prends dans mes bras, pour le serrer et ne pas le laisser seul dans sa misère. Mon corps est secoué par de nombreux sanglots si bien que j'essaye de faire disparaître ce que je viens de voir : les lèvres d'Aaron se teindre peu à peu et sa bouche extirper du rouge que je crois reconnaître du sang...
J'aurais dû être plus vigilante. J'aurai dû le protéger. Il souffre à cause de moi. Si je n'étais pas là, il serait toujours debout, en un seul morceau.
Alors que je me bats pour le garder dans mes bras, une silhouette familière apparaît dans mon champ de vision. Allian court vers nous, son arme à la main droite toujours en cas de danger. Mais le danger, c'est moi à présent...
— On doit le transporter immédiatement, dit-il d'une voix sûre mais chargée d'inquiétude.
Il prend rapidement en charge la situation sans perdre une seconde. Ses yeux se posent vite sur les miens. Puis sa main range l'arme. Enfin, il soulève le corps d'Aaron avec précaution. Ce dernier grimace de douleur mais il ne se plaint pas et se contente simplement de serrer les dents.
Sans attendre, je me lève et je les suis. Mon regard reste focalisé sur Aaron. Aaron. Aaron. Aaron. Seulement Aaron et son visage.
Chaque pas me ramène dans une angoisse plus que grandissante. Les parkings deviennent ma nouvelle phobie. Je crains de voir un autre ennemi surgir de nulle part. Mais comme avant l'incident, tout est calme... C'est comme si Ryle n'était au courant de rien...
Après avoir atteint la voiture, Allian ouvre la portière arrière et installe Aaron aussi doucement que possible. Ce dernier coopère, laissant son ex faire le travail.
Quand je monte dans le véhicule et m'installe à côté d'Aaron, je le vois affaibli, sans parole, sans ce petit sourire qu'il me décroche à chaque fois qu'il me voit. À la place, je vois du sang, un visage pâle et une conscience qui dérive entre le réel et l'irréel, la vie et la mort.
— Tiens bon. On va t'emmener à l'hôpital.
— Non... Pas l'hôpital... Appelle le médecin... murmure-t-il, son visage près du mien.
Je ne comprends pas de quel médecin il parle, mais Allian comprend, hoche la tête, attache sa ceinture, baisse le frein et appuie sur l'accélérateur.
Pendant ce temps, je regarde Aaron et mes yeux glissent sur ses lèvres en sang ce qui me rappelle douloureusement ce faible baiser. Ce baiser volé, que je ne peux pas expliquer.
Mais ce que je peux affirmer, là, maintenant, c'est que je ne peux pas le perdre. Pas maintenant. Pas après ce qu'il a pu faire. Pas après ce que nous avons traversé...
-À suivre-
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