14 - Alexandre
Alors que nous sortons de français, j'attends Sasha dans le couloir. Leila passe devant moi sans m'accorder un regard. Cette heure a encore été très longue...
Enfin, je vois Sasha arriver. Il est, comme d'habitude, en grande conversation avec Ava. Quand ils s'arrêtent devant moi, j'adresse un sourire gêné à Ava qui poursuit sa tirade :
– Enfin tu vois, quoi. Elle m'a dit d'éviter d'en parler, mais je te fais confiance.
Elle s'interrompt alors et me jette un regard à la dérobée.
– Bref, j'y vais, Chloé m'attend. A tout à l'heure !
Sasha hoche la tête avec un sourire.
– T'inquiète, à plus tard.
Nous la regardons partir puis je me tourne vers Sasha :
– Qu'est-ce qu'elle te voulait ?
Sasha regarde tour à tour ses pieds puis le plafond, visiblement mal à l'aise.
– Qu'est-ce qui avait l'air si important et secret pour qu'elle ne veuille pas m'en parler ?
– Justement, si elle n'a pas voulu te le dire, je ne sais pas si je peux...
Il soupire.
– Promets-moi de ne le répéter à personne.
– C'est un truc entre vous deux, c'est ça ?
Sasha éclate de rire.
– N'importe quoi ! C'est quelque chose sur Chloé.
– Ah. Et il n'y a que vous deux qui êtes au courant ? Elle n'en a pas parlé au reste de la bande ?
Sasha secoue lentement la tête.
– Comment ça se fait ?
– C'est justement pour ça que je ne suis pas censé te le dire, imbécile, répond Sasha en rigolant.
– Mais comme tu m'aimes trop...
Il faut croire que mon sourire d'ange finit de le convaincre parce qu'il regarde d'un côté puis de l'autre du couloir avec prudence. Quand il s'est assuré que nous sommes seuls, il lâche dans un murmure :
– Chloé est lesbienne.
Cette révélation me laisse sans mots, les yeux écarquillés.
Sasha ricane.
– Alors monsieur le gardien du secret, tu ne le diras à personne j'espère ?
Je secoue la tête, toujours muet.
Sasha sort son téléphone et fait défiler Instagram, un petit sourire aux lèvres.
– Qu'est-ce que t'as ? demandé-je enfin.
Il éclate de rire.
– J'attends que tu te remettes de tes émotions. Mec, t'aurais vu ta tête...
Je soupire.
– Je m'y attendais pas, c'est tout.
– J'ai vu ça, raille Sasha.
– Mais pourquoi elle ne le dit pas à tout le monde ? Je pense que tout le monde s'en fout, elle fait partie du groupe.
Sasha lève brusquement les yeux de son portable et me fixe étrangement.
– Est-ce que tu pourrais m'éclairer sur un point, Alex ?
Surpris, je fronce les sourcils.
– J'imagine que oui ?
– T'es vraiment con ou tu le fais exprès ?
Décontenancé, je lance :
– Que... Comment ça ?
Sasha secoue la tête, l'air désespéré.
– T'étais où jeudi dernier ?
– Jeudi dernier ? répété-je sans comprendre.
– Oui, tu sais, quand Mathis, Noa et Amélia se sont acharnés sur ces deux pauvres secondes simplement parce qu'ils étaient gays.
Aussitôt, le visage de Prune apparaît dans mon esprit. Quand elle s'est énervée en face de moi parce qu'elle trouvait ça affreux. Tu m'étonnes que Chloé ne veuille pas en parler... On peut dire qu'ils n'ont pas été cool envers eux. Et personne n'a cherché à les défendre...
Je m'en veux de ne pas avoir réagi.
– T'as compris maintenant ? reprend Sasha.
Je hoche doucement la tête.
– Donc maintenant, tu vas me faire le plaisir de n'en parler à personne. Même si tu as un cerveau partiellement endommagé, je suis sûr que c'est faisable.
Je ris. Sasha a le don de toujours savoir plaisanter.
– Et t'inquiète pas pour Chloé, a priori, elle va bien. Elle n'a juste pas envie que les gars soient au courant. Et elle n'en veut à personne pour jeudi, promis.
J'acquiesce. J'avoue que ça me rassure un peu, même si je pense que les deux secondes n'ont pas le même avis...
