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Le trajet de l'école était un chouilla trop long pour que je puisse y accéder à pied ni même en vélo, sauf si je voudrais lors des mauvais jours, me prendre les revers de la nature. Tempête, gelée ou autre, non merci. Je devais donc emprunter un des bus écologiques de la ville. Ma nouvelle école restait grande mais largement moins que la précédente. Mon ancien établissement était dédié exclusivement à l'éducation des humains.
Je déposai mon sac sur une épaule et après m'être chaussé, je fis la bise à mon oncle. Cette fois-ci, je sortis par la porte principale et me retrouvai nez à nez avec Milo. L'arrêt de bus n'était pas loin et j'avais omis le fait qu'il soit dans ma classe.
— Salut ! Je te préviens, l'école accueille les rares nouveaux élèves qui arrivent dans l'année d'une façon spéciale mais rien de bien méchant, assura-t-il.
Il commença à me parler mais avec une lenteur qui me laissai perplexe, comme s'il mesurait l'impact de ses mots. Ma main était resté coller à la poignée de la porte, je refermai celle-ci en lui adressant un signe de tête par politesse puis me mit en marche.
Je ne m'étais jamais promenée vers cet endroit mais nous rejoignons le chemin de sable. Il se stoppa un peu plus loin, j'avais déjà vu cet arrêt de bus hier en allant visiter la ville.
Je ne savais pas trop que penser de cet adolescent. Une demande de la part de mon Oncle et pouf, le voilà à me coller. J'espérais qu'au moins son acte de bienveillance était sincère et non pas un charme lancé par Harold. Ce serait bien maladroit de sa part, voire blessant pour moi.
Dans le bus, il m'indiqua deux, trois choses importantes sans entrer dans les détails puisque qu'il m'appris qu'un adulte de l'établissement me fera un bon débriefing. Arrivée là-bas après seulement dix minutes de route, je me raidis soudainement en voyant mon prénom sur un énorme tableau en plein milieu de la grande cour. Il y avait pour inscription : "Chère Pristini Esméralda, nous vous attendons près des poteaux qui soutiennent ceci et bienvenue !"
Je croisai le regard de Milo qui semblait à deux doigts de rire mais se retint pour une raison qui m'échappa, c'était tout honorable de sa part. Oncle Harold qui m'annoncait la mauvaise nouvelle seulement la veille et voilà que l'école en fit des siennes.
— Bon ben à tout à l'heure et bonne sieste Esmé, ça va être d'une ennuie interminable d'entendre notre prof.
Il s'engouffra dans la foule après m'avoir poussé pour m'inciter à avancer vers les enseignants, peut-être était-ce des surveillants, qu'en sais-je. Je n'étais pas un vulgaire nourrisson, je pouvais me débrouiller toute seule et je n'avais pas besoin qu'on me dise quoi faire, son geste m'avait déplu mais je rejoins avec appréhension le petit groupe d'adultes au loin. Une dame vint à mon encontre et sut directement qui j'étais, elle glissa sa main dans la mienne pour me saluer :
— Bonjour Esméralda, je suis ta professeur principale, appelle moi Enola et derrière, c'est l'équipe pédagogique secondaire. Autrement dit, ceux qui surveillent chaque recoin de la zone scolaire. Allons viens, il faut régler quelques trucs puis tu pourras rejoindre tes nouveaux camarades.
Elle me lâcha la main et je la suivis dans l'établissement principal, ceux des cours généraux. À ma grande surprise, nous entrions dans une salle de classe vide aux murs jaunâtres. J'aurai pensé à un endroit classique comme un bureau et même à rencontrer le proviseur mais non. Le secteur de l'éducation sur cette île était décalée du mien au niveau de l'organisation spatiale, celui-là semblait bien plus organisé d'après ce que m'avait dit Milo. Après qu'elle m'eut répété ce qu'il avait déjà pris le temps de m'expliquer, elle aborda un autre point plus sensible :
— Si tu as besoin d'aide et que tu as des problèmes scolaires liés aux élèves qui nous soient invisibles, vraiment, n'hésite pas à nous en parler. Ici, le schéma ne se reproduira pas si tu nous fais confiance, c'est important. D'accord ?
J'acquiesçai sans réelle conviction mais il était vrai que j'étais trop bornée et indépendante pour oser. Peut-être serait-il temps de prendre les meilleures décisions pour moi si le besoin s'en faisait ressentir. Je gardais donc sa proposition dans un coin de ma tête. Elle me parlait encore dix bonnes minutes, l'attente ne fut pas si dérangeante, je n'étais plus trop pressée de reprendre le train de vie d'une étudiante.
Mais il fallut que la sonnerie retentisse pour qu'elle clôtura l'entretien. Elle s'assit près du bureau sur le côté et quémanda d'une voix plus neutre :
— Monte sur la petite estrade, les élèves vont bientôt rentrer et je vais te présenter à eux.
Ils allaient donc tous débarquer ici d'un moment à l'autre. Je ne pus m'empêcher de me faire un sang d'encre alors que le faire ne rimait à rien d'autre ou simplement à augmenter mon angoisse d'un cran supérieur. Milo avait ri face à ma révérence mais que faire hormis être naturelle ? Je pris mon temps pour respirer tranquillement et m'accoudai à une barre métallique juste en dessous le tableau.
Je regardai chaque élève défiler de mon regard imperméable en jetant quelques coups d'oeil à la professeur qui se releva une fois tout le monde entré. J'étais tellement stressée que je me focalisai un instant sur Milo au fond de la classe puis madame Enola coupa court à mes tentatives d'apaisement :
— Voici Esméralda qui vient d'emménager seulement hier donc elle n'a pas eu le temps de prendre ses marques. Je vous dévoue une confiance extrême pour la guider, accentua-t-elle. Quelqu'un aurait-il l'amabilité de l'accueillir comme voisin de classe, s'il vous plaît ?
Personne ne pouvait être plus maladroit que cela à ce moment. Les gens ont souvent une curiosité très poussé pour les nouveaux et je ne pourrais pas répondre à leurs interrogations. Les élèves me prendraient pour une asociable et je risquais au minimum d'être exclus de tous. J'exagérai un peu, Milo ne semblait pas déconcerté par mon refus de parler mais tous n'ont sûrement pas la capacité d'une telle compréhension. Je soupçonnais de plus en plus mon Oncle d'avoir prémédité son coup avec ce garçon, ce qui ne fit d'accroître mes craintes jusqu'à ce que quelqu'un levât le doigt :
— Pourquoi pas !
Je fixai le jeune homme et reposai mon regard sur madame Enola qui tendit son bras pour ordonner d'aller m'y asseoir. Une fois tous les affaires déposées, je jetai un coup d'oeil à mon camarade qui ne semblait pas si bavard que ça. Ce qui ne l'empêcha pas de poser des questions :
— Dit, d'où tu viens ? Et euh excuse, tu n'es pas obligé de répondre mais pourquoi avoir d'emménager en fin d'année ?
Je détournai le regard de lui avec impolitesse et me reconcentrai sur le cours en tripotant le lobe de mon oreille. Après les deux heures de mathématiques, la pression venait de revenir à la normale et je pus sortir plutôt sereinement et même accompagner de Milo.
Une élève arriva derrière moi. Elle vint à ma rencontre et me posa malheureusement une question que j'appréhendai :
— Pourquoi tu ne lui as pas répondu tout à l'heure ?
Le ton prit ne semblait pas haineux et je remarquais que le garçon me regardai interloquée juste derrière cette fille. Je voulus mettre une main à ma gorge pour faire comprendre mais Milo s'interposa de sa voix claire :
— Elle est muette.
Stupéfaite, je tournai mon visage vers le sien et vit un large sourire se dessiner. Pourtant, il devait très bien savoir que ce n'était pas vrai et qu'il venait de proférer un vilain mensonge. Je me remémorai des paroles fraîches qui provenait de lui : "Suis-je bête ! Tu ne veux pas parler", tout était clair.
Mon poing droit lui assena un coup vif dans l'épaule avec retenu et je m'en allai rapidement avant qu'il ne put percevoir le regret dans mes yeux. Je n'avais pas besoin qu'il me serve comme d'un traducteur même si ça partait d'une bonne intention.
Je rejoins la grande cour principale où tous les élèves se retrouvaient puis me posai tranquillement sur un banc vide. Je m'assis en tailleur et attendis sans rien faire. J'avais oublié d'emporter une distraction avec moi en sortant de classe, tant pis.
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