– Par contre, je pense qu'Ava me trucidera quand elle saura que je t'en ai parlé, poursuit Sasha avec une expression horrifiée. T'as intérêt à fermer ta gueule, mec.
Je souris.
Nous marchons dans les couloirs déserts pour rejoindre la cour. Soudain, nous passons devant Leila et ses deux potes, Elena et Mao. Et avec eux, je suis surpris de voir Maël. Qu'est-ce qu'il peut bien faire avec eux ?
Ils ont l'air de s'entendre à merveille : le visage d'Elena affiche une mine réjouie (bon, comme d'habitude, en fait) et ses longs cheveux bruns se balancent au même rythme que ses grandes créoles. Mao, lui, a un petit sourire, tout comme Leila. Visiblement, Maël raconte quelque chose de très drôle.
Dès qu'il nous aperçoit, il s'empresse d'écourter sa conversation avec eux et vient vers nous, sous le regard amusé des trois idiots. Sasha, lui aussi, a l'air de rire de la situation.
– Qu'est-ce qu'ils te voulaient ? demandé-je quand il nous rejoint.
– Oh rien, c'est pour un travail de groupe. Il ne restait plus qu'eux, se justifie Maël.
C'est vrai qu'ils sont dans la même classe.
Sasha éclate de rire. Maël lui jette un regard assassin, tandis que je reste planté devant eux comme un imbécile sans savoir quoi penser.
– Bon, venez, les autres nous attendent, lance Sasha dans le silence gênant qui s'était installé.
Quelques heures plus tard, Sasha, Ava et moi nous dirigeons vers la salle d'espagnol. Je soupire : le prof nous a placés par ordre alphabétique, je me retrouve donc à côté de Leila. Encore. Le lundi est vraiment la pire journée.
– Allez mec, ça va aller, ricane Sasha alors qu'Ava et lui vont s'asseoir côte à côte.
Quelques instants plus tard, mon pire cauchemar débarque. Elle s'installe et sort ses affaires sans un mot. Depuis la rentrée, nous avons appris à nous ignorer royalement.
Le cours commence et, sans surprise, je m'ennuie. D'habitude, je discute avec Lionel, mon voisin de derrière, mais il est absent aujourd'hui. L'heure va être longue.
Au bout d'un moment, n'y tenant plus, je me tourne vers Leila. Elle lève la tête vers moi, surprise.
Je ne sais pas trop quoi dire, mais je préfère encore me prendre la tête avec elle plutôt que de continuer à mourir d'ennui comme ça.
– Qu'est-ce que tu veux ? demande-t-elle brutalement.
Je lève les yeux au ciel.
– J'ai encore rien dit, me défends-je.
– Ça ne saurait tarder, répond-elle aussitôt.
Je soupire.
– Tu te fais tellement chier que t'es prêt à me parler ? Comme c'est touchant, enchaîne-t-elle.
– Oh c'est bon, je veux bien faire un effort. Mais si c'est pour me faire engueuler...
Leila secoue la tête de gauche à droite, l'air désespérée.
– Qu'est-ce que tu veux ? répète-t-elle.
Je réfléchis un instant.
– Qu'est-ce que Maël faisait avec vous, à midi ?
Elle paraît troublée un instant, puis elle se reprend :
– Rien du tout. Il te l'a dit, je pense, Mao, Elena et lui ont un travail de groupe à faire ensemble.
– Il avait l'air bizarre.
– Si tu ne fais même pas confiance à tes potes...
– Si, mais j'ai l'impression qu'Elena rigolait beaucoup si ça ne les arrangeait pas de travailler ensemble.
– Peut-être, je ne sais plus.
Je lève un sourcil, espérant en savoir plus.
– Si tu crois que ça m'enchante d'entendre leurs plans pour leur foutu exposé d'histoire, Alexandre, c'est que tu es encore plus bête que je ne le pensais. Je n'apprécie pas Maël plus que toi.
Je ferme les yeux un instant, me retenant de rétorquer.
– Merci pour vos réponses, madame, je ne vous dérangerai pas plus, lancé-je après avoir rouvert les yeux, une pointe de sarcasme dans la voix.
Leila rit avant de se reprendre.
– Sachez que c'était sans aucun plaisir, monsieur. A jamais, si c'est possible.
Je souris.
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